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faciliter l'exercice de l'homoeopathie ou pour ériger des hôpitaux, dont les nécrologes sont beaucoup moins chargés que ceux des allopathes.

En Russie, l'homœopathie est en grand honneur; des ukases de l'empereur la pro légent partout; en Suède, en Angleterre, en Espagne, en Portugal, en Suisse, en Italie, en Sicile, aux États-Unis, en France

elle est librement exercée.

Voilà, Messieurs, des faits, et si M. Martens ne veut ni les voir ni les admettre, il me permettra de le comparer à l'oiseau de la Fable qui, après avoir caché sa tête sous son aile, prétendait que la nature entière avait disparu.

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M. Martens dit (page 157 du Bulletin): Or, comme la doctrine homœopathique est en opposition avec tout ce que les sciences physico-chimiques nous ont appris, il est évident que tout homme qui examinera froidement et sans idées préconçues les données et les principes de la doctrine en question ne saurait leur accorder la moindre importance. »

Ce passage peint le professeur en traits admirables hors la science, tout est obscurité, confusion, erreur.

Ces prétentions de M. Martens me rappellent une anecdote qui trouve naturellement sa place ici après la bataille d'Arcole, un officier du génie autrichien, fort savant, et fait prisonnier, soutenait que Bonaparte était un pauvre général :

Il nous bat, il est vrai, disait-il, mais il ne suit pas les principes de la stratégic; il s'écarte constamment des règles de la science. »

Voilà le savant, et voilà l'homme de génie qui suit sa découverte. Celui-ci bat son adversaire, mais le savant ne veut pas passer pour battu. Que deviendrait la science, qu'il faut sauvegarder avant tout, et que deviendrait la dignité du savant? Respectez-la, Messieurs, si vous voulez vivre en paix avec eux; car l'histoire des sciences nous apprend que Galilée, Copernic, Harvey, Newton, Jenner, Fulton et tous les hommes de génie qui ont fait des découver tes ont été bafoués par les savants de leur époque. Ils n'ont même pas fait grâce au Sauveur du monde qui venait prècher la fraternité et le pardon des offenses. Aussi pourquoi venait-il déranger l'ordre établi dans la science politique? L'esclavage avait ses lois, ses maximes, ses préceptes; on devait les respecter.

Voilà les conséquences qui découlent du principe établi par l'honorable professeur; je ne devrais pas être obligé de les signaler, car tout le monde sait qu'une découverte est un fait nouveau, un jet subit

et subtil que Dieu fait quelquefois bondir d'un esprit inculte, et bien souvent les sciences n'ont rien à y voir; car quand Galilée a proclamé le mouvement de la terre, ceux qui représentaient la science de son époque prétendaient que le soleil marchait depuis la création.

M. STAS: Copernic l'avait dit avant lui. M. VARLEZ: Eh bien! voilà deux hommes de génie contre mille savants, peutêtre.

M. STAS: Les savants étaient de l'avis de Galiléc.

M. VARLEZ: Où sont les preuves de cette assertion? L'Institut de France était-il de l'avis de Fulton? Quand Guillaume Harvey découvrit la circulation du sang, toutes les écoles enseignaient que le sang ne circulait pas, et quand Colomb annonça le nouveau monde, les docteurs de son temps s'en moquèrent en prétendant que l'Atlantique était la borne éternelle du seul monde possible ici-bas.

Maintenant, je répéterai que ce n'est pas à l'homœopathie de se mettre d'accord avec la science, mais que c'est la science qui doit se soumettre. Notre raisonnement a pour seule et unique base les faits cliniques, que les sciences doivent accepter parce que ce sont des faits, et si les sciences physico-chimiques sont ici en défaut, elles ont besoin d'être refaites sur ce point, et elles le seront, ou elles resteront en arrière des sciences médicales qui prennent l'observation et l'expérience pour guides.

Pour prouver que les doses homœopathiques peuvent avoir de l'influence sur l'économie, j'ai cité le pouvoir des miasmes inconnus dans leur nature et qui, quoique impalpables et impondérables, sont assez puissants pour décimer les populations.

M. Martens me répond que les miasmes ne sont pas insaisissables, que ce sont des matières organiques dont la présence peut facilement être reconnue dans l'air au moyen des procédés chimiques. Je ferai observer à M. Martens que ce n'est qu'au point de vue pratique que je raisonne, et que la démonstration dont il parle ne peut satisfaire que les savants, car elle n'est d'aucun secours au médecin. Qu'importe-til, en effet, que vos instruments soient sensibles à l'action des miasmes, si vos expépériences ne peuvent être utiles pour prévenir les épidémies, pour en atténuer la violence, ou pour soulager les malades?

M. Martens a-t-il pu guérir un cholérique avec tous les moyens dont la chimie dispose? A-t-il diminué les ravages du fléau? Non. Eh bien, le praticien voué au culte de l'humanité lui répond que les expériences de cette nature ne sont d'aucune valeur et

qu'il faut des remèdes dont le laboratoire vital soit le dynamomètre.

Toute substance nuisible, continue M. Martens, qui ne saurait, à l'instar des miasmes, se reproduire aux dépens des principes de notre corps, n'agit jamais sur nous par des doses infinitésimales ou impondérables..

Je demanderai à l'honorable professeur, si la cause des asphyxies foudroyantes des fosses d'aisance a le temps de se reproduire aux dépens des principes de notre corps; si les émanations du muse, du sumac, du rhus toxicodendron, etc., n'agissent pas sur nous à doses inpondérables sans se reproduire? L'arsenic et ses composés, demande M. Martens, ont-ils jamais pu déterminer un empoisonnement à dose homœopathique?

Non, mais est-il donc absolument nécessaire qu'une dose de médicament puisse tuer pour qu'elle puisse être utile? Voilà précisément ce qui constitue l'innocuité de l'homœopathie : c'est que jamais nos remèdes ne tueront personne; nos doses sont une garantie pour nos malades, et nous réalisons le vœu de Celse, le Cicéron des médecins, qui prenait toujours pour épigraphe de sa conduite: Non nocere. Aussi vous ne verrez jamais un homœopathe accusé d'un délit thérapeutique, tandis que la Gazelle des Tribunaux insère très-souvent des condamnations pour homicide involontaire par imprudence dont vos collègues en allopathie se rendent coupables.

M. Martens prétend que nos doses homœopathiques sont trop atténuées pour produire un effet quelconque; et comme il nie les faits cliniques, et qu'il ne veut se livrer à aucune expérimentation, je lui citerai le passage suivant du mémoire que M. Bouchardat a lu à l'Académie des sciences, séances du 24 et du 31 juillet 1843. « Les » préparations arsénicales à la dilution d'un ⚫ millième, empoisonnent les végétaux; les » poissons éprouvent de même l'action toxi» que de ces substances. Aucune plante, » aucun animal, n'a résisté à l'influence » des préparations mercurielles solubles. » Cette expérience est très-remarquable.

L'action délétère des sels mercuriels est > vraiment prodigieuse par rapport à sa » petite dose; un milligramme d'iodure de

mercure dissous dans mille grammes ⚫ d'eau (environ un milligramme pour > vingt litres d'eau), a suffi pour tuer en - quelques secondes les poissons que l'on a > plongés dans cette dissolution. Cette pro> portion de sel mercuriel est tellement faible, un millionième! qu'elle échappe > aux réactifs chimiques les plus sensibles. Et qu'elle peut être la quantité que les poissons en ont absorbéc?

» Les poissons sont comme foudroyés dans l'eau contenant un millième d'essence de moutarde. L'essence d'amandes » amères privée d'acide cyanhydrique a ⚫ encore une action plus prononcée. »

Voilà des faits! je pourrais en citer de bien plus étonnants encore. Mais ils sont inutiles à ceux qui soumettent l'homœopathie au creuset de l'expérience, puisque l'observation leur apprend bien vite l'effet de nos doses, et ils seraient impuissants pour convaincre les savants qui nient l'observation.

Quant à M. Martens, je ne chercherai pas à le convertir à la logique des faits, ceux-ci n'existant pas pour lui, quand ils dérangent l'harmonie de la science.

Il est dit, dans l'Écriture, qu'avant la fin du monde on verra des découvertes qui étonneront même les anges; mais, avant de les communiquer aux hommes, Dieu devra faire attention aux exigences des sciences. S'il ne les respecte pas, les savants sauront bien lui prouver par les lois physico-chimiques qu'il est dans l'erreur et qu'on pourrait faire mieux : car,

Dans son humilité profonde,
Plus d'un modeste professeur
Se défend d'avoir fait le monde,
Prétendant qu'il l'eût fait meilleur.

M. FALLOT: Messieurs, je ne crains pas de dire, sûr de n'être démenti par aucun des membres de cette assemblée, à quelque secte médicale qu'il appartienne, que si le mode d'argumentation cher à l'orateur qui vient de s'asseoir, pouvait s'introduire dans cette enceinte, toute discussion scientifique y deviendrait impossible. Par une fatalité de son organisation, par suite de la prédominance d'un sentiment dont les phrénologues placent le siége à la partie supérieure latérale de la tête, il voit tout en lui, rapporte tout à lui, et du moment qu'il intervient dans une question, quelle qu'elle soit, il l'arrache violemment du terrain scientifique où elle devrait seule rester fixée, pour la fourvoyer au milieu des plus acrimonieuses personnalités; et pour qu'il ne puisse y avoir aucun doute sur ses intentions, ce sont des discours écrits, mûrement délibérés dans le silence du cabinet et le calme des nuits, qui leur servent de réceptacle.

Messieurs, je l'ai déjà dit, ce besoin de personnalités peut dramatiser nos débats de la manière la plus pittoresque; plus elles sont imprégnées de fiel et saupoudrées d'assa-fœtida, et plus elles plaisent à certains palais, plus elles obtiennent de succès, dans un certain monde; mais ces succès ne sont pas faits pour me plaire.

M. VARLEZ: Vous appelez cela me ré- collègues homeopathes, je me suis toupondre ?

M. FALLOT: Attendez un moment. Vous ne perdez que l'attente; mais ne m'interrompez pas. J'ai eu assez de patience pour vous entendre jusqu'au bout, je ne vous ai pas interrompu, j'espère que vous voudrez bien avoir la justice de m'écouter : si vous y manquiez, j'aurais recours à l'autorité de notre président.

M. VARLEZ: Nous avons eu auparavant la même patience avec vous.

M. FALLOT: Je n'ambitionne pas de semblables suffrages; ce ne sont pas des satisfactions d'amour-propre, Messieurs, que je viens chercher dans cette enceinte. L'amour-propre des individus est d'un intérêt trop léger près de celui de la science, ct l'homme disparaît devant les principes. Aussi c'est des principes seuls que j'aurais voulu vous entretenir; mais la violence inouïe avec laquelle j'ai été attaqué, non dans mes opinions, mais dans mon caráctère (on m'a sans pudeur jeté à la face le reproche de mauvaise foi et de mensonge), me force nécessairement à vous parler de moi et à défendre ma personne.

J'ai donc ici une double tâche à remplir, mais je crois qu'elle me sera facile. J'ai à démontrer que chaque fois que l'orateur a attaqué mes opinions, il a mal raisonné, que chaque fois qu'il a attaqué ma personne, il m'a calomnié. Ma justification sera, j'ose m'en flatter, complète, quoique présentée avec beaucoup de modération, et comme il convient à un homme pénétré du respect qu'il doit à l'assemblée devant la quelle il parle et des devoirs qu'il a à y remplir.

Je répondrai sur des notes que j'ai prises pendant que l'orateur parlait. J'ai écouté son discours avec trop d'attention pour m'être senti le courage de le lire. Messieurs, pour avoir l'occasion de me donner une leçon de politesse, l'orateur a feint de croire que je lui avais reproché d'en manquer. Le fait est parfaitement inexact. L'exemple que M. Varlez a cité de mon défaut de courtoisie prouve une chose, c'est qu'il ne connaît pas suffisamment la matière dont il s'est ingéré de parler il s'agit de la manière dont j'ai apprécié l'homœopathie. Je sais qu'on est tenu à des égards, à des procédés envers tout le monde, même envers ses adversaires. Je n'en donne pas de leçons, mais je m'attache à en donner l'exemple; quant à des égards, de la politesse pour les choses, j'avoue que cela n'a pas fait partie de mon éducation, à celles-là on ne doit que la vérité. Peutêtre mon jugement sur l'homœopathie est il un peu sévère; mais à l'égard de mes

:

jours exprimé avec beaucoup d'estime et de déférence. Et comment la bienveillance ne serait-elle pas dans ma bouche quand elle est dans mon cœur? Aussi, M. Carhier, qui se connaît certainement en politesse aussi bien que M. Varlez, ne s'est-il pas trouvé le moins du monde blessé de mes paroles. Je n'en dis pas davantage sur ee point; la déférence que M. Varlez a bien voulu témoigner pour mon âge me fait un devoir d'user de ménagement envers sa jeunesse.

J'aborde un autre point.

Je passe condamnation sur mon défaut d'érudition en littérature homœopathique; je veux que tous les noms dont M. Varlez nous a déroulé le catalogue appartiennent à des hommes du premier mérite et d'une vaste science. Je m'incline devant leur talent et leur renommée. Mais, d'après l'allégation que M. Varlez a produite avec cette assurance qui ne l'abandonne jamais, relativement à M. d'Amador, je suis fort tenté de croire que son érudition, à lui, est trop exclusivement homœopathe. En effet, il vous a affirmé sans hésitation qu'en parlant des succès par lesquels ont été marqués les premiers pas du savant professeur de Montpellier dans la carrière littéraire, j'avais eu en vue son mémoire sur la statistique médicale. Or, Messieurs, il n'en est rien. Quand M. d'Amador a publié ce mémoire, il était déjà engagé, je pense, sous le drapeau de l'homoeopathie. Le travail auquel je faisais allusion est beaucoup plus ancien. C'est un mémoire composé à cette occasion-ci : M. Portal, en mourant, légua sa bibliothèque à celui des élèves des écoles de France qui tracerait le mieux l'histoire de l'anatomie pathologique depuis Morgagni jusqu'à nos jours. Ce prix fut partagé entre M. d'Amador dont la science déplore la perte prématurée, et M. Dezeimeris, encore vivant. C'est à ce travail que je faisais allusion en disant que

Ses pareils à deux fois ne se font pas connaitre, Et pour leurs coups d'essai veulent des coups de [maitre.

Par un sentiment tout naturel de justice, et sans être arrêté par l'arrière-pensée du parti qu'une critique peu loyale pourrait en tirer contre moi, j'ai dit que tout n'est pas faux dans l'homœopathie. Messieurs, ce n'est pas la première fois que je vous ai tenu ce langage. Dans une circonstance solennelle où j'avais l'honneur de parler en votre nom, je disais qu'il n'y a pas de système si absurde en médecine qui n'ait quelque chose de vrai. M. Varlez s'est emparé de cette déclaration avec plus

d'empressement que d'habileté et, l'enveloppant dans un commentaire de sa façon, il en déduit que je reconnaissais, que je proclamais la supériorité de l'homœopathie sur l'allopathie. Si, au lieu de tronquer mon passage et d'en extraire ce qui allait à son système, il avait bien voulu vous le lire jusqu'au bout, il se serait épargné le désagrément d'un démenti. Mais il n'avait garde; l'effet qu'il espérait produire, non ici (car, il vous l'a dit naïvement, cette enceinte est trop étroite pour son ambition), mais ailleurs, aurait été manqué.

Remplissons la lacune qu'il a laissée. Je disais :

• Nous ne dirons pas que tout est faux dans l'homœopathie; l'individualité des cas de maladie, la spécificité d'action des modifications thérapeutiques sont des vérités; la recherche de tous les phénomènes constituants ou concomitants de la maladie, le soin minutieux de régler le régime des malades, sont des préceptes dont l'allopathie ferait bien de faire son profit; mais ajoutais-je (et si c'est là proclamer l'excellence de l'homœopathie, je n'entends plus rien au bon sens et à la saine logique) ces rares vérités sont noyées dans un tel déluge d'erreurs qu'on a de la peine à les y démêler. »

Je ne reviendrai pas, Messieurs, sur ce que j'ai dit relativement à la doctrine de Hahnemann sur les forces. Je soutiens tout ce que j'ai dit sur le vague et la confusion qui règnent à ce sujet dans l'homœopathie; qu'au lieu de considérer les forces comme des abstractions, des faits généraux auxquels se rattachent plusieurs phénomènes comme autant d'effets, et, pour en spécifier mieux la signification dans les corps organisés, comme l'action isolée ou simultanée d'une ou de plusieurs propriétés générales de ces corps, elle en fait des entités, des esprits dominateurs, insaisissables, placés en dehors de la matière, la tenant sous leur dépendance sans être influencés par elle; et les exemples que j'ai cités et que j'ai pris soit dans Hahnemann, soit dans les discours de l'honorable M. Varlez lui-même, l'ont prouvé surabondamment. Je ne le suivrai pas dans la longue phraséologie par laquelle il a cherché à donner le change sur l'état de la question; on y trouve plus encore de sophismes que de mots, et ceux-là, vous le savez, ne lui manquent pas. Penserait-il qu'en vertu des lois homœopathiques, une argumentation terne et flasque pourrait prendre de l'énergie et de l'éclat, rien que pour être délayée dans un déluge de paroles?

Mon adversaire a cru me trouver en flagrant délit de contradiction avec moimême parce que, en niant l'existence de

forces indépendantes de la matière, j'admets une nature médicatrice. J'ignore ce que M. Varlez a appris de bon depuis qu'il est homœopathe, mais je sais qu'il a oublié beaucoup de choses bonnes et utiles. De ce nombre est celle dont il s'agit. Rien n'est plus clair, plus vrai que la notion de nature médicatrice: c'est une simple formule dont nous nous servons pour expliquer un fait dont la réalité saute chaque jour aux yeux, c'est que beaucoup de maladies guérissent sans l'intervention et souvent malgré l'intervention inopportune des médicaments. Ce fait, nous l'exprimons par le mot nature médicatrice, sans prétendre expliquer comment il a lieu, ni surtout en attribuer l'honneur à une puissance surnaturelle placée en dehors de la matière. De tous les exemples cités par M. Varlez pour démontrer combien la nature est intelligente, et tous copiés dans l'Organon, il n'y en a pas un seul qui ait rapport à la nature médicatrice : ce sont de simples symptômes de maladies, et nullement des mouvements tendant à en obtenir la guérison. L'enflure des phrases, l'entassement des mots, loin de cacher le vide et la pauvreté du raisonnement, ne servent qu'à les faire ressortir.

Messieurs, j'aborde, et non sans répugnance, je l'avoue, la partie de mon discours qui traite des emprunts faits par Hahnemann à Paracelse, parce que c'est à cette occasion que mon adversaire, oubliant les plus simples règles de la décence, trouvant plus facile d'insulter que de raisonner, a dit positivement que je ne croyais pas un seul mot de ce que je disais. Vous conviendrez qu'il est impossible d'adresser à quelqu'un un outrage plus sanglant. Mais voyons ce qu'il peut y avoir de vrai dans cette accusation.

Messieurs, j'ai dit et je répète, les preuves à la main, preuves de la valeur desquelles je vous ai mis à même de juger en reproduisant textuellement les passages qui les établissent, que le dogme similia similibus se trouve expressément dans Paracelse. Je conçois qu'il était beaucoup plus facile à mon adversaire de s'abandonner à de la mauvaise humeur, de nier avec arrogance, d'user d'expressions blessantes et de révoquer en doute ma bonne foi, que de chercher dans Paracelse, dont la lecture est, je le sais, peu attrayante, les moyens de me réfuter. Il ne peut pas faire que les passages n'existent pas. Veuillez remarquer d'ailleurs que je n'ai pas donné cette opinion sur l'analogie du paracelsisme et de l'homoeopathie comme m'étant venue directement à moi. J'ai cité des autorités extrêmement graves dans la matière, le professeur Schultz, de Berlin, le docteur

Griesselich, homœopathe lui-même, et beaucoup d'autres, en signalant les ouvrages et jusqu'aux pages où ces opinions sont consignées. Est-ce ainsi que se comportent ceux qui veulent tromper? Savez-vous quels sont ceux qui trompent? Ce sont ceux qui, abusant de mots vides et sonores, comme ces instruments qui font le plus de bruit, en étourdissent les oreilles, en construisent des phrases brillantes pour la forme, mais fallacieuses et mensongères. Savez-vous quels sont ceux qui trompent? Ce sont ceux qui, isolant des passages d'autres passages qui les suivent ou les précèdent et les expliquent, en dénaturent le sens de dessein prémédité, en altérent la signification de propos délibéré. Savezvous quels sont ceux qui trompent? Ce sont ceux qui induisent les autres en erreur à leur profit. Et où est donc, pour moi, le profit dans cette affaire? Qu'ai-je à gagner ou à perdre au triomphe ou à la défaite de l'homœopathie? (Interruption.) Je dis que ceux qui trompent sont ceux qui y trouvent leur profit et que je n'ai aucun profit dans cette affaire. Mon désintéressement seul vous est une garantie suffisante de sincérité. (Nouvelle interruption de M. Varlez.) Je ne nomme personne, je ne désigne personne, ma remarque n'embrasse que la généralité : elle est vraie dans toute son étendue, je n'ai rien à en retrancher. Malheur à celui qui sent qu'il tombe sous son application!

Si l'on m'avait dit que je m'étais trompé, si l'on avait cherché à me démontrer que j'avais mal compris Paracelse ou Hahnemann, je me serais empressé d'accepter la discussion, elle aurait pu être utile ; mais me dire que je ne crois pas un mot de ce que j'avance! Il serait indigne de vous, comme de moi, que je suivisse mon adversaire sur un semblable terrain.

Dans son impuissance à réfuter ces passages extraits de Paracelse, ainsi que les rapprochements que j'en avais faits, l'orateur a trouvé bon de s'apitoyer sur votre sort, de vous plaindre d'avoir été forcés d'écouter de pareilles pauvretés. J'ignore si c'est à Paracelse ou à Hahnemann ou à moi qu'il faisait allusion. Je ne sais pas davantage si vous êtes d'humeur à recevoir l'aumône de cette insultante pitié. Mais enfin qui est-il pour nous poursuivre de ses sarcasmes? Où sont ses titres, où est sa gloire, qu'a-t-il plus que nous apporté de lumières à la science, donné de puissance à l'art? Le dédain! mais ignore-t-il, que pour se le permettre il faut parler du haut d'une valeur personnelle, d'une position conquise par de grands et utiles travaux? Ne sait-il pas que le dédain se comporte à

la manière des corps pesants, et retombe de tout son poids sur celui qui le manie avec imprudence? Du dédain! Il est vrai que jamais l'Académie n'en entendit de semblable. Il n'est guère de renommée qui y échappe; impitoyable pour les vivants, nous avons vu M. Varlez remuer, tantôt avec un poignard, tantôt avec une marotte, les cendres des morts les plus illustres. Celles de Broussais même, son idole d'autrefois, n'ont pu le désarmer.

J'arrive enfin à l'affaire de M. le feldmaréchal Radetski.

Messieurs, c'est souvent un petit mal de ne pas comprendre l'auteur qu'on cite, mais c'est un grand mal quand on le réfute, et c'est un plus grand mal encore quand on le diffame. Or, M. Varlez m'a diffamé en prétendant que j'étais de mauvaise foi dans l'examen de cette affaire et que je vous en imposais. (Interruption.) Oui, j'appelle cela diffamation.

En effet, de deux choses l'une, ou M. Varlez s'est trompé et alors il a commis une erreur très-grossière, une erreur impardonnable, ou il a cherché à vous tromrer, et alors je m'abstiens de qualifier sa conduite.

Rappelons les faits:

J'ai dit que l'histoire de la maladie du maréchal Radetski nous était parfaitement connue, et c'est ce que j'ai démontré en vous indiquant l'ouvrage où elle se trouve relatée avec les détails les plus circonstanciés. Je me suis borné à la relation extraite du journal de MM. Petroz et Roth par les Annales d'oculistique, parce qu'elle me semblait suffire à mon but; il y en a une autre que rapportent ces mêmes Annales, dont je n'ai pas parlé parce que l'anonyme sous lequel l'auteur se cachait aurait pu vous la rendre suspecte. Je suis autorisé à vous dire que cet auteur est le docteur Gall qui prend toute la responsabilité de sa publication.

Je ne relèverai pas l'inconvenance du plat jeu de mots sur mon nom, pas plus que je ne vous ai parlé de la fable du singe et du dauphin, des constellations du premier ordre et des étoiles secondaires, de la lime et du serpent et d'autres hors-d'œuvre de même espèce à l'usage de tout le monde et qui ne prouvent rien dans la bouche de personne. Je vais procéder tout simplement. et vous relire le passage dont s'est étayé M. Varlez pour m'accuser de mauvaise foi, en vous priant d'en suivre la lecture avec un peu d'attention.

M. Varlez suppose que, dans mon discours, c'est à MM. Petroz et Roth que je faisais allusion en parlant d'allopathes dont le témoignage pouvait être suspect, tandis

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