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après l'avoir vidé, il y injecta de la teinture d'iode pure. La guérison s'effectua promptement et sans le moindre accident.

2. Un autre abcès froid, beaucoup plus volumineux, situé à la face postérieure de la cuisse, fut traité et guéri de la même manière par le même chirurgien. Dans ce cas et dans le précédent, tous les deux observés en 1845, dans l'hôpital de M. Jobert, le kyste se solidifia après l'injection, en offrant au toucher une matière mollasse et comme couenneuse (1).

3o Un jeune militaire, éminemment scrofuleux, portait à la région parotidienne et sous-maxillaire gauche, un vaste abcès dont la nature ne pouvait être méconnue, et qui avait mis plus de six mois pour arriver au ramollissement, à la suppuration. M. le professeur Sédillot, après l'avoir vidé par une ponction, après avoir nettoyé l'intérieur par plusieurs injections d'eau tiède, injecta une solution de teinture d'iode à parties égales. La peau décollée était livide, amincie dans une grande étendue. L'injection fut répétée d'abord tous les jours dans les mêmes proportions, et suivie d'une compression bien faite : puis il ne fut fait qu'une injection tous les trois ou quatre jours. Le recollement des tissus eut lieu en trois semaines avec cicatrice imperceptible (2).

4° M. Boinet a publié, dans un mémoire sur les injections iodées qu'il a publié dans la Gazette médicale de Paris, année 1847, page 596, un fait qui prouve que, même dans un abcès froid reconnaissant pour cause une carie osseuse, les injections iodées ont procuré la guérison. Nous croyons devoir donner ici un extrait de cette observation intéressante.

Une demoiselle âgée de 38 ans, lymphatique et nerveuse, avait ressenti, quatre ans auparavant, dans la fesse et la cuisse droites, une douleur vive, continue, occupant le trajet du nerf sciatique et considérée d'abord comme symptôme d'une névralgie sciatique. Mais bientôt il se produisit sur le siége de la douleur une grosseur indolente, occupant la partie inférieure de la colonne vertébrale, au-dessus de l'intervalle qui sépare les deux fesses, un peu à droite. L'examen de la tumeur apprit à M. Boinet qu'elle était purulente, de la nature des abcès froids, et le résultat probable d'une carie du sacrum, ce qui fut d'ailleurs plus tard confirmé par l'introduction d'un stylet.

M. Boinet fit, avec un trocart ordinaire, une ponction à la base de la tumeur, mais avec la précaution, avant d'arriver dans son intérieur, de traverser environ deux centimètres de parties saines. Par cette ponction s'écoula facilement un pus clair, séreux, verdâtre, et sa quantité était d'environ 40 grammes. Un stylet introduit dans la canule du trocart fit constater que l'os était dénudé dans une étendue assez considérable. L'opérateur fit immédiatement une injection avec 40 grammes de teinture d'iode pure. Son but était de toucher toutes les parties du kyste purulent avec la préparalion indiquée, qu'il laissa séjourner environ cinq minutes, ayant soin pendant

(1) Annales de thérapeutique. Décembre 1845.

(2) Revue médicale, mai et juin 1849, page 100.

ce temps de malaxer, de pétrir légèrement les parties, afin de bien faire pénétrer partout la teinture d'iode; il en laissa sortir environ les trois-quarts et retira la canule. Au moment de l'injection, la douleur ressentie par le malade fut très-vive et se prolongea pendant plusieurs heures. Aucun symptôme de réaction générale ne se produisit : la malade put même se lever et vaquer à des occupations ordinaires. Cependant la tumeur s'étant peu à peu reproduite, et ayant repris, au bout de dix jours, son volume primitif, une seconde ponction et une seconde injection furent pratiquées de la même manière et avec les mêmes résultats. Dans l'espace de cinq mois, huit ponctions et injections furent faites sans le moindre accident.

La malade ne suspendait ses occupations que le jour de l'injection où elle restait au lit; après les quatre premières ponctions la tumeur reprit assez rapidement son volume primitif, et la nature du pus était à peu près la même. Mais à partir de ce moment il devint de plus en plus aqueux, séreux, non coloré. Le volume de la tumeur diminuait en même temps. La guérison fut complète au cinquième mois.

Tous ces faits tendent donc à établir l'effacité que présentent les injections iodées dans le traitement des abcès froids. Ces résultats sont à nos yeux très-importants, parce qu'ils se rapportent à un état morbide fort rebelle en général et dont les méthodes curatives laissaient fort à désirer. L'expérience en effet ne s'était pas montrée favorable à l'emploi des ponctions successives, proposées dans le but d'éviter l'introduction de l'air dans le foyer et de favoriser le retrait graduel des parois sur elles-mêmes, parce que ce mode d'évacuation était loin de prévenir toujours l'accident qu'on redoutait, et qu'il était d'ailleurs sans effet pour modifier la cavité puogénique. Les autres moyens employés, tels que l'ouverture de ces abcès par la potasse caustique ou la poudre de Vienne, le séton, etc., laissaient aussi bien à désirer, et c'est ce qui avait déterminé les praticiens à s'adresser aux injections stimulantes, comme dans l'hydrocèle. Mais si ces injections, qui étaient habituellement faites avec le vin, n'avaient pas eu grande vogue, on comprend qu'il puisse en ètre autrement dans les injections iodées, que nous voyons déjà recommandées par de très-encourageants succès.

Mais il ne faut pas oublier que les sujets chez lesquels se développent les abcès froids, sont généralement sous l'influence d'un lymphatisme exagéré ou d'une constitution appauvrie, et qu'il y a préalablement lieu de modifier en eux ces conditions défavorables par l'usage à l'intérieur de l'iodure de potassium ou de l'iodure de fer, aidés d'une alimentation de bonne qualité et corroborante. L'injection iodée ne peut en effet constituer ici qu'un traitement local, et le moyen de rendre celui-ci réellement utile est d'y avoir préparé le malade par le traitement général.

ARTICLE III. Abcès par congestion. L'abcès par congestion est le résultat de l'altération d'un tissu, le plus souvent osseux, et plus ou moins éloigné du réservoir de la collection purulente, et cette circonstance ne laisse guère comprendre ce que peuvent contre cet état morbide les injec

tions iodées, dont l'action ne peut s'exercer que contre les parois de la poche purulente et nullement contre le mal lui-même dont la collection n'est que le symptôme. Il est en effet impossible de guérir cetle vasle poche purulente, n'importe par quel moyen on l'attaque, si l'on ne parvient à détruire l'altération morbide qui lui a donné primitivement naissance. De là l'indication précise de chercher avant tout, dans ces cas, à combattre cette cause première à l'aide surtout des moxas ou des cautères établis, d'après la méthode de Pott, autour de la lésion osseuse. Mais c'est quand ils ont cru ce résultat obtenu, que quelques médecins ont pensé que l'injection iodée pourrait être avantageuse en hâtant, par sa vertu modificatrice, la cicatrisation définitive de l'abcès. Mais, malgré un succès que M. Abeille a cité dans son travail précité, nous ne saurions pager les espérances que l'on a pu fonder sur ce moyen, et à vrai dire la chose nous parait fort peu regrettable depuis les heureuses applications faites par M. J. Guérin, au traitement de l'abcès par congestion, de la ponction sous-cutanée par le procédé qu'il indique, lequel, plus méthodique que ceux plus anciennement employés, met à l'abri des accidents dont préservaient rarement les anciennes méthodes. Il résulte en effet du remarquable rapport de la commission de l'Institut sur les traitements orthopédiques de M. J. Guérin, que cette Commission, après avoir suivi toutes les phases de six observations d'abcès par congestion traités par cet habile praticien, crut devoir adopter sans réserve les conclusions par lui présentées, savoir: 1° que l'opération à l'aide de laquelle il extrait le pus des abcès par congestion est exempte de tout danger; 2° qu'à l'aide des ponctions sous-cutanées, secondées par des moyens internes convenables, on peut parvenir à faire disparaître les abcès par congestion, et simplifier d'autant la maladie tuberculeuse des vertèbres dont ils constituent une complication grave; - 3o que chez les malades dont la Commission avait suivi le traitement, c'est bien à la méthode sous-cutanée, et en particulier aux procédés et appareils de M. J. Guérin qu'il faut attribuer les résultats qui ont été obtenus.

Ainsi, soyons heureux de pouvoir disposer, contre un état morbide aussi grave que l'abcès par congestion, d'une méthode dont l'utilité a été ainsi expérimentalement constatée, et mettons-nous en mesure de bien savoir l'appliquer dans l'occasion, sans nous donner le souci d'y adjoindre les injections iodées qui ne seraient tout au plus alors qu'une superfluité.

ARTICLE IV. Abcès aigus. — Il n'est pas jusqu'aux abcès aigus que l'on n'ait voulu traiter aussi par des injections iodées.

Le docteur Borelli (1) déclare les avoir plusieurs fois appliquées contre eux avec succès dans le but d'obtenir une guérison plus rapide, et d'éviter les conséquences quelquefois graves qui, dit-il, peuvent résulter de son retard. C'est ainsi qu'il a réussi dans deux abcès aigus du cuir chevelu, consécutifs à une cause traumatique, dans deux autres à la paupière supérieure, dans un à

(1) Annali univ. di med., février et mars 1847.

la partie postérieure du cou, dans un autre à la région précordiale, dans un vaste abcès à l'aine droite consécutif à la gangrène du scrotum, etc.

Nous croyons bien sans doute à la possibilité d'appliquer ce moyen dans cet ordre d'abcès, mais non à son utilité. L'abcès aigu a une tendance naturelle à la guérison et à une guérison prochaine, sans avoir besoin d'un stimulant tel que la teinture alcoolique d'iode. L'injection iodée serait donc alors complétement dénuée d'opportunité, ce qui est suffisant pour la faire rejeter du traitement de cet état pathologique.

§ IV. TRAJETS FISTULEUX divers Et INJECTIONS IODÉES.

L'on rencontre souvent, dans la pratique, de ces trajets fistuleux ou solutions de continuité des parties molles, pénétrant à une profondeur plus ou moins considérable, offrant un trajet plus ou moins sinueux, mais ordinairement assez étroit, affectant quelquefois plusieurs directions et survenant, tantôt à la suite d'abcès abandonnés à eux-mêmes ou traités sans méthode, et qui ont détruit non-seulement le tissu cellulaire sous-cutané, mais parfois les téguments eux-mêmes, de manière que ceux-ci ne reconnaissent plus les qualités exigibles pour leur agglutination; tantôt à la suite de tumeurs scrofuleuses qui, s'étant terminées par suppuration, sont aussi devenues fistuleuses à cause des décollements des tissus voisins et de l'état languissant des forces vitales chez les sujets qui en sont porteurs; tantôt à la suite de l'ulcération d'un os, d'un cartilage, d'un tendon, d'une aponévrose, d'un ligament, etc., laquelle est la cause de l'entretien de la solution de continuité fistuleuse, etc. Nous ne chercherons pas à énumérer ici les moyens et procédés par lesquels l'art tend à remédier à ces états pathologiques souvent si tenaces et si rebelles. Mais nous constaterons que, dans ces cas, il y aura souvent grande utilité à s'adresser à la méthode des injections qui, faites avec des liquides appropriés et pouvant déterminer une heureuse modification, constitueront une puissante ressource curative. Il y aura surtout raison d'y recourir s'il y a du danger à porter le bistouri dans les sinuosités profondes des fistules, ou si son emploi y avait été inefficace, ou enfin si le malade y opposait une résistance invincible. Que les praticiens, devenus moins prompts à s'armer alors de l'instrument tranchant, s'adressent plutôt aux injections, et ils auront souvent à s'applaudir des heureux résultats qu'ils en obtiendront. Nous devons personnellement à celles-ci plusieurs guérisons remarquables, et c'est ce qui nous porte à désirer une plus grande extension de l'emploi de ce moyen. - Rappelons toutefois que plusieurs espèces d'injections ont été pratiquées pour faire cicatriser les trajets fistuleux, que des guérisons leur ont été dues, mais que ce sont encore les injections iodées ou iodurées qui paraissent l'emporter sur les autres en efficacité, et qui doivent, par conséquent, inspirer le plus de confiance dans la grande généralité des cas.

En lisant les mémoires précités de M. Lugol, on trouve déjà de nombreuses

applications des injections iodurées au traitement des ulcères ou trajets fistuleux, employées pour venir en aide à la médication générale et comme détersives. Toutes les fois que cet honorable praticien rencontrait chez ses malades ce genre de solutions de continuité consécutives à des abcès scrofuleux, des tumeurs blanches, des caries, des nécroses de même nature, il ne se faisait pas faute d'y recourir, trouvant dans l'emploi de ce moyen un précieux agent modificateur qui, par sa composition même, avait quelque chose de spécifique, qui pouvait être porté facilement jusque dans les profondeurs des sinuosités fistuleuses (1).

Plusieurs fois, à l'imitation de M. Lugol, nous avons utilement associé, dans le traitement des fistules scrofuleuses, ces injections à la médication iodurée interne. C'est d'ailleurs une précaution qu'il importe de ne pas dédaigner, afin de båter la guérison et de ne pas perdre un temps précieux. Car il nous souvient de plusieurs cas de fistules inguinales où, malgré la continuité d'un traitement modificateur général, la guérison n'est survenue que lorsque nous avons fait application de ces injections. Tel était le cas suivant par nous observé en 1844, et que nous allons succinctement reproduire ici :

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Observation. Un officier, d'un tempérament lymphatique, avait conservé, à la suite de bubons suppurés qui avaient marché très-lentement, trois ouvertures suppurantes aux aines, une à droite, deux à gauche, lesquelles, malgré un traitement méthodique et suffisamment continué avec les mercuriaux, ne se cicatrisèrent pas, qui dégénérèrent même en trajets fistuleux et diminuèrent considérablement, par la suppuration qu'elles donnaient, les forces du malade dont l'état général semblait s'appauvrir de plus en plus, au point de faire craindre sérieusement qu'il ne pût se relever de l'espèce de marasme dans lequel il était tombé. On eut alors l'idée, quoique un peu tardivement, de combattre cet état fâcheux, plutôt scrofuleux peut-être que syphilitique, par l'iodure de potassium à l'intérieur, dont l'administration à demi-gramme fut commencée le 20 novembre.

Ce nouveau traitement produisit, en quelque temps, une amélioration réelle quoique un peu lente; le sujet reprit quelque appétit, devint un peu plus fort, et, vers la fin de décembre, il était assez bien pour pouvoir rester levé tout le jour et sortir même à la cour quand le temps était beau. La fistule droite s'était même cicatrisée.

Au 1er janvier suivant, prenant la direction du service chirurgical, je fais continuer momentanément l'usage interne de l'iodure de potassium, qui, au

(1) La composition de ces injections est ainsi formulée par M, Lugol:

24 lode,

500 grammes.

No 2.

No 5.

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15 centigrammes. 20 centigrammes.
40
500 grammes.

-

30
500 grammes.

No 1. 10 centigrammes. lodure de potassium, 20 Eau distillée, M. Lugol trouve ces injections précieuses, parce qu'elles portent le remède sur les surfaces, parce qu'elles sont, en outre, un moyen d'investigation plus certain que le cathétérisme pour connaître le degré de profondeur, le nombre de sinuosités d'un trajet fistuleux. La valeur de ces raisons ne saurait être contestée.

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