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Enfin parfois, et ceci peut expliquer la différence et l'inconstance des résurtats en ce qui concerne l'irritabilité des muscles, l'épanchement sanguin dans le cerveau a pour conséquence une modification organique de la partie de la moelle correspondante à la partie du cerveau siége de l'épanchement, c'est-àdire de la partie de la moelle placée au côté opposé, et l'on comprend que par suite l'action du cordon rachidien lui-même peut être anéantie. Il n'y a pas longtemps que Türck (1) a appelé l'attention sur ce phénomène important; il a constaté, surtout dans trois cas où il y avait eu antérieurement un épanchement sanguin dans le cerveau (apoplexie sanguine), qu'à partir du siége de l'épanchement jusque très-bras dans la moelle spinale, il s'était développé une quantité plus ou moins grande de cellules granuleuses (dites globules inflammatoires), bien qu'à l'œil nu on n'y pût voir aucune modification morbide. Le premier cas était relatif à une femme de 75 ans, chez laquelle il existait, au côté externe du corps strié droit et de la couche des nerfs optiques, un ancien foyer apoplectique, avec ramollissement blanc de cette dernière partie, ramollissement se prolongeant profondément dans le pédoncule du cerveau (crus cerebri) du même côté et offrant un nombre extraordinaire de cellules granuleuses. En examinant le cordon rachidien, on constata qu'il renfermait aussi de ces cellules dans toute sa longueur du côté gauche, côté où avait existé la paralysie.

Dans le second cas concernant un homme de 40 ans, chez lequel il avait aussi existé une paralysie à gauche qui avait duré déjà plus de six mois, on trouva à l'autopsie un ancien kyste apoplectique au côté externe du corps strié droil et de la couche des nerfs optiques. Cette dernière était en grande partie le siége d'un ramollissement blanc, lequel pénétrait profondément dans le pédoncule du cerveau et offrait d'innombrables cellules granuleuses.

Le pont de Varole qui, dans le premier cas, n'avait pas pu être examiné, contenait ici des deux côtés de ces cellules, mais en nombre beaucoup moins considérable cependant à gauche ; dans la moitié gauche du cordon rachidien on trouva de nouveau beaucoup de cellules, tandis que la moitié droite ea était complétement dépourvue. Enfin il observa encore une semblable extension pathologique dans la moelle chez une femme, qui pendant vingt et un mois avait été hémiplégique à gauche à l'autopsie on rencontra un ancien foyer apoplectique dans le corps strié droit, la couche droite des nerfs optiques et la substance médullaire voisine; les cellules qui étaient très-nombreuses dans les parois du foyer, diminuaient ici de nombre vers le bas, en sorte qu'on ne les rencontrait plus que disséminées par ci par là, dans le pédoncule droit du cerveau, dans le pont de Varole, dans la moelle allongée (seule partie où l'on en rencontra des deux côtés) et dans la partie supérieure de la moitié gauche de la portion cervicale de la moelle spinale; on en observa de nouveau un nombre beaucoup plus considérable (de 3 à 12 dans un champ visuel) à partir de la 3me vertèbre cervicale jusqu'à la 7me, où elles

(1) Zeitschrift der K. K. Geselschaft der Aerzte zu Wien, jann. 1850.

diminuaient de nouveau jusqu'à l'origine des nerfs lombaires où l'on en rencontra le nombre le plus considérable (de 30 à 60 dans un champ visuel); à partir de ce point, leur nombre diminuait encore une fois et l'on n'en rencontra plus à l'origine des nerfs sacrés inférieurs.

Nous pouvons d'autant mieux admettre que le développement de ces cellules, qui reconnaît probablement pour cause une modification de la nutrition de la moelle par suite de l'interruption de l'influence cérébrale, apporte un trouble dans les fonctions départies à cette portion du système nerveux, que Türck, ainsi que Wedl, ont trouvé de ces cellules dans le cordon rachidien d'une femme paralytique dont le cerveau n'était pas malade et chez laquelle on devait par conséquent bien reconnaitre que la cause de la paralysie avait son siége dans la moelle épinière.

Si j'attache beaucoup d'importance à ces observations, c'est d'abord parce qu'il est très-facile de reconnaître ces cellules granuleuses, parce qu'elles ont été bien caractérisées dans le travail de Wedl, qu'on les rencontre dans la substance blanche où il n'y a pas à craindre qu'on les confonde avec les globules à noyaux (nucleati) et enfin surtout parce que plus d'une fois je les ai rencontrées moi-même, dans des cas d'anciens foyers apoplectiques, à des distances plus ou moins grandes de ces foyers. C'est dans mes recherches sur les modifications morbides des petits vaisseaux et des capillaires, comme causes d'apoplexie, que j'ai aperçu ces cellules et que je les ai fait voir à d'autres; cependant je n'avais pas fait de recherches pour reconnaître dans quelle direction elles s'étendaient à partir du foyer apoplectique, et si elles existaient dans la moelle spinale.

Ainsi en ne conservant aucun doute sur l'exactitude des observations de Türck, j'ai certainement trouvé une cause de la diminution et peut-être de l'abolition complète du ton et de la contractilité dans l'apoplexie cérébrale, et partant aussi, la raison de l'apparente contradiction de ce fait avec la théorie de Marshall Hall, ce qui n'empêche pas que cette théorie ne soit encore ici parfaitement applicable, puisque c'est bien maintenant la moelle épinière qui est devenue le siége de l'altération morbide.

Si nous prenons en considération tout ce qui précède, il demeure évident que la différence des résultats obtenus par l'observation pathologique tient à des causes reconnaissant elles-mêmes des origines différentes. Il sera toujours impossible d'établir entre la paralysie dont la cause a son siége dans le cerveau et celle dont la cause siége dans la moelle épinière ou dans les nerfs euxmêmes, un diagnostic différentiel rigoureux qui ne souffre aucune exception. Cependant sous ce rapport la physiologie a acquis sur plusieurs points un si haut degré de certitude, que ses enseignements ont une grande valeur et que ce sont ses enseignements qu'il faut consulter en premier lieu. La physiologie nous apprend :

1. Que lorsque la cause de la paralysie a exclusivement son siége dans le cerveau, le ton, la contractilité des muscles et les phénomènes réflexes doivent persister;

2. Que, lorsqu'une portion de la moelle épinière a cessé de fonctionner soit par une forte compression, soit par une altération de sa structure ou autrement, les muscles qui reçoivent leurs nerfs de cette portion, ont perdu, en même temps que le mouvement volontaire, le ton et la contractilité;

3. Que les muscles qui reçoivent leurs nerfs de la portion de la moelle qui se trouve en dessous de celle qui est altérée, ont également perdu leur mouvement volontaire, mais que le ton et la contractilité doivent y persister;

4. Que lorsque la cause de la paralysie a son siége dans les nerfs, le ton et la contractilité sont bientôt exagérés ;

5. Que lorsque la paralysie est incomplète, le ton et la contractilité existent encore partiellement, et surtout à un degré plus élevé lorsque la cause de la paralysie incomplète a son siége dans le cerveau. S'il se rencontre des cas qui ne semblent pas confirmer ces propositions, on peut en conclure qu'il existe des complications et le médecin qui ne se contente pas de la connaissance de simples théories, mais qui connaît aussi les faits physiologiques sur lesquels ces théories sont fondées, trouvera certainement après un examen attentif, dans la plupart des cas, l'explication physiologique des phénomènes observés.

CONSIDÉRATIONS MÉDICALES SUR LA PRÉSENCE DE L'AMMONIAQUE DANS L'AIR ATMOSPHÉRIQUE ET SUR LA FORMATION DE L'ACIDE NITRIQUE PAR LES ÉCLAIRS Pendant les orages, comme neutralisant CET ALCALI ; par M. le Dr HELIN, membre correspondant de la Société, à Ronquières (Hainaut.)

Au point de vue de l'hygiène et de l'étiologie des épidémies qui revêtent un caractère grave ou pernicieux, deux faits ont été constatés par la chimie : la présence de l'ammoniaque dans l'air atmosphérique et la formation de l'acide nitrique par les étincelles électriques.

La présence de l'ammoniaque (14 p. azote, 3 p. hydrogène) dans l'air atmosphérique se développe, comme on sait, par la décomposition des substances animales dont l'azote s'unit à l'hydrogène de l'air, ou par l'union de leur hydrogène à l'azote atmosphérique. Lorsque ces substances animales se décomposent au contact de l'air et de l'eau ou des vapeurs d'eau, elles enlèvent de l'oxygène à une certaine quantité d'eau, dont l'hydrogène mis à nu se trouve à même de se combiner avec l'azote de l'air et de former de l'ammoniaque. La présence de cet alcali dans l'air atmosphérique a été constatée par un trop grand nombre de chimistes, pour que nous en appuyions la preuve par de plus longs développements.

On sait aussi que les végétaux en putréfaction dégagent de l'ammoniaque en moins grande quantité, mais d'une nature plus pernicieuse (1). Si des cir

(1) L'énorme quantité de houille consommée de nos jours par l'industrie pour alimenter les machines à vapeur et les hauts fourneaux, en répandant dans l'atmosphère de l'ammoniaque, pourrait avoir quelque part dans la production des épidémies, surtout lorsqu'on emploie des houilles peu sulfureuses; si celte cause n'est pas une conjecture, le lavage du gaz hydrogène provenant de la distillation de la houille, pour être employé

constances viennent à exagérer la formation de l'ammoniaque dans l'air atmosphérique, l'aliment permanent de notre respiration, nous nous trouvons intoxiqués, particulièrement si, comme on doit le présumer, il est accompagné d'hydrogène sulfuré ou d'hydrogène carburé; mais il participe vraisemblablement de l'un et de l'autre.

Parmi les circonstances qui donnent une prodigieuse activité au développement de ce gaz délétère, nous mentionnerons : les travaux en remblai des fortifications, des chemins de fer et des constructions de canaux; les extractions de la vase des étangs; les dépôts spontanés des alluvions à la suite des inondations qui n'agissent que localement et le retrait des niveaux d'eau dans le sein de la terre, à la suite des longues sècheresses, qui produit des effets en grand, c'est-à-dire sur un ou plusieurs pays.

Le deuxième fait dont je veux entretenir mes collègues et que la chimie a constaté, c'est la formation de l'acide nitrique par les orages; ceux-ci déterminent, comme on sait, la combinaison chimique de l'azote de l'air atmosphérique avec son oxygène.

Quand l'étincelle électrique passe au travers d'une certaine quantité d'air, de petites portions des deux gaz se combinent chimiquement, de manière qu'il se forme un peu d'acide nitrique. Un éclair est simplement une forte étincelle électrique; aussi chaque éclair produit dans son passage à travers l'atmosphère une quantité d'acide très-appréciable. Dans les régions où les orages sont fréquents, il doit se produire de cette manière une masse considérable d'acide nitrique. La pluie dans laquelle on l'a fréquemment trouvé l'absorbe et le ramène à la surface du sol.

Nous le répétons, ces deux faits sont importants au point de vue de l'étiologie des épidémies qui revêtent un caractère grave ou pernicieux et à celui de l'hygiène comme enseignement prophylactique. En effet, que sont autre chose les miasmes paludéens, que le gaz ammoniacal carburé ou hydrogène sulfuré (1)?

Ici git une hypothèse, mais une hypothèse indispensable dans l'état actuel de la science, et si vraisemblable qu'elle touche logiquement à la vérité. L'avenir en décidera. L'auteur de la nature, en nous donnant le bienfait des pluies orageuses avec la formation d'acide nitrique, n'a-t-il eu en vue que de répandre ce bienfait au profit de la végétation? je ne puis le croire. Il est pour moi impossible de ne point voir dans ce fait, le neutralisant de l'ammoniaque et un large enseignement préservateur des fléaux qui déciment si fréquemment les populations. N'est-ce pas aux grandes chaleurs avec sécheresse et à l'absence des pluies orageuses que la basse Égypte doit si souvent la présence de la peste, après les pluies abyssiniennes qui inondent et fertilisent ce beau pays.

à l'éclairage, devrait être opéré dans des eaux aiguisées d'un acide minéral pour être utilisées ensuite par les cultivateurs.

(1) Ne se présente-t-il pas ici un rapport frappant d'analogie entre les miasmes paludéens et ceux dégagés par des sujets atteints de maladie contagieuse, formant des foyers d'infection? On sait avec quel succès le chlore et l'acide nitrique gazeux ont été employés pour neutraliser ces derniers.

Que nos cultivateurs imitent avec confiance cette sage et intelligente nature en donnant des acides minéraux très-dilués à leurs terrains en exploitations, et les fléaux épidémiques disparaîtront.

Je saisis cette occasion pour dire quelques mots sur la durée de l'intoxication ammoniacale ou miasmatique paludéenne, car je considère ces expressions comme synonymes. Une partie des ouvriers tailleurs de pierres de Féluy, d'Arquennes et d'Écaussinnes se rendent au printemps en Hollande pour y faire leur campagne. Souvent après les sécheresses de l'été ils prennent la fièvre intermittente, dont ils guérissent par le traitement ou par le retour dans leurs foyers. S'ils éprouvent un état vague de maladie, pris sur la terre étrangère où après leur retour, état presque insaisissable par le diagnostic, tous les moyens échouent malgré le retour au milieu de l'air natal pour obtenir la guérison, et cet état ne finit que par des accès de fièvre périodique dont les fébrifuges triomphent alors plus ou moins facilement.

Lors de la construction du canal de Charleroy à Bruxelles, la majeure partie des habitants des deux rives furent successivement atteints de pyrexies intermittentes. La famille de l'auteur paya, en 1832, un large tribut à ce fléau; tandis que lui qui, par état, menait une vie pour ainsi dire cosmopolite (qu'on lui en passe l'expression), n'en fut atteint qu'en 1856, après plus de trois ans de navigation sur ce canal; c'est-à-dire, lorsque les miasmes délétères, suite de ces travaux, avaient disparu ainsi que leurs effets depuis deux ans. Ce fait s'accomplit par la prise sur les lieux d'une vie sédentaire.

M. X. dirigea comme entrepreneur les travaux de ce canal. Il se livrait à une vie active, visitant les travaux, tantôt en en suivant les contours, tantôt en parcourant une ligne droite pour inspecter plus promptement le lieu où sa présence était nécessaire, et s'éloignant ainsi du grand foyer d'infection; d'autres fois les affaires de la compagnie l'appelaient à Bruxelles, à Charleroy, à Mons, etc., etc. Eh bien, il fut exempt de l'affection intermittente jusqu'à la fin de 1836.

Au mois de mai, de juin, de juillet et d'août, M. l'entrepreneur éprouva des malaises vagues, de mauvaises digestions, des douleurs pleurodyniques, etc. Au commencement de septembre je le vis et lui prédis une pyrexie intermiltente plus ou moins prochaine, laquelle éclata quelques mois après sous forme de bronchite intermittente. Ai-je besoin de dire qu'il fut rendu immédiatement à la santé. Ces faits paraîtront exceptionnels à quelques-uns de nos collègues, cependant, je les connais fréquents et ils prouvent que cette intoxication est souvent longtemps à s'éliminer; et considérés au point de vue du choléra asiatique ils élucident la question des cas sporadiques survenus en 1850.

Entrons maintenant dans un autre ordre de faits qui prouveront que l'infection miasmatique-paludéenne si l'on veut, mais que je nomme plus volontiers ammoniacale, se traduit dans l'économie vivante par une série de maladies diverses.

Les travaux de terrassement du canal de Charleroy commencèrent en mai 1827 et finirent en septembre 1832. Le printemps et l'été de 1828-29 furent

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