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qu'il n'y a pas pour la vraie liberté de pire fléau que les révolutions.

Si en 1789 le mouvement révolutionnaire s'était contenu, cette halte, cette modération eussent prouvé que les réformateurs étaient en possession de principes justes et d'idées mûres qui devaient porter d'heureux fruits. Les révolutions qui ont agité la France et l'Europe depuis la fin du dernier siècle jusqu'au milieu du nôtre, n'ont que trop témoigné du contraire. Elles ont remis en question et livré aux disputes des hommes tous les principes sociaux. Pas une vérité morale qui n'ait été contestée, honnie.

Ce n'est pas la vérité qui change, mais le cœur de l'homme. Nous ne pouvons plus douter que la chose la plus difficile pour l'homme est de se connaître et de se gouverner. Sur lui-même il tombe dans d'effrayantes méprises qui font le malheur de nombreuses générations. En face de la nature il se trompe moins,

et nous le voyons engagé aujourd'hui dans une série de découvertes et de conquêtes qui finiront par doubler sa puissance.

Là le progrès est certain. En effet des principes généraux unissent les diverses branches des sciences physiques, et cette solidarité nonseulement rend impossible tout pas rétrograde, mais elle est une cause infaillible et incessante de nouvelles découvertes. C'est ce qu'a remarqué avec une incomparable autorité un savant illustre. << Dans chaque époque, dit M. de Humboldt', il y a des esprits faibles disposés à croire complaisamment que l'humanité est arrivée à l'apogée de son développement intellectuel. Ils oublient que par l'effet de la liaison intime qui unit tous les phénomènes de la nature, le champ s'élargit à mesure que l'on avance, et que la limite qui le borne à l'horizon, recule incessamment devant l'observateur. »

1 Cosmos, t. II de l'édition française, p. 359.

Mais par quel pénible et humiliant contraste cherchons-nous en vain, dans la politique et dans la morale, quelque chose de comparable à ces grands résultats? Là, l'homme, au lieu de marcher devant lui et d'avancer d'un pas sûr, retombe sur lui-même pour se corrompre; il s'égare lui et les autres, trouble la société, la pervertit, renverse ce qu'il vient d'élever, et dans une perpétuelle instabilité de sentiment et d'institutions, passe tour à tour d'une excitation fébrile à une entière prostration.

Cependant la liberté moderne, c'est-à-dire l'ordre et l'harmonie de tous les éléments qui composent la société européenne, ne peut s'établir que par le travail de la raison humaine se redressant elle-même, sachant ce qu'elle peut, ce qu'elle ne peut pas, et par cette reconnaissance de ses forces comme de ses limites, s'élevant au respect des traditions de l'histoire et des croyances de la religion. L'intelligence de l'homme se laisse envahir

par l'erreur, mais aussi elle peut la rejeter, et, quand cette séparation est éclatante, on pourrait dire que la vérité se trouve plus glorifiée que si l'homme n'avait pas failli.

Nous nous abusons d'une manière étrange, ou l'Europe en ce moment est occupée à reviser ses opinions et ses jugements. Elle soumet à un nouvel examen les principes et les systèmes sortis du triple mouvement de la renaissance, de la réforme et de la philosophie. A la lumière d'une expérience chèrement achetée, elle contrôle, elle épure tout ce qu'elle avait accepté ou subi. Travail lent et difficile, mais nécessaire au salut de la civilisation; il faut qu'il soit mené à bonne fin, pour que les sociétés puissent espérer un avenir plus heureux et plus pur.

Serait-ce donc trop présumer des forces de l'intelligence humaine que de lui attribuer la puissance de réparer le mal qu'elle a fait? Comme le principe de son activité même la

par

destine à la vérité, elle doit toujours finir y tendre, par s'en rapprocher, si loin que l'ait emportée l'erreur. Malus abstulit error.

C'est ce que de nos jours les révolutionnaires les plus fanatiques semblent pressentir. Ne les avons-nous pas entendus maudire l'intelligence? Cependant, jusque dans ces dernières années, pour défendre et définir la révolution française, on avait dit qu'elle était en principe l'application même de la raison aux affaires et aux intérêts des sociétés. Ce devait être le règne de l'intelligence. Telle est la noble interprétation du génie révolutionnaire qu'avaient adoptée les esprits de bonne foi. Nous en savons quelque chose. Eh bien! aujourd'hui, l'intelligence est répudiée par les soutiens les plus exaltés de la révolution. Dans leurs manifestes, dans leurs bulletins ils déclarent une guerre à outrance à la capacité, aux lumières, à ce qu'ils appellent l'oppression par l'intelligence, qui est, à les entendre, tout

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