Des longs & froids panégyriques. Sous les yeux de la Vérité, J'adreffe au Prince des Lyriques Cet éloge que m'ont dicté Le goût, l'eftime, & l'équité. Rouffeau, conduit par Polymnie, Fit paffer dans nos Vers François Ces fons nombreux, cette harmonie, Qui donné la vie & la voix
Aux airs qu'enfante le génie. Lui feul, avec févérité,
Sous les contraintes de la rime, Fit naître l'ordre & la clarté; Et par le concours unanime D'une heureuse fécondité Unie aux travaux de la lime, Sa Mufe avec rapidité S'élevant jufques au fublime Vola vers l'Immortalité.
Que la Renommée & l'Hiftoire Gravent à jamais fur l'airain; Cet hymne digne de mémoire, Où Rouffeau, la flamme à la main, Chaffe du Temple de la Gloire Les Destructeurs du Genre humain, Et fous les yeux de la Victoire Ebranle leur Trône incertain. Tels font les accens de sa Lyre. Mais quel feu, quels nouveaux attraits, Lorfque Bacchus & la Satyre, Dans un vin petillant & frais Trempent la pointe de fes traits!
En vain, de fa gloire ennemie, La Haine répand en tout lieu, Que fa Mufe enfin avilie N'eft plus cette Muse chérie De Duffé, La Fare, & Chaulieu : Malgré les arrêts de l'Envie, S'il revenoit dans fa patrie, Il en feroit encor le Dieu. Les travaux de notre jeune âge Sont toujours les plus éclatans: Les graces qui font leur partage, Les fauvent des rides du tems. Moins la rofe compte d'inftans, Plus elle s'affure l'hommage Des autres filles du Printemps. Répons-moi, célébre V***, Qu'eft devenu ce coloris, Ce nombre, ce beau caractere, Qui marquoit tes premiers écrits Quand ta plume vive & légere Peignoit la joye enfant des Ris, Le vin faillant dans la fougere, Les regards malins de Cypris, Et tous les fecrets de Cythere? Alors, de l'héroïque épris, Tu célébrois la violence . Des feize Tyrans de Paris, Et la généreuse clémence
Du plus vaillant de nos Henris. Alors, la fublime Eloquence Te pénétroit de fes chaleurs: Les graces & la véhémence
Se marioient dans tes couleurs; Et par une heureuse inconftance, De ton efprit en abondance Sortoient des foudres & des fleurs. Mais cette chaleur éclairée Qui fe répandoit fur tes Vers, Par tes grands travaux modérée, Semble enfin s'être évaporée Comme un nuage dans les airs. Tandis que ma Muse volage, Par un aimable égarement, S'arrête où le plaifir l'engage, Et donne tout au fentiment; L'ombre defcend, le jour s'efface, Le char du Soleil qui s'enfuit, Se joue en vain fur la furface De l'onde qui le reproduit. L'heure impatience le fuit, Vole, le preffe, & dans fa place Fait fuccéder l'obfcure nuit. Que dans ma retraite éclairée Par la préfence & le concours Des Dieux enfans de Cythérée, Les plaifirs exilés des Cours, Du vin de cette urne facrée S'enivrent avec les Amours! Que mon toit foit impénétrable Aux craintes, aux remords vengeurs ; Et qu'un repos inaltérable,
Dans cet azyle favorable,
Endorme les foucis rongeurs! Sur ces demeures folitaires
416 EPITRE AUX DIEUX PE'Nates. Veillez, ô mes Dieux tutélaires! Déjà Morphée au teint vermeil, Abaiffe fes allés légeres,
D'où la molleffe & le fommeil Vont defcendre fur mes paupieres. Puiffé-je après deux nuits entieres N'être encor qu'au premier réveil, Et voir dans tout fon appareil L'Aurore entr'ouvrant les barrieres Du Temple brillant du Soleil ! Vous, dont la main m'eft toujours chere, Vous, mes amis dès le berceau,
Si l'Enfant qui porte un flambeau Venoit m'annoncer que Glycere Favorife un Amánt nouveau,
Mes Dieux, déchirez fon bandeau, Et repouffez le téméraire.
Mais fi, plus fenfible à mes vœux, Il vous apprend que cette Belle, Moins aimable encor que fidelle, Brûle pour moi des mêmes feux; Alors, d'une offrande éternelle Flattez cet Enfant dangereux, Et qu'une fleur toute nouvelle Orne à l'inftant fes beaux cheveux.
Loin de ces Prifons redoutables, Où Pluton aux Ombres coupables Fait fentir fon jufte courroux,
Il eft dans les Enfers des azyles plus doux. Des Myrthes toujours verds y forment des ombra-
Qui n'ont rien de l'horreur de l'éternelle nuit:
Des Fleuves y coulent fans bruit:
Des Pavots languiffans couronnent leurs rivages. On voit parmi les fleurs qui parent ce féjour, Hyacinthe, Narciffe, & tant d'autres encore, Qui, mortels autrefois, de l'Empire d'Amour Ont paffé dans celui de Flore.
Ces Beautés dont les noms fameux Rempliffent la Fable & l'Hiftoire,
Malgré l'eau du Léthé confervent la mémoire De leurs malheurs & de leurs feux. L'Ambitieufe imprudente Qui voulut voir Jupiter
Armé de la foudre tonnante," Rappelle ce plaifir qui lui coûta fi cher. La Maitreffe de Céphale,
Plaignant toujours fon Vainqueur, Chérit la fleche fatale,
Dont il lui perça le cœur.
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