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ces cas, pour que les forces vitales reprennent peu à peu leur empire.

Certes, nous avons vu bien souvent chez des enfants vigoureux et chez des adultes vivant au milieu de bonnes conditions, la saignée enlever promptement l'affection pulmonaire caractérisée par du râle crépitant, souffle tubaire, point de côté, crachats sanguinolents et la fièvre. Nous disons affection pulmonaire et non pneumonie, parce que la nature de la première n'est pas celle de la seconde. En effet, lorsque les symptômes que nous avons énumérés, arrivent chez des sujets sains dans toute la force du terme, ils ne caractérisent qu'une congestion pulmonaire; il n'y a là aucune exagération d'attraction du tissu pour le sang. Ce qui le prouve, c'est le bien-être, le bon état des organes qui n'ont aucune raison pour s'assimiler encore le fluide vivifiant, puisque, complétement reconstitués, ils ne sauraient manifester, dans aucune circonstance, une attraction morbide pour le sang. Il faut donc que les personnes bien nourries, bien logées et menant une vie réglée, ne soient jamais attaquées de phlegmasie, et c'est ce que l'expérience nous démontre clairement. De là l'erreur profonde de ceux qui pensent que l'homme a besoin de s'affaiblir chaque année par un certain régime et une certaine abstinence. Nous préférons de beaucoup l'opinion de M. Barbier, qui est d'avis que tout au contraire on doit faire usage chaque année, pendant un certain temps, de ferrugineux ou de quelques toniques pour réparer les pertes incessantes que nous faisons, et que le régime ordinaire ne parvient pas toujours à combler.

Le traitement prouve encore que la prétendue pneumonie des gens bien portants n'est qu'une congestion. En effet, les émissions sanguines la dissipent presque constamment, tandis que chez certaines personnes atteintes de vraie pneumonie, c'est en vain qu'on les réitère, elle marche quand même vers la suppuration et la mort. On dira que mes observations ne prouvent rien, puisque la guérison peut être attribuée aux saignées et non à l'émétique. Voici une observation de M. Andral, qui annule complétement cette objection :

Un porteur d'eau, àgé de 58 ans, entra le 9 mars à la Charité. Depuis trois jours il avait une vive douleur au-dessous du sein gauche, respirait difficilement et toussait sans cracher, lorsque nous le vimes pour la première fois (9 mars). Un fort råle crépitant s'entendait dans toute l'étendue à peu près du lobe inférieur du poumon gauche ; dans cette partie, la poitrine percutée résonnait moins qu'à droite. Le malade, tourmenté du besoin de tousser, n'osait s'y livrer de peur d'augmenter la douleur; les crachats, visqueux et transparents, ne contenaient encore que quelques stries de sang. La dyspnée était peu considérable; pouls fréquent et plein, peau chaude et sèche, langue blanchâtre, soif. (20 sangsues sur le côté gauche, saignée de xvi onces, tisanes émollientes). Le sang sorti de la veine en bavant, ne présente pas de couenne.

10, 4 jour. Augmentation de la dyspnée; crachats plus rouillés et trèsvisqueux; râles crépitants faibles, sans mélange d'aucun bruit d'expansion pulmonaire dans toute l'étendue du lobe inférieur du poumon gauche ; råle crépitant peu intense, se mêlant par intervalle an bruit naturel de la respira

tion dans le lobe supérieur de ce même côté; son décidément mat, depuis l'angle inférieur de l'omoplate gauche jusqu'à la base du thorax. Ainsi, l'inflammation passait au 2 degré dans le lobe inférieur, et le supérieur commençait à présenter le premier degré en quelques points. Le malade avait encore beaucoup de force. Lerminier prescrivit deux saignées, une immédiatement de xx 3, et l'autre, le soir, de xij 3. Toutes deux, faites à large ouverture, présentèrent une couenne épaisse.

5. Jour. Même état. (Tisanes émollientes.)

6o Jour. Dyspnée extrême, crachats très-visqueux et d'un rouge vif, respiration bronchique et résonnance particulière de la voix (bronchophonie) au niveau de l'angle inférieur de l'omoplate gauche; son très-mat dans ce même point. En avant de ce côté, depuis la clavicule jusqu'au sein, latéralement dans le creux de l'aisselle, et en arrière immédiatement au-dessus et au-dessous de l'épine de l'omoplate, råle crépitant assez fort, avec faible mélange de bruit d'expansion pulmonaire. Le pouls conserve encore assez de force; la peau reste sèche. Cette inflammation était encore à son plus haut degré d'acuité, et bien que les émissions sanguines, pratiquées jusqu'alors, eussent paru peu utiles, ce n'était cependant qu'en tirant encore du sang qu'on pouvait espérer d'en arrêter le progrès. (Saignée de xvi 3), sang très

couenneux.

7° Jour. L'oreille appliquée sur les points où existait la veille la respi ration bronchique, n'entendait plus rien, ce qui nous parut indiquer que l'hépatisation avait encore augmenté. Les autres symptômes étaient d'ailleurs les mêmes. (Saignée de vш 3; deux vésicatoires aux jambes). Le soir et la nuit, le malade délira.

8o Jour. — Retour du point pleurétique; crachats très-peu abondants, d'un gris sale; altération des traits de la face; pouls très-fréquent et se déprimant facilement ; peau sans chaleur; diarrhée. (Vésicatoire sur le côté gauche, décoction de polygala, looch avec 3 grains de kermès). Le soir et la nuit, retour du délire.

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9 Jour. État de suffocation imminente, suppression des crachats. Ràle muqueux dans les deux côtés de la poitrine. Deux sinapismes aux genoux. 10° Jour. Rále trachéal, agonie, mort peu d'heures après la visite.

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Ouverture du cadavre. Hépatisation rouge du lobe inférieur du poumon gauche, engoûment sanguinolent du lobe supérieur, concrétion albumineuse membraniforme sur les plèvres costale et pulmonaire de ce côté; épanchement dans la plèvre d'un verre de sérosité roussàtre.

On le voit, la pneumonie n'a pas même parcouru tous ses degrés pour tuer le malade. La clinique de M. Andral nous offre encore des exemples semblables, et nous pourrions rapporter des observations de la même espèce qui se sont présentées dans nos hôpitaux, si nous ne craignions de fatiguer le lecteur. On le demande, pourquoi les saignées réussissent-elles si bien chez les uns et échouent-elles complétement chez les autres? Il y a quelques jours, deux enfants, âgés de 2 ans, sont atteints de pleuro-pneumonie, l'un fort et vigou

reux, l'autre débile et malingre. On emploie les émissions sanguines chez l'un et l'autre, le premier fut guéri au bout de trois jours, le second dut être soumis encore pendant une semaine au tartre stibié, pour être débarrrassé de son affection. Pourquoi ces résultats différents? Évidemment, parce que l'un n'était atteint que de congestion pulmonaire, et que l'autre l'était de la vraie pneumonie, et si l'adage : Naturam morborum curationes ostendunt, est vrai, nous-même nous devons être bien près de la vérité.

Peut-être nous demandera-t-on comment la congestion du poumon produit-elle le souffle tubaire! Toute stase sanguine, quand elle se prolonge, est accompagnée de la sortie du sérum à travers les parois des capillaires, et c'est cet épanchement, cette exsudation qui empêche l'air de distendre les cellules pulmonaires. De là diminution du bruit respiratoire et de la sonoréité qui n'est jamais aussi évidente que dans la pneumonie vraie. Jamais le souffle tubaire n'est si éclatant que dans cette dernière affection.

Mais, dira-t-on, croyez-vous qu'on n'ait jamais guéri de pneumonies par les saignées seules. Cela est possible, parce que les malades placés dans d'autres conditions que chez eux (nous parlons de ceux qui sont dirigés sur les hôpitaux) sont influencés d'ordinaire favorablement; ainsi leur peau, dont les fonctions sont rétablies par les lotions qu'on leur fait subir à l'entrée de l'hôpital, par le séjour dans un bon lit, agit comme un vaste révulsif sur l'appareil pulmonaire. Il n'y a rien d'étonnant alors que ce moyen si puissant ne détruise l'attraction anormale de l'organe malade pour le sang.

On sait que Biett, au rapport; de M. le docteur Grisolle, pendant une année entière, a traité les pneumoniques qui arrivaient dans ses salles par les boissons émollientes et les cataplasmes, et il paraît que la mortalité fut trèspeu considérable. Et de nos jours encore M. Magendie n'emploie guère d'autre méthode contre les phlegmasies pulmonaires.

Ainsi, chez les personnes débiles, la saignée paraît enlever la phlegmasie qui les atteint, non parce qu'elle agit antiphlogistiquement contre la lésion locale, mais qu'étant puissamment aidée par les soins hygiéniques dont on entoure toujours ce moyen, elle dissipe les congestions des organes comme nous l'avons déjà dit et par là semble constituer la médication héroïque de la pneumonie. Et d'ailleurs les malades qui se trouvent dans ces circonstances ne peuvent-ils être atteints de congestions pulmonaires? C'est pourquoi il est convenable de débuter dans le traitement de cette maladie par les émissions sanguines et si elle n'est pas enrayée dans sa marche par trois ou quatre saignées, c'est qu'elle n'est pas de nature congestive et que l'exagération de l'attraction du parenchyne pour le sang compose toute l'affection. Hâtons-nous alors de combattre avec confiance cet état par l'émétique, car c'est la seule méthode rationnelle qui puisse empêcher la suppuration de l'organe et sauver ainsi l'existence du malade. L'expérience vient à l'appui de ce traitement et de cette théorie: M. Louis nous dit que, sur 20 pneumoniques auxquels il administra le tartre stibié dans des circonstances graves (c'étaient par conséquent de vraies phlegmasies), trois seulement moururent

et ils avaient de 60 à 70 ans. Tous ces malades avaient été saignés plusieurs fois et malgré cette médication très-active, la maladie avait pris plus d'intensité et était arrivée, terme moyen, au 8° jour. Dès le lendemain, tous les malades qui furent soumis au traitement antimonial furent mieux, ayant sensiblement plus de force, la figure meilleure, la respiration moins gênée et la matité thoracique moindre. (Mémoire sur les effets de la saignée, Debreyne.) Les observations analysées par M. Louis et toutes celles qui sont réfractaires aux émissions sanguines ne peuvent être de même nature que celles qui y sont dociles. Je le répète, celles-ci ne sont que des congestions pulmonaires, et pour les distinguer des phlegmasies, on doit avoir égard aux antécédents du malade, à son alimentation habituelle, à son habitation, à ses moyens d'existence, à sa manière de vivre, à son tempérament, à sa constitution et surtout aux effets de la saignée.

Ce qui consolide encore cette théorie de l'inflammation, c'est le danger des émissions sanguines dans le 3° degré de la pneumonie, alors que le sang et le tissu pulmonaire sont entrés dans une connexion si intime qu'ils forment un nouveau produit, le pus, sous l'influence de l'attraction morbide portée à son plus haut degré. Il faut se hâter de détruire sur-le-champ cette aberration de la force vitale pour sauver le malade.

Si l'on pouvait être certain, dit M. Grisolle, dans son Traité pratique de la pneumonie, que la plus grande partie de la pneumonie est passée à l'état de l'hépatisation grise, il faudrait s'abstenir de saigner. Ainsi j'ai vu trois malades, qui, dès leur entrée à l'hôpital, étaient certainement dans cette condition. Le pouls ne contre-indiquait pas peut-être absolument la saignée. On tira donc 320 ou 350 grammes de sang; mais les malades tombèrent presque aussitôt dans un état de collapsus tel que la mort survint au bout de 4, 6 ou 8 heures. Un autre individu, au contraire, était réellement expirant lorsque je le vis pour la première fois, son pouls était presque insensible, très-déprimé et dépassait 140; les extrémités étaient froides et couvertes de sueur visqueuse, la face pále était profondément altérée; le malade rejetait des crachats séreux jus de pruneaux, tout enfin faisait présager une issue très-prochainement funeste. Au lieu de le saigner, je lui donnai 15 grains d'émétique et lui appliquai un très-large vésicatoire. Sous l'influence de cette médication, les accidents s'amendèrent d'une manière vraiment inespérée; quinze heures après, la figure était moins altérée, les crachats séreux noirâtres étaient remplacés par une expectoration muqueuse, opaque ou d'un gris sale; les forces s'étaient relevées, le pouls avait de l'ampleur et une certaine résistance. On crut qu'une saignée pouvait être utile, elle fut malheureusement pratiquée : à peine tira-t-on 3 xij de sang; mais à dater de ce moment, les symptômes qui s'étaient si heureusement amendés la veille, reprirent toute leur gravité, et, trois heures après, le malade avait cessé de vivre.

L'émétique a-t-il agi ici comme hyposthénisant? Non certes, car aussitôt qu'il commence à manifester son influence, les forces se relèvent, le pouls devient ample, la chaleur gagne les extrémités. Si son effet avait été tel, il au

rait anéanti la résistance vitale du malade comme l'a fait la saignée. On peut donc admettre que le tartre stibié, en détruisant par une action occulte, mais réelle, l'attraction morbide du parenchyne pour le sang, a annihilé du même coup l'influence funeste que faisait subir à tout l'organisme le travail inflammatoire du poumon; de là la réaction. Ce fait, dit Debreyne, est un des plus beaux cas que l'on puisse citer en faveur de la méthode rasorienne : du reste, il ne nous étonne pas; nous-même nous pourrions en citer d'aussi graves ou à peu près, qui ont également guéri.

La pneumonie complique rarement la fièvre typhoïde ou plutôt presque jamais, et cela devait être. L'hypostase pulmonaire, la congestion passive seule est la compagne de cette maladie. De là l'influence propice de la saignée sur cette complication. Ici la saignée n'agit que comme moyen mécanique, et comme tel parfois elle remplit une indication vitale suprême. La sidération du système nerveux qui est le caractère dominant de cette affection entravant toutes les fonctions des organes, comment une inflammation pourrait-elle se produire, elle qui est l'expression d'une trop forte attraction des tissus pour le sang? Aussi on rencontre dans la fièvre typhoïde la splénisation des poumons, leur engorgement, comme on observe le ramollissement des autres tissus. La phlegmasie n'y est pour rien. Dans tous les cas où la crépitation eut lieu, dit M. Louis, j'ai trouvé, à l'ouverture du corps, les poumons engoués ou hépatisés dans une médiocre étendue, dans le point correspondant à celui où le râle crépitant avait été entendu.

Nous avons parcouru l'autopsie des cas de fièvre typhoïde que rapporte M. Louis dans ses recherches sur cette affection et nulle part nous voyonsqu'il soit question de pneumonie au 3° degré. D'après ce que nous avons dit plus haut, nous ne nous en étonnons guère. De là, dans ces cas, le danger des préparations stibiées comme antiphlogistique et l'efficacité des saignées comme désobstruant des organes respiratoires.

Lorsque les parotides suppurent dans le typhus, c'est un bon signe, puisqu'il nous indique que les organes commencent à répondre aux lois qui les régissent, et que l'assimilation du fluide vital se fait déjà avec énergie ; et si l'on rencontre des pneumonies au 3° degré chez les typhisés c'est toujours chez les malades dont on a négligé de combattre l'engouement pulmonaire pendant le cours de l'affection; et du moment que les synergies se rétablissent, la phlegmasie peut se montrer. Elle trouve alors un très-funeste auxiliaire dans la débilité des malades. Dans ces cas, l'emploi de l'émétique est quelquefois d'un grand avantage.

Il est probable que les pneumonies bilieuses de Stoll et d'autres ne sont que des fluxions sanguines ou des engorgements de même nature, car sans cela il serait difficile de concevoir comment un simple émétique en enlevant l'élément bilieux, ou plutôt l'embarras gastrique, enlève du même coup une pneumonie vraie. Mais on conçoit très-bien comment un embarras gastrique, en jetant le malade dans la prostration, puisse favoriser les stases sanguines.

Ici la saignée n'a plus la même influence que tantôt, parce que ne s'adres

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