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des circonstances variées, produire des effets aussi divers, si la présence de tel ou tel acide peut modifier son action physiologique, n'est-il pas évident que les expériences faites sur les poissons peuvent perdre beaucoup de leur valeur, et qu'il importe toujours de leur donner comme complément indispensable une détermination qualitative, une recherche de caractères ? C'est là tout ce que j'ai voulu établir jusqu'ici.

Il n'en est pas moins vrai que l'histoire de la picrotoxine mériterait d'être complétée. En parlant d'un acetate peu soluble et de composés peu toxiques formés par des acides végétaux, les auteurs cités ont soulevé pour les chimistes un problème qui mérite d'être résolu. Nous ne savons pas quelle peut être la nature de ces corps, qui ne sont évidemment pas des sels, et qui peut-être pourront fournir aux chimistes des réactions analytiques plus délicates encore que celles que nous possédons aujourd'hui. C'est un point sur lequel je me permets d'attirer l'attention de nos honorables confrères, plus spécialement versés dans l'étude de la chimie.

Comme moi, notre collègue, M. Blas, démontre clairement dans son mémoire (1) que la méthode de l'honorable M. Depaire présente plusieurs lacunes. Il dit que la filtration de la bière saturée du chlorure de sodium et tenant en suspension un précipité très-visqueux, s'opère très-difficilement et demande plusieurs jours, et ce qui est plus fort encore, Messieurs, et ce dont M. Depaire n'a dit mot dans son dernier rapport, M. Blas dit qu'en suivant le modus operandi de M. Depaire, il se forme du sulfate de soude par la présence du chlorure de sodium dans l'éther devenu aqueux par la bière non concentrée, et que là où il croyait trouver de la picrotoxine il a trouvé du sulfate de soude (2)!

(1) Bulletin de l'Académie royale de médecine de Belgique, 1870. (2) Voir Bulletin de l'Academie, 1870, p. 103.

Mes expériences personnelles sont venues confirmer ces faits. Appuyé sur ces raisons, peut-on me reprocher de m'être trop avancé lorsque je récuse la méthode de mon honorable collègue, quand je maintiens qu'elle doit être bannie de la pratique?

Son procédé n'est pas bon, car pendant l'opération, comme le déclare également M. Blas (1), le menstrue, le dissolvant, l'éther en un mot, en devenant aqueux par la bière non concentrée, qu'on décante premièrement, entraîne une partie du chlorure de sodium. Viendra-t-on me soutenir que cet éther aqueux et salin n'est point privé, en partie, de ses propriétés normales, de sa force, de ses propriétés dissolvantes en contenant en solution du chlorure de sodium qui se transforme ensuite, pendant le traitement, en sulfate de soude? Comment, alors, ne doit-on pas s'abstenir d'une méthode qui nous donne. du sulfate de soude là où l'on cherche de la picrotoxine? Ajouterai-je que le procédé est long et dispendieux; que la filtration à elle seule demande plusieurs jours? Qu'on songe donc qu'il faut répéter une deuxième fois le traitement par l'éther et revenir sur toutes les opérations qui sont les conséquences indispensables de ce traitement. Ce travail sans fin, qui le nierait, fait perdre considérablement et d'éther et d'alcool; et après tout que trouve-t-on pour résultat? Un rendement presque nul de picrotoxine, contrairement aux procédés de MM. Langley et Schmidt (2); il n'en saurait, du reste être au

(1) Loco citato.

(2) Le procédé de M. Langley consiste à aciduler la bière picrotoxinée par l'acide chlorhydrique et l'agiter avec de l'éther.

Celui de M. Schmidt consiste à agiter la bière concentrée au tiers, après décoloration par le noir animal, avec de l'alcool amylique qui enlève la picrotoxine.

D'après celui de M. Depaire, on sature la bière par du sel marin en l'agitant avec 360 grammes de sel fin, par litre. On filtre le liquide pour séparer l'excès de sel et les matières résinoides devenues insolubles, puis on l'agite vivement

trement, car il est patent que les chances de perte en picrotoxine seront en rapport direct avec le nombre et la longueur des opérations qui doivent la faire découvrir.

Sans être un Pelouze ni un Fremy, on reconnaitra sans peine, avec moi, je l'espère, quel danger, quelle imprudence il y aurait à recourir à la méthode de mon collègue pour l'analyse d'une bière falsifiée par la coque du Levant. Je n'insisterai pas plus longuement sur les inconvénients qu'elle présente, et je conseille à tout opérateur consciencieux de bien prendre garde aux mécomptes qu'elle entraînerait à sa suite.

Après cet exposé, je ne doute point que l'Académie ne reconnaisse à son tour que notre collègue M. Depaire a eu tort de déclarer d'une façon si péremptoire que je n'avais pas compris son rapport et que mes observations critiques manquaient de valeur.

On a voulu insinuer que tout ce que j'avais dit de la picrotoxine n'était que pure théorie, citations d'auteurs, et l'on a ajouté que pour marcher sur un terrain solide il fallait avoir recours aux expériences du laboratoire; en un mot qu'il était nécessaire, pour parler trivialement, d'avoir mis la main à la pâte, ou que l'on courait le risque de se perdre dans des hypothèses vagues, sans consistance et que rien n'appuyait virtuellement.

Mais qui donc a dit à l'honorable rapporteur que je n'avais pas essayé d'atteindre la certitude à l'aide de manipulation's répétées? Cette erreur, je ne puis la laisser passer sous silence. Qu'on sache donc que je suis allé même plus loin que mon collègue. Loin d'opérer exclusivement comme lui sur la coque du Levant, ce qui n'est pas assez, j'ai fait des expé

avec 75 à 100 centimètres cubes d'éther pur. On abandonne au repos pour permettre à l'éther de se séparer, on le décante et on répète une deuxième fois, le traitement par l'êther (Bulletin de l'Academie royale de médecine de Belgique, 2e série, tome XI.)

riences avec l'absinthe, le quassia amara, la coloquinte, l'opium, la strychnine, la noix vomique, l'acide picrique, etc., toutes substances employées pour falsifier la bière et auxquelles on prête de l'action sur les poissons et les autres animaux. J'ai donc, dans mon laboratoire, épuisé toutes les ressources qui m'étaient offertes.

En terminant, Messieurs, je dirai qu'il est cependant bien loin de ma pensée de vouloir infirmer d'une façon absolue, tous les arguments que l'on pourrait m'opposer. Je m'incline bien volontiers devant le savoir de mes honorables collègues; je reconnaîtrai toujours avec plaisir mon erreur, quand leurs objections me paraitront fondées. Je ne doute nullement qu'ils en agiront de même à mon égard. Ils voudront reconnaitre aussi que, dans cette question de la picrotoxine, principe immédiat, vénéneux, de la coque du Levant, il existe encore des points douteux à éclaircir. Aussi en abordant ici cette discussion, je n'entends garder par devers moi que le bien modeste mérite d'avoir provoqué une discussion sur une très-importante question chimique et hygiénique demeurée assez obscure et qui appelle l'enquête scrupuleuse de la science. Cette enquête, je m'estime heureux, Messieurs, de l'avoir ouverte devant des juges aussi compétents que vous tous.

M. le Président : M. Depaire ayant demandé la parole, et l'heure du comité secret étant arrivée, nous ajournons cette discussion à une autre séance.

demie.

L'Académie se forme en comité secret à une heure et

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Élection de membres honoraires et de correspondants

Sont nommés membres honoraires MM. les docteurs

L.-A. Demarres, à Paris, et P.-S. Payan, à Aix.

Leur nomination, conformément à l'article 5 des statuts, sera soumise à l'agrément du Roi.

Ont été élus correspondants belges MM. les docteurs. V.-F.-J. Desguin, médecin dans l'armée belge, actuellement à Anvers; L. Hambursin, à Namur, et Ed. Van den Corput, médecin et professeur de clinique médicale à l'hôpital St-Pierre, à Bruxelles.

Les autres propositions de candidats, formulées par la Commission de présentation, seront soumises à la Compagnie dans le comité secret de la prochaine séance.

La séance est levée à deux heures et demie.

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