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changeant la constitution de l'an III, qu'il jugeait mauvaise, et d'adopter les institutions et la constitution qu'il avait méditées, et qui étaient encore dans son porte-feuille.

Régnier, Boulay, un parti nombreux du conseil des anciens, et beaucoup de membres de celui des cinq-cents, voulaient aussi remettre entre ses mains le sort de la république.

Ce parti était celui des modérés et des hommes les plus sages de la législature; c'est celui qui s'était opposé avec Lucien Bonaparte à la déclaration de la patrie en danger.

Les directeurs Barras, Moulins, Gohier, lui insinuaient de reprendre le commandement de l'armée d'Italie, de rétablir la république cisalpine et la gloire des armes françaises. Moulins et Gohier n'avaient point d'arrièrepensée ils étaient de bonne foi dans le systême du moment; ils croyaient que tout irait bien, dès l'instant que Napoléon aurait donné de nouveaux succès à nos armées.

Barras était loin de partager cette sécurité : il savait que tout allait mal, que la république périssait; mais, soit qu'il eût contracté des engagements avec le prétendant, comme on l'a

Mémoires.-Tome I.

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dit dans le temps (1), soit que s'abusant sur sa situation personnelle, car de quelle erreur ne sont pas capables la vanité et l'amour-propre d'un homme ignorant, il crut pouvoir se maintenir à la tête des affaires. Barras fit les mêmes propositions que Moulins et Gohier.

(1) On sait aujourd'hui que Barras avait alors des entrevues avec des agents de la maison de Bourbon. Ce fut David Monnier qui servit d'intermédiaire à Barras, dans la négociation qui fut entamée à cette époque. Barras l'avait envoyé en Allemagne; mais, comme il n'osait espérer que le roi lui pardonnerait sa conduite révolutionnaire, il n'avait pu donner à cet émissaire aucune espèce d'instruction positive. Monnier négocia donc en faveur de Barras, sans que celui-ci eût connaissance d'aucune des clauses de la négociation; et ce fut ainsi que Monnier stipula que Barras consentait à rétablir la monarchie en France, à condition que le roi Louis XVIII lui accorderait sûreté et indemnité : sûreté, c'est-à-dire l'entier oubli de sa conduite révolutionnaire, l'engagement sacré du roi d'annuler, par son pouvoir souverain, toutes recherches à cet égard; indem« nité, c'est-à-dire une somme au moins équivalente à <«< celle que pourraient lui valoir deux années qu'il devait << passer au directoire, somme qu'il évaluait à douze mil<< lions de livres tournois, y compris les deux millions << qu'il devait distribuer entre ses coopérateurs. » Sa majesté voulut bien, en cette occasion, accorder des lettrespatentes, qui furent transmises à Barras par le chevalier Tropès-de-Guerin, et échangées contre l'engagement sous

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Cependant toutes les factions étaient en mouvement. Celle des fructidorisés paraissait persuadée de son influence; mais elle n'avait aucun partisan dans les autorités existantes. Napoléon pouvait choisir entre plusieurs partis à prendre.

Consolider la constitution existante, et donner de l'appui au directoire en se faisant nommer directeur: mais cette constitution était tom-⚫ bée dans le mépris, et une magistrature partagée ne pouvait conduire à aucun résultat satisfaisant; c'eût été s'associer aux préjugés révolutionnaires, aux passions de Barras et de Siéyes, et par contre-coup se mettre en butte à la haine de leurs ennemis.

Changer la constitution et parvenir au pouvoir par le moyen de la société du manège; elle

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crit par ce directeur, pour le rétablissement de la monarchie. Barras prit alors des mesures pour rappeler en France les Bourbons. Le 29 vendémiaire, dix-neuf jours avant le 18 brumaire, il se croyait assuré du succès; mais ce grand dessein échoua, et par le trop de confiance dé Barras, et par les lenteurs qu'occasionna, dans l'exécution, un des agents du roi, qui, afin de se rendre nécessaire, éleva des contestations sur les pouvoirs que sa majesté avait donnés au duc de Fleury, pour négocier cette affaire, etc.

Biographie des hommes vivants. Michaud, 1816, tom. I, page 214.

renfermait un grand nombre des plus chauds jacobins; ils avaient la majorité dans le conseil des cinq-cents, et une minorité énergique dans celui des anciens. En se servant de ces hommes, la victoire était assurée, on n'éprouverait aucune résistance. C'était la voie la plus sûre pour culbuter ce qui existait mais les jacobins ne s'affectionnent à aucun chef; ils sont exclusifs, extrêmes dans leurs passions. Il faudrait donc après être arrivé par eux, s'en défaire et les persécuter. Cette trahison était indigne d'un homme généreux.

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-Barras offrait l'appui de ses amis; mais c'étaient des hommes de moeurs suspectes et publiquement accusés de dilapider la fortune publique comment gouverner avec de pareilles gens? car sans une rigide probité il était impossible de rétablir les finances et de faire rien de bien.

A Siéyes s'attachaient un grand nombre d'hommes instruits, probes et républicains par principes, ayant en général peu d'énergie, et fort intimidés de la faction du manège et des mouvements populaires, mais qui pouvaient être conservés après la victoire et être employés avec succès dans un gouvernement régulier. Le caractère de Siéyes ne donnait aucun ombrage, dans aucun cas, ce ne pouvait

être un rival dangereux. Mais, en prenant ce parti, c'était se déclarer contre Barras et contre le manège qui avaient Siéyes en horreur.

Le 8 brumaire (30 octobre), Napoléon

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dina chez Barras il y avait peu de monde. Une' conversation eut lieu après le dîner: « La république périt, dit le directeur rien << ne peut plus aller; le gouvernement est sans « force; il faut faire un changement, et nom<< mer Hédouville, président de la république. » Quant à vous, général, votre intention est <<< de vous rendre à l'armée; et moi, malade, dépopularisé, usé, je ne suis bon qu'à ren<< trer dans une classe privée. »

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Napoléon le regarda fixement sans lui rien répondre. Barras baissa les yeux et demeura interdit. La conversation finit là. Le général Hédouville était un homme d'une excessive médiocrité. Barras ne disait pas sa pensée; sa contenance trahissait son secret.

S VI.

Cette conversation fut décisive. Peu d'instants après, Napoléon descendit chez Siéyes : il lui fit connaître que depuis dix jours tous les partis s'adressaient à lui; qu'il était résolu de marcher avec lui Siéyes et la majorité du conseil

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