Images de page
PDF
ePub

l'électro-magnétisme, qui fut accepté avec reconnaissance. Je cernai la tumeur par deux plaques mouillées, tenues appliquées au cou par un ruban de soie, et je fis communiquer à ces plaques les fils conducteurs de l'appareil de Clarck.

-

Dès la seconde séance (les séances étaient de 20 minutes), la tumeur nous sembla diminuée, et après un mois d'opérations semblables, la guérison était complète. OBS. XXI. Ovarite chronique. — Electropuncture. Demi-succès. Madame D. H. a 55 ans; mariée depuis longues années à un homme qu'elle aime, elle n'en a jamais eu d'enfants; elle avait tout essayé pour se rendre féconde traitement ferrugineux, eaux minérales, bains de mer, et tout cela sans aucun succès. Enfin, elle vint consulter M. Récamier, qui constata la matrice en bonne disposition, mais trouva l'un des ovaires engorgés. Il proposa de le modifier au moyen des courants électriques.

La pile au charbon venait de m'être apportée, et je l'employai dans les premières séances de ce traitement.

Deux plaques mouillées furent appliquées, l'une dans les reins, l'autre audessus de l'ovaire engorgé. Les courants étaient si benins, la sensation si faible, qu'au bout de sept à huit séances je passai à l'appareil de Clarck; après un mois de traitement par l'électricité, l'ovaire sembla être rentré dans ses limites, mais la dame n'en eut pas plus d'enfants, et tout dernièrement encore j'ai été contraint de lui faire deux ou trois petites saignées pour une inflammation des ovaires.

[ocr errors]

OBS. XXII. Splénite chronique. Electro-magnétisme. — Succès de l'électricité, aidée par les caulères et le suc de grande chélidoine. Un ecclésiastique de la congrégation de Picpus, âgé d'une trentaine d'années, se présenta, il y a trois ans, dans le cabinet de M. Récamier avec une rate tellement développée, qu'elle dépassait l'ombilic et semblait remplir tout l'abdomen. Les sangsues, les cataplasmes, le cura famis, rien n'avait pu arrêter ce développement morbide, et le ventre du jeune homme était énorme.

M. Récamier fit d'abord appliquer deux larges cautères sur la paroi abdominale. Il mit le malade à l'usage du suc de grande chélidoine, et il m'engagea à soumettre la tumeur aux courants électro-magnétiques. Je lui donnai huit à dix séances de 20 minutes chaque, en employant l'appareil Breton, et poussant les courants à leur maximum. Les courants électriques fouettèrent en quelque sorte le travail de la résorption. Tous les huit jours, le jeune ecclésiastique était obligé de changer de vêtement, et il

est parfaitement guéri. La rate est rentréc dans ses limites ordinaires.

- Elec

OBS. XXIII. Hépatite chronique. tro-magnétisme. Insuccès. M. l'amiral M..., âgé d'une soixantaine d'années, avait contracté dans les pays chauds et dans les fatigues maritimes une inflammation chronique du foie qui aurait dû lui faire renoncer à sa carrière. Il arriva à Paris, jaune, poussif, avec les extrémités engorgées, apyrexie complète. - M. Récamier fit d'abord appliquer au-dessus du foie un cautère à plusieurs pois, puis il engagea M. M... à se soumettre à l'électro-magnétisme. Je me servis de l'apparail de Clarck ; je cernai le foie en promenant tout à l'entour les plaques conductrices, mais bien loin d'obtenir de l'amélioration, la maladie qui tendait à la dégénérescence, ne tarda pas à s'aggraver et M. M... mourut bientôt d'un cancer hépatique.

OBS. XXIV. Goîtres. -Electro-punclure, Electro-magnétisme. Demi-succès. Le premier goitre que je traitai par l'électropuncture était tellement dur, tellement bosselé, qu'une dégénérescence cancéreuse était évidente.

J'ai employé contre lui la pile à auge, la pile à charbon et enfin l'appareil de Clarck. Pendant les six mois que le malade se soumit à ce traitement, j'ai pu arrêter la marche de la maladie. C'était un bijoutier de 45 ans ; il arriva chez moi avec une respiration embarrassée et les yeux à fleur de tête. Les premières séances d'électro-puncture le soulagèrent si bien, que je crus un moment à sa guérison; mais deux mois après, la maladie prit le dessus, et malgré les sétons, les cautères et le traitement le plus énergique, le malheureux mourut étouffé avec tous les symptômes d'une cachexie cancéreuse.

La seconde observation a eu lieu sur une femme de 30 ans, fort malheureuse d'avoir un gros cou et d'être obligée de le cacher. Je ne connaissais point encore l'électromagnétisme, et après avoir usé toutes les ressources connues de la thérapeutique, j'en vins à l'électro-puncture. Les premières séances nous donnèrent de l'espoir; mais après un mois de traitement, il n'y avait aucune amélioration positive; la malade est retournée dans sa province.

Enfin, le sujet de la troisième est une de mes parentes, âgée de 23 ans, et dont le goitre n'était pas très-développé. Je me suis servi de l'appareil Breton, et avec une dizaine de séances, je n'en ai point obtenu la guérison; mais chacun a pu constater une amélioration positive.

Je crois que, pris au début et dans un âge où l'absorption est encore vivace, les

goitres pourraient être traités avec succès par les courants galvaniques ou électromagnétiques.

Si je ne craignais de multiplier les observations, je pourrais citer un grand nombre de tumeurs ganglionnaires guéries, ou tout au moins améliorées par l'influence des courants; mais je crois en avoir assez dit pour édifier et renseigner la sagacité de mes confrères. Seulement, je ne puis clore ce chapitre sans parler des résultats obtenus dans les scrofules. Il y a quelques mois encore, j'écrivais : « A plusieurs reprises » j'ai cherché à faire fondre par l'électricité » les ganglions scrofuleux du cou, je n'ai jamais obtenu la moindre amélioration! » Mais tout dernièrement, je suis arrivé à des amendements tels que j'espère maintenant parvenir jusqu'à guérison.

[ocr errors]

OBS. XXV. J'ai entrepris le traitement d'un jeune homme de 22 ans, qui a passé un temps considérable à l'hospice SaintLouis, qui a été traité par la suite pendant près d'un an chez lui, sans le moindre résultat avantageux. Il est arrivé chez moi avec un cou tellement bosselé et tellement tuméfié, que le diamètre de son cou était presque le même que le diamètre de sa tête. Je l'ai soumis aux courants électro-magnétiques en les introduisant d'abord à l'aide des plaques mouillées. J'ai obtenu une diminution notable. J'ai ensuite employé les aiguilles et j'ai activé les courants au point de déterminer de petits foyers inflammatoires dans les plus grosses tumeurs. Dans quelquesunes, j'ai été jusqu'à produire de la suppuration. Cette suppuration s'est résorbée.Maintenant je n'ai plus que des noyaux assez durs à combattre et j'ai commencé depuis quelques jours l'usage de la pile à auge, chargée d'une pinte d'eau contenant 30 grammes d'hydriodate de potasse, et c'est un passage d'un livre de M. le docteur Fabre-Palaprat qui m'a conduit à cette expérience. Il a guéri de cette manière un hydro-sarcocèle. L'agent galvanique (écritil) ayant la puissance de décomposer les sels et de transporter leur acide à un pôle, et leur base à l'autre, j'ai pensé que je pour rais dans certaines circonstances retirer un grand avantage de l'emploi d'un sel d'iode, en le décomposant par la force de la pile et en l'introduisant directement dans les tumeurs au moyen des aiguilles. - L'événement a confirmé ma prévision.

On a essayé de l'influence des courants électriques dans un grand nombre de maladies.

I. On a cautérisé avec les étincelles produites par la recomposition des courants. M. Récamier a cautérisé de la sorte un cancer et il n'y a reconnu aucun avantage sur

les caustiques ordinaires. La douleur était des plus intenses.

II. M. Meyrans dit avoir employé ce moyen avec succès pour faire avorter l'éruption variolique; il cautérisait le premier ou le second jour à l'aide d'aiguilles introduites dans chaque saillie.

III. M. Pravaz a démontré sur deux animaux vivants la possibilité de détruire de la même manière le virus de la rage et le venin de la vipère.

IV. C'est encore à la propriété cautérisante des courants que je crois devoir rapporter les résultats obtenus dans l'électricité employée contre les varices. Ils déterminent dans les veines dilatées une véritable inflammation, analogue à l'inflammation causée par la ligature.

V. Dans les anévrismes, on est parvenu, à l'aide des courants électriques, à faire coaguler le sang des poches anevrismales. On les y introduit à l'aide d'aiguilles de platine.

VI. MM. Prevost et Dumas ont cherché à décomposer les calculs dans la vessie au moyen de la pile.

VII. Enfin on a employé l'électricité et avec succès, dit-on, dans le tétanos, dans la chorée, dans le choléra. Pour mon compte, pendant la dernière épidémie cholérique qui a désolé la capitale, j'ai eu plusieurs fois l'occasion d'appeler les courants électriques à mon aide. Je les ai promenés sur tout le système nerveux ganglionnaire, je les ai particulièrement concentrés sur le système respiratoire quand survenaient les terribles symptômes d'asphyxie. Je n'ai jamais obtenu de bénéfices bien avérés.

(Journ, des conn. médico-chirurg.)

DE LA TRACHÉOTOMIE DANS LE CROUP ET DES PRÉCAUTIONS QUI CONCOURENT AU SUCCÈS DE CETTE OPÉRATION; par le professeur TROUSSEAU.

A l'époque où le frère aîné du président actuel de la république mourut du croup, l'empereur institua un prix de dix mille francs pour le meilleur mémoire qui serait fait sur la thérapeutiqne de cette maladie. Caron, de Paris, proposa alors comme remède ultime la trachéotomie, mais Caron mourut sans avoir donné ni vu donner suite à sa proposition. Plus tard, M. Bretonneau voyant des enfants guérir à la suite de l'expulsion de fausses membranes, pensa qu'on pouvait dégager ces productions morbides par une incision artificielle, et il guérit ainsi, en 1825, Mlle Élisa Puységur. Ce fut le premier cas heureux de tracheotomie pratiqué à l'occasion du croup. Le second

cas fut celui de M. Marcillé fils, opéré à Paris en 1830, par M. Trousseau, et qui vit encore aujourd'hui. Ce médecin avait échoué sept fois de suite avant d'obtenir un succès. Depuis, il a fait environ cent cinquante opérations du même genre avec des résultats que nous examinerons plus loin, et qui sont assez remarquables pour que nous établissions ici, d'après les leçons du maître, les indications à suivre dans l'espèce, le mode d'opération, le traitement consécutif et ces minuties de grande importance sans lesquelles il n'y a pas de réussite possible.

Disons d'abord pourquoi il faut préférer la tracheotomie à la laryngotomie : parce que celle-ci ne donnerait pas, entre les deux cartilages, une ouverture suffisante pour le passage de la canule, et qu'en coupant le cartilage cricoïde, la canule devant rester quelquefois quarante jours en place, entrainerait par son contact la nécrose de ce cartilage. Elle produirait pour le moins un gonflement considérable; or, comme on doit s'attacher à laisser le larynx intact, il faut, par toutes ces raisons, inciser sur la trachée.

Quand faut-il opérer? Autrefois M.Trousseau était d'avis qu'il fallait opérer le plus tôt possible. Aujourd'hui, il a pour principe d'opérer le plus tard possible. Quand l'oppression, la cyanose des lèvres et le pouls annoncent une mort prochaine, c'est alors qu'il convient d'agir. Mais, dira-t-on, devrez-vous opérer s'il y a risque de tuer l'enfant sous le couteau? Voici la réponse à cette question.

M. Bretonneau fut appelé à Tours auprès d'un enfant qu'on croyait mort. Il l'opéra; l'enfant fit un mouvement et revint a la vie. Cinq jours après, à la suite de quelques accidents, la mère crut qu'il allait remourir ; c'était son expression; heureusement il n'en fut rien et l'enfant a vécu. Il y a quatre ans, un fils du sculpteur Ramus, âgé de trois ans, mourait asphyxié. Cinq médecins réunis autour de son lit le déclaraient perdu, et disaient que c'était compromettre la trachéotomie que de la tenter dans de telles conditions. La mère demanda ce qu'il arriverait si l'on ne faisait rien. << L'enfant mourra, répondit-on.—Eh bien! faites l'opération,» dit-elle. On opéra et l'enfant vécut. M. Trousseau a opéré dans des circonstances désespérées des enfants qu'il a soustraits à une mort certaine. Tout récemment, dans le courant de juin dernier, il fut appelé par M. le docteur Vosseur à Paris pour voir un enfant de cinq ans atteint de croup, que personne n'osait opérer. La poitrine était remplie de râles muqueux; les forces étaient anéanties. M.

«

Trousseau fut néanmoins d'avis qu'on pratiquât la trachéotomie; elle fut faite, et cet enfant est en ce moment complétement guéri. Ainsi donc, à moins que la diphthérite n'occupe les narines dans toute leur étendue et que l'infection diphthéritique ne soit générale, quelque graves que soient les accidents, il est indiqué d'opérer.

Venons au mode opératoire. L'année dernière, un petit malade du service de M. Trousseau fut trachéotomisé par le chirurgien de l'hôpital, M. Paul Guersant. L'opération fut faite avec une dextérité et une sûreté d'exécution remarquables. Aussi, grand fut l'étonnement de M. Trousseau, quand ce professeur prenant la parole, dit: « Vous venez de voir un chirurgien habile ouvrir la trachée en moins d'une minute, mais n'opérez jamais comme cela, sans quoi l'enfant périra sous votre bistouri. » La tracheotomie est quelquefois simple, facile; d'autres fois elle est très-difficile. Pour la rendre possible partout, voici comment il faut la pratiquer.

On met l'enfant tout nu, non pas dans un lit, parce que le corps se courbe et que le cou ne faisant pas de saillie on ne trouve point de trachée; on le place sur une table, sur une maie ou par terre sur un petit matelas, puis on soulève les épaules et le cou à l'aide d'un coussin, ou d'un rouleau de paille à défaut de coussin. Cela fait, on indique sur la peau, avec un bouchon brûlé, la direction que doit avoir l'incision; c'est un peu à droite de la ligne médiane par rapport à l'opérateur, afin d'éviter le tronc innominé qui quelquefois croise la trachée à sa partie inférieure. Cette incision commence à un demi-centimètre au-dessous de l'échancrure du cartilage cricoïde et se continue en bas jusqu'à l'échancrure du sternum. Pour la pratiquer, vous faites un pli horizontal à la peau et vous coupez roide cette membrane et le tissu cellulaire souscutané. Vous ouvrez ensuite avec le bistouri l'aponévrose cervicale superficielle suivant la ligne qui répond à l'interstice musculaire; vous accrochez à droite et à gauche cette aponévrose à l'aide d'érignes, d'épingles noires à tête ou de broches à tricoter que vous avez courbées. Vous incisez l'espace intermusculaire, vous accrochez les muscles comme vous avez fait pour l'aponévrose et vous trouvez le plexus thyroïde et le corps thyroïde. Si vous apercevez une grosse veine, écartez-la ; si elle barre la trachée, coupez-la. Vous épongez ou bien vous appliquez le doigt à la partie inférieure de la plaie; d'ailleurs, mettez-y le temps, et le sang s'arrêtera. Arrivé au corps thyroïde, placé à cheval sur la partie supérieure de la trachée et très-développé chez les enfants,

vous le divisez, ainsi qu'une petite artériole de peu d'importance; puis vous tombez sur le plexus veineux profond qui se trouve noyé dans une couche de tissu cellulaire. Les vaisseaux qui le composent peuvent être rejetés à droite et à gauche sans être grandement intéressés, après quoi vous incisez le tissu cellulaire mou qui vous sépare encore de la trachée et vous découvrez celleci en entier. Alors, la plaie étant bien béante, vous faites une petite ponction au canal aérien; aussitôt un sifflement caractéristique vous annonce que vous avez atteint votre but; vous introduisez un bistouri boutonné dans la petite ouverture et vous coupez, tant en haut qu'en bas, quatre ou cinq anneaux. C'est ici le moment solennel. Le dilatateur est introduit dans la trachée et l'enfant porté brusquement sur son siége. Dans cette position le sang s'arrête, vous avez votre canule armée de son ruban, vous la mettez en place et l'opération est achevée.

Autant que possible on doit s'entourer d'aides quand on procède à la trachéotomie. M. Trousseau a fait plus de quarante fois cette opération tout seul, mais il est cependant nécessaire d'avoir avec soi quelqu'un qui tienne les érignes. Pour faire les choses convenablement, il faut quatre aides : un qui saisisse la tête par les mâchoires et par dessous le cou; un second qui fixe solide ment le bassin; le troisième, placé à la gauche du malade, vous prête son concours comme chirurgien; un quatrième passe les instruments et tient les mains; à la rigueur, on peut se passer de ce dernier. Lorsqu'on opère la nuit, un aide de plus est indispensable pour éclairer. Cet éclairage doit être fait, non avec des bougies, mais avec des chandelles de suif qui donnent plus de lumière; on en a plusieurs petits bouts allumés à la fois pour n'être pas pris au dépourvu si l'enfant vient à en éteindre quelqu'une.

Il est surtout une chose sur laquelle M. Trousseau croit ne pouvoir trop insister; c'est d'aller très-lentement. Si l'enfant a l'air d'être asphyxié, laissez-le respirer et attendez. En allant vite le bistouri peut s'écarter, vous pouvez prendre les muscles sterno-hyoïdiens et thyroïdiens pour la trachée; puis, si vous rencontrez un plexus veineux serré, vous êtes inondé de sang dans les mouvements de la respiration, et si, pour sortir d'embarras, vous vous pressez de pénétrer dans la trachée, vous l'ouvrez par le côté et vous avez un emphysème du cou. D'un autre côté, l'air entre avec le sang dans les bronches; il survient de l'oppression, l'agitation se décuple et vous ne réussissez pas. Ceci est arrivé plus d'une fois à des gens très-forts; mais ne

vous piquez pas d'habileté, allez doucement en vous éclairant du doigt et vous arriverez sûrement.

Une fois dans la trachée, d'autres soins réclament votre attention.

Autrefois on avait une canule simple; il fallait la nettoyer toutes les trois ou quatre heures. M. Bretonneau a imaginé une canule double composée d'une canule excentrique ou externe qui en reçoit une seconde dans son intérieur; la première est fixée, tandis que l'autre est mobile. Il n'y a que celle-ci qui s'encroûte de mucosités et qu'on nettoie, ce que les parents peuvent trèsbien faire. Pour un enfant d'un an à trois ans, la canule excentrique doit avoir six millimètres de diamètre à sa partie inférieure; de sept à huit millimètres pour le deuxième âge, et de neuf à dix pour les adultes. On garnit cette canule d'une pièce de taffetas gommé, percée à son centre pour laisser passer le corps de l'instrument. De cette façon, les angles du pavillon n'irritent point les lèvres de la plaie, et le pavillon lui-même est retenu ainsi au dehors. La canule en place, la trachée se trouve environ à un centimètre de profondeur de la peau; le lendemain elle en est éloignée de deux centimètres et demi; le troisième jour, de trois et de quatre centimètres par suite de l'intumescence des tissus. D'où il suit que si la canule est trop courte elle sort de la plaie, et à votre arrivée vous trouvez l'enfant mort. Il faut donc se munir de canules assez longues, chez les adultes surtout; de plus, il faut, le second et le troisième jour, serrer vigoureusement les cordons qui fixent l'instrument.

Maintenant, quel traitement faire suivre à l'opéré? Jusqu'en 1839, M. Trousseau a imité M. Bretonneau qui pensait qu'il fallait agir par en bas sur le larynx comme on avait agi par en haut sur la muqueuse pharyngée. M. Trousseau instillait donc des solutions caustiques par la nouvelle ouverture, ou bien il portait l'écouvillon sur toutes les parties des voies aériennes qu'il supposait envahies par la diphthérite. Mais il est arrivé que M. Gerdy ayant fait une trachéotomie pour un cas de croup, guérit son malade sans lui avoir fait subir aucun traitement. De son côté, Bérard avait obtenu un résultat semblable, en sorte que M. Trousseau s'est abstenu d'employer les caustiques après l'opération.

Mais si la médication topique est inopportune ici, il est une précaution de la plus haute importance à prendre, c'est d'entourer le cou d'une cravate de tricot ou de mousseline aussitôt que la canule est placée, et voici pourquoi. Il y a huit ans, M. Trousseau remarqua que dans la saison

chaude la trachée se séchait et s'encroûtait de productions tubulées. Pour empêcher cette dessiccation, il employa des jets de vapeur des bouilloires, etc., mais ces moyens sont d'une application impossible chez les pauvres. Alors l'idée lui vint de leur substituer un cache-nez, et, à sa grande joie, il vit qu'à partir de cet instant la proportion des guérisons augmentait d'une manière sensible. Cette cravate a pour effet de tamiser l'air extérieur avant son entrée dans la trachée, de le réchauffer, de le charger d'humidité. Les mucosités trachéales ne se dessèchent plus et ne forment plus ces croûtes qui, chassées par la toux, viennent oblitérer la canule. On évite ainsi la fâcheuse nécessité de l'écouvillonnement que M. Trousseau rejette complétement aujourd'hui, à moins d'indications spéciales. Quand des crachats devenus trop plastiques sont expulsés avec difficulté, il suffit d'une demi-cuillerée à café d'eau tiède ou fraîche, instillée par la canule pour humecter ces mucosités et provoquer leur expectoration. La cravate offre en outre l'immense avantage de prévenir les pneumonies si fréquentes, produites par la brusque introduction dans les bronches d'un air froid et sec immédiatement après l'opération.

Une autre précaution, non moins capitale, consiste à cautériser la plaie pour s'opposer à l'infection diphthéritique. arrive en effet que la plaie se couvre de fausses membranes au bout de quarantehuit heures au plus tard. Or, c'est là un accident des plus graves, un immense danger, car la phlegmasie spécifique envahit le tissu cellulaire du cou; de là tuméfaction énorme de cette région, gangrène, ct fièvre de résorption mortelle. Pour prévenir cet accident trop commun, M. Trousseau ne manque jamais dès le lendemain de l'opération de cautériser vigoureusement la plaie avec le crayon de nitrate d'argent, en faisant passer celui-ci entre la canule et les tissus. Cette manœuvre est répétée deux et trois fois par jour, jusqu'à ce que la plaie prenne un bon aspect.

M. Trousseau porte une attention toute particulière aux moindres ulcérations ou excoriations qui se produisent en pareils cas, car il redoute sans cesse la propagation de la diphthérite, et dès qu'il aperçoit la plus légère érosion de la peau, il la couvre

(1) Pour affronter les bords de la plaie, M. Trousseau prend trois ou quatre petits morceaux de taffetas d'Angleterre, longs de douze centimètres et larges d'un centimètre; il les mouille, puis il les colle par un de leurs bouts à six centimètres du bord correspondant de la plaie. Une fois fixés, il rapproche les lèvres de celle-ci, et les quatre bandelettes sont jetées par-dessus ct collées comme précédemment. Ce petit appareil

de pommade au précipité blanc (un gramme de précipité pour quinze d'axonge) ou de pommade composée d'acétate neutre de plomb deux grammes, et d'axonge trente grammes. Si ces topiques sont insuffisants, il cautérise deux ou trois fois par jour avec le crayon de nitrate d'argent.

Quant au régime, il consiste, après l'opération, dans du lait coupé et du bouillon. Jamais on ne soumet les opérés à une diète absolue, et dès que les premiers jours sont passés, on commence une alimentation légère et croissante, si la fièvre ne s'y oppose pas.

Bientôt surgit une question délicate. A quelle époque faut-il enlever la canule? M. Trousseau répond le plus tôt possible; mais jamais il n'a pu le faire avant le cinquième jour. Nous avons vu dernièrement dans son service une petite fille chez laquelle la canule a été retirée au bout de cent vingt heures. D'autres l'ont conservée neuf jours, dix jours, quinze jours, quarante-deux jours. Le plus ordinairement, on l'ôte du huitième au dixième jour.Quand vous venez d'opérer, si vous enlevez la canule, la plaie s'oblitère, mais après quatre jours, elle reste longtemps béante. Après le huitième jour, elle peut rester ainsi béante quatre à cinq heures, en sorte que vous pouvez commencer les expériences. Vous serrez la plaie avec les doigts et vous dites à l'enfant de parler; s'il n'y a pas de son produit, remettez la canule. Le lendemain, s'il passe un peu d'air, vous fermez la plaie avec du taffetas et vous voyez si la respiration se fait. La peur peut gêner la respiration; mais autrement, il n'y a pas de spasme de la glotte. Il faut au moins que l'enfant puisse souffler une bougie; dans tous les cas, on ne prolonge pas l'expérience au delà d'une heure. Le lendemain on la recommence, et si après plusieurs jours d'essai il n'y a pas de respiration, c'est que le larynx est oblitéré par des concrétions fibrincuses. On prend alors une éponge montée sur une baleine et on écouvillonne le larynx. Ceci n'est qu'un ramonage mécanique, car la diphtherite est passée et il ne reste que des productions déjà anciennes qui n'ont pas été expulsées. Une fois la désobstruction faite vous fermez la plaie et l'enfant respire (1).

Il faut quarante-huit heures pour que la

doit être renouvelé trois ou quatre fois le premier jour, car il est soulevé à plusieurs reprises par les crachats. A mesure qu'on s'éloigne du premier pansement, la plaie diminuant de diamètre, et les crachats s'échappant en moindre quantité, les bandelettes n'ont que rarement besoin d'ètre renouvelées. Bientôt la plaie se transforme en un simple pertuis et l'on peut panser avec de la charpie et du cérat.

« PrécédentContinuer »