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ADIEU DU POÈTE À SA MAISON. 141

Avant toi je pars cette année;

Mais reviendrai-je comme toi?

Qu'ils soient l'amour d'un autre maître,
Ces pêchers dont j'ouvris les bras!
Leurs fruits verts, je les ai vus naître;
Rougir je ne les verrai pas.
J'ai vu, des bosquets que je quitte,
Sous l'été les roses mourir,
J'y vois planter la marguerite;
Je ne l'y verrai pas fleurir.

Ainsi tout passe, et l'on délaisse
Les lieux où l'on s'est répété:
"Ici luira sur ma vieillesse

L'azur de son dernier été." Heureux, quand on les abandonne, Si l'on part, en se comptant tous, Si l'on part sans laisser personne Sous l'herbe qui n'est plus à vous.

Adieu, mystérieux ombrage,

Sombre fraîcheur, calme inspirant;
Mère de Dieu, de qui l'image

Consacre ce vieux tronc mourant,
Où, quand son heure est arrivée,
Le passereau, loin des larcins,
Vient cacher sa jeune couvée

Dans les plis de tes voiles saints.

Adieu, chapelle qui protège

Le pauvre contre ses douleurs;

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LE RETOUR.

Avenue, où foulant la neige

De mes acacias en fleurs,
Lorsque le vent l'avait semée

Du haut de leurs rameaux tremblants,
Je suivais quelque trace aimée,
Empreinte sur ses flocons blancs.

Adieu, flots, dont le cours tranquille,
Couvert de berceaux verdoyants,
À ma nacelle, d'île en île,

Ouvrant mille sentiers fuyants,
Quand, rêveuse, elle allait sans guide
Me perdre, en suivant vos détours,
Dans l'ombre d'un dédale humide,
Où je me retrouvais toujours.

Adieu, chers témoins de ma peine,
Forêt, jardins, flots que j'aimais!
Adieu, ma fraîche Madeleine!

Madeleine, adieu pour jamais!
Je pars, il le faut, et je cède;

Mais le cœur me saigne en partant.

Qu'un plus riche qui te possède

Soit heureux où nous l'étions tant.

CASIMIR DELAVIGNE.

SALUT!

LE RETOUR.

ALUT! champs paternels, salut! terre féconde,

Dont la brillante gloire étonne encor le monde!

LE RETOUR.

Salut! nobles et vieux remparts,

Temple du goût, pays cher aux beaux-arts,
Où l'esprit est léger, la science profonde;
Où, sous le voile ingénieux

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D'un trait comique ou d'un refrain joyeux, La sévère raison se cache avec adresse; Où le cœur, éclairé par un art gracieux, Sans passer par l'ennui, parvient à la sagesse; Où l'amour est exempt d'une jalouse ardeur; Où le courage est sans rudesse,

Et la tendresse sans fadeur!

Salut! castels, berceaux de la chevalerie;
Opulentes cités, dont les peuples divers
Honorent à la fois l'élégante industrie:

Qui, portant vos trésors au bout de l'univers,
Régnez sur le caprice et la coquetterie!
Salut! montagnes d'or, pampres dont la saveur
Enivre tour à tour l'érudit de Toscane,
Les sages d'Albion, le Sarmate rêveur,

Et quelquefois aussi le Musulman profane! Salut! vieilles forêts, refuge du berger!

Vous qu'en vain je cherchais pendant les jours d'orage,

Couvrez encor de votre épais ombrage Mon front bruni sous un ciel étranger;

Et vous, fleuves d'azur, réfléchissez ma joie! Au moment du retour que votre aspect est doux! Qu'avec grâce à mes yeux la Saône se déploie! Du Rhône impétueux que j'aime le courroux! Que j'aime ces vallons où serpente l'Isère! Pourtant je les ai vus, ces rivages si beaux

144 LE CONVOI DE LA PAUVRE fille.

Où le Tibre immortel coule entre des tombeaux;

J'admirai de ces bords la superbe misère.
Mais les flots sablonneux de ce fleuve agité
De nos fleuves riants n'ont pas la pureté;

Ce torrent qu'à ses pieds l'Apennin voit descendre,

Et que Rome adora dans ses temps fabuleux, Sembla, dans son cours orgueilleux,

Des empires détruits rouler encor la cendre.

Heureuse France, ô pays adoré!

A des bords enchanteurs, toi que j'ai préféré,
Belle patrie, amour de mon jeune âge,
Depuis l'instant de mes tristes adieux,
Ton souvenir m'a suivie en tous lieux:

C'est lui qui présidait à mon pélérinage.
Chaque objet à mes yeux venait le retracer:
Ton nom, gravé partout, triomphait de l'ab-

sence,

Et de mon cœur, fidèle à ta puissance,

Rome enfin n'a pu t'effacer.

MME. E. DE GIRARDIN.

LE CONVOI DE LA PAUVRE FILLE.

UAND Louise mourut à sa quinzième année,

Fleur des bois par la pluie et le vent mois sonnée,

Un cortège nombreux ne suivit pas son deuil;

Un seul prêtre, en priant, conduisait le cercueil;

STANCES A MOLIERE.

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Puis venait un enfant qui, d'espace en espace,
Aux saintes oraisons répondit à voix basse,
Car Louise était pauvre, et jusqu'en son trépas
Le riche a des honneurs que le pauvre n'a pas,
La simple croix de buis, un vieux drap mortuaire
Furent les seuls apprêts de son lit funéraire;
Et quand le fossoyeur, soulevant son beau corps,
Du village natal l'emporta chez les morts,
A peine si la cloche avertit la contrée.
Que sa plus douce vierge en était retirée.
Elle mourut ainsi.-Par les taillis couverts,
Les vallons embaumés, les genêts, les blés verts,
Le convoi descendit au lever de l'aurore:
Avec toute sa pompe avril venait d'éclore,
Et couvrait, en passant, d'une neige de fleurs
Ce cercueil virginal et le baignait de pleurs;
L'aubépine avait pris sa robe rose et blanche,
Un bourgeon étoilé tremblait à chaque branche,
Ce n'était que parfums et concerts infinis,
Tous les oiseaux chantaient sur le bord de leurs

nids.

A. BRIZEUX.

STANCES À MOLIÈRE SUR LA COMÉDIE DE L'ECOLE DES FEMMES.

'N vain mille jaloux esprits,

EN

Molière, osent avec mépris
Censurer ton plus bel ouvrage:

Sa charmante naïveté

S'en va pour jamais, d'âge en âge,
Divertir la postérité.

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