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L'inspection de ce tableau, où toutes les maladies que j'ai observées chez les pauvres en 1848, se trouvent groupées par ordres qui se suivent d'après la fréquence qu'elles ont offerte, nous prouve en outre que cette même fréquence considérée dans ses rapports avec les sexes et les âges se trouve être comme suit le plus grand nombre de malades a été fourni d'abord par les femmes, puis par les hommes et les filles qui se trouvent sur la même ligne, et ce sont enfin les garçons qui en ont offert la moindre quantité. Cette préférence des maladies pour le sexe le plus faible est d'observation générale et se comprend facilement; mais elle doit nécessairement atteindre la proportion la plus élevée dans la classe indigente où la femme est, bien plus encore que l'homme, exposée aux privations, aux chagrins et autres causes délétères si fréquentes qui viennent en premier lieu empêcher le perfectionnement régulier de ses organes, affaiblir ensuite sa constitution et présider enfin, pendant tout le cours de sa vie, au développement de nombreuses maladies. En effet, n'est-ce pas principalement la malheureuse mère de famille du prolétaire qui doit supporter le plus grand fardeau des privations nombreuses et des soucis auxquels tout le ménage est souvent en proie?

N'est-ce pas elle qui, outre les dangers, les souffrances et les soins incessants de la grossesse, de l'accouchement et de la lactation, doit surveiller l'intérieur du ménage, entretenir la propreté du logis, procurer et préparer tout ce qui est nécessaire à la nourriture, à l'habillement et à l'entretien du mari et des enfants? N'est-ce pas elle qui est le plus exposée à toutes les causes locales de maladies qui se rencontrent dans les logements insalubres que nous avons signalées en si grand nombre et au milieu desquelles ses occupations la forcent à vivre presque constamment ? Heureuse encore la femme dont le mari laborieux et valide vient lui rapporter chaque jour le salaire de son labeur. Mais quel est le sort de celle dont l'homme malade ou privé de travail vient augmenter les soucis et les embarras? Se figure-t-on enfin la destinée de cette autre dont le mari abruti et dégradé par la boisson et l'inconduite va dépenser le produit de sa journée au cabaret et dans de mauvais lieux, et qui rentre au milieu de la nuit au sein d'une famille affamée qui lui demande du pain et à laquelle il n'adresse que les brutalités et les injures de l'ivresse?

Quant à l'homme, originairement plus fort de constitution et offrant moins de prise aux causes débilitantes que nous avons signalées, il y est aussi moins exposé par la nature de ses occupations qui l'appellent le plus souvent hors du logis où il ne rentre qu'aux heures des repas et du repos. Très-souvent ses travaux s'exécutent en plein air et puis, par habitude, il fait un plus grand usage de boissons toniques et excitantes dont l'influence est favorable à l'entretien de la santé lorsqu'il n'en fait pas excès.

Nous n'avons donc point à nous étonner d'avoir rencontré plus de deux femmes malades sur un homme, puisque 1,571 a été le nombre des premières et 773 celui des seconds.

La constitution plus délicate de la fille, sa vie plus sédentaire et plus renfermée, nous explique pourquoi les petites filles nous ont offert plus de ma

lades que les garçons. Mais ici la disproportion est beaucoup moins forte et il doit en être ainsi, car nous n'avons consigné que les maladies des enfants jusqu'à l'âge de puberté, et jusqu'à cette époque de la vie il n'y a encore que des différences peu marquées entre les constitutions des enfants des deux sexes.

Si nous nous arrêtons maintenant un instant aux rapports de fréquence des divers ordres de maladies entre eux, nous ne pouvons manquer de faire observer que les affections morbides de l'appareil digestif occupent non-seulement le premier rang, mais que leur nombre dépasse infiniment celui de tous les autres groupes et qu'elles forment à elles seules beaucoup plus du tiers du nombre total des maladies observées. Ceci n'est point étonnant lorsqu'on considère les mauvaises conditions de nourriture, d'aération et de logement de la classe indigente, et lorsque, d'un autre côté, on se rappelle combien les chagrins, les privations et les excès, venant fréquemment s'ajouter à ces causes permanentes, concourent à la production de ces maladies.

Après l'appareil digestif, ce sont successivement: celui de la respiration, le système cutané, l'appareil de la vue et le système musculaire qui nous ont offert le plus grand nombre de maladies. Ici encore beaucoup de causes inhérentes à l'état d'indigence: le défaut de vêtements suffisants, la malpropreté, l'encombrement, le froid, l'humidité, etc., viennent concourir avec les causes déjà signalées, et nous aurons soin de faire remarquer plus particulièrement celles qui nous paraîtront se trouver en rapport direct avec la production des maladies dont nous allons tracer et examiner les tableaux particuliers.

(La suite au prochain No.)

DE L'INFLAMMATION; par M. le docteur SCHUERMANS, de Bruxelles.

Are Observation. Le nommé Pauwels, âgé de 43 ans, mal nourri, mak logé, impasse St.-Laurent, tempérament lymphatico-nerveux, taille moyenne, est malade depuis trois jours. Le début de l'affection a été marqué par un violent frisson, la fièvre et un point de côté à droite.

1er avril 1850.-Pommettes colorées; peau chaude et sèche; pouls à 100, développé ; point de côté à droite; dyspnée; toux; point d'expectoration ; affaiblissement du bruit respiratoire; ràles crépitants dans les 2,3 inférieurs du poumon droit en arrière.-Saignée de xiv 3. Le malade tombe en syncope après cette opération. Gr. ij d'émétique dans une potion pectorale.

2 avril.-Souffle tubaire dans toute l'étendue du poumon droit en arrière, matité ; la dyspnée est augmentée; point de crachats; selles nombreuses ; la langue est humide, couverte d'un léger enduit; peau chaude; pouls à 95; pommettes moins colorées.-Saignée de x 3, gr.iv d'émétique dans une potion avec zi de syr. diacod.

Le soir, le souffle tubaire est toujours aussi intense; à gauche, diminution du bruit respiratoire; sang très-couenneux; point de crachats; les symp

16mes généraux semblables à ceux du matin ; la diarrhée diminue.—Saignée de viii 3. Le malade se plaignant toujours d'un point de côté violent à droite, à sa prière on y applique quelques sangsues.

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3 avril. Souffle tubaire toujours à droite, diminution très-sensible du bruit respiratoire à gauche; des råles crépitants s'y font entendre; point d'expectoration; la toux n'est pas très-fréquente; dyspnée considérable; pouls à 90; peau chaude et sèche; point de selles.-Saignée de v1 3, gr. vi d'émétique, zi syr. diacod.

Le soir, du souffle tubaire se manifeste à gauche, à droite il existe toujours aussi éclatant; la face est pâle, lèvres décolorées; pouls à 85, dépréssible; dyspnée extrême; point de crachats; la peau est encore chaude; gr. viij d'émétique.

Le 4 avril.-Le souffle tubaire est très-prononcé des deux côtés en arrière ; la face est pâle; le pouls faible à 80; la peau est encore chaude, sèche; la langue est humide, ayant une bonne chaleur. La prostration du malade semble grande. Gr. viij d'émétique avec de l'eau de menthe Ziij et syr. de menthe Zi. Cette potion lui ayant été administrée par petits verres à liqueur, vers les 3 heures de l'après-midi il l'a prise complétement; comme la prostration n'est pas augmentée et que la chaleur de la peau se maintient, on la renouvelle et on continue le même mode d'administration. Vers 9 heures du soir, on renouvelle encore la même potion.

5 avril. Râles crépitants de retour à gauche, souffle tubaire moins intense, il est toujours aussi éclatant à droite; pouls dépressible à 80; peau chaude; prostration extrême. Le malade sait à peine se tenir assis pour l'auscultation; fortes sueurs pendant la nuit; toux, point de crachats.—Aq. meliss. iv, syr. menth. Zi, emetici gr. vi.

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6 avril. Råles crépitants de retour dans toute l'étendue du poumon gauche, la respiration s'y entend mais faiblement encore, toujours souffle tubaire à droite. Le malade se plaint d'une douleur très-vive dans l'arrière bouche et le long de l'œsophage, douleur qui est exaspérée par le passage des boissons; le pharynx est fortement injecté; ces symptômes sont probablement dus à l'effet de l'émétique, la prostration est considérable, mais la chaleur de la peau est bonne ; la langue humide, un peu chargée à la base; le pouls comme les autres jours. Looch blanc de Paris.

Deux jours après, le poumon gauche était complétement dégagé, la base du poumon droit entrait également en résolution, mais on entendait encore, huit jours plus tard, du souffle tubaire au sommet de ce poumon. L'appétit a tardé longtemps à s'établir. Le 10, la langue est couverte d'un enduit blanchâtre assez épais, la bouche est pâteuse; il y a de la constipation, goût fade. Zi de sulfate de soude avec zi de syr. de citron. Le lendemain, le malade a eu deux selles. On prescrit ensuite des amers qui menèrent à bien la convalescence du malade.

2me Observation. Le nommé Timmermans, rue Courte-Neuve, tempérament lymphatique, constitution débile, tailleur, âgé de 45 ans, s'est plaint,

il y a quelques jours, d'un violent point de côté à gauche pour lequel on l'a saigné et mis à la diète. Le sang n'était pas couenneux.

Aujourd'hui, 15 avril, le point de côté a disparu, la sonoréité et la respiration sont pures du côté gauche; le pouls est vibrant à 95; peau brûlante et sèche; crachats safranés; diminution de la sonoréité et du bruit respiratoire au sommet du poumon droit en arrière; râles crépitants et souffle bronchique dans le même point.-Saignée de 3 x. Emetici gr. Iv dans une potion simple. 16. Souffle tubaire au sommet du poumon droit, en arrière matité pouls à 90, dépressible, encore large; beaucoup de sérosité dans le sang de la saignée, couenne; point de crachats; figure vultueuse, pâle; lèvres sèches; langue sèche à la pointe, couverte d'un enduit blanchâtre; plusieurs selles; peau sèche et chaude. Saignée de vin, vi gr. emetici, zi de syr. diacod.

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17. Quand le malade respire profondément on entend des râles crépitants mêlés au souffle tubaire; les crachats ont reparu, mais striés de sang. L'état général à peu près comme hier; sueurs abondantes; point de selles.gr. vi emetici, zi syr. diacod.

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18. Facies presque normal; pouls à 80; peau halitueuse; plus de sang dans les crachats; le souffle tubaire s'entend encore, mais plus si intense; råles crépitants. gr. iv emetici.

19.

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Le souffle tubaire s'entend encore. Du reste, l'état général est satisfaisant. Simple potion et la diète.

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Convalescence.

Ces observations que nous pourrions multiplier, si nous ne savions que le lecteur en a déjà rencontré d'identiques, semblent démontrer que les émissions sanguines sont inefficaces pour enrayer la marche des phlegmasies. En effet, dans le premier cas, on constate une pneumonie au premier degré du poumon droit, qui malgré plusieurs saignées, et dont la première a déterminé la syncope, passe au deuxième degré, gagne le poumon gauche et compromet ainsi gravement la vie du malade; il serait mort exsangue, si l'on avait poussé plus loin les pertes sanguines, avant que la pneumonie entrât en voie de résolution.

La deuxième observation nous présente un malade, qui probablement a été saigné pour une pleurodynie, car la douleur du côté gauche a été assez vive et a persisté pendant quelque temps. Néanmoins il n'existait point d'épanchement. En dépit de la saignée pratiquée, même avant le début de l'affection pulmonaire, ce malade est encore atteint d'une pneumonie à droite, qui, nonobstant de nouvelles émissions sanguines, marche vers le deuxième degré. On demandera sans doute quelle conclusion on veut tirer de ces faits depuis longtemps connus? Nous déclarons tout d'abord ne mettre nullement en doute l'efficacité des saignées dans les inflammations; elles ralentissent le mouvement febrile, et empêchent ainsi le ramollissement des tissus ; elles débarrassent l'économie d'un sang par trop fibrineux, et par là vicié; elles activent la résorption des fluides épanchés, elles décongestionnent les organes et assurent ainsi le libre exercice de leur fonction.

Mais, les phlegmasies, d'après les recherches modernes, dépendent vraisemblablement d'un accroissement de l'attraction entre le sang et le parenchyme. Dans la majorité des cas, cette attraction est exercée par le parenchyme de la partie malade auquel elle est transmise par la cause morbifique, soit immédiatement, soit médiatement, à l'aide du système nerveux. Dans d'autres cas, elle dépend d'un changement survenu à la fois dans les forces vitales du parenchyme et de la masse du sang (Vogel). Nous ne pouvons admettre la seconde partie de la citation que nous venons de faire, car elle s'étaie sur le rhumatisme articulaire dont la nature inflammatoire n'est point prouvée.

En ce qui regarde l'attraction du parenchyme pour le sang, qui dans certaines circonstances, provoque et entretient la phlogose, l'observation vient formellement confirmer cette théorie. En effet, quels sont les sujets atteints le plus fréquemment de phlegmasie? Ce sont les individus débiles, anémiques, dont la constitution est minée par les excès, la misère, la mauvaise alimentation, l'habitation insalubre et la maladie. Chez ces personnes, les organes traversés par un sang pauvre sont incomplétement restaurés. Ils appettent avec force, comme l'estomac de l'individu, les matériaux nécessaires à leur recomposition. Eh bien! arrive, on suppose, dans ces cas, un refroidissement qui répercute le sang vers les organes internes, ceux-ci le retiennent avec énergie, se l'assimilent, s'enflamment et suppurent, quand on ne parvient pas à détruire cet accroissement de l'attraction du parenchyme pour le fluide vital. Les saignées seules ne suffisent pas pour atteindre ce résultat. Quelquefois nous avons vu des pneumonies passer au troisième degré chez des sujets affaiblis en dépit des saignées les plus fortes et les plus méthodiquement répétées. Il semblerait même, d'après ce que nous avons dit, qu'elles soient contraires au but qu'on veut remplir, puisqu'on anémie davantage le sujet et qu'ainsi on augmente l'accroissement attractif. Cependant ne négligeons pas les émissions sanguines; tout en laissant exister le vice de nutrition dont nous parlons, elles rendent les signalés services que nous avons rapportés plus haut.

L'émétique ici est d'un grand secours. Il semble s'adresser directement à cette force d'attraction du parenchyme pour le sang, et son action est assez efficace pour la combattre. Quand l'individu est à l'état physiologique, il le jette dans la prostration, sidère le système nerveux et arrête tout le rouage de la vie végétative: il a donc un effet général; peut-être chez l'homme malade agit-il d'abord localement et s'attaque-t-il à l'organe enflammé comme étant le plus exalté et le plus susceptible de modification. Cela est tellement vrai que les pneumoniques, comme nous le verrons tantôt, acquièrent plus de force immédiatement après son emploi. Il faut 6, 8, quelquefois 24 grains dans une journée et même davantage, pour obtenir ces grands résultats. Si la prostration devient générale, l'eau de menthe suffit pour la combattre; on diminue la dose du tartre stibié, on abandonne même complétement son usage lorsque la résolution commence à se faire dans

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