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m'y donner de vos nouvelles chez la veuve Duchesne, libraire, rue Saint-Jacques.

Je vous remercie de la bonté que vous avez eue de songer à mes commissions. J'ai d'autres prunes à digérer; ainsi disposez des vôtres. Quant aux bilboquets et aux mouchoirs, je voudrois bien que vous pussiez me les envoyer à Paris, car ils me feroient grand plaisir; mais, à cause que les mouchoirs sont neufs, j'ai peur que cela ne soit difficile. Je suis maintenant très en état d'acquitter votre petit mémoire sans m'incommoder. Il n'en sera pas de même lorsque, après les frais d'un voyage long et coûteux, j'en serai à ceux de mon premier établissement en Angleterre : ainsi, je voudrois bien que vous voulussiez tirer sur moi à Paris à vue le montant du mémoire en question. Si vous voulez absolument remettre cette affaire au temps où je serai plus tranquille, je vous prie au moins de me marquer à combien tous vos déboursés se montent, et permettre que je vous en fasse mon billet. Considérez, mon bon ami, que vous avez une nombreuse famille à qui vous devez compte de l'emploi de votre temps, et que le partage de votre fortune, quelque grande qu'elle puisse être, vous oblige à n'en rien laisser dissiper, pour laisser tous vos enfants dans une aisance honnête. Moi, de mon côté, je serai inquiet sur cette petite dette, taut qu'elle ne sera pas ou payée ou réglée. Au reste, quoique cette violente expulsion me dérange, après un peu d'embarras je me trouverai du pain et le nécessaire pour le reste de mes jours par des ar

rangements dont je dois vous avoir parlé ; et quant à présent rien ne me manque. J'ai tout l'argent qu'il me faut pour mon voyage et au-delà, et, avec un peu d'économie, je compte me retrouver bientôt au courant comme auparavant. J'ai cru vous devoir ces détails pour tranquilliser votre honnête cœur sur le compte d'un homme que vous aimez. Vous sentez que, dans le désordre et la précipitation d'un départ brusque, je n'ai pu emmener mademoiselle Le Vasseur errer avec moi dans cette saison, jusqu'à ce que j'eusse un gîte; je l'ai laissée à l'île Saint-Pierre, où elle est très-bien et avec de trèshonnêtes gens. Je pense à la faire venir ce printemps, en Angleterre, par le bateau qui part d'Yverdun tous les ans. Bonjour, monsieur; mille tendres salutations à votre chère famille et à tous nos amis; je vous embrasse de tout mon cœur.

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Strasbourg, le 4 décembre 1765.

Vos bontés, monsieur, me pénètrent autant qu'elles m'honorent. La plus digne réponse que je puisse faire à vos offres, est de les accepter, et je les accepte. Je partirai dans cinq ou six jours pour aller me jeter entre vos bras; c'est le conseil de milord Maréchal, mon protecteur, mon ami, mon père; c'est celui de madame de Boufflers, dont la bienveillance éclairée me guide autant qu'elle me console; enfin j'ose dire c'est celui de mon cœur, qui se plaît à devoir beaucoup au plus illustre de

mes contemporains, dont la bonté surpasse la gloire. Je soupire après une retraite solitaire et libre où je puisse finir mes jours en paix. Si vos soins bienfaisants me la procurent, je jouirai tout ensemble et du seul bien que mon cœur désire, et du plaisir de le tenir de vous. Je vous salue, monsieur, de tout mon cœur.

647.

A M. DE LUZE.

Paris, le 16 décembre 1765.

J'ARRIVE chez madame Duchesne plein du désir de vous voir, de vous embrasser, et de concerter avec vous le prompt voyage de Londres, s'il y a moyen. Je suis ici dans la plus parfaite sûreté; j'en ai en poche l'assurance la plus précise (*). Cependant, pour éviter d'être accablé, je veux y rester le moins qu'il me sera possible, et garder le plus parfait incognito, s'il se peut : ainsi ne me décelez, je vous prie, à qui que ce soit. Je voudrois vous aller voir; mais pour ne pas promener mon bonnet dans les rues, je désire que vous puissiez venir vous-même le plus tôt qu'il se pourra. Je vous embrasse, monsieur, de tout mon cœur (**).

(*) Il avoit un passeport du ministre bon pour trois mois. (**) Cette intention si formelle de garder le plus parfait incognito, et l'empressement que nous le verrons bientôt montrer de quitter ce théâtre public (lettre ci-après du 26 décembre), suffisent pour démentir ce qui est raconté à ce sujet dans la

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648. A M. DU PEYROU.

Paris, le 17 décembre 1765.

J'ARRIVE d'hier au soir, mon aimable hôte et ami. Je suis venu en poste, mais avec une bonne chaise et à petites journées. Cependant j'ai failli mourir en route ; j'ai été forcé de m'arrêter à Épernay, et j'y ai passé une telle nuit, que je n'espérois plus revoir le jour : toutefois me voici à Paris dans un état assez passable. Je n'ai vu personne encore, pas même M. de Luze, mais je lui ai écrit en arrivant. J'ai le plus grand besoin de repos ; je sortirai le moins que je pourrai. Je ne veux pas m'exposer derechef aux dîners et aux fatigues de Strasbourg. Je ne sais si M. de Luze est toujours d'humeur de passer à Londres; pour moi, je suis déterminé à partir le plus tôt qu'il me sera pos

Correspondance de Grimm (première partie, tome v, page 124).

« Rousseau est revenu à Paris le 17 décembre. Le lende>> main il s'est promené au Luxembourg en habit arménien.... » Il s'est aussi promené tous les jours à une certaine heure sur >> le boulevard dans la partie la plus proche de son logement. >> Cette affectation de se montrer au public sans nécessité, en dépit du décret de prise de corps, a choqué le ministre, qui » avoit cédé aux instances de ses protecteurs, en lui accordant >> la permission de traverser la royaume pour se rendre en An>> gleterre. On lui a fait dire par la police de partir sans autre » délai, s'il ne vouloit être arrêté. En conséquence il quitta >> Paris le 4 janvier, accompagné de D. Hume. >>

sible, et tandis qu'il me reste encore des forces, pour arriver enfin en lieu de repos.

Je viens en ce moment d'avoir la visite de M. de Luze, qui m'a remis votre billet du 7, daté de Berne. J'ai écrit en effet la lettre à M. le bailli de Nidau; mais je ne voulus point vous en parler pour ne point vous affliger: ce sont, je crois, les seules réticences que l'amitié permette.

Voici une lettre pour cette pauvre fille qui est à l'Ile je vous prie de la lui faire passer le plus promptement qu'il se pourra; elle sera utile à sa tranquillité. Dites, je vous .supplie, à madame la commandante (*) combien je suis touché de son souvenir, et de l'intérêt qu'elle veut bien prendre à mon sort. J'aurois assurément passé des jours bien doux près de vous et d'elle; mais je n'étois pas appelé à tant de bien. Faute du bonheur que je ne dois plus attendre, cherchons du moins la tranquillité. Je vous embrasse de tout mon cœur.

649. A M. D'IVERNOIS.

Paris, le 18 décembre 1765.

AVANT-HIER au soir, monsieur, j'arrivai ici trèsfatigué, très-malade, ayant le plus grand besoin de repos. Je n'y suis point incognito, et je n'ai pas besoin d'y être : je ne me suis jamais caché, et je ne veux pas commencer. Comme j'ai pris mon

(*) C'étoit la mère de du Peyrou, veuve d'un commandant de Surinam.

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