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CHAPITRE VIII.

CONSTITUTION DE SPARTE.

L'étoffe d'une race vigoureuse, des transformations profondes opérées par le temps, la puissance des traditions réglant les pratiques et les mœurs, les efforts continus de volontés inflexibles, le dévouement absolu à un but suprême, telles furent les causes déterminantes de l'originalité de Sparte. Ici fut en jeu comme législateur, non pas un seul homme, mais une oligarchie que l'intérêt de sa domination détermina à se réformer elle-même par des moyens durs et extraordinaires : elle s'exécuta; pour régner, elle se soumit à une impitoyable discipline.

Nous retrouvons à Sparte, et ce ne sera pas la seule ressemblance, ce que nous avons déjà vu

dans la Crète, visitée et peuplée sur certains points de son territoire par des migrations doriennes, à savoir le gouvernement entre les mains de la vieillesse. Un sénat composé de vingt-huit membres avait la direction des affaires on n'y entrait qu'à soixante ans, et par l'élection, suivant l'intensité des acclamations du peuple.

L'oligarchie, dont le sénat était l'âme et la pensée, avait, non pas un seul chef, mais deux têtes, deux rois. Les oligarques redoutent toujours l'unité monarchique. Cette double royauté était héréditaire dans deux familles issues des Héraclides, débris de l'époque héroïque. Quand Lysandre voulut innover, en rendant la royauté accessible à tous les Spartiates, il ne crut pouvoir réussir qu'en pratiquant auprès de la Pythie des intrigues qui furent découvertes après sa mort'. Les deux Héraclides qui portaient le sceptre avaient plus d'honneurs que de puissance. Ils étaient sacrificateurs suprêmes, présidents du sénat et chefs des troupes. C'est seulement pour combattre l'ennemi que les rois exerçaient un pouvoir réel, quand ils savaient

Plutarch. Lysand., t. III, p. 58. Ed. Reiske.

se montrer habiles capitaines. Ni les jugements, ni l'administration n'étaient entre leurs mains1.

En déléguant toute la puissance au sénat, les Spartiates ne renoncèrent pas à tenir de temps à autre des assemblées où ils sanctionnaient les propositions des vingt-huit vieillards et des deux rois. Sur rien ces assemblées ne pouvaient prendre l'initiative, et lorsqu'elles se furent avisées plusieurs fois d'ajouter ou d'ôter quelque chose aux résolutions apportées, un oracle intervint de Delphes autorisant les rois à rompre tout conseil qui voudrait altérer les avis mis en avant par le

sénat'.

A côté de ces conseils oligarchiques, dont les Comitia curiata des Romains se rapprochèrent un peu, il y eut d'autres assemblées où se débattirent les affaires générales des Hellènes, à mesure que Sparte sut conquérir l''Hyeμovía sur le Péloponèse et sur le reste de la Grèce. Thucydide3 et Xénophon' nous montrent les Spartiates réunis pour

1 Xenoph. de Republ. Laced., cap. XIII.

2 Plutarch. Lycurg., t. I, p. 172, 173. Ed. Reiske.

* Lib. I, cap. LXVII-LXXXVII.

* Histor. Græc., lib. III, cap. II.

recevoir des ambassades, pour voter la paix ou la

guerre.

Aux assemblées, au sénat, aux deux rois, le temps ajouta un rouage nouveau, les éphores. Quand il veut relever la sagesse des institutions de Sparte, Platon approuve le partage de l'autorité royale en deux branches sorties de la même tige, et le contre-poids que faisait à cette autorité la puissance du sénat. Puis il ajoute : « Un troisième sauveur de l'État, jugeant qu'il restait encore dans le génie du gouvernement quelque chose d'impétueux, de bouillant, lui donna un frein dans le pouvoir des éphores qu'il égala presque à celui des rois. Ainsi tempérée, la royauté put se conserver, et sauver l'État avec elle '. » Ces paroles de Platon indiquent une gradation chronologique. Il vint un moment où l'oligarchie reconnut qu'il fallait accorder quelque chose à la majorité sur

1 Plat. de leg., lib. III. Il n'est pas étonnant qu'Hérodote qui, dans son premier livre, résumait rapidement tous les faits antérieurs à la guerre médique, ait attribué l'établissement des éphores à Lycurgue même. Aristote et Plutarque confirment le témoignage de Platon en disant que les éphores furent institués par le roi Théopompe.

laquelle elle exerçait sa suprématie, et d'ellemême elle institua une magistrature qui n'est pas sans analogie tant avec le tribunat qu'avec la censure de Rome. Cinq hommes furent choisis pour tout voir, pour tout inspecter, popot, et choisis non-seulement parmi les Spartiates, mais parmi tous les citoyens. Ils contrôlaient le sénat, ils contrôlaient les rois et pouvaient même les mettre en prison. Ils jugeaient les causes les plus importantes non d'après des lois écrites, puisqu'il n'y en avait pas à Sparte, mais d'une façon tout arbitraire. Un pareil pouvoir, accessible à tous les citoyens, les intéressait sans doute au maintien de la chose publique; mais aussi, comme il ne durait qu'un an, il irritait la cupidité de ceux qui en étaient revêtus, surtout lorsqu'ils étaient pauvres.

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y avait encore dans cette magistrature un vice radical, c'est que les éphores ne pouvaient réprimer qu'en frappant, et ne déployaient leur au torité qu'en entravant la puissance exécutrice. Agésilas passa sa vie à flatter les éphores; Agis en fut la victime. Dans les conjonctures difficiles, les éphores surent rarement contre-balancer les rois sans les avilir ou les immoler. Ce sont moins des

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