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ment que celui qui en souffre. Mais celui-ci est prédisposé, dira-t-on, tandis que l'autre a échappé à l'influence pernicieuse des miasmes. Où cherche-t-on l'analogie qui prouve cette différence? celui qui devient malade ne l'est-il pas primitivement par un point, et n'est-ce pas de ce point que sa maladie fait explosion. Donc les miasmes, les virus ne déterminent point rigoureusement parlant une affection ordinairement générale. Qu'un poison, une sanie, se trouvent portés dans les chairs par simple incision ou inoculation, qu'on les introduise dans les veines par injection ou par les voies naturelles, toujours vous obtiendrez les mêmes effets, c'est-à-dire qu'un point se trouvera primitivement affecté. Donc l'infection ne sera ni uniforme ni universelle. Un sujet qui a des vomissements, des supersécrétions muqueuses, bilieuses, des déjections de même nature, des douleurs ventrales, une soif inextinguible, des facultés intellectuelles souvent intactes, enfin tous les signes d'une violente phlegmasie des voies alimentaires, est bien affecté d'une lésion locale. Seulement, chez lui, le sang a été le récipient de la cause morbifique.

Autrefois toute fièvre exempte de complication d'inflammation locale était appelée fièvre simple. Cette désignation doit être restreinte à celle-ci : irritation d'un seul organe, influençant le cœur ou portant son action sur le système artériel, parce que toute fièvre primitive ne peut être considérée que comme l'expression d'une lésion locale idiopathique qui met en jeu les sympathies. Ainsi la définition de ces maladies pourrait être celle-ci: < une contraction plus forte et plus rapide du cœur avec augmentation de la calorification, suite nécessaire de ses mouvements plus accélérés et dépendant de l'altération d'une ou de plusieurs fonctions localement affectées. » Avancer que l'économie en masse participe également et uniformément à la lésion est chose que le raisonnement ne peut admettre. Le sang est précipité dans toutes les parties. Cela est hors de doute. La chaleur est également augmentée, personne ne le conteste. Est-ce un motif suffisant pour dire que la cause de ces phénomènes git partout en même temps. Alors pourquoi ne verrions-nous pas une fièvre essentielle dans l'hépatite, la néphrite, la pleurite, la pneumonie ou dans un vaste abcès, etc.? Au moins, on conviendra qu'entre les fièvres idiopathiques et les phlegmasies, il existe une connexion évidente, des liens qui les rapprochent. Et cet enchaînement est le mouvement fébrile. Ces affections morbifiques ne sont pas même définies par l'auteur de la Nosographie philosophique, quoiqu'il donne à entendre qu'elles sont indépendantes de toute lésion locale. Nous dirons donc que toute fièvre à marche rapide, qu'elle ait été fomentée et allumée, soit par les spiritueux, les viandes suranimalisées, les affections morales, par l'absorption d'un miasme ou par toute autre cause, est toujours produite et entretenue par le même mécanisme. Quelle que soit l'irritation locale qui lui donne naissance, les contractions du cœur deviennent plus précipitées et les organes internes plus excitables. C'est toujours une inflammation d'un ou de plusieurs viscères renfermés dans une ou plusieurs des trois grandes cavités dont l'action vitale est exagérée par la

souffrance; ce qui n'empêche pas que l'excitabilité baisse dans les organes des sens et dans les muscles de la vie de relation.

Dans les fièvres idiopathiques, avance-l-on, on ne rencontre aucune altération primitive palpable, et c'est ce qui confirme leur diagnostic. Et quand bien même il en existerait, elles ne seraient là que comme effet. Singulière manière d'envisager les faits. Un sujet succombe victime d'une prétendue fièvre essentielle. A l'ouverture du corps on trouve une phlegmasie bien caractérisée qu'on ne peut nier. Mais alors on se retranche sur les complications qui se sont confondues avec la fièvre pour ne former qu'une seule maladie ; ce qui n'a pas empêché que toute l'économie n'ait été atteinte et que la fièvre n'ait été indépendante de cette inflammation locale qui n'est survenue qu'en vertu d'une disposition spéciale de l'organisme. Excellente raison pour sortir d'embarras. Pourquoi alors ne pas appliquer le même raisonnement à la péritonite, à la métrite, à l'encéphalite, à la méningite, etc., et effacer d'un seul trait toutes les phlegmasies pour les faire rentrer d'un seul coup dans le cadre pyrétologique. Ce serait, ce nous semble, beaucoup plus logique.

Loin de nous la prétention d'avancer que l'injection, les plaques rouges, la gangrène même qui se rencontrent dans divers organes à leur suite, soient cause unique de la mort. Ces altérations ne sont que des vestiges d'une affection morbifique funeste qui s'est trouvée être assez importante pour avoir interrompu la fonction de l'organe malade, et pour avoir fait cesser son influence salutaire sur un autre organe plus important ou au moins d'une importance égale à la sienne. La rougeur, la teinte brunâtre, n'indiquent pas une altération profonde de structure, mais bien une plus grande affluence de sang, une coloration plus vive, une augmentation de la calorification dans la partie, et, enfin une douleur qui, sans avoir été clairement perçue par le malade, n'en a pas moins existé. Ce sont des traces, parfois fugitives, d'une surexcitation locale et douloureuse d'action nutritive qui a abouti à l'extinction de la force vitale dans un organe primitivement lésé, puis dans tout le corps. Nous savons que l'homme périt presque toujours par le système nerveux, et que la phlegmasie seule des voies digestives serait insuffisante. Quand on ne succombe pas à une asphyxie, au marasme, à une hémorrhagie, à un obstacle au cours du sang ou à quelque cause de même nature, c'est par le système nerveux; el pour cela, il n'est pas nécessaire qu'il y ait épanchement, induration, plaie ou forte congestion. Au reste, tous les médecins savent qu'il y a des modifications incompréhensibles, quoique vraies de la nervosité, en vertu desquelles une phlegmasie fait subitement explosion et passe en quelques jours à la léthalité, après avoir offert tous les phénomènes de l'ataxie: cas qui s'observent surtout chez les individus d'une grande irritabilité, chez ceux qui pendant longtemps ont fait usage d'une nourriture grossière et insuffisante, ont manqué d'un air vivifiant et dont la disposition est mauvaise sous quelque rapport. Tels sont les prisonniers, les personnes épuisées par les excès et dont les nerfs ont été par trop excités.

Certes, l'inflammation de la maqueuse digestive n'est pas constante dans les

fièvres graves, mais alors on rencontre des altérations plus ou moins profondes dans d'autres organes. Nier n'est pas prouver qu'elles n'ont point lieu. S'il est vrai, qu'au moins chez le plus grand nombre, on trouve de la rougeur, de la tuméfaction et des ulcères plus ou moins nombreux dans le tube digestif, ou, à leur défaut, des altérations dans d'autres viscères, faits que les Morgagni, les Prost, les Bichat, les Petit, les Broussais, etc., etc., ont surabondamment constatés; pourquoi alors dire que ces lésions, quoique trèscommunes, parce qu'elles ne sont pas constantes, sont indépendantes des maladies qui nous occupent? Il n'y a pas de rapport exact entre le nombre et l'étendue des taches rouges ou des ulcères et l'intensité des symptômes. Ainsi, tel sujet succombera ayant présenté des phénomènes violents, et ses organes n'offriront cependant qu'un petit nombre d'ulcères ou même qu'une simple rougeur de la muqueuse intestinale; et, tel autre chez lequel les symptômes graves ont disparu et qui succombe à la diarrhée qui l'épuise, présente pourtant des ulcérations nombreuses et étendues. D'autres fois, les ulcères sont entièrement cicatrisés, quoique les signes fâcheux aient persisté jusqu'à la mort. Quelques taches rouges semées çà et là sur les muqueuses stomacale et intestinale ne sont d'aucune importance, puisqu'on en rencontre, et de bien autrement dessinées chez les sujets morts accidentellement ou chez ceux qui ont succombé à une autre maladie, etc.

Telles sont les objections et les preuves données en faveur de l'essentialité. Nous avons déjà réfuté quelques-unes d'entre elles. Quant aux décolorations de l'estomac, nous dirons qu'elles s'observent lorsque la maladie a persisté un certain temps. Toute affection grave use rapidement les forces, par le désordre et la souffrance dont les centres nerveux de la partie sont en proie, et avant de quitter le lieu où elle a pris naissance. Et c'est ce trouble de la nervosité, son épuisement et sa pénurie qui causent la mort. Ou encore, l'irritation, après avoir profondément altéré la structure de la partie et anéanti son action vitale, l'abandonne et s'en va chercher une nouvelle pâture sur un autre organe non encore épuisé. Puis encore, cette décoloration, surtout celle du bas-fond de l'estomac, peut aussi fort bien provenir, dans tous les cas de fièvres graves, de ce que les boissons prises en quantité y séjournent, humectent cette partie membraueuse privée de vie, en enlèvent la partie colorante et contribuent puissamment à son ramollissement. Cette explication paraitra-telle satisfaisante? D'autres l'ont donnée avant nous. Quoi qu'il en soit, c'est au moment où cette altération profonde s'opère, que les facultés intellectuelles se perdent entièrement sans espoir de retour. Lorsque les symptômes d'adynamie persistent, et que ceux de l'ataxie changent d'aspect, qu'il y a faiblesse, perte de l'esprit, abolition des organes des sens, carphologie, idiotisme, traits fortement altérés, absence d'irritation de la muqueuse de l'estomac, de soif, de vomissement, de rougeur, de sécheresse de la langue, on peut être certain alors d'une grave détérioration de la muqueuse qui jamais ne pourra être ramenée à ses conditions normales. L'estomac, véritable réservoir inerte, laisse passer les liquides qui emportent avec eux le peu de matière

colorante qui rampe à sa surface. Alors négation des signes fournis par ce viscère; destruction des fonctions cérébrales et mort certaine.

Le duodénum présente moins souvent cette décoloration, attendu que les boissons y passent plus vite. Néanmoins on y observe parfois de la pâleur, du ramollissement, des pertes de substance, des criblures et des taches ardoisées exsangues, surtout lorsque la fièvre s'est prolongée. Mêmes effets pour l'intestin grêle décoloré. L'inflammation, après l'avoir dérougi, va porter ses ravages dans le mésentère, dans le gros intestin ou dans d'autres parties et y laisse parfois une couleur noire et même la gangrène. Ne portons donc pas uniquement notre attention sur les altérations phlegmasiques, mais plutôt sur la puissance destructive de l'inflammation qui, aiguë, détruit promptement l'innervation. Tour à tour, elle envahit tous nos organes, et lorsque les matériaux nécessaires à son entretien viennent à lui manquer, elle les fuit, non sans y laisser la lividité et la mort.

D'après ce que nous venons d'exposer, on voit qu'il est possible de succomber à des fièvres, sans que pour cela, les organes, siége du foyer morbifique, offrent des traces évidentes d'altération, qui même ont pu se dissiper au moment de la perte de la vie, et cette proposition n'est pas purement gratuite. Puis l'existence, comme nous l'avons déjà dit, a pu être interrompue par excès de douleur, et avant qu'aucune détérioration sensible ait eu le temps de se former. Si dans les fièvres la douleur est nulle ou presque insensible, cela ne tient-il pas à ce que les intestins grêles, leur siége ordinaire, sont peu douloureux. Et lorsque la mort n'arrive qu'après un assez long espace de temps, il est encore possible, ainsi que nous venons de le voir, que la rougeur, les injections, les criblures, etc., ne laissent aucun indice de leur pré

existence.

Les organes peuvent encore présenter des signes négatifs d'inflammation dans les cas suivants : 1o un sujet s'est trouvé privé d'une grande quantité de son sang, soit par les saignées poussées à l'excès, des hémorrhagies abondantes et spontanées, soit par des exhalations sanguines copieuses. Alors les organes deviennent exsangues, ou le peu qui en reste émigre dans les points les plus douloureux et lui-même est excessivement pâle; 2o vers la fin d'une phlegmasie, une violente congestion vers une autre partie importante survient qui emporte le malade. Qu'est-il arrivé? le sang a obéi à l'impression déterminée par l'excitation d'un autre organe et a quitté les tissus primitivement affectés en y laissant la pâleur. Est-ce un motif pour croire que les ulcérations, les ramollissements ont eu lieu sans inflammation? peut-on nier l'attraction du sang vers la partie qui, en dernier lieu, s'est trouvée lésée ; 3° ce fluide peut encore être aqueux, comme on l'observe chez les enfants lymphatiques; chez eux, les caractères de l'inflammation sont moins manifestes sur les muqueuses que dans les organes parenchymateux; et, sous ce rapport, beaucoup d'adultes et de femmes leur ressemblent.

Mais s'il est vrai que, dans quelques cas, les fièvres ne laissent après elles aucune trace de leur passage, et souvent par les motifs que nous venons de

déduire, toujours est-il que, dans l'immense majorité, on rencontre des lésions profondes, des ulcères intestinaux, surtout vers la valvule ilio-cœcale, de la rougeur, de la tuméfaction des glandes du mésentère, la rate gonflée, réduite en bouillie, livide, noirâtre et gorgée d'un sang noir, des muscles poisseux et beaucoup d'autres désordres dans le cerveau, les poumons, etc. Les fièvres graves doivent donc être rarement essentielles et fréquemment symptomatiques. Remarquons que les sujets qui n'offrent que des traces négatives de lésion ou d'inflammation, sont à ceux qui en présentent dans une proportion infiniment minime, soit comme 2 ou 3 à cent; d'où on peut inférer qu'une fièvre idiopathique doit être chose excessivement peu commune, si toutefois on peut en admettre de semblables. A ceux qui envisagent toutes ces affections comme des maladies générales, on peut répondre qu'il n'est pas juste de vouloir faire une règle invariable des cas exceptionnels, et qu'il n'est pas raisonnable de rejeter une opinion basée sur des altérations matérielles, par cela seul qu'elles ne se rencontrent pas constamment.

Des ulcères semblables à ceux des fièvres s'observent également dans la phthisie pulmonaire, dans la dyssenterie chronique, et cependant sont loin de donner le même cortége de symptômes. Cette objection n'est pas sérieuse, puisque toute altération formée lentement donne lieu à des effets tout différents. Les caractères de la gastrite ou de l'entérite simple ne sont pas les mêmes que ceux que font surgir les fièvres graves. Force est pourtant de convenir que cette fréquence d'altération a de quoi fixer l'attention; et, qu'il existe entre les ulcères et les fièvres quelque liaison intime, que le dévoiement qui précède de longtemps leur développement, l'affaiblissement de plus en plus marqué du sujet, donnent à la phlegmasie intestinale, quoique d'abord légère, quelque chose de fâcheux. Qu'il existe dans la texture ou sur la muqueuse une entérite gangréneuse ou adynamique, on fera quelques concessions; mais lorsqu'il n'y aura que des ulcérations, les partisans outrés de l'essentialité ne voient là que des effets et non la cause de la maladie, attendu, disent-ils, que les phénomènes qui préludent à leur formation, tels que la sensibilité abdominale, la sortie des matières sanieuses, le ballonnement ne se remarquent que lorsque la maladie est en progrès; et, parfois même, ce n'est que lorsque commence la diarrhée. Qu'est-ce que cela prouve, sinon que l'inflammation ne corrode pas d'abord la muqueuse, mais commence lentement son travail destructeur qui ne devient évident que vers le dixième jour.

Les ulcères sont là où les matières séjournent le plus et sont plus irritantes; à cela rien d'étonnant. Dans le cœcum, le colon ascendant dont la disposition n'est plus la même, on les voit embrasser toute leur surface interne ou seulement leur portion dorsale, parce que l'inflammation n'est jamais uniforme sur la muqueuse, si ce n'est dans les fièvres d'une excessive intensité, dans la fièvre jaune, dans celles épidémiques par causes très-puissantes. Et puis dans les maladies, nous observons parfois des variétés inexplicables. Nul doute qu'il n'existe quelque chose d'ignoré dans le mode d'agir des modificateurs, qui ici agissent en altérant les tissus de telle manière, là de telle autre,

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