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Alors, sur les ruines de la vieille légalité, il se fit une coalition involontaire mais féconde du génie oriental transformé par des juifs novateurs, de l'idéalisme grec, et du rationalisme romain. Elle enfanta une religion nouvelle qui s'empara nonseulement des esprits inquiets et tourmentés de l'ancien univers', mais des âmes simples et rudes des barbares victorieux. Voilà les Germains, et nous avons avec leurs mœurs le dernier élément du monde moderne.

Une religion proclamant la nécessité de la douleur, et l'égalité des hommes devant Dieu, des peuples jusqu'alors inconnus se mêlant en vainqueurs à des nations épuisées, amenèrent une nouvelle manière de sentir et de vivre. L'humanité entra dans une voie dont nous n'avons pas encore trouvé l'issue. En effet, le christianisme, le gouvernement représentatif et la philosophie moderne n'ont pas atteint jusqu'à présent la vérité et le bonheur à la poursuite desquels le génie de l'antiquité s'était élancé avec une si ingénieuse audace. Nulle part rien n'est fondé, rien ne paraît durable,

1 Orbis romanus.

et notre siècle, si fier, il y a quelques années, des apparences et des raffinements de sa civilisation, est retombé dans un chaos où l'on cherche avec anxiété les symptômes de l'enfantement. Mais écartons ces préoccupations pour être tout entier à notre sujet, où, du reste, nous retrouverons plus d'une fois, à vingt siècles de distance, les passions et les problèmes qui nous tourmentent.

CHAPITRE II.

DES TEMPS PRIMITIFS. CE QU'ON EN PEUT TIRER.

Buffon ouvre son livre des Époques de la nature par une comparaison entre l'histoire civile et l'histoire naturelle. Il montre la première pleine d'incertitudes, d'erreurs, ne pouvant transmettre que les gestes de quelques nations, c'est-à-dire les actes d'une très-petite partie du genre humain, bornée d'un côté par les ténèbres d'un temps assez voisin du nôtre, ne s'étendant de l'autre qu'aux petites portions de terre qu'ont occupées successivement les peuples soigneux de leur mémoire; au lieu que l'histoire naturelle embrasse également tous les espaces, tous les temps, et n'a d'autres limites que celles de l'univers.

Il est vrai mais si l'histoire naturelle a pour

théâtre l'infini de l'espace, l'histoire civile a pour mobile l'infini de la pensée. Si les monuments et les titres historiques sont restreints et mutilés, la curiosité de l'homme ne connaît pas de limites, et elle se change en une spéculation industrieuse qui cherche à pénétrer jusqu'au premier moment des choses à travers les voiles les plus épais du passé. L'imagination du genre humain a placé au commencement de toutes les histoires une époque de félicité, d'innocence. Quand sous l'irrésistible impulsion de Dieu, l'ordre et la variété eurent transformé la matière, à ce monde si grand et si divers, à cette œuvre d'artiste, il manquait quelque chose, l'homme, que Dieu se donna la peine de façonner lui-même divine origine, attestée par l'intelligence de celui qui fut ainsi créé 1. Ce dernier venu dans la création commença par être heureux et pur toutes les traditions le veulent ainsi.

1 « .... Animal hoc providum, sagax, multiplex, acutum, memor, plenum rationis et consilii, quem vocamus hominem, præclara quadam conditione generatum esse a supremo deo. Solum est enim ex tot animantium generibus atque naturis particeps rationis et cogitationis, quum cætera sint omnia expertia. » M. T. Cicer. De legibus, lib. I, cap. VII.

L'homme vivait sans mauvais désirs, sans con

traintes, sans terreurs, sans lois,

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N'y a-t-il pas autant de naïveté que d'orgueil dans cette image que l'humanité s'est faite de son début sur la terre? Elle était donc bien persuadée que Dieu lui devait le bonheur? Plus tard elle aura d'elle-même des idées moins présomptueuses et moins riantes. Quand elle aura vécu, quand elle aura traversé des siècles de misères et de douleurs, elle se plaindra que l'homme ait été jeté nu sur une terre nue, sans autre privilége que les larmes. sur tout ce qui l'entoure, et qu'il ait cependant la folie de se croire né pour l'orgueil '.

La science a ses élans comme la poésie. Ce n'est pas un vain jeu d'esprit de mettre à côté de la tradition de l'âge d'or, qui date des temps les plus reculés, l'hypothèse, adoptée par des savants contemporains, d'un peuple primitif, source commune de l'humanité. Dans l'hypothèse comme dans la

1 « Heu dementiam ab his initiis existimantium ad superbiam se genitos! » C. Plinii Hist. nat., lib. VII, cap. 1.

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