COLLECTION DES PRINCIPAUX OUVRAGES PÉDAGOGIQUES FRANÇAIS ET ÉTRANGERS CONDORCET RAPPORT ET PROJET DE DÉCRET DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE EDITION NOUVELLE AVEC INTRODUCTION ET COMMENTAIRES PAR GABRIEL COMPAYRÉ PARIS LIBRAIRIE HACHETTE ET Cie 79, TOJI EVARD SAINT-GERMAIN, 79 1883 INTRODUCTION Un historien de l'éducation en France, M. Théry, ouvre par ces mots dédaigneux son chapitre sur la Révolution : « On n'étudie pas le vide, on n'analyse pas le néant1. » Un historien plus récent de l'instruction publique sous la Révolution, M. Albert Duruy, arrivant au travail de Condorcet, l'oeuvre la plus considérable assurément de la pédagogie révolutionnaire, n'hésite pas à porter ce jugement sommaire et absolu : « Nous ne sommes plus ici dans le réel et dans le possible; nous voguons en pleine chimère, nous planons dans l'espace à des hauteurs où l'idéologie pouvait scule atteindre". >> Voilà qui est bientôt dit! A en croire ces juges sévères, l'appréciateur des efforts de la Révolution en matière d'instruction publique aurait le choix entre le néant et la chimère. Les hommes de la Révolution n'ont rien fait, disent les uns; ce sont des rêveurs et des idéologues, disent les autres. Ces jugements historiques mériteraient une longue .1. Théry, Histoire de l'é lucation en France, Paris, 1861, t. II, p. 188 2. Albert Duruy, l'Instruction publique et la Révolution, p. 80. a réfutation que nous tenterons quelque jour; mais la réponse la plus décisive doit être cherchée avant tout dans un appel direct aux textes si lestement condamnés par nos contradicteurs. Nous pensons que la lecture attentive et impartiale du beau Rapport de Condorcet convaincra les plus indifférents, et ralliera leur sympathie, leur admiration même à l'œuvre de la Révolution française. Qu'on nous permette seulement quelques réflexions préliminaires. I Dans les écrits de Luther et de Coménius, l'historien de la pédagogie saluc ce qu'on pourrait appeler les origines protestantes de l'enseignement primaire; dans les écoles de La Salle, ses origines catholiques. Mais on doit revendiquer pour la Révolution française l'honneur d'en avoir été le berceau laïque et philosophique. Ce n'est pas que les hommes de la Révolution aient été pour la plupart des pédagogues, au sens strict du mot. La science de 'éducation ne leur doit pas des méthodes nouvelles ils n'ont pas complété l'œuvre de Locke et de Rousseau. Mais ils ont été les premiers à faire effort pour organiser législativement un vaste système d'instruction publique. C'est justice de les placer au premier rang parmi les hommes qu'on pourrait appeler les politiques de l'éducation. Le temps leur a manqué sans doute pour appliquer leurs idées : mais ces idées, ils ont au moins le mérite de les avoir con |