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elle

gion la mettoit au nombre de ses ennemis. Cet. te Lettre n'eut pas l'effet qu'elle s'en promettoit. Elle en écrivit une feconde, qui ne fut pas mieux re. çue que la premiere, dont elle fut fi outrée qu'elle fut quelque temps à fe vouloir du mal de ce qu'elle n'avoit pas la force de le haïr. La Reine, qui pen. dant la guerre ne jouiffoit qu'imparfaitement de fa Régence, parce que le Lieutenant-Général du Royaume faifoit tout, ayant fçu de Mademoiselle du Rouet, à qui le Roi de Navarre en avoit fait confidence, que la Maréchale de Saint-André étoit toute puiffante fur l'efprit du Prince, la vit en particulier, & la pria d'employer toute l'autorité qu'elle avoit fur lui pour le faire confentir à la paix, lui promettant de ne jamais oublier un tel fervice. Si la Maréchale eût ofé en croire fon amour, eût fait ce que la Reine fouhaitoit d'elle. La paffion qu'elle avoit pour le Prince, augmentoit de jour en jour; &, quoiqu'elle eût affez de vertu pour ia combattre,elle n'en avoit pas affez pour en triompher. Elle fçavoit, que pour obliger les Troupes qu'il conduifoit à braver le péril, il feroit le premier à leur en montrer l'exemple, & à s'expofer où le danger paroftroit plus grand; & cette pensée lui donnoit de fi fréquentes allarmes, que fous prétexte de craindre pour les jours de fon mari, elle le conjuroit de porter l'efprit du Duc de Guise à l'accommodement que la Reine defiroit. Cepen. dant, quoique l'éloignement du Prince fût un fupplice pour elle, la réputation qu'elle avoit d'être la perfonne de la Cour en qui l'on trouvoit le moins à dire, balança fon inclination naturelle: pour conferver fa gloire, elle renonça à fon plaifir; & fe feroit acquis beaucoup d'eftime, fi elle eût toujours fait la même chofe. La Reine, outrée de ce que la Maréchale refufoit d'écrire au Prince, & voulant connottre fi elle en étoit aimée, résolut de lui écrire elle-même. Après lui avoir étalé les plus pref

preffantes raisons dont elle put s'avifer pour le fai, re confentir à un accommodement, & lui avoir représenté que le Roi, dont il avoit l'honneur d'être parent, l'Etat, & elle-même lui feroient redevables de leur repos, elle y ajouta qu'il rendroit un fignalé fervice à la Maréchale de St. André;qu'elle lui eût écrit avec joyé fielle l'eût pu faire avec affurance; & que, pour lui ôter tout fujet de doute, elle la méneroit avec elle à Montleheri, s'il vou loit s'y rendre un jour qu'elle lui marqua, accom. pagné de cinquante hommes, & elle d'un pareil nombre, pour conférer fur les moyens qu'il pour roit y avoir d'affoupir dès fon commencement une guerre, où de part & d'autre le plus heureux fuc. cès ne pouvoit manquer d'être funefte à la France. Le Prince, qui ne s'imaginoit point de plaifir égal à celui de voir la Maréchale de St. André, fit réponse à la Reine par le même Courier qui lui avoit apporté fa Lettre, & lui manda qu'il ne manqueroit pas de fe trouver au rendez-vous qu'il plaifoit à Sa Majefté de lui donner. L'Amiral, qui s'étoit rendu à Orléans, n'étoit pas de cet avis: il connoif. foit la Reine, & tout ce qui venoit de fa part lui étoit fufpect; mais, quand l'amour parle, c'eft d'ordinaire lui feul qu'on écoute: & ainfi il n'y a pas lieu de s'étonner files raifons de l'Amiral ne firent point d'effet fur l'efprit du Prince.

Le jour qu'avoit marqué la Reine étant arrivé, l'amoureux Condé parut à la vue de Montlehe i. L'Amiral, qui appréhendoit qu'on ne lui tendit un piege, voulut être un des cinquante hommes qui l'accompagnerent; &, n'ayant pu le détourner de fon deffein, il l'empêcha du moins d'entrer dans une ville qui tenoit le parti des Gui. fes, & cette raifon étoit affez forte pour s'en défier. La Reine 's'y étoit rendue le jour précédent. Avant que de partir de Paris, elle avoit comman⚫ dé à deux de fes filles de feindre quelque indif pofition,

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aux propofitions que l'on m'a faites. Et quel ef fet produira cette vue, lui dit la Maréchale, s'il faut à l'inftant nous féparer, pour ne vous revoir peut-être jamais? Si ma vue vous étoit auffi chere que vous voulez me le faire croire, vous n'y re nonceriez pas fi facilement; & la Paix que l'on vous offre, vous sembleroit affez juste, pour vous faire embrasfer une occasion de me voir toujours. Hélas! Madame, répondit le Prince, que de malheureux vous m'allez faire abandonner, pour peu que votre bonté continue: la haine que je conferve pour les Guifes, n'eft point à l'épreuve des fentimens favorables que vous me faites l'hon. neur de mne témoigner; &, quoiqu'il y aille de ma gloire de ne pas laiffer fans vengeance les infultes qu'ils m'ont ofé faire, je les oublierai avec joye, fi le facrifice de mon reffentiment contribue à vous marquer la grandeur de ma paffion. Je ne prétens rien exiger de votre amour, repartit fiérement la Maréchale, qui puiffe faire tort à votre gloire: fi l'eftime que je fais de vous doit être comptée pour quelque chofe, c'est à votre réputation feule que vous la devez ; &, tout grand Prince que vous foyez, peut-être aurois-je eu de la peine à vous l'accor. der, fi vous n'aviez encore été plus grand Homme. Je ne vous cele point, ajouta-t-elle, que je fuis fachée de ce que la Paix ne fe fait pas; mais je la ferois encore davantage, fi l'on en faifoit une qui vous fût honteufe: loin de prendre pour une marque d'amour le facrifice de votre gloire, je le re garderois comme une foibleffe, qui me feroit re pentir de l'injuftice de mon choix; & fi vous vou. lez que je vous faffe un aveu fincere, mon cœur, charmé de vos grandes actions, fe defabuferoit aifément, s'il vous en échappoit quelqu'une que l'on pût vous reprocher justement. Le Prince, ravi de ce qu'il venoit d'entendre. repliqua avec un tranfport qu'il lui fut impoffible de retenir: Qu'il

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m'eft doux, Madame, de trouver tant de généro fité dans une perfonne que je veux adorer toute ma vie! Que la gloire va m'être chere, puifqu'il en faut avoir pour être confidéré de vous; & fi mes exploits vous ont plû avant que j'euffe deffein de vous plaire, que ne ferai-je point pour augmen. ter une réputation qui me rend fi redevable à vos bontés! Il lui dit enfuite les raifons qu'il avoit eues de refufer la Paix, qu'elle trouva plaufibles; & lui représenta que les Guifes occupoient un rang qui étoit dû à fa naiffance, & qu'il feroit même en droit de leur difputer fi on l'obtenoit par le mérite: car, pour ce qui eft de la Religion, ajouta t-il, je ne prétens pas qu'elle ferve d'obftacle à ma fortune: je n'ai pas embraffé celle dont je fais profeffion, dans la créance que ce fut la meilleure, mais feulement pour être ennemi de la Maifon de Lorraine; &, pourvu que je me venge des outrages que j'en ai reçus, il ne m'importe de quelle Religion je fois. Que dirai-je à la Reine, lui demanda la Maréchale, d'une maniere qui marquoit le chagrin, qu'elle avoit de le quitter? Elle attend votre réponse, & vous fçavez quelle eft fon impatience. Au nom de ce que vous avez de plus cher au monde, interrompit promptement le Prince, ne précipitez point une féparation qui doit m'être fi cruelle: les intérêts dont la Reine vous laiffe la conduite, ne font pas de fi peu de confé. quence, qu'on puiffe imputer à d'autres foins les momens que vous m'accorderez; & peut-être ne fe préfentera-t-il jamais une fiheureuse occafion de me favorifer de votre vue. Mais Prince, lui dit tendrement la Maréchale, quand nous ferons plus long-temps enfemble, que nous dirons-nous? Ah, Madame, lui repliqua-t-il, fi je vous avois donné autant d'amour que vous m'en avez fait perdre que ne nous dirions-nous pas ? Adieu!, Prince, repartit la Maréchale, qui peut-être commençoit à

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fe défier de fa vertu: je fuis mariée; c'est dire affez que je ne puis vous écouter davantage. Si vous faites cas de mon eftime, vous fçavez à quel prix je la mets, & ce qu'il faut faire pour la mériter: mais, quelque chere que vous foit la gloire, je ferai bien aise que vous ne l'achetiez que ce qu'elle vaut, & que vous ne prodiguiez pas une vie où je prends plus de part que vous ne croyez. Encore une fois, adieu. En achevant ces mots, elle prit congé du Prince. Il la conjura de demeurer encore quelques momens; mais elle lui remontra que ce n'étoit pas l'aimer, que d'avoir fi peu de foin de fa réputation; & comme fon amour étoit accompagné d'un grand refpect, il fe contenta de la conduire des yeux jufques dans le caroffe de la Reine, où elle ne fut pas plutôt entrée, qu'il alla rejoindre l'Amiral qui l'attendoit.

Cette conférence n'ayant pas eu l'effet qu'on s'en promettoit, & chacun ayant des troupes prê tes, on commença les actes d'hoftilité, & le Roi fut réduit à la malheureufe néceffité de chercher à faire des conquêtes fur lui-même. Rouen, qui s'étoit déclaré pour les Huguenots, fut la premiere ville que l'on affiégea. Elle foutint quantité d'at taques avec une réfolution qui lui eût acquis beau. coup de gloire, fi elle eût choifi le bon parti: mais enfin, le Prince de Condé ayant inútilement effayé d'y conduire du fecours, parce que le Maré. chal de Saint-André lui fermoit tous les paffages, elle fut prife, & le Roi de Navarre y entra en triomphe par la breche. Cette action étoit bel. le & éclatante, auffi lui fut-elle bien vendue. Un coup de moufquet, qu'il y reçut à l'épaule, & qui n'eût pas été à craindre, fans les fréquentes vifites de Mademoiselle du Rouet qui mirent le feu à fa playe, eut une fi dangereufe fuite, que s'étant fait mettre fur la Seine, pour remonter à Paris*,

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