demandé que l'Académie décidât si les médicaments homœopathiques, préparés conformément au mode prescrit par l'école de Hahnemann, sont susceptibles d'action curative. Les honorables collègues qui ont combattu l'homœopathie, se sont prononcés tous pour la négative. Je pense aussi, Messieurs, que les gouttes et les globules que l'on prescrit avec tant de mystère et de prétention, ne peuvent pas être considérés comme doués de propriétés médicinales. Mais comme une simple opinion ne suffit pas pour détruire l'affirmation des homoeopathes, il m'a paru utile de démontrer, par des chiffres, l'impossibilité de l'existence de ces propriétés. J'ai donc demandé la parole pour venir régler une dernière fois, avec Messieurs les homœopathes, le compte de leurs infiniment petits. J'ai l'honneur, à cet effet, de mettre sous les yeux de la Compagnie un tableau, indiquant, dilution par dilution, la quantité de substance atténuante (sucre de lait ou alcool) nécessaire pour homœopathiser, en entier, un milligramme de substance médicamenteuse, depuis la 1re jusqu'à la 30me dilution (1). Afin que les personnes qui ne sont pas au courant du mode de préparation des mé dicaments Hahnemanniens, puissent comprendre facilement ce tableau, j'ai pensé qu'il était nécessaire de leur faire connaître brièvement les règles prescrites pour préparer les atténuations. Lorsque la matière à homœopathiser est liquide, on commence par instiller une goutte de médicament (soit, par exemple, de suc de belladone clarifié à l'alcool) dans 99 gouttes (2) d'alcool; on bouche le flacon et on lui donne deux fortes secousses ou tours de bras. Ce mélange ainsi secoué forme la fre dilution ou la belladone à la centième puissance. La seconde dilution ou la dix-millième puissance s'obtient en instillant une goutte de la liqueur précédente dans un second flacon contenant aussi 99 gouttes d'alcool; on le bouche et on lui imprime également deux secousses. La troisième dilution (la millionième puissance) et les dilutions suivantes se préparent de la même manière, en instillant toujours une goutte de la dernière liqueur préparée, dans les 99 gouttes d'alcool qui (1) On a rappelé, dans la discussion, des calculs de ce genre faits par MM. Panvini, Cap et d'autres. Nonobstant, il m'a paru qu'il serait utile qu'un tableau complet, dont tout le monde put vérifier à l'instant l'exactitude des chiffres, restát aux archives, annexé à nos débats. (2) Les pharmacopées homœopathiques prescri doivent former la dilution qui est supé rieure à celle-là. Quant aux médicaments solides, on les atténue dans les mêmes proportions, mais avec broyement et pression, au lieu de secousses, et en remplaçant l'alcool par du sucre de lait. Prenons pour exemple l'atténuation du silicea terra. Pour faire cette préparation, l'on pèss un grain de cristal de roche ou caillou de Fleurus (3) et 99 grains de sucre de lait, ce dernier partagé en trois. On triture alors, pendant six minutes, dans un mortier de porcelaine ou d'agathe, le grain de silice avec le premier tiers du sucre de lait, en prenant la précaution de tourner de droite à gauche et de gauche à droite; puis, pendant quatre autres minu, tes, on presse la masse avec le pilon contrele fond du mortier, et on retriture pendant six minutes; on consacre ensuite quatre autres minutes pour presser cette masse de haut en bas et de bas en haut. Ce premier labeur fait, on le répète en ajoutant la deuxième partie du sucre de lait, puis ensuite avec la troisième, et, après ces 36minutes de brojement et de rebroiement ( si l'on peut se servir de ce mot) et les 24 minutes de pression, on a enfin de la silice ou du caillou à la centième puissance. La deuxième atténuation ou la dix-millième puissance s'obtient par le même travail, mais en employant 1 grain de la re atténuation avec 99 nouveaux grains de sucre de lait. On opère de la même manière pour la troisième atténuation, c'est-à-dire en prenant pour celle-ci un graín de la deuxième atténuation et 99 grains de sucre de lait. Hahnemann a jugé qu'après la troisième dilution la matière du caillou est devenue soluble, c'est pourquoi ce grand novateur prescrit de continuer les dilutions en remplaçant le sucre de lait par l'alcool et les broiements par les tours de bras. Pour dresser le tableau des infiniment petits homœopathiques, nous avons pris le milligramme pour point de départ ; au lieu d'une goutte dont nous venons de nous servir plus haut pour exemple. Nous avons préféré le milligramme afin de simplifier les calculs et diminuer, autant que possible, l'énormité des masses. La 1 dilution est représentée, dans le vent ordinairement l'emploi de cent gouttes de véhicule; je n'en ai pris que 99, pour simplifier les calculs et mettre le système des dilutions homoeopathiques d'accord avec lui-même. (3) Convenablement divisé par le feu et l'action d'un alcali. et ainsi successivement par une augmentation de deux zéros par dilution. On ne conçoit pas tout d'abord comment il se fait que l'on puisse obtenir un médicament à la 30me dilution, par le procédé que nous avons décrit, en employant si peu de substance atténuante (trente fois 99 gouttes ou trente fois 99 grains), tandis que le tableau en indique des masses si considérables qu'on ne saurait les exprimer en se servant des dénominations du système métrique. On se rendra facilement compte de ce fait en se rappelant que nous n'avons pas porté une goutte entière de la substance médicamenteuse à la 50me dilution, mais que nous ne sommes arrivé à cette atténuation élevée qu'avec une partie infiniment petite de cette goutte (un décillionième). Un exemple suffira pour faire comprendre facilement ce résultat. Pour homœopathiser, en entier, une goutte de belladone aux dilutions élevées, on instille d'abord cette goutte dans 99 gouttes d'alcool, et ce premier mélange donne pour produit : 100 gouttes de liqueur à la 100m• puíssance. Maintenant, au lieu de prendre une seule goutte de cette liqueur pour former la deuxième atténuation, on prend les cent gouttes et on les instille une à une dans cent flacons contenant chacun 99 gouttes d'alcool; le produit est alors de : 10,000 gouttes de liqueur à la 2me puissance. Ces dix mille gouttes sont instillées, à leur tour, dans dix mille flacons contenant aussi 99 d'alcool, et le produit est ici de : 1,000,000 gouttes de liqueur à la 3me puissance. En continuant, il faudra un million de flacons pour contenir la 4me puissance; cent millions pour la 5me; dix billions pour la 6me; et ainsi successivement en augmentant, de manière que le souffle de tous les homœopathes réunis serait bien loin de pouvoir suffire à la fabrication des fioles nécessaires pour loger les descendants de notre goutte de belladone. La progression des nombres que je viens d'indiquer, est d'accord avec celle du tableau, à l'exception que ceux-ci représentent des milligrammes, et les autres, des gouttes: Eh bien! malgré le poids minime de l'unité employée dans le tableau, celui-ci fait connaître qu'il faut déjà une masse d'atté nuant: Comme le globe que nous habitons aurait ils trouveront que notre globe y est contenu: et qu'il est en sus une petite fraction de : 784 quintillions et 154 quatrillions de mètres cubes. Après cette donnée, dont l'exactitude peut être vérifiée, est-il possible d'admettre, sans manquer au sens commun, que les gouttes et les globules homœopathiques jouissent de la plus légère propriété médicinale? Se rallier à une telle absurdité, c'est croire à ce qui est contraire aux lois de la nature; c'est admettre que les homœopathes peuvent faire des miracles. Car, en vérité, transmettre la puissance ou l'action médicamenteuse d'un corps à une de la terre, en n'employant qu'un millimasse égale à 925 octillions de fois le volume gramme de la substance médicamenteuse est bien l'œuvre d'un pouvoir créateur. Pourquoi ne pas admettre, en même temps, qu'on puisse nourrir tous les habitants du globe en homœopathisant un grain de blé. Il me reste, Messieurs, à vous donner pour complément, le chiffre du temps qu'il faudrait employer pour homœopathiser notre milligramme de belladone à la 30me atténuation. Je suppose, d'abord, un travailleur préparant par jour dix kilog. de médicaments homeopathiques. Le produit d'une année de 365 jours de travail serait de : Pour une année -un siècle -un mill. de sièc. -un billion 3,650k. 365,000565,000,000,000365,000,000,000,000— Ce produit de travail d'un billion de siècles (365 trillions de kilog.) forme déjà une assez belle masse. Cependant ce n'est qu'un grain de sable en comparaison du volume de la 50me dilution; car l'on peut dire qu'il faudrait toute une éternité pour qu'un seul ouvrier puisse entrevoir l'homœopathisation de son milligramme. J'augmente donc notre personnel, et, pour aller rondement, je le porte, d'un coup, à un billion de travailleurs; nous obtenons alors, pour le travail de un billion de siècles : 365,000,000,000,000,000,000,000 kilog. Nous sommes encore loin, comme vous le voyez, de notre tâche; mais comme la population restreinte du globe ne nous permet pas de distraire un nombre plus considérable de travailleurs pour les mettre à la disposition de l'homœopathie, force nous est d'achever notre travail avec le personnel ci-dessus et de prier messieurs les ho· mœopathes d'avoir la complaisance d'attendre 2 duodecillions 759,726,027,397,260, 275,972,602,759,726 billions de siècles, 027 millions, 397 mille, 260 siècles, etc., pour que nous puissions faire la livraison complète de la belladone homœopathisée à la 30me dilution. Je suis confus, Messieurs, de devoir vous présenter, à propos d'une doctrine médicale, ces effrayantes séries de chiffres par lesquels on ne mesure que les espaces planétaires; mais en présence de la folie que nous avons à combattre ou plutôt à guérir, j'ai cru devoir passer outre et aller jusqu'au bout. Nous devons admettre, pour l'honneur des partisans de l'homœopathie, qu'ils ne se doutent pas de l'énorme masse atténuante qu'il faudrait pour les dilutions élevées; je me fonde sur ce qui a été avancé dans cette enceinte par M. Varlez et Dugniolle. Le premier vous a dit: Tom. VIII du Bulletin, page 894. «Brûlez une allumette d'un * grain de soufre dans une chambre de ⚫ quinze pieds cubes, vous volatiliserez le » soufre, son odeur pénétrera partout dans › la chambre, et l'odeur produira de la toux, même l'asthme, chez toutes les per D » sonnes qui ont la poitrine irritable. Cal» culez en combien de particules un grain » de soufre doit se diviser pour remplir quinze pieds cubes, et vous trouverez » qu'il se divise en un nombre bien plus » considérable que les divisions hahnemanniennes. Si cependant ces particules infianitésimales suffisent pour occasionner de » la toux, pourquoi des quantités sembla»bles ne pourraient-elles pas guérir? » Disons d'abord, qu'une capacité de quinze pieds cubes ne serait pas une chambre, pas même une étroite cabine. Je suppose donc qu'il y a erreur ici, et que nous avons à Vous entretenir d'une chambre carrée de quinze pieds de côté. Cette capacité étant admise, j'aurai l'honneur de faire observer à M. Varlez, que les 2 grains ou les 130 milligrammes d'acide sulfureux, résultant de la combustion du grain de soufre de l'allumette, ne se trouvent pas divisés, comme le dit notre savant confrère, en un nombre de particules bien plus considérable que les divisions hahnemanniennes ; mais que ce n'est qu'une division allopathique, et que la toux produite, si toutefois toux et asthme il y a, ne peut être revendiquée comme une preuve de l'effet des matières portées à la division hahnemannienne. Si M. Varlez avait étudié les agents qu'il employe, il saurait que ce n'est pas dans une chambre cubique de quinze pieds de côté qu'on peut homœopathiser 150 milligrammes d'acide sulfureux; car d'après ce qui nous est connu du poids de l'atmosphère terrestre, celle-ci tout entière ne suffirait même pas pour atténuer cette quantité d'acide à la douzième dilution. M. Dugniolle, d'un autre côté, vous a dit: « On a contesté la présence des médicaments dans les atténuations élevées pres» crites par l'homœopathie. Je reconnais » qu'il n'est pas toujours possible de constater leur présence par la chimie dans » toutes les atténuations; mais il est quelquefois permis de le reconnaître jusque ⚫ dans la neuvième, et, pour certains, jus» que dans la quinzième. » Voyons, Messieurs, si le fait avancé par M. Dugniolle peut être possible. Le tableau des trente dilutions nous indique que, pour porter le milligramme à la neuvième atténuation, il faut un trillion de kilogrammes, soit un billion de mètres cubes de masse atténuante; masse égale, comme nous l'avons dit, à un cube de 114 de lieue de côté, et l'on voudrait nous faire croire qu'on puisse y constater la présence d'une substance médicamenteuse qui n'y est représentée que par la quantité d'un milligramme. Je ferai observer à notre savant confrère que, dans la supposition que l'analyse se fasse sur un mètre cube de gouttes homoeopathiques et que l'on puisse en séparer en entier et en nature la substance médicamenteuse que l'on y cherche, eh bien cette partie du milligramme serait si minime que, pour être visible à l'aide de nos plus forts microscopes, il faudrait augmenter leur pouvoir grossissant de 999,990,000 fois. Cependant M. Dugniolle ne s'est pas arrêté en si beau chemin ; il a porté son affirmation jusque pour la quinzième dilution, et ici ce n'est plus dans un trillion de kilogrammes qu'il faut démontrer la présence du milligramme de la substance médica menteuse, mais dans une masse peu éloignée du volume de la terre, dans le cube de 2,500 lieues. Lorsque notre savant confrère aura vérifié l'exactitude de ces données, il viendra lui-même, je l'espère du moins, reconnaitre son erreur et vous déclarer qu'il croit, comme nous, que les gouttes et les globules homœopathiques ne peuvent pas être doués d'action curative. Dans le discours qui a été prononcé en faveur de l'homeopathie par notre honorable confrère M. François, nous trouvons : » J'affirme sur ma conscience et mon honneur que, d'après mon expérience, certaines substances, même de celles qui sont considérées comme inertes, préparées et administrées suivant les préceptes de Habnemann, jouissent d'une efficacité réelle. » Que répondre, Messieurs, à cette déclaration faile avec franchise et bonne foi? Que notre savant confrère, praticien distingué, s'est loyalement trompé. Qu'il a attribué des propriétés surprenantes à des êtres imaginaires; qu'il n'a pas vu que les guérisons, qui se sont opérées sous ses yeux, se sont faites sans l'aide des médicaments homoeopathiques. J'ai foi dans les petites doses, dit M. François; mais le bon sens de notre bonorable confrère n'admettra pas plus que nous, qu'il puisse y avoir dose médicamenteuse, dose d'aconit par exemple, dans quelques parcelles d'une masse égale à 925 octillions de fois le volume de la terre, dans la composition de laquelle l'aconit ne figure que pour le poids d'an milligramme. » Faites digérer pendant 15 à 20 minutes, passez et ajoutez : »Sulfate de magnésie, 15 gr., manne, 60 gr. » Faites dissoudre et passez de nouveau. » A prendre en une seule fois. RESPONSABILITÉ MÉDICALE. M. le docteur Boulay, médecin à Gambais (Seine-etOise), appelé auprès d'une femme nommée Remy Neveu, ordonna à cette femme une potion purgative, que l'on convint d'envoyer chercher à Houdan, petite ville située Pour M. Remy Neveu, Ferme des Bois, à six kilomètres de Gambais. Le fils de la » à Gambaís. BOULAY, doet.-méd. » malade, âgé de quatorze ans, fut chargé de Le pharmacien s'étant contenté de lire le la commission, et comme M. Boulay avait recto du premier feuillet, livra au jeune Rebesoin de bandages et d'extrait de bella- my Neveu un paquet de bandages et une fiole done pour d'autres malades, il voulut pro- contenant l'extrait de belladone sans aucune fiter de l'occasion qui se présentait pour se indication. Sur la demande du jeune commisles faire envoyer. Dans ce but, il écrivit au sionnaire, si la bouteille était pour Remy pharmacien d'Houdan une lettre sur un Neveu, le pharmacien répondit : C'est bien. morceau de papier plié en deux. De là un funeste événement que le lecteur Au recto du premier feuillet on lit ce qui prévoit déjà : l'enfant porte l'extrait de belsuit: » « Monsieur, Ayez la complaisance de m'envoyer 2 à » 3 suspensoirs à choisir, 2 à 3 bandages inguinaux doubles à très-petites pelotes et » les moins volumineux que vous aurez; plus: » Extrait de belladone, 15 gr., Eau 5 gr. » Mettez dans un flacon à large ouverture. » J'ai l'honneur de vous saluer. D BOULAY, doct.-méd. » La signature de Boulay se trouve tout à fait en bas de la page sans autre indication. Au verso du même feuillet on lit ce qui suit: Veuillez faire du tout un paquet en y joignant la note. » Enfin, sur le recto du second feuillet, se trouve l'ordonnance pour la femme Remy Neveu, ainsi formulée: ladone à sa mère, qui le délaie dans un verre d'eau tiède et le prend en une seule fois entre trois et quatre heures du soir; le lendemain, à six heures, c'est-à-dire vingt-six heures après l'ingestion du poison, la femme Remy succomba. Le procureur de la République, informé par le maire, qui l'avait été lui-même par le médecin, de ce triste événement, poursuivit le médecin et le pharmacien, comme accusés d'homicide par imprudence, et un jugement du tribunal de Mantes vient de les condamner chacun à 400 fr. d'amende et aux dépens. Le motif pour lequel a eu lieu la condamnation du médecin, est fondé uniquement sur ce que le recto du premier feuillet ne portait aucune indication qui pût engager le pharmacien à lire le verso. (Journal des Conn. médico-chirurg.) TABLEAU indiquant la quantité d'alcool ou de sucre de lait qui est nécessaire pour homœopathiser, en entier, un milligramme de substance médicamenteuse depuis la première jusqu'à la trentième dilution. MESURE CUBIQUE. POIDS. 4re dilution 100 1 1 substance médicamenteuse 99 alcool ou sucre de lait. 9999 100 Milligram. 100 millimètres cubes. 00 100 20. 100 10 decillion. 1 tredecillion. 4000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000 00 10 sedecillions. 100 10000 10 mètres. 4 septemdecillion. 1 nonillion. Comme il entre un milligramme de substance médicamenteuse dans chacune de ces trente dilutions il y a un milligramme à retrancher pour chaque produit. |