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ALBERT.

Prends garde seulement que ta belle étourdie
Dans quelque honnête ennui ne perde sa gaîté.

RODOLPHE.

Prends garde seulement que ta rose endormie
Ne trouve un papillon quelque beau soir d'été.

ALBERT.

Des premiers feux du jour j'aperçois la lumière.

RODOLPHE.

Laissons notre dispute, et vidons notre verre.
Nous aimons, c'est assez; chacun a sa façon,
J'en ai connu plus d'une, et j'en sais la chanson.

Le droit est au plus fort, en amour comme en guerre,
Et la femme qu'on aime aura toujours raison.

1839

ADIEU

Adieu! je crois qu'en cette vie
Je ne te reverrai jamais.

Dieu passe, il t'appelle et m'oublie;
En te perdant, je sens que je t'aimais.

Pas de pleurs, pas de plainte vaine.
Je sais respecter l'avenir.
Vienne la voile qui t'emmène,
En souriant je la verrai partir.

Tu t'en vas pleine d'espérance,

Avec orgueil tu reviendras;

Mais ceux qui vont souffrir de ton absence,
Tu ne les reconnaîtras pas.

Adieu! tu vas faire un beau rêve,
Et t'enivrer d'un plaisir dangereux;
Sur ton chemin l'étoile qui se lève
Longtemps encore éblouira tes yeux.

Un jour tu sentiras peut-être

Le prix d'un cœur qui nous comprend,
Le bien qu'on trouve à le connaître,
Et ce qu'on souffre en le perdant.

1839.

SILVIA

A MADAME

Il est donc vrai, vous vous plaignez aussi,
Vous dont l'œil noir, gai comme un jour de fête,
Du monde entier pourrait chasser l'ennui.

Combien donc pesait le souci

Qui vous a fait baisser la tête ?

C'est, j'imagine, un aussi lourd fardeau

Que le roitelet de la fable;

Ce grand chagrin qui vous accable
Me fait souvenir du roseau.

Je suis bien loin d'être le chêne,

Mais, dites-moi, vous qu'en un autre temps
(Quand nos aïeux vivaient en bons enfants)
J'aurais nommée Iris, ou Philis ou Climène,
Vous qui, dans ce siècle bourgeois,
Osez encor me permettre parfois

De vous appeler ma marraine,
Est-ce bien vous qui m'écrivez ainsi,
Et songiez-vous qu'il faut qu'on vous réponde?
Savez-vous que, dans votre ennui,

Sans y penser, madame et chère blonde,

Vous me grondez comme un ami?
Paresse est manque de courage,
Dites-vous; s'il en est ainsi,
Je vais me remettre à l'ouvrage.
Hélas! l'oiseau revient au nid,

Et quelquefois même à la cage.
Sur mes lauriers on me croit endormi;
C'est trop d'honneur pour un instant d'oubli,
Et dans mon lit les lauriers n'ont que faire;
Ce ne serait pas mon affaire.
Je sommeillais seulement à demi,
A côté d'un brin de verveine
Dont le parfum vivait à peine,
Et qu'en rêvant j'avais cueilli.
Je l'avouerai, ce coupable silence,
Ce long repos, si maltraité de vous,
Paresse, amour, folie ou nonchalance,
Tout ce temps perdu me fut doux.
Je dirai plus, il me fut profitable ;
Et, si jamais mon inconstant esprit
Sait revêtir de quelque fable
Ce que la vérité m'apprit,
Je vous paraîtrai moins coupable.
Le silence est un conseiller
Qui dévoile plus d'un mystère;
Et qui veut un jour bien parler
Doit d'abord apprendre à se taire.
Et, quand on se tairait toujours,
Du moment qu'on vit et qu'on aime,
Qu'importe le reste? et vous-même,

Quand avez-vous compté les jours ?
Et, puisqu'il faut que tout s'évanouissc,
N'est-ce donc pas une folle avarice

De conserver comme un trésor

Ce qu'un coup de vent nous enlève?

Le meilleur de ma vie a passé comme un rêve
Si léger qu'il m'est cher encor.

Mais revenons à vous, ma charmante marraine.
Vous croyez donc vous ennuyer?

Et l'hiver qui s'en vient, rallumant le foyer,
A fait rêver la châtelaine.

Un roman, dites-vous, pourrait vous égayer;
Triste chose à vous envoyer!

Que ne demandez-vous un conte à La Fontaine ?
C'est avec celui-là qu'il est bon de veiller;
Ouvrez-le sur votre oreiller,

Vous verrez se lever l'aurore.

Molière l'a prédit, et j'en suis convaincu,
Bien des choses auront vécu

Quand nos enfants liront encore
Ce que le bonhomme a conté,

Fleur de sagesse et de gaîté.

Mais quoi! la mode vient, et tue un vieil usage.
On n'en veut plus, du sobre et franc langage
Dont il enseignait la douceur,

Le seul français, et qui vienne du cœur;
Car, n'en déplaise à l'Italie,
La Fontaine, sachez-le bien,
En prenant tout n'imita rien;
Il est sorti du sol de la patrie,

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