Héro d'une main tremblante Tient la lampe étincelante Qui lui fervit feulement
A voir périr fon Amant.
Ariane roule en colere
Ce fil, trifte inftrument d'un perfide attentat: Infortunée, hélas! d'avoir trahi son Pere Pour ne rendre heureux qu'un Ingrat. Phedre interdite & confufe,
Baigne trop tard de fes pleurs L'Ecrit où fa main accufe
Ses criminelles ardeurs.
Moins coupables cent fois, & plus à plaindre qu'elle, Et Didon & Thisbé vont se frapper le fein: D'un perfide ennemi l'une a le fer en main, L'autre celui d'un Amant trop fidelle.
De leurs douleurs l'Amour voulut être témoin; Car dans nos maux le Traître admire fon ouvrage. Il cachoit fon carquois, fon flambeau, d'un nuage. Vaine adreffe! inutile foin!
Le voilà découvert. La Cohorte rebelle Le menace. Il veut fuir.
Il ne bat que d'une aîle.
Il tombe. On le faifit. Il verse en vain des pleurs. Attaché fur un Myrthe, une fureur nouvelle Lui va de mille morts préfenter les horreurs. Tendre Amour! de ton fein l'une approche l'épée Par qui fa trame fut coupée:
L'autre offre à tes regards les débris enflammés Du bucher où fes jours ont été confumés.
Myrrha, de qui les Dieux ont endurci les larmes, Et fait pour t'accabler de redoutables armes, Tes cris ont attiré ta Mere dans ces lieux. Vient-elle à ton fecours? Non. Que l'Audacieux, Dit Vénus, éprouve ma rage.
Des filets de Vulcain, des ris malins des Dieux, Je n'ai pas oublié l'outrage. Un buiffon épineux offre aux yeux de Cypris De longs bouquets de rofes
De leurs boutons à peine éclofes. Elle en arme fa main; elle approche fon Fils. Arrêtez, Déeffe irritée,
S'écrie avec tranfport la Troupe épouvantée; Lorfque nous refpirions le jour," Le Sort fit nos malheurs, ce n'étoit pas l'Amour.
L'AMOUR TOUJOURS VAINQUEUR.
'CRuelle Mere des Amours!
Toi, que j'ai fi long-temps fervie, Ceffe enfin d'agiter ma vie,
Et laiffe en paix mes derniers jours. Ta tyrannie & tes caprices Font payer trop cher tes délices; C'est trop gémir dans ta prifon: Brile les fers qui m'y retiennent, Et permets que mes vœux obtiennent, Les fruits tardifs de ma raison.
Déjà m'échappe le bel âge Qui convient à tes Favoris, Et des ans le fenfible outrage Me va donner des cheveux gris. Si pour moi le deffein de plaire Devient un espoir téméraire, Que puis-je encore defirer?. Quelle erreur de remplir mon ame D'une vive & conftante flame. Que je ne faurois inspirer!
Quand on fait unir & confondre En deux cœurs mêmes-fentimens, Et que les yeux de deux Amans Savent s'entendre & fe répondre; Quand on fe livre tout le jour Aux foins d'un mutuel amour; De quels tranfports l'ame eft ravie Dans ces momens délicieux, Un mortel porte-t-il envie A la félicité des Dieux ?
Mais l'amorce de tes promeffes N'eut que trop l'art de m'éblouïr; Réserve toutes tes careffes
A l'heureux âge d'en jouïr. Serre de la plus forte chaîne L'ardent Cléon, la jeune Ifmene: Vole où t'appellent leurs plaifirs: Fai-les mourir, fai-les revivre; Et que ta faveur les enivre D'un torrent d'amoureux plaifirs.
Pour moi, dans un champêtre azyle, Où l'Arou de fes claires eaux Baigne le pied de nos côtaux,
Je cherche un bonheur plus tranquile. Sur des fleurs mollement couché, Avec un esprit détaché
Des biens que le Courtifan brigue; Sur moi le Pere du repos,
Le Sommeil, d'une main prodigue, Verfera fes plus doux pavots.
Je verrai quelquefois éclore Dans les prez les aimables fleurs, Odorantes filles des pleurs,
Que verfe la naiffante Aurore. Je verrai tantôt mes guérets
Dorés par la blonde Cérès;
Dans leur temps, les dons de Pomone Feront plier mes espaliers;
Et mes vignobles en Automne Rempliront mes vaftes celliers.
Mais, quel trouble & quelles allarmes Viennent me faifir malgré moi? Pourquoi, Céphife, hélas! pourquoi Ne puis-je retenir mes larmes? Dans mon fein je les fens couler; Je rougis, je ne puis parler, Un cruel ennui me dévore.
Ah, Vénus! ton Fils eft vainqueur. Oui, Céphife, je brûle encore; Tu regnes toujours fur mon cœur.
422 L'ART DE SOUMETTRE LES COEURS. Quelquefois la douceur d'un fonge Te rend fenfible à mes transports. Charmes fecrets, divins tréfors, N'êtes-vous alors qu'un menfonge? Une autre fois, avec dédain, Tu te dérobes fous ma main: J'embraffe une ombre fugitive; Et te cherchant à mon réveil, Je hais la clarté qui me prive Des doux fantômes du fommeil.
Profitez, riante Jeuneffe,
Du temps de faire votre cour: Dépêchez-vous, l'heure vous preffe, Le temps qui fuit, eft fans retour. Il n'eft qu'un Printemps dans l'année: La nuit fuit de près le matin; Et Flore, dans une journée, Des Rofes dont elle eft ornée, Commence & finit le deftin.
C'est en vain que le Berger chante; Que fa flûte rend de doux fons; Qu'il veut de l'objet qui l'enchante, Fléchir le cœur par fes chanfons.
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