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mèrent en un vaste camp, commandé par mille individus et à la disposition de toutes les autorités, hors celle du roi.

nisés, couvrirent le sol de la France et la transfor- | pour atteindre en quelque sorte les hautes destinées auxquelles elle s'était vue appelée : elle persévérait avec énergie et constance dans ses travaux, dont elle se promettait la restauration du royaume et la rédaction d'une nouvelle constitution qui en assurât le bonheur; elle eût incontestablement atteint ce but si, entraînée par de faux dogmes, elle n'avait cru augmenter la liberté publique de tout ce qu'elle ôterait à la prérogative royale.

Les districts se composaient de la réunion des citoyens jaloux de discuter sur les affaires publiques; ils avaient leurs présidents qui se trouvaient à la fois magistrats municipaux et présidents d'assemblées tumultueuses; c'étaient autant de forum où le peuple allait s'exalter contre le gouvernement. On avait placé à la tête de ces sections des hommes distingués par leur éloquence populaire, et Mirabeau s'était attaché à y mettre des agents de son choix. Danton que nous aurons occasion de citer trop souvent présida d'abord le district des Cordeliers.

Le parti qui voulait conserver à la monarchie un reste de majesté et de vigueur, désirait la constitution anglaise avec ses deux chambres. Mais si le roi, les nobles et le haut clergé voyaient dans l'établissement des pairs, un moyen réel de mettre un frein à l'esprit de nivellement qui se manifestait déjà avec tant de violence, les novateurs, par la même raison, craignaient de perdre leur influence et préféraient une seule chambre, parce qu'assurés de la majorité ils étaient certains de gouverner. Un jeu de mots de Rabaud-St-Étienne décida d'une matière si importante et si grave; l'unité de la législation fut décrétée par comparaison avec celle de la divinité.

Une association qui ne tarda pas à étonner l'Europe par son audace et ses forfaits, prit aussi naissance dès ces premiers temps; nous voulons parler des jacobins. Dans l'origine, cette société se composa d'hommes probes, exaltés peut-être dans leurs idées, mais au moins excusables par la sincérité de leur attachement à la liberté. Des patriotes assemblés pour aviser aux moyens de faire Le parti d'Orléans n'était pas le seul qui saisît triompher les principes auxquels ils rattachaient avec empressement toutes les occasions d'abaisser toute la grandeur et le bonheur de leur pays, en le pouvoir exécutif; la faction américaine, à la furent les fondateurs. Une telle réunion put être tête de laquelle on peut placer Lameth et Lafayette, utile quand les seuls magistrats s'y rendaient, afin comptait des adversaires non moins redoutables de s'éclairer sur la marche des affaires ou d'y con- pour la cour peut-être plus pure dans ses princerter des mesures utiles à la chose publique; mais cipes de liberté, elle n'était pas moins exagérée des intrigants s'introduisirent insensiblement dans dans l'application qu'elle en faisait. La constituses rangs. Soit qu'ils jugeassent du premier abord tion des États-Unis pour laquelle les chefs de ce toute la puissance qu'une telle arme mettrait in- parti avaient combattu, était à leurs yeux le profailliblement dans leurs mains, soit qu'ils n'en eus-totype de tout contrat social bien ordonné; moins sent acquis l'expérience qu'à mesure de leurs pro- on s'en écartait, plus on se croyait près de la pergrès, il est certain que les jacobins, à l'instar de fection. On associait les idées de bonheur que nouveaux sectaires, animés de prosélytisme, cou- sénat de Washington faisait naître, aux souvenirs vrirent de leurs ramifications, les parties les plus de grandeur que le sénat romain avait transmis ; et reculées de la France, et correspondirent réguliè- bien des hommes de bonne foi crurent un instant, rement avec le centre établi à Paris. Une seconde que la nation qui posséderait des institutions calpuissance se forma ainsi dans l'État; l'esprit de secte quées sur ce modèle, ferait le bonheur du genre l'emporta sur l'esprit public, et peu à peu l'étran- humain, en renouvelant les beaux jours de Rome ger, l'intrigant, le mécontent et le fougueux anar- et d'Athènes : ils ne songeaient pas que le monde chiste, dominèrent ces réunions tumultueuses, où a bien changé de face, non-seulement par la difféles avis les plus violents l'emportaient sur le lan- rence des mœurs, mais encore par celle qui existe gage de la raison. dans les rapports des États entre eux.

Cependant, l'assemblée faisait tous ses efforts,

le

Ces belles illusions, et ces doctrines aussi sédui

santes en apparence que peu solides en réalité, | répandit que le roi voulait partir pour Metz, afin eurent une influence marquée sur tous les travaux de se mettre à la tête d'une armée et de rentrer à de l'assemblée. Paris pour punir les amis de la révolution. Les esprits fermentaient de nouveau lorsqu'une fête, insignifiante en elle-même, vint donner lieu à la catastrophe du 6 octobre.

Soit pour protéger la personne du roi, soit pour assurer réellement son départ, on avait attiré à Versailles le régiment de Flandre et un de dragons; beaucoup d'officiers étaient accourus des différentes

Les premiers pas faits, les réformateurs sentirent bien qu'ils ne pouvaient plus reculer, car s'ils n'enchaînaient l'autorité par de nouvelles institutions, ils resteraient en butte à leurs ennemis comme à la vengeance de la cour et des grands. Une fausse démarche en entraîne toujours une autre, surtout en révolution; plus on sappait l'autorité du prince, plus la réconciliation avec la no-garnisons, et cette ville fourmillait de chevaliers de blesse, le ministère et la famille royale, devenait Saint-Louis. Un banquet donné par les gardes du illusoire, plus l'anarchie devait augmenter. corps à ces nouveaux venus devint le prétexte d'une conspiration. On publia que la reine, à l'instar de Marie-Thérèse, avait présenté le dauphin à l'issue de ce repas, au moment où l'on introduisait dans les salles une foule de soldats des gardes, et que l'épée nue à la main ceux-ci avaient fait le serment de défendre la famille royale. Après le départ de la cour, le vin échauffant les têtes, de jeunes imprudent escaladèrent les loges du théâtre, et arrachèrent, dit-on, la cocarde nationale à ceux qui la portaient.

Tous les travaux du comité chargé de préparer les décrets constitutionnels, se ressentirent de cet esprit ; si plusieurs de ces actes portent un grand caractère de sagesse et de libéralité, d'autres, et c'étaient malheureusement les plus importants, recevaient l'empreinte des passions et des intérêts particuliers. Réduire le pouvoir exécutif à une nullité presque absolué, renforcer l'autorité législative de toute celle qu'on enlevait au ministère; tels furent les principes des articles adoptés successivement par l'assemblée. Non contents d'enlever à l'administration la force indispensable pour faire marcher les rouages compliqués qui assurent son action, et de resserrer les bornes de l'autorité royale, ces législateurs inquiets s'affranchirent enfin de toute gêne dans leurs opérations, en décrétant le 21 septembre, que la sanction du roi ne serait plus nécessaire pour donner force à leurs lois, et qu'elle ne compterait qu'à dater de la seconde législation; mesure injuste, révolutionnaire, qui portait à son comble l'avilissement du trône et qui acheva d'aliéner tous ses partisans.

Les mois d'août et de septembre se passèrent sans secousse; mais les premiers jours d'octobre furent signalés par un événement sinistre, qui remplit d'effroi les amis de l'ordre, indigna tous les souverains de l'Europe, et dont les suites furent incalculables, puisqu'il servit de prétexte aux ennemis de la France et à ceux de la révolution pour s'armer de concert.

La disette n'avait fait que croître depuis le mois de juillet, et comme elle n'était pas naturelle, on l'attribuait universellement aux menées des agents du parti aristocratique. D'un autre côté le bruit se

Ces bruits semés dans Paris avec affectation par une quantité d'agents subalternes, sont accompagnés de conjectures alarmantes: on veut, disent-ils, enlever le roi, le placer à la tête d'une force considérable, dissoudre l'assemblée et punir le peuple; déjà on cherche à affamer la capitale pour la réduire; enfin, en avilissant la cocarde nationale, on veut y substituer les couleurs de l'aristocratie; la contre-révolution est certaine, la réaction sera terrible. Bientôt une nuée de femmes du plus bas étage se rassemble devant l'hôtel de ville, criant du pain et Versailles! assemblage de noms bien étrange et qui prouve que ce mouvement fut le résultat d'un complot. Après un long tumulte dont l'intensité augmente à mesure que la foule se rassemble, ces femmes forcent l'hôtel de ville, y prennent des armes, du canon, et partent pour Versailles, sous la conduite d'un nommé Maillard.

Cependant si le bruit du départ du roi alarme les hommes sages sincèrement attachés à la liberté, on craint avec plus d'anxiété encore les excès de la populace qui s'est rendue à Versailles. La garde nationale excitée sans doute par d'adroites insinuations veut y marcher et amener le roi à Paris pour le mettre en sûreté contre ces deux dangers; La

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fayette refuse d'y consentir sans un ordre de la commune. Enfin, cet ordre venu, il part avec ses bataillons.

Cette armée qui ne montait guère à moins de vingt mille hommes, marchait sur plusieurs colonnes avec une avant-garde et du canon, comme s'il eût été question d'attaquer les plus dangereux ennemis de la France: elle était suivie d'une foule de mauvais sujet accourus de toutes les parties du royaume, armés de bâtons ferrés ou de piques, et dont la figure étrangère et sinistre contrastait avec celle des habitants de Paris, composant la garde nationale.

| sailles, en faisant donner à la garde nationale de cette ville, ainsi qu'aux troupes, l'ordre de rentrer; mais au moment où celles de sa maison se mirent en devoir d'obéir, elles furent assaillies par une décharge qui blessa plusieurs hommes.

Le désordre croissait de plus en plus, l'animosité contre les gardes du corps était arrivée au plus haut degré, et la fermeture des grilles avait pu seule les mettre à l'abri, lorsque Lafayette arriva inopinément avec son armée. Après lui avoir fait prêter serment de fidélité à la nation, à la loi et au roi, le général se présenta d'abord à l'assemblée, inondée de la populace de Paris qui siégeait pêlePar la lenteur de son départ, et celle inséparable mêle avec elle; il se rendit ensuite au château où d'une telle marche, Lafayette courut risque d'arri-il promit, dit-on, au roi, de rétablir l'ordre et de ver trop tard. Depuis longtemps en effet la troupe des mégères de la halle et des faubourgs, renforcée de la populace de Versailles, et même d'une partie de la garde nationale de cette ville, entourait le château, et ces séditieux après avoir tiré plusieurs fois sur les gardes du corps, s'étaient avancés dans la cour des ministres, sans que les troupes qui avaient défense de faire feu, pussent s'y opposer.

répondre de tout.

Peut de temps après les anciennes gardes françaises vinrent prendre les postes qu'elles occupaient au château avant leur défection; elles firent même ouvrir les grilles en témoignage de la confiance qu'on plaçait dans le peuple : tous les autres postes furent également relevées par les troupes de Lafayette.

Le calme paraissait rétabli, mais ce calme était précurseur d'une insigne perfidie, et assurait le triomphe des conspirateurs.

Les femmes venues de Paris demandaient du pain; la garde nationale ne savait trop à qui elle en voulait; sa rage se tourna contre ces mêmes gardes du corps qui l'avaient accueillie avec tant de fraternité quelques jours auparavant, et dont elle affectait alors de partager les sentiments. Une circonstance qui prouve combien peu la multitude sait ce qu'elle fait et ce qu'elle désire, c'est que tous les habitants de Versailles se révoltaient pour provoquer le départ du roi, de la cour et de l'as-lonnes de la garde nationale, mêlée aux horribles semblée, dont le séjour amenait l'abondance et la vie dans leurs murs.

Des milliers de brigands bivouaquaient sur les places, et les postes du château n'étaient pas même doublés. Le roi et l'assemblée s'étaient livrés au sommeil, sur les promesses du général parisien, lorsque le 6 octobre, à cinq heures et demie, cette foule de gens sans aveu qui avaient suivi les co

femmes qui l'avaient précédée, s'avance sur le château par la cour des ministres et des princes. Quelques hommes introduits par les postes confiés aux gardes françaises massacrent les sentinelles des grilles et donnent passage à la foule : en un clin d'œil les brigands inondent le château, arrêtent ou blessent plusieurs gardes du corps, pénètrent à l'appartement de la reine, criant comme des bêtes féroces qu'il fallait lui couper la tête. Marie-Antoinette avertie par mesdames Auguié et Thibaut, n'a que le temps de se sauver presque nue chez le roi.

Les femmes et quelques agents secrets ayant répandu de l'argent et corrompu bon nombre de mauvais sujets du régiment de Flandre, il ne restait ainsi qu'une force bien insuffisante pour tenir tête à cet orage. Le ministre comte de Saint-Priest, justement alarmé, sollicitait le roi de partir, lorsqu'une lettre de Lafayette, écrite sans doute avant qu'il n'eût l'ordre de se mettre en marche, fit espérer que le calme allait être rétabli dans Paris, et décida le roi à refuser ce parti extrême qui l'eût Après une heure de la scène la plus scandaleuse, probablement sauvé. Ce prince voulut même les brigands sont enfin chassés des appartements et essayer de rétablir également la tranquillité à Ver- | du château ; mais le tumulte continue sur les pla

ces, où l'on se disputait les gardes du corps pour | rent: ces suites bien plus menaçantes pour la moles mettre à la lanterne; le roi paraît au balcon pour narchie et pour l'Europe entière, annonçaient la apaiser les furieux, on veut aussi que la reine s'y destruction des premiers nœuds du lien social : l'inprésente. Une voix part de la foule et crie: « le surrection, le meurtre, transportés jusque dans les roi à Paris. » Ce cri répété par mille sicaires qui appartements inviolables des rois, présageaient n'en connaissaient pas la signification devient bien- déjà toutes les catastrophes imaginables, et rien ne tôt une loi impérieuse. dut étonner après. un semblable début.

Louis répugnant beaucoup à prendre cette résolution, qu'il soupçonnait être un des motifs du complot dirigé contre lui, voulut d'abord consulter l'assemblée et la manda au château; la majorité consentait à s'y rendre, lorsque Mirabeau s'écria avec sa véhémence ordinaire, que les représentants ne pouvaient délibérer dans les palais des rois, et cette sortie vivement applaudie des tribunes fit manquer le projet. Une députation de trente-six membres et les sollicitations de Lafayette décidèrent enfin le roi à partir. La conduite ingrate des habitants de Versailles contribua du moins à diminuer les regrets que ce changement forcé de résidence eût inspiré au monarque. L'assemblée resta encore quelques jours dans cette ville, et ne suivit la cour à Paris que le 15.

Les ennemis de Lafayette élevèrent contre lui des soupçons injurieux; on lui reprocha d'avoir cherché à inspirer de la confiance à Louis par la lettre qu'il écrivit avant son départ de Paris; d'avoir répondu de tout, sans prendre aucune mesure pour la sûreté du château; enfin de l'avoir laissé forcer par deux mille brigands armés de piques, quoiqu'il eût vingt mille hommes pour le défendre. Bertrand l'accuse de la plus noire trahison ou de la plus coupable imprévoyance, et nous pensons que c'est à tort : l'abandon chevaleresque, et l'extrême confiance dans les hommes et dans la générosité de leurs sentiments, qui ont toujours caractérisé ce général, suffisent pour détruire ces inculpations et pour expliquer sa conduite; il fut induit en erreur dans cette occasion comme dans beaucoup d'autres.

Deux partis différents semblent avoir comploté cette funeste journée, l'un pour amener Louis et Cependant, soit qu'il sentit le besoin de réparer l'assemblée à Paris, afin de faciliter aux séditieux le tort que ces soupçons pouvaient faire à sa réles moyens de s'emparer de l'autorité par la mul-putation, soit qu'il fût lui-même indigné d'avoir titude de la capitale; l'autre pour attenter aux jours de la reine et forcer le roi à la fuite, afin de placer le duc d'Orléans à la tête des affaires en qualité de régent.

On désigna Mirabeau et le duc d'Orléans comme instigateurs de ces complots, et une procédure fut même dirigée contre eux par le Châtelet; mais soit que leur parti se trouvât déjà tout-puissant ou que leurs trames eussent été bien couvertes, ils furent disculpés par l'assemblée.

Le discours tenu un an après à la tribune publique par Mirabeau, et consignée dans le Moniteur du 4 octobre 1790, ne laisserait point de doutes sur ses projets, s'il ne s'était vanté plus d'une fois lui-même d'avoir amené le duc d'Orléans au pied du trône, sans que ce prince sût Y monter.

Cette émeute, plus désastreuse que celle du 14 juillet, fut moins signalée par le nombre des victimes que par les attentats qui avaient été médités, et les vues audacieuses des conjurés qui les dirigè

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été trompé, il se rendit peu de jours après chez le duc d'Orléans, pour lui signifier, de la part du roi, l'ordre de quitter la France: ce prince partit en effet peu de temps après pour l'Angleterre; mais cette mesure devenait illusoire si on ne l'appliquait aux meneurs habiles qui se servaient de son nom, et aux conjurés subalternes qui aspiraient à de plus affreux résultats encore.

Une des suites les plus fâcheuses de cette jonrnée fut la retraite de Mounier et de Lally-Tollendal, députés libéraux, mais vertueux et sages : l'exemple de ces honorables dissidents, imité par trois cents députés de la noblesse et du clergé qui n'avaient peut-être pas des motifs aussi louables, assura la majorité aux hommes entreprenants qui s'inquiétaient moins de faire triompher les principes de la liberté que de s'emparer d'un pouvoir arbitraire.

Les mois de novembre et de décembre 1789 et les premiers jours de 1790; ne furent signalés que

par l'adresse remarquable d'un club révolution- | dangereuse, procura plus tard d'immenses ressour

naire établi à Londres, et par l'adoption de plusieurs décrets, au nombre desquels on distingue celui du 16 décembre, sur l'abolition des milices. Le roi, pour ainsi dire captif au milieu de sa capitale, et réduit par la faiblesse de ses conseillers et l'astuce de ses ennemis au rôle le plus humiliant et le plus nul, se rendit le 4 février à l'assemblée, où il promit d'approuver et de défendre la constitution. Cette démarche inconsidérée fut arrachée au monarque, ou par la violence ou par de perfides conseils ; car il connaissait trop ce qu'il devait à sa dignité, pour promettre d'avance fidélité à une constitution qui n'était pas achevée, et dont la rédaction même avait été soustraite à l'initiative royale.

L'assemblée que rien n'arrêtait dans ses travaux prononça le 24 février et le 15 mars l'abolition des droits féodaux et des distinctions honorifiques. Le 28 février, la constitution de l'armée fut déterminée, et les plus belles chances de la carrière des armes, ouvertes aux Français de toutes les conditions, ranimèrent l'émulation d'une jeunesse belliqueuse. La division du royaume en départements, l'organisation judiciaire, l'institution des jurés, l'initiative des lois et le droit de paix et de guerre enlevés au roi, et attribués à l'assemblée, furent les principales opérations qui signalèrent tour à tour, les talents et les principes, les passions et les erreurs de ces modernes Solons.

Après avoir donné ainsi un libre essor à leur esprit de réforme, ils durent enfin tourner leurs regards sur les finances. Les chocs produits par les mesures qu'on avait voulu prendre pour combler le déficit, étaient loin de remplir le trésor; l'embarras se multipliait au contraire par les divisions intestines et par les craintes qu'elles inspiraient. Augmenter les charges dans de telles occurences, c'eût été se perdre aux yeux du peuple; on imagina d'y suppléer par la vente d'une partie des bien du clergé, et par la création d'un papiermonnaie. La fabrication de quatre cents millions d'assignats, hypothéqués sur les domaines nationaux, fut décrétée le 1er juin 1790, et fournit au gouvernement le moyen de faire face, pour un instant, aux besoins les plus impérieux. Cette mine féconde, dont l'exploitation est aussi délicate que

ces à la France, pour soutenir la terrible lutte dans laquelle elle se trouva engagée.

On avait résolu de sanctionner ce qui venait de se passer depuis un an, par la célébration de l'anniversaire du 14 juillet; une fédération des députés des différentes administrations, de l'armée, et de toutes les gardes nationales du royaume, fut convoquée pour ce jour solennel. Une cérémonie imposante eut lieu au Champ de Mars cent mille Français armés, jurant de défendre leurs institutions et leur liberté en présence de la cour, de l'assemblée, des ministres étrangers et de toute la population de Paris, offrirent un de ces tableaux magiques dont l'imagination la plus féconde aurait peine à se tracer une fidèle image.

Jusque-là les intérêts de politique extérieure avaient eu peu de part aux sollicitudes de l'aréopage français et de la nation régénérée. Les rudes attaques auxquelles les armes ottomanes étaient exposées par la réunion des forces de Joseph II et de Catherine, ne touchaient que faiblement des légistes, dont les vues ne s'étendaient pas jusqu'à embrasser toutes les relations des Etats européens. Nonobstant les grands avantages que le commerce du Levant, et ses relations avec la Porte assuraient à la France, elle se trouvait assez embarrassée, pour souffrir que l'Angleterre et la Prusse se saisissent de son rôle naturel, et devinssent à sa place les soutiens de l'empire de Sélim.

Un incident remarquable vint troubler à la fin de mai cet horizon en apparence si serein; le ministre Montmorin rendit compte à l'assemblée des difficultés survenues entre l'Angleterre et l'Espagne, au sujet de la baie de Nootka, sur la côte occidentale d'Amérique; le cabinet de Londres réclamait contre des violences envers son pavillon, et préparait des armements considérables pour s'en venger. L'occasion semblait belle pour réparer les échecs essuyés dans la guerre d'Amérique ; Pitt était porté à croire que le même gouvernement qui avait laissé envahir la Hollande souffrirait patiemment que l'Espagne fût accablée, et ce raisonnement était d'autant plus naturel que le pacte de famille devait paraître odieux aux meneurs de l'assemblée. Ceux-ci en voulaient surtout aux princes de la famille dont ils conjuraient la perte; et le seul traité

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