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assez pusillanimes pour ne pouvoir se soumettre à l'incision, de pouvoir disposer d'un moyen plus bénin et qui a pourtant guéri.

SV.-AUTRES ÉTATS MORBIDES QUI PEUVENT ÊTRE TRAITÉS PAR LES INJECTIONS IODÉES.

Dans ce paragraphe nous mentionnerons sommairement quelques autres applications qui ont été faites des injections iodées et qui ne se rapportent pas aux paragraphes précédents : elles concernent le traitement de la blennorrhée, de l'hématurie, de la leucorrhée, du spina-bifida, etc.

Un mot sur ces diverses applications.

1° Depuis un certain nombre d'années on a cherché à employer les préparations d'iode, par voie d'injection, dans le traitement de la blennorrhée. Dès 1844, le docteur Vermeulen annonçait, dans les Annales de la Société médicochirurgicale de Bruges, avoir fait usage avec succès, dans cette affection opiniâtre, du proto-iodure de fer; il venait même de réussir, chez quatre malades, à obtenir une guérison complète. Un d'eux était atteint de cette fâcheuse infirmité depuis un an et demi : douze jours suffirent pour l'en débarrasser.

La susceptibilité des malades à l'action de ce moyen étant très-variable, disait ce médecin, on injecte, au commencement, un certain nombre de fois par jour, une solution d'un grain de proto-iodure de fer dans une once d'eau distillée. Si cette solution ne modifie que médiocrement la sensibilité uréthrale, on augmente la dose, et on peut même la porter jusqu'à quatre grains. Il faut préparer tous les jours la solution à cause de la facilité avec laquelle elle se décompose. La sécrétion de matière purulente, au dire de l'auteur, change de nature dès les premiers jours; elle devient moins épaisse et plus transparente, et presque toujours, s'il faut l'en croire, six à douze jours ont suffi pour la guérison d'une gonorrhée chronique.

Mais on a marché depuis plus hardiment dans cette voie pour combattre la blennorrhée. M. Boinet, par exemple, a essayé contre elle les injections avec la teinture d'iode mélangée d'une certaine quantité d'eau, et il déclare avoir traité avec succès, par ce moyen, plusieurs écoulements chroniques qui avaient résisté à tous les moyens connus. Il pourrait, dit-il, citer sept exemples confirmatifs des bons effets de cette médication, et prouver qu'il suffit de pratiquer ces injections pendant trois ou quatre jours, matin et soir, pour obtenir la guérison de ces écoulements, qui quelquefois font le tourment des malades et des médecins. Voici à quelle occasion il employa cette méthode : il avait parmi ses malades un malheureux qui, pendant plus de six mois, cherchait par tous les moyens à se débarrasser d'un écoulement peu abondant, mais que rien ne pouvait tarir. Il s'était adressé en vain à plusieurs médecins. M. Boinet lui-même avait tout essayé; injections de toute espèce, copahu sous toutes les formes, bougies, traitement mercuriel, etc., tout avait échoué. On prescrivit alors une injection avec eau, 100 grammes, teinture d'iode,

10 grammes. Ces injections, répétées pendant trois jours, guérirent radicalement. Cette pratique ne saurait manquer d'avoir des imitateurs.

2° L'hématurie paraît aussi avoir été heureusement attaquée par l'injection iodée. Nous lisons en effet, dans les Annales de la Société médico-chirurgicale de Bruges, l'observation d'un cas de cette maladie promptement arrêtée par ce genre d'injection pratiquée par M. Van Wageninge, de Rotterdam. Le fait est assez intéressant par lui-même pour que nous devions le rapporter.

Un vieillard de 80 ans était sujet depuis dix à douze ans à une dysurie qui, à la fin, se transforma en une rétention momentanément complète, accompagnée de douleurs atroces et alternant avec une incontinence d'urine. Le cathéter seul lui procurait un soulagement passager; encore son introduction ne se faisait elle-même qu'en deux temps à cause d'une vive résistance de nature spasmodique. Ce malade n'avait jamais été sujet aux hémorrhoïdes du rectum. Plus récemment enfin, il était survenu un besoin d'uriner, qui revenait toutes les cinq ou six minutes, suivi d'évacuation involontaire, si le malade ne le prévenait promptement. L'urine était trouble. La santé était d'ailleurs bonne, sauf l'existence d'un catarrhe muqueux chronique.

Plus tard, le malade fut de nouveau en proie à son affection, laquelle présentait toutes les circonstances ordinaires, excepté que cette fois les urines étaient sanguinolentes. Le cathétérisme et les moyens internes usités en pareil cas ne furent d'aucun effet. Ces symptômes persistèrent quatre jours de suite, ce qui jeta cet homme dans un état si alarmant qu'on invoqua le secours de M. Van Wageninge. Quand ce praticien le vit il avait de la difficulté à émettre ses idées d'une manière claire et intelligible, et il était tellement accablé qu'il pouvait à peine tenir les yeux ouverts. M. Wageninge eut recours d'abord aux fomentations réfrigérantes dans le voisinage de la partie malade; il fit administrer un lavement d'eau froide et pratiqua une injection dans la vessie avec 160 grammes du même liquide et 45 grammes de vinaigre de vin, laquelle fut promptement évacuée sans amener le moindre résultat.

Le médecin hollandais, voyant la nécessité d'avoir recours à un moyen héroïque et se rappelant qu'une injection iodée, faite par lui pour une hydrocèle quelques jours auparavant, avait immédiatement provoqué une très-forte contraction du scrotum, composa une injection avec 90 grammes d'eau froide et 4 grammes de teinture d'iode : il en injecta à peu près la moitié dans la vessie du malade. Quelques minutes après, le médicament occasionna de légères douleurs et le restant du mélange fut injecté: une demi-heure après cette seconde injection, il s'établit une réaction intense, par suite de laquelle le malade souffrit de violentes douleurs : mais l'orage se dissipa bientôt, car une heure après, il avait entièrement récupéré ses sens: il pouvait se tenir assis dans son lit, et lâcher volontairement et avec facilité ses urines, qui dès lors furent claires et ne continrent plus de sang.

En réfléchissant aux effets innocents de la teinture d'iode sur la muqueuse génito-urinaire, l'auteur pensait que ce moyen pourrait être suivi d'un heureux résultat dans les flueurs blanches passives. Effectivement des essais,

ultérieurs ont établi que contre cette dernière affection ce moyen pouvait être invoqué avec avantage.

3. Ces essais sont dus à M. Van Steenkiste qui, peu après l'observation précédente, publia deux faits de leucorrhées guéries par l'injection iodée. Ce praticien raconte que lorsqu'il fut consulté par la première de ces malades, qui était une femme de 22 ans, de mœurs dissolues, il la trouva atteinte d'une leucorrhée ancienne très-abondante. Elle présentait consécutivement tous les symptômes de l'anémie. Les grandes lèvres et les parties supérieures des cuisses étaient excoriées. La muqueuse vaginale était très-pâle : le col utérin élait rouge et luméfié. L'auteur prescrivit :

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Le 20, il en injecta environ 30 grammes dans le vagin, vers neuf heures do matin. La malade éprouva immédiatement de la chaleur et de l'irritation dans les parties. L'écoulement cessa complétement durant trois heures : il reparut à midi en plus grande quantité que jamais elle eut, pendant une dizaine de minutes, des douleurs très-prononcées aux parties génitales, accompagnées d'une vive céphalalgie, de spasmes généraux. Ces symptômes cessèrent bientôt, et l'écoulement ne se montra plus jusqu'au lendemain vers sept heures. On injecta ce jour-là la même quantité de teinture d'iode : les sensations de la veille se reproduisirent à un degré moins intense. Le soir, on vit se déclarer les menstrues qui, depuis sept mois, ne s'étaient plus montrées. Elles durèrent trois jours sans être mêlées d'aucune matière. Le 25, il revint un écoulement moins abondant que le précédent. Le médecin eut alors recours à un autre procédé pour mettre les parois du vagin plus longtemps en contact avec la teinture d'iode. Il introduisit un spéculum à l'aide duquel il remplit le vagin de boulettes de charpie au nombre de cinq, imbibées de la solution iodée, et les laissa à demeure, dans l'intention de les ôter à une heure de relevée (il était alors neuf heures). Mais, dans l'intervalle, la malade ressentit des douleurs expulsives qui chassèrent quatre de ces boulettes. Lorsque plus tard M. Van Steenkiste voulut la débarrasser de la cinquième, il ne put plus introduire le spéculum, tant le vagin était resserré, et il eut bien de la peine à passer un spéculum brisé. Depuis cette époque, la leucorrhée a entièrement cessé, la santé était revenue et la guérison pouvait être considérée comme radicale.

Peu de temps après, M. Van Steenkiste donna des soins à une seconde malade qui offrait les mêmes symptômes, et les résultats furent aussi satisfaisants: les règles qui étaient supprimées depuis cinq mois, reparurent également.

4° L'application des injections au traitement du spina-bifida, cette affection si grave et si rebelle, dans la vue d'obtenir par elles l'oblitération de la poche séreuse qui la constitue, n'est certes pas nouvelle ; mais elles avaient été suivies d'effets si fâcheux et si funestes, qu'on n'avait pas tardé à y renoncer.

L'introduction de l'iode dans la thérapeutique chirurgicale devrait-elle apporter sous ce rapport un changement dans la conduite des praticiens? Nous rappellerons à ce sujet que quelques journaux de médecine ont rapporté, en 1848, d'après le Medical Times, un cas intéressant de succès obtenu contre cette maladie avec les injections iodées. Voici du reste la substance de ce fait :

Une jeune fille de 13 ans, idiote, portait, sur le sacrum, une tumeur de neuf pouces de circonférence et de trois pouces de hauteur avec des parois trèsminces. Cette tumeur était accompagnée de paraplégie et d'incontinence rectovésicale. Dans ces circonstances, le docteur Brainard se détermina à injecter dans le sac une solution de : 4 grammes d'eau, 5 centigrammes d'iodure de potassium et 2 centigrammes et demi d'iode. Pour cette injection il fit une petite piqûre, avec une lancette, sur la peau saine, à un pouce et demi de la base de la tumeur, et y introduisit obliquement un trocart mince comme une aiguille à tricoter, par lequel il injecta le liquide.

Cette injection détermina une douleur vive, qui ne tarda pas à perdre de son intensité. Des compresses et un bandage furent appliqués pour empêcher la sortie du liquide. La malade fut maintenue au lit. Bientôt rougeur, chaleur et tension de la tumeur, avec sensibilité au toucher et quelques autres symptômes febriles. On fit quelques lotions réfrigérantes sur la tumeur. En une semaine les symptômes alarmants disparurent. Cependant la tumeur diminuait au vingt-cinquième jour elle n'avait plus que la moitié de son volume ancien. A cette époque, on fit une seconde injection, mais en donnant au liquide moitié moins de force que la première fois : l'injection ne détermina que peu de douleur et de chaleur, et l'on reprit la compression. Vingt jours après, l'absorption était telle que la tumeur était presque au niveau des parties environnantes. On substitua à la compression un bandage à ressort. A partir de ce moment la guérison put être considérée comme complète. Cette opération fut suivie d'une amélioration très-sensible dans l'intelligence de cette jeune fille. Mais la paralysie et les évacuations involontaires persistaient

encore.

Sans doute, dans ce cas, la position de la tumeur et sa longue durée ou son ancienneté devaient la rendre moins dangereuse que celles qui occupent une position plus élevée sur le trajet de la colonne vertébrale, et que l'on rencontre généralement dans l'enfance. Il est en effet d'observation que lorsque les sujets ne succombent pas, dans les premières années, au progrès de la maladie, on voit, à mesure qu'ils avancent en âge, se rétrécir et même s'oblitérer l'ouverture de communication entre la tumeur et le canal vertébral. On comprend donc comment une injection d'iode, faite dans un cas de spina-bifida de la région sacrée, chez un sujet de 13 ans, n'a pas été suivie d'accidents graves, et a même contribué à la guérison. L'injection iodée serait probablement moins innocente, chez les jeunes sujets, et dans les cas où la tumeur renferme quelques portions du système nerveux, ou communique largement avec le canal vertébral. Malgré ces restrictions, nous n'en tenons pas moins

fait que nous venons de relater comme digne d'intérêt, et nous ne pouvions nous dispenser de mentionner cette nouvelle application de l'injection iodée. Ici nous pourrions terminer notre étude sur les applications pratiques des injections iodées. Il est cependant quelques états morbides contre lesquels la teinture d'iode employée localement ou comme topique a été recommandée. Qu'on veuille bien nous permettre de les rappeler succinctement ici comme un accessoire direct de notre travail.

5o Les granulations palpébrales paraissent devoir être traitées parfois avec grand avantage par l'application directe de la teinture d'iode. M. le docteur Fromont fils, d'après un mémoire publié par lui dans les Annales d'oculistique (juillet 1848), s'est livré à de nombreuses expériences sur l'emploi de ce moyen contre cette maladie des paupières. Les cas, où ce moyen lui a paru jouir le plus d'efficacité, sont les suivants:

a Dans les granulations vésiculeuses primitives, lorsqu'il y a peu ou point de sécrétion (Le nitrate d'argent lui parait préférable dans les circonstances opposées.)

b Chez les individus d'un tempérament lymphatique, et qui souffrent vivement et longtemps de la cautérisation au moyen de la pierre infernale.

c Lorsque, après plusieurs cautérisations, l'affection granuleuse augmente, se développe, et que l'irritation qui résulte du caustique persiste pendant plusieurs jours.

d Chez les hommes qui, après avoir été cautérisés un grand nombre de fois, conservent une vive irritabilité, ou dont la boursouflure palpébrale démontre clairement que le nitrate d'argent ne produit pas son effet habituel.

e Dans les cas où, après des cautérisations successives, les granulations sont dures, dégénérées de leur état primitif, et font craindre qu'elles ne donnent naissance à des pannus ou à d'autres complications.

Enfin, M. Fromont dit avoir obtenu d'excellents effets de l'application de ce moyen dans l'état velouté des conjonctives palpébrales, chez des individus atteints de blépharite chronique.

La teinture d'iode s'applique au moyen d'un pinceau légèrement imbibé et qu'on promène à plusieurs reprises sur toute la surface palpébrale; M. Fromont considère comme inutile l'emploi de corps gras dans le but de protéger le globe oculaire. La douleur occasionnée par la teinture d'iode est aussi vive que celle qui résulte de l'attouchement avec le nitrate d'argent, mais elle a moins de durée: l'irritation qu'elle détermine ne dépasse pas une à deux heures.

6° Certaines maladies de la peau semblent aussi devoir être utilement modifiées par l'application extérieure de la teinture d'iode. M. Hoffbauer a publié, en 1848, d'après la Gazette médicale, un travail bien propre à encourager dans l'emploi de ce moyen, et que nous accueillons avec d'autant plus d'empressement que l'on sait combien sont nombreux les mécomptes qu'on éprouve tous les jours dans le traitement des maladies cutanées: voici comment il procède et quels sont les effets ordinaires de cette médication. Cette application faite

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