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condamna au feu le traité du jésuite Mariana, de Rege et regis institutione, Tolède, 1599, in-4o, et, qui plus est, la cour de France parvint à en obtenir la suppression en Espagne, où il avait pourtant paru avec approbation et privilège du roi.

"Le samedi 4 décembre 1610, M. le lieutenant criminel saisit en l'imprimerie du Carroi (qui, en aiiant ouï le vent, s'estoit absenté) tous ces petits libelles diffamatoires qui courroient, entre autres, l'Anti-Cotton (1), le Tocsin, la copie d'une lettre du Pays-Bas, qui n'était encore achevée d'imprimer, et autres semblables fadezes. Il laissa garnison en la maison de ce pauvre homme, aagé de près de quatre-vingts ans, qui estoit suffisante de ruiner en peu de jours une famille nécessiteuse comme la sienne. Après il le fist trompeter, lui et son fils, par la ville, et leur fist le dit lieutenant du pis qu'il peust, nonobstant les prières et sollicitations de beaucoup d'honnestes gens qui s'en meslèrent pour eux. Finalement, il y eust interdiction au lieutenant criminel d'en connoistre : duquel on disoit que la balance ́ n'estoit pas bien juste en justice, à cause de l'avarice de cest homme (2). "

Cet imprimeur avait échappé à grand'peine à la potence lors de l'affaire de le Breton; mais cette fois il fut sauvé par la manifestation de l'opinion publique, qui s'était fortement prononcé contre les jésuites.

« En 1611, sous Louis XIII, dit le cardinal de Richelieu, Mayenne fit imprimer un livre séditieux

(1) L'Anti-Cotton était dirigé contre le jésuite Cotton, confesseur de Henri IV. Le mois précédent, le libraire Joualin avait été, par sentence du Châtelet, condamné, comme détenteur de ce livre, à faire amende honorable; mais il en appela au Parlement, qui le renvoya absous, sur le rapport du conseiller Mesnard, << homme de bien et bon François, dit l'Estoile, et par conséquent mauvais jésuite. »

(2) L'Estoile, tome II, p. 645.

pour le temps, intitulé: De la Monarchie aristocratique, par lequel il mettait en avant, entre autres choses, que les femmes ne devoient être admises au gouvernement de l'Etat. La reine le fit supprimer et en confisquer tous les exemplaires; mais elle jugea à propos, pour n'offenser pas les huguenots, de pardonner à l'auteur. »

En 1614, au moment où les princes venoient de quitter la cour:

"Force livrets séditieux couraient entre les mains d'un chacun ; les almanachs, dès le commencement de l'année, ne parloient que de guerre; il s'en étoit vu un, d'un nommé Morgard, qui étoit si pernicieux que l'auteur en fut condamné aux galères. C'étoit un homme aussi ignorant en la science qu'il professoit faussement, que dépravé en ses mœurs, ayant pour cet effet été repris de justice, ce qui fit juger qu'il n'avoit été porté à prédire les maux dont il menaçoit que par ceux-là même qui les vouloient faire; c'est pourquoi il mérita justement le châtiment qui lui fut ordonné.

Sous la date de 1618, le même historien parlant d'un procès dirigé contre les ennemis de Luynes :

❝ On mêla en cette affaire, dit-il, quelques personnes qui, par leur imprudence, avoient fait quelques écrits mal digérés sur le sujet de Luynes et des affaires du temps. Durand (poëte et auteur de ballets) fut mis prisonnier pour ce sujet, et un nommé Sily, florentin, qui avoit été secrétaire de l'archevêque de Tours, frère de la maréchale d'Ancre. Un même livre fut imputé à tous deux, et même peine leur fut ordonnée d'être rompus et brûlés avec leurs écrits en la Grève, et un frère dudit Sily, qui n'avoit fait simplement qu'en transcrire une copie, fut pendu (1). "

(1) La même année. 1618, une ordonnance du bailli du Palais, rendue le 27 avril, condamna J. Bouillerot et Melchior Mondière, imprimeurs, l'un à douze livres parisis, l'autre à trente-deux livres parisis d'amende envers le roi, pour avoir imprimé un libelle. (L. Lalanne, extrait de la Liberté d'écrire. Curiosités bibliographiques.)

La communauté des imprimeurs et libraires de Paris fit saisir, d'après la sentence du Prévôt de Paris, chez les dominotiers de Paris les caractères dont ceux-ci se servaient pour l'impression des légendes qui accompagnaient les planches gravées. Mais les dominotiers en appelèrent, et le 28 janvier 1600, ils obtinrent des lettres patentes de forme de charte qui leur en maintinrent l'usage; l'arrêt suivant du Parlement, du 18 juillet, «<leur permet d'avoir et tenir toutes sortes de lettres et de caractères, en tel nombre qu'il leur serait nécessaire, pour l'usage et l'impression de tous planches, titres, histoires, figures, chapiteaux et ouvrages en livres et en placards, avec bordure, concernant leurs dominoteries, selon et ainsi qu'ils avaient coutume de faire, avec main-levée de choses sur eux saisies. D

LES MAÎTRES LIBraires et imprimEURS, LES DEVISES OU MARQUES, LES CARTONS, LES ERRATA, LES PROtes, les correcTEURS D'ÉPREUVES AUX XV ET XVI SIÈCLES.

PHYSIOLOGIE DU CORRECTEUR D'épreuves en 1861.

On a parlé jusqu'ici du sort des livres, des tribulations de toute nature causées par leur émission, il n'importe pas moins de faire connaître à

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nos lecteurs, les usages en Librairie, en Imprimerie, vers la fin du quinzième siècle, et le cours du seizième. Ils apprendront quels hommes remarquables et distingués étaient à ces époques les correcteurs d'épreuves.

Ils étaient à juste titre considérés à l'égal des plus savants écrivains, en raison de leurs vastes connaissances, de l'emploi relevé qu'ils savaient en faire, et de leur zèle infatigable pour l'honneur des lettres, dont leur profession, disons mieux, une vocation particulière, leur faisait un devoir. Dans l'apparition au grand jour des trésors de l'antiquité, rendus à leur pureté primitive, grâce à leurs soins multipliés, ils en connaissaient tout le prix, et jouissaient d'avance dans la conscience de leurs efforts, du tribut d'admiration que leur a décerné et que leur conserve toujours la postérité reconnaissante.

On vit même d'illustres auteurs descendre à des occupations rigoureusement matérielles dans leur passion pour les livres. Tel fut le fameux Arétin, qui se fit un instant relieur.

Si dans ces temps déjà si reculés, parurent avec tant d'éclat les correcteurs d'épreuves, quels sont aujourd'hui leurs descendants et leurs successeurs? Ont-ils hérité, jouissent-ils de la considération qui s'attache d'ordinaire aux professions libérales? L'aveugle Fortune vient-elle dispenser envers eux

de quelques-unes de ses faveurs, si rares d'un côté, si prodiguées de l'autre? Nous répondrons en partie à toutes ces questions en terminant ce chapitre par une véritable physiologie du correcteur d'épreuves en 1861.

Auparavant suivons un peu leurs devanciers dans leur carrière.

C'était la coutume de nos premiers imprimeurs de mettre des devises ou des vers avec leur nom à la fin des livres qu'ils donnaient au public.

Voici deux vers assez jolis qui se trouvent à la fin des décrets de Bâle et de Bourges, sous le titre de Pragmatique sanction, avec un commentaire de Côme Guynien, licencié ès-droits, de l'édition d'André Bocard à Paris, 1507 (1):

Stet liber hic, donec fructus formica marinos
Ebibat, et totum testudo perambulet orbem.
La pensée en est au moins originale :

Que reste ce livre, où de la mer un jour,
La fourmi tarira les trésors pour certain;
De plus, la tortue, accomplira le tour,

De l'univers entier, en un parcours lointain.

Les imprimeurs ne mettaient pas seulement leurs noms dans ces sortes de vers, mais aussi les noms des correcteurs, comme cela se voit in commentariis Andra de Ysernia super constitutionibus sici

(1) Vigneul Marville, Mélanges d'histoire et de littérature.

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