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se placer vis-à-vis Ancenis, coula les radeaux au fur et à mesure qu'on les mettait à flot. Qu'on juge du désespoir dont les Vendéens furent saisis, lorsque sur ces entrefaites, les coureurs de Westermann se montrèrent! Dès lors pour retarder le dernier coup, les débris de l'armée royale se virent réduits à fuir à Nort sans général. Depuis ce moment, elle perdit avec l'espoir de retourner dans ses foyers, le simulacre d'organisation qu'elle avait eu tant de peine à conserver, et chacun songea à son propre salut. Nombre d'officiers et de soldats se dispersèrent; la plupart, après s'être déguisés. Quelques centaines furent assez heureux pour repasser la Loire furtivement; d'autres, assez confiants dans la générosité de leurs ennemis, déposèrent les armes et se constituèrent eux-mêmes prisonniers; enfin mille à douze cents, conduits par les chefs les plus intrépides ou les plus obstinés, passèrent la Vilaine entre Rieux et Redon, et allèrent former le noyau des bandes chouanes qui désolèrent bientôt la côte du Morbihan.

de s'y faire écraser devant la première coupure, si Westermann continuait à poursuivre en queue : on se porta donc à Savenay en une marche de nuit, malgré une forte pluie de neige fondue.

Ce bourg, bâti sur une hauteur à gauche de la route de Nantes à la Roche-Bernard, pouvait être défendu avec avantage; mais sa situation géographique ne méritait pas qu'on s'y arrêtât, parce qu'il n'avait aucune issue, si ce n'est vers SaintNazaire à l'embouchure de la Loire. En acceptant le combat dans cette position, il fallait que les Vendéens fussent déterminés à vaincre ou à périr.

A peine terminaient-ils leurs dispositions de défense, que les coureurs républicains parurent sur la route de Nantes, et s'engagèrent avec l'avantgarde commandée par Lyrot de la Patouillère. Les deux partis renforcés successivement tiraillèrent jusqu'à la chute du jour et préludèrent ainsi à la lutte décisive du lendemain.

Le 22 décembre, Marceau certain d'être joint dans la matinée par la division Tilly, commença l'action avec l'avant-garde, soutenue des divisions Kléber et Beaupuy, formant ensemble environ 12,000 hommes. Fleuriot, au contraire, ne comptait pas au delà de 6,000 combattants, bien qu'il y eût encore près de 10,000 individus attachés à sa fortune Le combat s'engagea néanmoins avec fureur et se soutint avec opiniâtreté. Les Vendéens se battirent en hommes qui ne voulaient pas survivre à leur défaite. Après avoir perdu environ 2 mille des leurs, ils abandonnèrent les sept pièces d'artillerie qui leur restaient. Cédant enfin, autant au nombre qu'à la valeur des républicains, ils se dispersè

Toutes ces défections affaiblirent considérablement le nombre des combattants : l'on n'en comptait plus guères que 10,000, excédés de fatigues et de besoin. A peine eurent-ils le temps de reprendre haleine, que l'avant-garde des républicains se présenta devant Nort. Un vif et court engagement de cavalerie entre les deux partis, en écartant pour quelques heures les hussards de Westermann, n'en démontra que plus clairement la nécessité d'évacuer ce poste, pour ne point avoir sur les bras toute l'armée républicaine. L'on se porta donc à Blain. Ici, l'on nomma Fleuriot généralissime; et le choix même de cet officier, piquant l'amour-rent et coururent individuellement chercher un propre de quelques prétendants, acheva de porter le désordre et la désorganisation dans les rangs : le prince de Talmont et plusieurs autres chefs allèrent guerroyer pour leur propre compte.

refuge dans la forêt de Gavre; 1,000 à 1,200 mirent bas les armes et se rendirent prisonniers, ne demandant que la vie. Marceau envoya une partie de ses troupes à la poursuite des fuyards, tandis Le nouveau généralissime eut d'abord l'envie de qu'avec l'autre, il revint à Nantes, où la popudéfendre ce bourg; il crénela les murailles du châ-lation entière les accueillit comme des libéra

teau, et mit les pièces en batterie sur la route; mais un peu plus de réflexion lui en montrant l'impossibilité, il convoqua le conseil, et l'on délibéra sur le parti à prendre. Quelques membres proposèrent de se rendre à Redon, et de se disperser ensuite. D'autres observèrent que la chaussée qui y conduit cheminant entre des marais, on risquait

teurs.

Les malheureux Vendéens, traqués et poursuivis durant huit jours comme des bêtes fauves, par une partie des habitants qui s'étaient joints aux troupes, périrent sans gloire en une infinité de petits combats, ou sur des échafauds.

Tandis que les royalistes de l'Ouest se voyaient

ainsi accablés par les fausses combinaisons de leurs | perte de Bonchamps et de d'Elbée laissât un grand chefs, le cabinet de Saint-James, satisfait des ren- vide dans leurs conseils, Larochejacquelein y supseignements que ses agents lui avaient rapportés, pléa souvent; s'il manquait d'expérience dans l'art préparait à grands frais une expédition pour les des combats, il la remplaça par une résolution soutenir. Longtemps avant d'être en rapport avec forte et vigoureuse, un coup d'œil pénétrant, et les chefs vendéens, il avait formé à Jersey une lé- l'instinct naturel de la guerre. Il serait difficile de gion d'émigrés bretons et normands dont le minis- le juger, sans connaître plus précisément les entère donna le commandement au marquis du traves que le conseil mit à ses desseins; car les Dresnay. Lorsque décidé à les secourir, il songea grandes opérations s'y décidaient à la majorité; et à former un corps d'expédition, il y affecta 14 ba- on sait assez que ses membres étaient rarement taillons britanniques, quatre compagnies d'artille- d'accord. On peut toutefois reprocher aux chefs rie, un corps de 900 Autrichiens et de 4 mille vendéens de n'avoir pas su profiter de la victoire. Hessois à sa solde; outre la légion d'émigrés qu'on L'épouvante qu'ils portèrent d'Angers à Laval, et espérait porter à l'effectif de 2,000 homme, ce de Laval à Granville, ne suffit point pour établir qui eût formé au delà de 12,000 hommes. Le qu'ils surent tirer parti de leurs avantages. C'était comte Moira fut désigné par le roi pour en pren-à Nantes, à Rennes, ou à Paris qu'il fallait se didre le commandement ; déjà même, huit bataillons riger. Ils n'osèrent s'approcher ni de l'une ni de l'auanglais venaient d'être embarqués à Spithead. Le tre de ces villes : ils perdirent le temps en progénéral en chef avait formé un état-major auxiliaire menades, en irrésolutions, et ne durent six semaines français et pris à bord une foule d'officiers géné- d'existence qu'à la conduite aussi pusillanime que raux émigrés, lorsque des vents contraires et des mal concertée de leurs adversaires. En effet, ils orages l'empêchèrent de mettre à la voile avant n'essuyèrent plus que des défaites aussitôt que le le 1 décembre. jeune Marceau eut pris le commandement des républicains. Le coup décisif leur fut porté au Mans: depuis cette époque, ils luttèrent contre l'agonie, la mort termina leurs angoisses à Savenay.

CHAPITRE XXVII.

Le 2, à la pointe du jour, la flotte fut en vue de la côte de France à la hauteur de Cherbourg, où les derniers émissaires des royalistes lui avaient assigné rendez-vous; mais ayant longé la côte durant plusieurs jours sans qu'on lui fit de signaux, lord Moira se rendit à Guernesey, d'où il dépêcha en France plusieurs agents qui lui apprirent que, quatre jours après la conférence des seconds envoyés, à la suite d'un échec essuyé devant Gran- Coup d'œil sur l'intérieur. ville, les royalistes s'étaient repliés vers la Loire. Une violente tempête ayant assailli la flotte anglaise, et la rade de Guernesey étant jugée peu sûre, une partie des bâtiments la quitta; ce qui força l'amiral Mac-Bridge de revenir en Angleterre ; une partie des Hessois débarqua à Jersey, le reste fut contremandé, et l'expédition remise à de meilleurs temps.

Telle fut l'issue de la première campagne dans la Vendée. Elle ne sera pas moins célèbre dans les annales des deux partis, par les horreurs et les atrocités que les vainqueurs y commirent tour à tour, que par la multitude des chocs, et la variété des combinaisons Celles des chefs vendéens ne furent pas les moins dignes d'éloges. Bien que la

La terreur plane sur la France. Mort de la reine, des girondins et du duc d'Orléans. Faction des bébertistes ou des cordeliers; ses chefs sont condamnés à mort. Triomphe de Robespierre.

Dans la période qu'on vient de parcourir, on a vu les armées républicaines, sortant de leur état d'inertie et de faiblesse, triompher à la fois des fédéralistes du Midi et des royalistes de l'Ouest, chasser les armées coalisées du territoire français, et planter leurs enseignes victorieuses sur les bords du Rhin, comme sur ceux de la Sambre.

Nous serons malheureusement forcé d'obscurcir ce tableau par une esquisse des fureurs qui ensanglantèrent la France depuis le mois de juillet. Mais loin de nous appesantir sur des détails révoltants,

tique renfermait l'âme d'un tigre ; Collot-d'Herbois, auquel on serait embarrassé de donner une épithète, devinrent ses dignes lieutenants (1).

et d'en souiller les pages d'une histoire consacrée | l'implacable Couthon qui dans un corps paralyà la gloire militaire, nous promènerons rapidement nos pinceaux sur les événements qui signalèrent ces jours de douleur; et n'ayant que des exécutions à rapporter, nous aurons rempli notre tâche, si nous parvenons à rattacher leurs résultats à quelques combinaisons politiques et militaires.

Immédiatement après la chute des girondins, Robespierre chercha à éloigner Danton, dont le crédit lui portait ombrage: affectant de le croire porté à la modération, il l'accusa secrètement ne n'être plus l'homme qui, au 2 septembre, causait la terreur des ennemis de la liberté, et lorsqu'il fut assuré de l'effet de ses menées, il chercha à l'é- | loigner pour le perdre plus sûrement. « Un orage » s'élève contre toi, lui dit-il, la Montagne n'a >> point oublié tes liaisons avec Dumouriez; elle » hait tes mœurs, elle s'indigne de ta mollesse, elle craint tout de la vénalité qu'elle te reproche. Éloigne-toi un moment; repose-toi sur un ami

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qui veillera sur tous tes dangers, et qui te don»> nera le signal du retour. »

Trop confiant en ce perfide avis, ou convaincu peut-être qu'il valait mieux assoupir la jalousie de son rival, que de la heurter sans succès, Danton garda le silence, et se retira quelques jours après, à Arcis-sur-Aube, sa patrie.

Ce fut sans doute par ce motif qu'il refusa de faire partie du comité de salut public, auquel on voulait l'adjoindre le 6 septembre : car loin d'être rassasié de pouvoir comme Sylla, il en était assez avide pour qu'un pareil abandon de sa part soit attribué à la crainte.

Leur premier soin fut de briser l'espèce de joug sous lequel la commune avait tenu la convention, et la loi qui ajournait la constitution leur en fournit tous les moyens. Entouré au comité de salut public, d'hommes sur lesquels il pouvait compter, le dictateur n'avait plus besoin de Chaumette, car le soin qu'il prit de perpétuer le gouvernement révolutionnaire, en prorogeant indéfiniment les pouvoirs de ce comité, lui assurait une puissance à l'abri de toute atteinte; aussi la perte de ce tribun du peuple fut-elle jurée en même temps que celle d'Hébert. Dès lors, la commune ne devint, entre les mains de Robespierre, qu'un instrument secondaire, comme la convention n'était plus qu'une machine à décrets. Il n'eut bientôt plus qu'à modérer les accès des démagognes dont il avait allumé la fureur.

Le frein qui retenait la populace, affaibli successivement au 6 octobre, au 20 juin, au 10 août, au 2 septembre, avait été enfin rompu le 31 mai. Les meneurs de la Montagne, persuadés qu'il y aurait désormais de l'imprudence à compter sur la masse de la nation qui les réprouvait, se virent contraints à chercher des janissaires parmi des hommes énergiques jusqu'à la barbarie, et ne se firent aucun scrupule d'en prendre même parmi les égorgeurs des prisons. Le décret qui instituait l'armée révolutionnaire, bien qu'il n'ajoutât rien à leurs moyens de ce genre, en légitima l'existence par une formalité législative.

Au surplus cette absence jointe à la mort de Marat, débarrassa Robespierre de compétiteurs qui jouisNous avons déjà indiqué les effets surprenants saient comme lui des faveurs du peuple. Mais, des lois des 23 août et 5 septembre, sur les armées; pour conserver sa puissance, il avait encore besoin mais il n'est pas hors de propos de montrer quelle d'appui : Billaud-Varennes, à qui l'on fut redevable influence elle exercèrent sur les affaires de l'intédu gouvernement révolutionnaire, mérita l'hon-rieur. L'absence totale du luxe avait ruiné les maneur de figurer à ses côtés : l'impétueux Saint-Just, nufactures; et la plupart des ouvriers se trouvaient

(1) Le comité qui domina la France pendant la terreur, fut d'abord composé, par décret du 10 juillet, de neuf membres : Barrère, Robert-Lindet, Saint-Just, Couthon, Jean-Bon-Saint-André, Héraut de Séchelle, Thuriot, Gasparin, et Prieur de la Marne.

Carnot, et Prieur de la Côte-d'Or, y furent adjoints le 14 août.

Billaud-Varennes, Collot-d'Herbois et Granet, le 6 sep

tembre.

Ils gouvernèrent jusqu'à la chute de Robespierre, au

Robespierre fut nommé le 27, en remplacement de mois de juillet 1794. Gasparin.

Elle couvrit, en un instant, la France, de bastilles et d'échafauds. Tous les bâtiments qui pouvaient servir de prisons, étaient remplis de victimes.

Au moyen d'une législation pareille, et d'un tribunal comme celui de Fouquier-Tinville, les terroristes décimèrent la France, avec une ardeur et une rapidité qu'on a peine à concevoir.

La première victime qui tomba sous leurs coups fut Marie-Antoinette: arrachée du Temple dès le 5 août, jetée dans un affreux cachot à la Concier

sans ouvrage et sans pain. Danton, dans l'espoir | dévorer tout ce qu'elle trouvait sur son passage. de tirer parti de cette circonstance, et de cacher ces funestes résultats de l'anarchie aux yeux de la multitude, fit décréter que les sections se réuniraient deux fois par semaine; et, afin de se rendre maître plus sûrement de leurs délibérations, il proposa de payer quarante sols par jour aux citoyens de la classe indigente qui y assisteraient. C'était sans doute le premier exemple, que les intérêts d'une grande nation fussent débattus publiquement par des mercenaires de cette espèce. Indépendamment de ces sociétés, des comités ré-gerie, elle ne fut mise en jugement que le 15 sepvolutionnaires, composés de tout ce que la France avait pu produire d'hommes violents et exagérés, s'établirent sur tous les points de la république; chaque section de la capitale et chaque commune des départements avait le sien; ainsi, les prolétaires s'emparèrent à la fois du pouvoir législatif, exécutif et judiciaire ; car il arriva rarement, qu'un homme dénoncé par eux, pût se soustraire à l'échafaud Bazire même, parvint, dans le tumulte de la séance du 5 septembre, à faire décréter que les comités révolutionnaires existants seraient épurés, et qu'ils étaient autorisés à procéder sur-le- | champ au désarmement et à l'arrestation de tous les hommes suspects, sans recourir à l'intervention d'aucune autorité.

Les débats de la convention ne présentent, à cette époque, qu'un mélange inexplicable de cynisme et de barbarie, d'énergie et de bassesse, de courage et de lâcheté : pour les peindre avec des expressions convenables il faudrait créer un langage particulier. Un jour on entendit Drouet s'écrier à la tribune : « Puisque notre vertu, notre » modération, nos idées philosophiques, n'ont » servi à rien, soyons brigands pour le bonheur >> du peuple! soyons brigands...» Une autre fois Lequinio, se vanta au sénat dont il était délégué, | d'avoir fait diner le bourreau à sa table (1) : mais, sans nous laisser entraîner par une juste indignation, contentons-nous d'énumérer rapidement les faits!

La loi sur les suspects, rendue le 17 septembre, acheva d'ôter jusqu'au moindre espoir d'éteindre le volcan révolutionnaire, dont la lave menaçait de

(1) Lettre de Lequinio à la convention, séance du 17 novembre.

tembre, par un raffinement de barbarie qui s'appliquait à redoubler et à prolonger ses souffrances. Si cette princesse, ignorant l'art de se faire aimer, encourut le reproche d'avoir excité son époux aux démarches dont on lui fit un crime; si elle voulut soumettre, comme on l'a prétendu, les affaires d'État les plus importantes, à des cotteries de cour; elle racheta ces fautes par de brillantes qualités et une âme élevée, qui méritaient un meilleur sort. L'infortunée reine expia les succès du prince de Cobourg à Valenciennes et à Cambrai, et ceux de Wurmser en Alsace; la convention répondit par un cri de vengeance et de mort, aux menaces de ses ennemis; et la fille de Marie-Thérèse, traînée à l'échafaud le 16 octobre, n'y montra pas moins de résignation et de fermeté que son auguste époux.

Ceux des girondins qui s'étaient livrés aux mains de leurs adversaires, expièrent bientôt des vertus et des vices, dont on leur faisait également un crime. Le farouche Amar, au nom du comité de sûreté générale, vint enfin demander que le décret d'arrestation, prononcé le 2 juin, fut transformé en accusation formelle contre quarante-six girondins et leurs partisans: il proposait en même temps l'emprisonnement de soixante-treize députés, signataires d'une protestation saisie dans les papiers de Valazé. Un membre trouvant cette peine trop douce, opina pour la mort de ces derniers; et, au grand étonnement de tous les partis, Robespierre se constitua leur défenseurs. Satisfait, sans doute, de décimer la convention pour en éloigner les hommes dont il redoutait l'opposition, ou jaloux de se ménager un accès à la reconnaissance d'un grand nombre de ses collègues, il fit parade d'une vertu dont on ne l'eût pas soupconné capable,

et se contenta pour cette fois du supplice des gi- | lors de l'émeute du Champ de Mars en 1791, fut rondins.

Vergniaud, Brissot, Gensonné, Lasource, Fonfrède, Fauchet, Sillery, Duperret et douze autres moins célèbres, furent condamnés à mort le 30 octobre. Valazé se poignarda au tribunal.

Le duc d'Orléans ne tarda pas à subir le même sort, et son supplice du moins n'arracha point de larmes.

exécuté près de la rivière et du lieu qu'il avait fait teindre du sang impur de quelques conjurés.

Plusieurs savants célèbres, à qui leur éloignement de la carrière publique aurait dû servir de sauvegarde, furent associés aux plus ridicules projets de conspiration. Richesse, vertus, grâces, talents, génie; en un mot tout ce qui pouvait paraître un titre de supériorité, fut livré sans pitié à la hache révolutionnaire, et devint un motif de proscription à l'égal des plus grand délits politi ques. On les poursuivait avec un tel acharnement que l'on put s'étonner un instant qu'il restât en France un seul homme doué de ces qualités qui inspirent le respect aux contemporains et l'estime de la postérité.

Cependant les membres du comité de salut public ne se dissimulaient point la nécessité de colorer leur affreux régime de tous les dehors d'une profonde politique; déjà Barrère espérant imiter Cromwell dans ses plus habiles conceptions, avait proposé dès le 21 septembre un acte de naviga

Madame Rolland, trop convaincue de l'innocence de son mari et de la sienne, était restée à Paris; on l'arrêta, et pendant qu'on informait son procès, elle rédigea à la hâte dans sa prison, des mémoires qui attestent à la fois la force de son caractère et l'étendue de son esprit. Conduite à l'échafaud le 8 novembre, elle y déploya une grandeur d'âme admirable. Témoin de l'effroi qu'é-, prouvait un financier célèbre, à l'aspect de la mort dont il voyait les apprêts, elle demanda qu'on l'exécutât le premier : exemple d'autant plus héroïque, qu'il était donné par une femme dans la fleur de l'âge, et sur qui la nature semblait avoir épuisé toutes ses faveurs. Son mari se donna lation (1). Ce décret, bien que basé sur de bons mort, à la nouvelle d'un événement si funeste, et la plupart des autres girondins fugitifs ne furent guère plus heureux : poursuivis dans les départements, plusieurs se détruisirent de leurs propres mains. La révolution, comme Saturne, semblait prendre à tâche de dévorer ses propres enfants; Condorcet s'empoisonna à quelques lieues de Paris, où il venait d'être découvert; Guadet fut guillotiné à Bordeaux; on trouva le corps de Pétion dans les bois, à moitié dévoré ; Barbaroux, expirant, devint encore la proie des bourreaux. Lanjuinais et Louvet, plus heureux, gagnèrent la Suisse.

Les constituants restés en France n'étaient pas épargnés : le titre de patriote de 1789 fut un instant jugé digne du supplice. La mort de Rabaudde-Saint-Étienne, et de Bailly, vengea les aristocrates de la part que ces magistrats avaient prise aux premiers pas du peuple français dans la carrière glissante de la liberté. Le dernier qui, en qualité de maire avait proclamé la loi martiale

(1) Pièces justificatives du livre V, no 9, et Moniteur du 24 septembre 1793.

TOME 1.

principes, était d'une exécution à peu près impossible, et ne pouvait produire aucun effet salutaire pour la marine française, dans un temps où les relations commerciales et coloniales de la république étaient en grande partie entre les mains des neutres.

ap

Robespierre imagina aussi de se donner les parences d'un grand homme d'État, en passant en revue la situation de l'Europe. Le rapport qu'il en fit le 17 novembre, bien qu'il semblât préparé an ministère des relations extérieures, noyait un petit nombres d'idées justes et fortes, dans une foule d'abstractions et d'injures les plus obcènes, adressées à tous les gouvernements (2). Des législateurs plus éclairés, loin de l'applaudir, y entrevoyant l'intention perfide de prolonger la guerre et d'en faire une lutte à mort, eussent demandé à Robespierre quel intérêt il pensait servir en mettant ainsi sa patrie au ban général de l'Europe?

Tandis que la tribune de la convention était tour à tour le théâtre de si honteux débats, de

(2) Séance du 27 brumaire, Moniteur du 3o. (Voyez pièces justificatives du livre V, no 14.

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