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CHAPITRE XII.

ATHÈNES. SOLON.

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CLISTHÈNE.

THÉMISTOCLE.

Neuf mille ans avant l'époque où Solon fit ses lois, Athènes excellait dans les arts de la guerre et de la paix. Elle s'illustra par un grand nombre d'exploits; elle résista à une puissance redoutable qui s'avançait pour envahir l'Europe et l'Asie, sortant d'une île fameuse, située au milieu de la mer Atlantique. Réduite à ses propres forces par la défection de ses alliés, Athènes triompha pourtant de ces formidables envahisseurs. Mais plus tard, des tremblements de terre et des inondations engloutirent tout ce qu'Athènes comptait de soldats, et l'île atlantide s'enfonçant sous les eaux disparut.

Telle est la substance du récit mis

par Platon

dans la bouche d'un prêtre de Saïs qu'interrogeait Solon. On connaissait à Saïs l'histoire antédiluvienne d'Athènes, parce que les deux cités avaient été fondées par la même déesse que les Grecs appelaient Anvã, et les Égyptiens Neith. Le prêtre de Saïs donnait pour preuve de cette communauté d'origine la ressemblance de plusieurs des anciennes lois d'Athènes avec celles de l'Égypte. Dans les deux cités les prêtres, les artisans, les pasteurs, les chasseurs, les laboureurs, les guerriers formaient autant de classes distinctes. La déesse avait fondé Athènes mille ans avant Saïs; à l'heureuse température des saisons, elle avait jugé que cet endroit de la Grèce où elle organisait elle-même une société, produirait les hommes les plus intelligents.

Ce mythe n'est pas indigne de l'histoire, car il exprime le sentiment intime de l'antiquité sur le rôle que joua l'Égypte dans les premiers développements de la civilisation athénienne2. Platon, en

1 Timæus, vel de natura.

2 Dans ses Études sur le Timée de Platon (2 vol. in-8, 1841), M. Th. Henri Martin s'est livré sur ce point à d'intéressantes recherches.

écrivant ces premières pages du Timée, savait le plaisir qu'il ferait aux Athéniens; il les confirmait ainsi dans leur orgueil d'autochthones. Il n'ignorait pas leurs répugnances pour tout ce qui pouvait rappeler d'anciennes invasions où ils auraient été incorporés aux conquérants1.

Au reste l'histoire d'Athènes ne commence vraiment qu'avec la trace des influences égyptiennes. Un jour débarquèrent sur les côtes de l'Attique des exilés qui avaient fui les rives du Nil. Ils apportèrent au peuple encore sauvage, qui pourtant ne leur refusa pas l'hospitalité, les notions élémentaires de la société et de la religion, le culte d'un dieu supérieur aux autres, Ζεὺς ὕπατος, la monogamie succédant à la brutale inconstance de l'accouplement, et les premiers principes de l'agriculture. Ils construisirent aussi une citadelle, et pendant que Cécrops leur chef était occupé à la bâtir, il vit à la fois, suivant une tradition, jaillir du sol une fontaine et sortir de la terre un olivier. Pour connaître le sens de ces prodiges, il interrogea Delphes, et l'oracle répondit que Neptune et Minerve

1 Voy. le ch. II.

se disputaient le droit de donner leur nom à la ville qui s'élevait. Cécrops convoqua la société naissante dans une assemblée où les femmes furent admises à voter avec les hommes, et Minerve à la majorité d'une voix, celle d'une femme, l'emporta sur Neptune.

C'est une de ces mille fictions accumulées par les Grecs, et qui souvent pour le même fait se contredisent et enchérissent l'une sur l'autre. Après Cécrops, les traditions désignent pour avoir gouverné les habitants de l'Attique, Cranaüs, Amphictyon, Érichthonius, Pandion, Erechthée. Sans nous arrêter à ces biographies fabuleuses, il est permis de croire qu'il y eut une assez longue époque pendant laquelle, sous l'inspiration de la sagesse égyptienne, l'Attique sortit de la barbarie. C'est alors que les habitants apprirent à confier la dépouille des morts à la terre qu'ils ensemençaient après la sépulture. Ainsi la mère commune des humains, tout en ouvrant un asile à la mort, ne discontinuait pas de donner la vie.

Dans cette société, que ses chefs voulaient modeler sur l'Égypte, il y eut trois classes distinctes: les nobles, les artisans, les laboureurs, et la jus

tice fut exercée par un tribunal qui a laissé dans la mémoire du genre humain un impérissable souvenir. Il y eut dans l'Aréopage un reflet de la majesté de ces juges redoutables qui, sur les bords du Nil, jugeaient les rois après leur mort.

L'Attique ne pouvait pas échapper aux migrations et aux visites des peuplades helléniques qui se faisaient la guerre. Le territoire d'Éleusis fut envahi par une horde de Thraces; après plusieurs combats vaillamment soutenus de part et d'autre, les indigènes consentirent à l'établissement de ces hommes du nord, qui apportaient avec eux le culte et les mystères de Cérès. Chassés du Péloponèse par les Achéens, les Ioniens se réfugièrent dans l'Attique, qui les reçut d'autant mieux qu'elle avait besoin de leur secours pour se défendre contre les Héraclides. Ce fut l'âge héroïque des Athéniens.

L'accroissement de la population amena des changements notables. Sous la direction des exilés de l'Égypte, les habitants de l'Attique avaient réuni leurs habitations en plusieurs groupes : ils s'étaient partagés en douze bourgades, dont cha

1 Pausanias, t. IV, p. 9, éd. Clavier.

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