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408 AVANTURE EXTRAORDINAIRE.

nouiffement, & nous la vîmes en état de fe ré. tablir peu à peu. Tout ceci fe paffa fans qu' aucun domeftique s'apperçût de rien. Le lendemain je voulus prendre congé pour continuer mon voyage; mais l'un & l'autre me firent tant d'inftances pour m'arrêter, & d'une maniere fi preffante, qu'il me fallut condefcendre à leur volonté. Je reftai encore trois semaines avec eux, pendant lefquelles l'embonpoint revint à la femme, la joye au mari, la parole aux domestiques, & la parure aux jardins; après quoi je continuai mon chemin, fans rencontre ni bonne ni mauvaife avanture.

AUX DIEUX

PÉNATE S.

PROTECTEURS de mon toit rustique,

C'est à vous qu'aujourd'hui j'écris.
Vous, qui fous ce foyer antique
Bravez le fafte de Paris,
Et la molleffe Aliatique
Des Alcoves & des Lambris,
Soyez les feuls dépofitaires
De mes Vers férieux, ou fous;
Que mes Ouvrages folitaires,
Se dérobant aux yeux vulgaires,
Ne s'éloignent jamais de vous.
J'efpérois que l'affreux Borée
Respecteroit nos jeunes fleurs,
Et que l'haleine tempérée

Du Dieu qui prévient les chaleurs,
Rendroit à la Terre éplorée

Et fes parfums & fes couleurs.
Mais les Nymphes & leurs Compagnes
Cherchent les abris des buiffons:
L'hiver defcendu des montagnes.

Tome VI.

S

Souf.

Souffle de nouveau fes glaçons,
Et ravage dans les campagnes
Les prémices de nos moiffons.
Rentrons dans notre folitude,
Puifque l'Aquilon déchaîné
Menace Zéphire étonné
D'une nouvelle fervitude;

Rentrons, & qu'une douce étude

Déride mon front férieux.

Vous mes Pénates, vous mes Dieux,
Ecartez ce qu'elle a de rude,
Et que les vents féditieux
N'emportent que l'inquiétude,
Et laiffent la paix en ces lieux.
Enfin je vous revois, mes Lares,
Sous ce foyer étincelant

A la rigueur des vents barbares
Opposer un chêne brûlant.
Je fuis enfin dans le filence,
Mon efprit libre de fes fers
Se promene avec nonchalance
Sur les erreurs de l'Univers.
Rien ne m'aigrit, rien ne m'offenfe.
Cœurs vicieux, efprits pervers,
Vils Efclaves de l'opulence,
Je vous condamne fans vengeance:
Cœurs éprouvés par les revers,
Et foutenus par l'innocence,
Ma main fans espoir vous encense;
Mes yeux fur le mérite ouverts
Se ferment fur la récompenfe.
Sans fortir de mon indolence,

Je

Je reconnois tous les travers
De ce rien qu'on nomme Science:
Je vois que la fombre Ignorance
Obscurcit les pâles éclairs

De notre foible intelligence.
Ah! que ma chere indifférence
M'offre ici de plaisirs divers!
Mes Dieux font les Rois que je fers,
Ma Maîtreffe eft l'Indépendance,
Et mon Etude l'Inconftance.

O toi, qui dans le fein des Mers
Avec l'Amour as pris naissance,
Déeffe, répands dans mes Vers
Ce tour, cette noble cadence
Et cette molle négligence
Dont, tu fais embellir tes airs!
Amant de la fimple Nature,
Je fuis les traces de fes pas.
Sa main auffi libre que fure
Néglige les loix du compas,
Et la plus légere parure
Eft un voile pour les appas.
Quand la verrai-je fans emblême,
Sans fard, fans éclat emprunté,
Conferver dans la pudeur même
Une piquante nudité,

Et joindre à la langueur que j'aime,
Le fouris de la volupté?

Infpirez-moi, Divins Pénates,
Vous-mêmes guidez mes travaux,
Verfez fur ces rimes ingrates
Un feu vainqueur de mes Rivaux.

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Et que mes Chants toujours nouveaux
Mêlent la raifon des Socrates
Au badinage des Saphos.
Mais qu'une Sageffe ftérile
N'occupe jamais mes loisirs;
Que toujours ma Mufe fertile
Imite, en variant fon ftile,
Le vol inconftant des Zéphirs;
Et qu'elle abandonne l'utile,
S'il eft féparé des plaifirs.
Favorable à ce beau délire,

Grand Rouffeau vole à mon fecours,
Pour remplir ce qu'un Dieu m'inspire,
Réunis en ce jour la Lyre,

Et le Lut badin des Amours:
Soutien-moi, prête-moi tes ailes,
Guide mon vol audacieux
Jufqu'à ces voûtes éternelles

Où l'Aftre qui parcourt les Cieux,
Darde fes flammes immortelles
Sur les ténebres de ces lieux.
Je lis, j'admire tes Ouvrages:
L'Esprit de l'Etre Créateur
Semble verfer fur tes images
Toute fa force & fa grandeur;
Mais ne croi pas que vil Flateur
Je deshonore mes fuffrages

En mendiant ceux de l'Auteur.'
Vous le favez, Dieux domestiques,
Mon ftile n'eft point infecté
Par le fiel amer des Critiques,
Ni par ie nectar apprêté

Des

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