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Or, Messieurs, vous pouvez voir par le Bulletin hebdomadaire dont j'ai eu l'honneur de vous distribuer des exemplaires, que la ville de Bruxelles n'a donné cette semaine, malgré la coexistence insolite d'une double épidémie de typhus et de variole, qu'une proportion relativement peu élevée de décès, 29 pour 1000 habitants.

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Ce simple rapprochement de chiffres démontre donc que l'on a eu tort de nous faire une espèce d'épouvantail de Bombay, il serait réellement désirable que Bruxelles et la presque totalité des villes de la Belgique, de l'Angleterre et des autres contrées pussent rivaliser avec Bombay au point de vue de leur statistique mortuaire.

L'argument que l'on a fait valoir pour décrier la situation sanitaire de Bruxelles n'a donc aucune portée. Comme les bâtons flottants de la fable, de loin c'est quelque chose; de près, ce n'est rien.

M. Craninx nous a dit aussi, je pense, que la ville de Louvain n'avait pas été visitée par la fièvre typhoïde pendant le mois de mai. Or, j'ai reçu officieusement des renseignements officiels d'où il résulte qu'il y a eu dans cette ville, pendant le mois dont il s'agit, six décès causés par la fièvre typhoïde. - M. Craninx: En ville, c'est possible.

M. Janssens: Vous ne pouvez pas baser votre appréciation sur la statistique d'un hôpital il fallait interroger au préalable la statistique de la ville tout entière.

Eh bien, Messieurs, savez-vous ce que représentent ces six décès constatés à Louvain dans l'espace d'un mois? Ils sont l'équivalent de 36 décès à Bruxelles, car la population de Louvain n'est que la sixième partie de celle de Bruxelles. Or, notre statistique a accusé pendant le mois de mai 85 décès, dus à l'épidémie typhoïde (en y comprenant 8 étrangers); depuis le 1er juin jusqu'à ce jour, notre contingent mortuaire est

descendu au chiffre de 55 décès, en y comprenant encore un certain nombre d'étrangers qui habitaient les faubourgs, et qui sont morts dans nos hôpitaux.

Vous voyez donc, Messieurs, toute proportion gardée, que Louvain et Bruxelles sont loin d'être dans des conditions diamétralement opposées au point de vue de leur salubrité respective. Pourquoi dès lors vouloir tant incriminer Bruxelles?

Un mot encore et j'ai fini. Pris à l'improviste dans la séance précédente, je n'ai pu répondre d'une manièrc assez explicite à l'allégation produite quant à la mortalité de certains quartiers de Bruxelles, directement mis en cause. On a déclaré que les sections les plus salubres en apparence avaient, été plus particulièrement attaquées. Or, en opérant le relevé des décès typhoïdes par quartiers, j'ai constaté que dans le courant du mois actuel, 3 décès seulement ont eu lieu au quarlier Léopold, (sur un total de 55 décès); pendant le mois. dernier, le même quartier a fourni 8 décès sur 86; en réunissant le total des victimes prélevées par la fièvre typhoïde depuis le 1er janvier dernier, on constate que 7 % seulement de la totalité des décès ont eu lieu au quartier Léopold.

Je crois superflu d'insister actuellement sur ces données statistiques que je me réserve de compléter à l'occasion. En attendant, ceux d'entre vous, Messieurs, qui désireraient des renseignements plus précis sur la répartition des décès par fièvre typhoïde à Bruxelles, trouveront dans les deux plans que j'ai l'honneur de soumettre à l'inspection de l'Assemblée, la répartition topographique exacte des décès qui ont eu lieu dans chaque rue. Ces deux plans permettent d'apprécier d'un seul coup d'œil les subdivisions urbaines qui ont été plus particulièrement éprouvées par l'épidémie pendant les mois de mai et de juin.

M. Hambursin: Messieurs, l'Académie aborde

aujourd'hui une question importante, qui paraît passionner une partie de l'Assemblée; je la prierai de rentrer dans le calme, et d'examiner les faits sans idée préconçue, avec l'intention d'arriver à d'utiles résultats. Je n'y apporterai, pour ma part, d'autre passion que celle de la vérité.

Il y a deux ans à peine, une première épidémie de fièvre typhoide décimait la capitale. Aujourd'hui le fléau reparaît. Il serait en ce moment, d'après les renseignements que nous ont donnés MM. Crocq et Janssens, en voie de décroissance. M. Crocq: Il a tout à fait cessé.

M. Hambursin: Vous le croyez, mais c'est depuis si peu de temps, qu'il n'est pas impossible que de nouveaux cas surgissent, puisque je vois que, du 17 au 21, il y a eu 17 décès.

Je vous ai dit, à la dernière séance, que j'avais eu occasion. de voir, à Namur, quatre malades qui avaient séjourné pendant huit ou dix jours dans la capitale et qui étaient revenus malades ou avaient contracté la maladie quelque temps après. Depuis lors, deux cas sont survenus encore dans les mêmes conditions. J'estime donc que le miasme ty phique existe encore à un haut degré dans la capitale. Vous avez eu moins de victimes cette année qu'en 1869. Savezvons pourquoi? Parce qu'il y a quantité de personnes qui ont été atteintes, à cette époque, et qui ne peuvent plus aujourd'hui contracter la maladie.

-

Un membre: Le combat finit faute de combattants.

M. Hambursin : C'est souvent ainsi que finissent les épidémies. Vous avez aujourd'hui infiniment moins de personnes prédisposées à contracter la maladie.

Rien ne sert de se faire des illusions. Je ne veux pas exagérer la situation hygiénique de Bruxelles. Je n'irai pas jusqu'à dire que c'est une ville malsaine, et je ne pense pas

que l'intention de M. Craninx ait été de lui faire une réputation de cette nature. M. Craninx a fait allusion à l'épidémie de fièvre typhoïde qui régnait à Bruxelles, pour la seconde fois en deux ans, et je crois qu'il est utile que l'édilité bruxelloise fasse des recherches à ce sujet. C'est du reste ce qu'elle a reconnu elle-même, puisqu'elle a nommé une commission à cet effet. Cette commission est à l'œuvre depuis deux ans, et elle ne nous a pas encore fait connaitre le résultat de ses recherches. M. Janssens vient de nous en dire quelque chose. J'aurai quelques observations à faire à ce sujet.

A la dernière séance, je me suis permis d'exprimer mon étonnement de ce qu'an membre distingué de la commission avait manifesté l'opinion qu'il était impossible de trouver les causes de la fièvre typhoïde. Mais, Messieurs, la fièvre typhoïde n'est pas une maladie née d'hier; les causes en sont connues. Nous ne connaissons certes pas la cause première de cette affection, de même que nous ne connaissons pas la cause première de beaucoup de phénomènes physiologiques et pathologiques qu'il nous est donné d'observer. Mais nous, connaissons les conditions dans lesquelles s'engendre la fièvre typhoïde.

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M. Lequime: Ces conditions sont les mêmes pour toutes les maladies épidémiques.

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M. Hambursin: S'il est un point d'étiologie qui me paraît bien établi en pathologie, c'est celui de la fièvre typhoïde. On sait, par quantité d'observations qui ont été faites depuis des siècles, que la fièvre typhoïde s'engendre particulièrement dans le voisinage des matières animales en décomposition. La décomposition des matières végétales donne plus particulièrement lieu aux fièvres intermittentes. Je ne crois pas cependant que ce soient les produits chimiques seuls de la décomposition des matières animales qui peuvent

produire la fièvre typhoïde. Non, il y a, dans cette expression suprême de la mort, quelque chose de plus actif et qui est au-dessus des forces chimiques. Depuis vingt-cinq à trente ans, M. Schwann a démontré que la fermentation alcoolique était due à une espèce de champignon. M. Pasteur, généralisant cette idée, a démontré que la présence de ces champignons était nécessaire pour produire les fermentations butyrique, acétique, putride, en un mot, pour donner naissance à toute fermentation. Il y a peut-être là un trait de lumière jeté sur le lien qui unit ces deux faits: la décomposition des matières animales et la production des fièvres typhoïdes.

Dans cette théorie, la fièvre typhoïde ne serait autre chose qu'une fermentation putride de l'organisme.

Les anciens avaient eu l'intuition de ce fait, puisqu'ils avaient désigné cette maladie sous le nom de fièvre putride.

Quoi qu'il en soit, l'essentiel est, au point de vue qui nous occupe, que la fièvre typhoïde soit engendrée par la décom position des matières animales, et c'est ce qui ne me parait pas douteux.

A la dernière séance, M. Bribosia, M. Gluge et d'autres membres ont fait connaitre des faits qui témoignent dans ce sens, et pour mon compte, j'ai eu occasion d'en observer également. A. Namur, où la fièvre typhoïde s'observe rarement, on remarque que les quelques cas qu'on y rencontre éclatent toujours dans un petit périmètre, dans le périmètre de la basse-Sambre où les déjections de la ville sont rejetées et déposées sous forme de limon. Pendant la durée des réparations du canal, c'est-à-dire du 15 juin au 15 juillet, la moitié du lit de la rivière est à sec, et la vase mise à nu donne naissance à une fermentation dont il est facile de reconnaitre les exhalaisons. Eh bien! c'est toujours dans ce

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