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loin d'étouffer les germes de la nationalité hellénique, les fécondèrent. Les peuplades indigènes sentirent leur force; elles se révoltèrent contre leurs anciens dominateurs; entre elles elles eurent des guerres, des alliances; leurs chefs s'illustrèrent en fondant des cités, en agrandissant le culte des dieux. C'est ce qu'il faut considérer de près.

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Origine de toutes choses, la religion est une et diverse comme la nature humaine dont elle exprime les tendances et les passions avec une formidable autorité. L'homme est une force qui a toujours cherché l'appui d'une autre force. Aux prises avec la nature, en face de ses semblables, il a toujours fait intervenir une cause, une puissance pour tout expliquer, pour tout gouverner. Irrésistible penchant, inflexible loi dont il ne peut s'affranchir. Ce n'est pas l'habileté des politiques qui a courbé le front de l'homme devant les images de la Divinité, mais son propre cœur. Naturellement l'homme a craint, aimé, béni, célébré Dieu; puis il l'a maudit

et nié. Mais ni les angoisses du doute, ni les transports du désespoir ne lui font déserter longtemps la voie qui mène au sanctuaire; il y revient; il ne peut secouer le souvenir, il ne peut dépouiller l'idée de Dieu. Cette idée le poursuit: tantôt elle l'épouvante, tantôt elle l'exalte en le délectant, mais toujours elle le possède.

C'est qu'au fond la nature humaine se trouve parente de la divine: Cognata Deo. Spontanément elle s'élève pour la rejoindre: d'ailleurs elle y cherche un refuge. Tous les sentiments conspirent pour former la religion, et c'est cet accord qui fait son empire, sa durée à travers les âgés, sous les climats les plus divers.

La nature, cette force multiple, infinie, qui enserre l'homme, a reçu ses premières adorations. La lumière du soleil a réjoui son cœur, et il l'a bénie. L'astre mélancolique qui rend les nuits lumineuses a été salué comme une divinité bienfaisante, et toute la voûte céleste s'est peuplée de dieux. Que pouvait être la mer avec ses étendues sans limites et le fracas de ses tempêtes, si ce n'est une puissance mystérieuse qu'il fallait adorer incessamment pour qu'elle ne restât pas implacable? Les fleuves

eurent aussi des hommages. Les habitants des airs et des eaux, les animaux qui foulent le sol de la terre, inspirèrent à l'homme, tantôt l'admiration, tantôt la terreur, et ils en furent révérés. Ainsi tous les instincts de l'homme concoururent à diviniser la nature, sa reconnaissance comme son effroi, et les premiers calculs de son égoïsme1 non moins que les premiers élans de son imagination.

L'humanité fournit aussi des dieux. Avec les premiers rapports des hommes entre eux, les inégalités se manifestèrent. Il se révéla des esprits inventifs, des âmes énergiques, des volontés souveraines qui prirent la conduite des sociétés naissan

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Lorsque nous voulons entreprendre quelque affaire importante, disait à Bosman, au commencement du dernier siècle, un nègre de la côte des Esclaves, nous commençons par chercher un dieu qui la fasse réussir; sortis de la maison avec cette pensée, nous prenons le premier être qui frappe nos regards, nous lui offrons notre sacrifice en lui promettant que, si notre entreprise est couronnée d'un heureux succès, il deviendra notre dieu. » Nous n'affirmons pas que, dans le premier âge du monde, le fétichisme fût déjà si raffiné, mais l'interlocuteur de Bosman nóus met sur la trace d'un des sentiments qui ont multiplié les dieux.

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