Images de page
PDF
ePub

Le fil de soie est celui auquel nous nous sommes arrêté, comme ayant sur les autres moyens l'avantage : 1° de se trouver dans toutes les localités; 2° d'être inaltérable pendant le temps qu'il doit rester dans les foyers purulents; 5o de ne pas se laisser pénétrer par les liquides; 4° enfin, parce qu'en contact avec des parties douloureuses, il ne les blesse pas.

Le fil de soie dont nous faisons usage est connu dans le commerce sous le nom de cordonnet.

De l'introduction du fil de soie. Quel que soit l'état de la peau, dès l'instant que le pus n'y a point encore trouvé d'issue et que le médecin juge nécessaire l'ouverture de la tumeur, le moyen le plus efficace est l'emploi du fil de soie, d'après le procédé qui suit:

Après avoir rasé les poils qui recouvrent la tumeur, le chirurgien prend une aiguille courbe à ligature, passe dans le chas un bout de cordonnet de soie, puis il introduit cette aiguille dans la tumeur, à environ un centimètre et demi, à deux centimètres du point le plus déclive d'où elle doit sortir, laisse le fil dans le trajet formé par le passage de l'aiguille, et le maintient dans cette position en réunissant les deux bouts par un nœud; on recouvre le tout d'un cataplasme émollient, qui, dans ce cas, agit comme moyen mécanique : on recommande au malade de rester le moins de temps possible au lit, afin de favoriser l'écoulement du pus le long du fil, effet qui n'a que difficilement lieu par le décubitus, lorsqu'il s'agit d'abcès ayant leur siége sur une partie du tronc ou des membres. Les cataplasmes ont encore, dans cette occasion, l'avantage de modérer l'inflammation qui se développe et que le praticien doit surveiller. Nous laissons le cordonnet quatre, six, huit jours en place, suivant l'état des choses; le plus souvent quatre jours nous ont suffi. Du reste, lorsqu'on a jugé le moment convenable, on l'enlève et on panse à plat, soit avec des compresses sèches, soit avec des compresses imbibées de vin aromatique, suivant le besoin. Sur 33 bubons arrivés à l'état de suppuration, et que nous avons traités d'après le moyen que nous venons de décrire, nous n'avons jamais été obligé de l'abandonner pour avoir recours à un autre. Dans les cas de bubons simples, c'est-à-dire dont le pus ne semblait pas revêtu de caractères spécifiques, la guérison s'est opérée du quinzième au vingtième jour; dans les cas contraires, lorsque les orifices des petites ouvertures s'ulcéraient, la guérison s'est effectuée dans les quarante à cinquante jours; et dans l'un comme dans l'autre cas,

-

il n'est jamais resté pour le malade de traees qui annonçaient l'infection d'une maladie vénérienne.

Lorsque la tumeur n'est arrivée que lentement à l'état de suppuration, le pus est quelquefois contenu dans des espèces de poches cellulaires, alors il peut arriver qu'au moment où un premier fil de soie semble avoir amené la guérison d'un foyer purulent, il s'en forme un autre; c'est le cas de replacer un second fil.

Dans d'autres circonstances, le fil a amené une inflammation trop vive et a déterminé une douleur assez intense; il faut l'enlever, cesser l'emploi des cataplasmes, les remplacer par des corps gras, rendus légèrement astringents (cérat de Goulard), y joindre des moyens généraux ; bains, régime, etc., etc.

Dans cette circonstance, c'est à la sagacité du médecin à faire choix des moyens qu'il croira propres à combattre les accidents qui auraient pu se développer.

(Gazette médicale de Lyon.)

CURE RADICALE des cors AUX PIEDS SANSLE SECOURS DE L'INSTRUMENT TRANCHANT; par B. MATTON, chirurgien de la marine.

Le moyen simple que je mets en pratique a été sanctionné par l'expérience, et j'affirme qu'en l'employant comme il faut, on est à l'abri pour toujours de cette incommodité, pourvu, toutefois, que l'on ne porte pas de chaussures trop étroites.

C'est surtout pour les cors logés dans l'intervalle des orteils (cils de perdrix) que ce moyen est précieux, car il n'est jamais possible de pouvoir les extraire en entier à l'aide du bistouri ou de la lime, sans éprouver des douleurs quelquefois intolérables.

Après avoir préalablement pris un bain de pieds, et enlevé la partie la plus saillante du cor au moyen d'un canif ou mieux des doigts, on saisit un crayon de nitrate d'argent dont on humecte l'extrémité libre, et on le promène, en pressant légèrement, sur toute la surface de l'épiderme endurci et même un peu au delà, sur l'épiderme sain; cette opération ne doit pas durer plus d'une minute; on attend, avant de mettre le bas, que la partie sur laquelle on a ainsi promené le caustique soit entièrement sèche, et on la laisse dans cet état pendant huit à dix jours. Or, voici ce qui se passe dans cet intervalle; le lendemain de l'application du nitrate d'argent, toute la partie sur laquelle on l'a promené devient noire; il se forme une escarre aux dépens de l'épiderme qui constitue le cor, et, un peu aussi, aux dépens de l'épiderme voisin; il y a, là, un

cercle noir dont le point culminant du cor occupe le centre. La circonférence du cercle formé par l'épiderme sain, ne tarde pas à se soulever peu à peu dans tout son pourtour, à cause d'une légère vésication produite par le sel; cette vésication s'étend même au-dessous du cor dans toute son étendue, mais elle est si légère qu'on ne s'en aperçoit même pas; la petite quantité de sérosité sécrétée ne pouvant se faire jour au debors à cause de l'escarre qui la retient, elle est bientôt résorbée; un épiderme de nouvelle formation la remplace au-dessous du cor, et, au bout de huit à dix jours, en exerçant avec les doigts ou une pince à disséquer, quelques légères tractions de la circonférence au centre de l'escarre, on parvient à extirper en entier, et sans douleur aucune, tout l'épiderme endurci, et par conséquent, tout le cor, sans qu'il en reste la plus légère trace. Si, par la pression de la chaussure, le cor venait à reparaître, on ferait une nouvelle application de nitrate d'argent. Tels sont les résultats que j'ai obtenus de l'emploi de cet agent pré

cieux.

J'engage les personnes qui ont des cors à faire immédiatement usage de mon procédé, et je leur promets d'avance une guérison certaine et radicale.

(L'Abeille médicale.)

CAUCHEMAR OCCASIONNÉ PAR UN PROLONGEMENT EXCESSIF DE LA LUETTE; par M. WEST. Le nommé Bronckaert, Martin, milicien de 1847, fusilier au 7 régiment de ligne, entré au service le 18 janvier 1849, d'une complexion très-faible en apparence, vint me demander, dans le courant du mois de mars dernier, une exemption de service de 24 heures, afin de se remettre de la fatigue et de la frayeur qu'il avait éprouvées pendant la nuit par l'apparition d'un monstre qui s'était jeté brusquement sur lui afin de l'étouffer, et contre lequel il prétendait avoir lutté pendant un temps assez long avant de pouvoir lui échapper.

Ce conte bizarre me fit comprendre que Bronckaert avait été tourmenté par un cauchemar. Après l'avoir rassuré sur les intentions du monstre qu'il redoutait si fort, je l'exemptai de service pour 24 heures, en lui recommandant de ne plus revenir chez moi à cause de ses rêves.

Je comptais ne plus le revoir; mais le lendemain Bronckaert vint me dire qu'il avait passé une nuit aussi terrible que la précédente.

Je tâchai de faire comprendre à cet hom

me toute l'absurdité de sa terreur, et je lui conseillai de ne prendre que peu de nourriture le soir, de se coucher sur le côté droit, la tête et les épaules assez élevées, croyant que ces moyens suffiraient en cette

Occurrence.

Le tourment de Bronckaert n'ayant pas cessé, il revint encore me trouver, après avoir observé mes avis pendant trois semaines, et me dit qu'il voyait assez qu'il n'avait plus de repos à espérer, et qu'il finirait par succomber aux suites de ces attaques nocturnes, commencées, disait-il, plus d'un an avant son entrée au service. Ayant remarqué en ce moment une gêne notable de la respiration, je lui fis ouvrir la bouche pour en examiner le fond je vis avec étonnement que la luette avait à peu près deux pouces de longueur sur quatre lignes de largeur, bien qu'il ne se fût jamais plaint à ce sujet. Trouvant dans la longueur anormale de la luette, la cause indubitable des frayeurs et des suffocations que Bronckaert éprouvait pendant son sommeil, je pratiquai à l'instant l'excision de la partie exubérante de la luette, c'est-àdire que j'en enlevai une portion longue à peu près d'un pouce et trois quarts.

Cette partie retranchée étant d'une longueur peu commune, je l'ai conservée dans de l'alcool afin de pouvoir la montrer; aujourd'hui, malgré le retrait qu'elle a subi, elle a encore un pouce et demi de longueur.

Je vis le sujet le lendemain de cette petite opération; il était au comble de la joie, le monstre n'ayant pas reparu, il avait passé une bonne nuit. Il est probable que la luette obstruait plus ou moins la glotte pendant le sommeil ; j'ai pu acquérir dans la suite la conviction d'avoir pleinement réussi, en voyant Bronckaert, naguère si débile, devenu fort et bien portant.

(Archives belges de médecine militaire.)

INFLUENCE DE L'IODE SUR LE DÉVELOPPEMENT DE L'ENFANT PENDANT LES DEUX DERNIERS MOIS DE LA GESTATION; par M. DELFRAYSSÉ. On sait qu'il a été proposé, dans ces derniers temps, de soumettre à des saignées répétées et à la diète les femmes enceintes affectées de rétrécissement ou vice de conformation du bassin, dans le but de modérer la croissance du factus et de l'empêcher d'acquérir un volume capable de s'opposer à son expulsion. M. Delfrayssé propose de substituer à cette méthode qui lui paraît passible de plus d'une objection, la méthode suivante :

Quand on aura acquis, dit-il, la certi

[blocks in formation]

Faites une solution qui sera prise pendant les deux derniers mois de la gestation, à la dose de six à huit gouttes par jour dans 30 grammes d'eau sucrée, une heure au moins avant le repas.

En vertu des propriétés fondantes de l'iode, il diminue et affaiblit la nutrition de l'utérus, et par suite celle du fœtus qu'il renferme. Un enfant de neuf mois qui a été soumis soixante jours à l'influence de l'iode dans le sein maternel, n'offre ordinairement à sa naissance que le volume d'un enfant de sept mois. Du septième au neuvième mois, la croissance de l'enfant s'arrête sous l'influence de l'iode, sans qu'on ait rien à redouter pour sa vie ni pour sa santé.

Avant d'essayer ce moyen sur la femme, M. Delfrayssé l'a administré à quelques animaux pendant la gestation, et voici le résultat des expériences qu'il a faites à ce sujet :

Une chienne d'arrêt qui avait mis bas pendant les trois années précédentes, et qui était alors au 35me jour de sa gestation, fut mise pendant tout le reste du temps à l'usage de l'iode à la dose de 3 centigrammes chaque jour dans un peu de bouillon. Ses petits, au nombre de trois, furent beaucoup moins gros que ceux des autres années.

Une chèvre de 5 ans, qui avait chevroté trois fois, et qui était pleine pour la quatrième, fut soumise à la même expérience pendant les trente derniers jours de sa gestation, et son chevreau fut d'un tiers plus petit que les autres.

Quant à la femme, M. Delfrayssé n'a que deux exemples; les voici :

[ocr errors]

OBSERVATION I. - Une dame C..., un peu goitreuse, avait eu de son mariage trois enfants mort-nés dans l'espace de cinq années. La naissance des deux premiers fut des plus laborieuses, et l'art fut obligé d'intervenir à l'aide du forceps; l'expulsion du troisième fut provoquée au septième mois de la grossesse, et la délivrance s'opéra sans difficulté, parce qu'il était moins gros que les deux autres. Néanmoins, il mourut quelques instants après l'accouchement. Le bassin de cette dame offrait un rétrécissement remarquable dans son diamètre an

téro-postérieur qui n'avait pas 8 centimètres d'étendue, et la tête des deux premiers enfants présentait un volume considérable: l'expulsion d'un fœtus à terme et d'une grosseur ordinaire, ne pouvait donc s'effectuer sans un très-grand danger pour sa vie, et M. Delfrayssé résolut de soumettre cette dame à l'usage de l'iode pendant les deux derniers mois de la gestation. Dans ses deux grossesses subséquentes, qui furent au nombre de deux, elle prit donc chaque matin d'abord six et plus tard huit gouttes de la solution formulée plus haut, et des deux enfants qu'elle mit au monde, l'un pesait 728 grammes de moins que les premiers, et l'autre, qui était une fille, 734; ils offraient, du reste, le volume et le poids de celui qui fut expulsé au septième mois de la grossesse, leur naissance fut spontanée comme celle de ce dernier; mais plus heureux que lui, ils naquirent vigoureux et bien portants; leur mère n'en éprouva non plus aucune espèce de dérangement, si ce n'est que les mamelles se développèrent moins que dans les grossesses précédentes, et que son embonpoint parut un peu diminuer.

OBSERVATION II. La dame V... accoucha quatre fois avec de très-grandes difficultés dans l'espace de quelques années, et aucun de ses enfants ne put être amené vivant. A un cinquième accouchement tout aussi funeste, M. Delfrayssé s'assura de l'existence d'un vice de conformation; le pubis, fortement déprimé, laissait une étendue insuffisante au diamètre sacro-pu

bien pour permettre à un enfant ordinaire

de franchir le bassin sans accident et sans l'intervention de l'art. Une sixième grossesse étant survenue, M. Delfrayssé conseilla l'usage de l'iode du septième au neuvième mois pour empêcher l'enfant d'acquérir un volume aussi considérable que les précédents. Cet avis fut exactement suivi; la dame V... prit chaque jour, pendant deux mois, six gouttes de la solution d'iode, et son accouchement, qui eut lieu au terme ordinaire, la rendit mère d'un enfant robuste et bien constitué, qui, bien qu'il pesât 1,250 grammes de moins que ses aînés, vint au monde sans le moindre accident et

jouit aujourd'hui d'une santé et d'une constitution vigoureuse.

NOUVELLE MÉTHODE DE TRAITEMENT DE L'HYDROCÈLE DE LA TUNIQUE VAGINALE. Le docteur R. Macdonnel, après avoir extrait au moyen d'une ponction 1200 grammes de liquide, injecta un liquide composé de deux parties de teinture d'iode et de

trois parties d'eau. Malgré cette injection, la tumeur ayant repris, au bout de quelques jours, son volume primitif, une nouvelle ponction devint nécessaire; mais, cette fois, M. Macdonnel, au lieu de faire une injection, introduisit dans la canule, un petit pinceau fait avec quelques brins de poils de chameau, trempé dans de la

teinture d'iode pure, avec lequel il frotta légèrement toute la surface de la tunique vaginale, membrane presque complétement remplie par une masse solide de lymphe du volume d'une grosse orange. Cette masse fut graduellement résorbée, et en moins de trois semaines, le malade était complétement guéri. (London med. Gazette.)

Chimie médicale, pharmaceutique et agricole.

ANALYSE CHIMIQUE DE L'HUMUS ET ROLE science qui paraissait être établi de la ma

DES ENGRAIS DANS L'ALIMENTATION DES PLAN

TES; par M. SOUBEIRAN (1).

En agriculture, toute donnée seientifique fausse est un mal, par les pertes qu'elle entraine dans l'application, mais surtout par le discrédit qu'elle jette sur la science. Que les savants soient plus réservés, les agriculteurs deviendront plus confiants et seront plus disposés à se livrer aux expériences d'amélioration.

La Société centrale d'agriculture de la

Seine-Inférieure demande :

L'acide carbonique, l'air, l'eau, l'ammoniaque et les matières inorganiques ou » minérales, sont-elles les seules substan» ces qui concourent au développement des ⚫ plantes?

Les matières organiques du terreau et ⚫ des engrais ne sont-elles utiles aux plantes que par l'acide carbonique et l'ammoniaque qui résultent de leur décomposi»tion spontanée et lente sous terre?

⚫ Faire l'histoire chimique complète de ⚫ l'humus ou terreau, et rechercher si ce ▪ qu'on a appelé acide ulmique joue un rôle

⚫ essentiel dans l'acte de l'alimentation des

» plantes. Définir exactement le rôle de » l'humus, en faisant la part des sels minéraux et des principes qui s'y trouvent » réunis et confondus.

. Enfin, rechercher expérimentalement ⚫ si, comme l'a soutenu Théodore de Saus> sure, contradictoirement à plusieurs chi» mistes et physiologistes modernes, l'ex» trait soluble du terreau passe intégrale

⚫ment avec l'eau dans les vaisseaux absor- bants des plantes. »

La Société d'agriculture appelle l'attention des observateurs sur l'action de l'humus dans la végétation. C'est un point de la

(1) Mémoire couronné par la Société centrale d'agriculture de Rouen, dans sa séance publique de 1849.

nière la plus solide, lorsqu'il est venu à être controversé par des chimistes. Il y a nécessité à élucider sans retard cette question, pour rendre à l'humus le rôle capital qu'on lui a attribué jusqu'ici dans la théorie des engrais, ou pour le rejeter au dernier plan, conformément au rôle modeste et accessoire qu'on lui a assigné plus récemment. La Société a voulu une solution prompte, et, dans ce but, elle a fixé au 1er juillet le terme de la remise des mémoires. Les ex

périences des concurrents ont été limitées dans un temps qui n'embrasse pas toute une période de végétation. J'espère cependant que les expériences rapportées dans ce mémoire seront suffisantes pour jeter la lumière sur le grand phénomène de l'alimentation par l'humus. Je les compléterai plus tard par d'autres expériences qui n'ont pu être terminées, mais qui ne peuvent qu'apporter une confirmation de ce que j'ai vu jusqu'ici.

Dans une première partie de ce mémoire, je ferai l'histoire chimique de l'humus, et j'établirai le rôle qu'il joue dans l'acte de la nutrition des végétaux. Dans une deuxième partie, j'étudierai quelques engrais, au point de vue de l'humus ou des matières propres à le former; mais j'aurai occasion en même temps de détruire quelques erreurs, d'apporter des perfectionnements dans les méthodes d'analyse des engrais, et, ce qui est plus important encore, je réduirai à leur juste valeur quelques axiomes que l'on a voulu poser dans la science comme règle absolue, et qui sont loin d'avoir une telle importance.

[blocks in formation]

aliment direct? N'a-t-il d'effet nutritif que par l'acide carbonique qui accompagne sa fermentation? N'est-il enfin qu'un résidu, un caput mortuum sans effet?

Mon attention a été portée sur ce sujet par l'obligation où je me suis trouvé d'analyser divers engrais. J'ai étudié les travaux qui ont été publiés, et je dois dire que les contradictions que j'ai rencontrées trop souvent entre les auteurs, que les idées évidemment erronées qui ont été soutenues parfois par les gens de science, m'ont obligé d'en appeler à ma propre expérience. Heureux si dans ce sujet vaste, difficile, mais d'une si haute importance, j'ai pu établir quelques vérités et faire disparaître quelques erreurs.

Quand il s'agit des engrais, les observations des agronomes pratiques sont en général peu concluantes et souvent contradictoires, faute d'avoir tenu un compte suffisant des divers éléments des expériences auxquelles ils se sont livrés. La composition chimique des engrais, la nature constituante du sol ne leur sont pas assez parfaitement connues. Il s'ensuit que leurs résultats, vrais dans les circonstances où ils ont opéré, ne peuvent être généralisés cependant, sans qu'on soit exposé à les voir démentis à chaque pas.

Quant aux chimistes, on leur reproche avec raison de s'abandonner trop facilement à des vues théoriques étayées sur un petit nombre de faits, et de les préconiser outre mesure. Ceux qui ont eu confiance en cette parole assurée n'en ont souvent recueilli que déception. I en a rejailli sur les conseils des hommes de science un discrédit parfois trop fondé, qui met chaque jour obstacle à l'introduction des applications scientifiques dans le domaine de la culture pratique.

Trois idées principales ont surgi sur la théorie des engrais. La vérité se trouve dans ces diverses opinions en apparence contradictoires. Chacune d'elles est un progrès, à la condition qu'on ne lui donne pas une valeur absolue, et à l'exclusion des deux autres.

Les agronomes proclament que les terres les plus riches en humus sont les meilleures; que l'engrais a pour but de fournir l'humus au sol; que celui-ci est, pour les plantes, l'aliment par excellence, et, comme conséquence, que l'engrais sans humus est rien ou peu de chose. Pour M. Liebig, au contraire, l'humus n'est qu'un accessoire qui doit être rejeté sur le dernier plan. Fournissez à la plante les parties salines nécessaires à son existence, et vous allez la voir fornier à proportion les principes sanguifiables qui font la valeur de nos ali

ments. Pour l'illustre chimiste de Giessen, l'humus n'est jamais l'aliment direct de la plante; il ne concourt à la nourrir que par l'acide carbonique qui résulte de ses transformations successives. Enfin, pour l'école française, en tête de laquelle leurs travaux ont placé MM. Boussingault et Payen, la proportion d'azote est le cachet et la mesure de la valeur des engrais. Ces deux savants ont été jusqu'à établir sur ce principe une table d'équivalents.

Pour tout esprit exempt d'idées systématiques, le problème ainsi posé paraît résolu. Les agronomes ont raison d'apprécier beaucoup la présence de l'humus dans les engrais; M. Liebig a bien fait de faire ressortir l'influence des sels comme stimulants de la végétation et comme éléments constituants essentiels de quelques principes alimentaires; MM. Boussingault et Payen ont été fondés à dire que la valeur d'un engrais s'aceroit avec sa richesse en matière azotée. Mais celui-là a bien plus raison encore, qui proclame que l'engrais par excellence est celui qui renferme en même temps les trois éléments essentiels, savoir : l'humus, les sels et la matière azotée.

Le type de l'humus se trouve dans le terreau. Il provient de la décomposition lente du ligneux. Au contact de l'air et de l'humidité, une partie de l'hydrogène du ligneux est brûlée, et, l'équilibre une fois rompu, il se fait de l'acide carbonique aux dépens des éléments restants. Le résultat de cette action est une augmentation progressive dans la proportion du carbone, qui s'arrête cependant, parce que l'affinité de l'hydrogène pour le carbone prévaut à mesure que le bois reste moins hydrogéné, et finit par faire équilibre à l'effet oxygénant de l'air.

L'humus, le terrcau charbonneux et le pourri sont les trois termes que l'on a cru reconnaître dans cette décomposition successive du bois. L'humus est caractérisé par sa solubilité dans les alcalis; le terreau charbonneux n'y est pas soluble, mais par son exposition à l'air, il donne de l'acide carbonique et prend de la solubilité. Quant au pourri, il serait le dernier terme de la décomposition, suivant M. Liebig. Comme le bois, il contiendrait l'oxygène et l'hydrogène dans les mêmes rapports que l'eau, mais le carbone y serait plus abondant. Ce ne serait, dit-on, qu'en présence des alcalis qu'il serait susceptible d'agir sur l'oxygène de l'air, en donnant un produit soluble analogue à l'humus.

La série de ces composés n'a pas été convenablement établie. Le premier terme est certainement la matière que l'on a nommée le terreau charbonneux, dénomination

« PrécédentContinuer »