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la discussion publique des intérêts généraux, servent à alimenter la curiosité ou la malignité des petits esprits. Promotions aux dignités, nominations aux bénéfices, mariages, naissances et décès, sermons et histoires galantes; spectacles et réceptions académiques, plaidoyers et poésies, énigmes et chansons, dissertations demi-savantes ou enjouées, tout s'y trouvait; hors la politique, qui n'y figurait que par des nouvelles de ce genre:

«Notre auguste monarque est sorti pour aller à la chasse à Meudon. »

Ou:

« Sa Majesté a pris médecine hier. »

Ou:

<< Le parlement est venu complimenter Monseigneur le Dauphin sur le rétablissement de sa précieuse santé, etc.

Du reste, Boursault, qui a trouvé dans le Mercure le sujet d'une comédie agréable, le dit fort amusant :

Le Mercure est une bonne chose :

On y trouve de tout, fable, histoire, vers, prose;
Siéges, combats, procès, morts, mariage, amour;
Nouvelles de province, et nouvelles de cour.
Jamais livre, à mon gré, ne fut si nécessaire'. «
Il est vrai qu'un autre poëte du même temps, Gacon,
en juge moins favorablement :

« Vient-il de la province un ouvrage insipide?
Si l'écu neuf le suit, il trouve un doux accueil,

Et tiendra le haut bout dans le fade recueil.

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Après quelques sonnets, impromptus, madrigaux, Le Mercure s'étend sur les livres nouveaux, Et prodiguant l'encens au flatteur mercenaire, Il porte jusqu'aux cieux l'auteur le plus vulgaire. Le conte vient ensuite, où d'un ton doucereux De Visé fait parler des amants langoureux, etc. » Quoi qu'il en soit de la vérité de cette satire, née sans doute de quelque rancune littéraire, Boursault, séduit par la réussite du Mercure, voulut aussi s'essayer au métier de journaliste; et sa gazette en vers eut d'abord un assez grand succès. Mais s'étant malencontreusement avisé de rimer une aventure galante attribuée à un révérend père capucin, sa feuille fut aussitôt supprimée. Reprise deux ans après, elle fut de nouveau interrompue à l'occasion d'une satire contre le roi d'Angleterre Guillaume d'Orange, alors en guerre avec la France. Mais il se trouva que Louis XIV voulait en ce moment faire la paix, et que le journaliste mal informé, qui avait cru faire acte de bon courtisan, pouvait nuire par ses diatribes intempestives au succès des négociations. Un seul trait que j'emprunte à la Gazette de France fera d'ailleurs juger du ton des journaux sous le grand règne. Annonçant le retour de l'empereur Léopold dans sa ville de Vienne, que venait de sauver Sobieski (1683), le journaliste s'exprime ainsi :

« Il revint au milieu de ses peuples, au courage desquels il devait la conservation de sa capitale, s'il est possible d'admettre que les rois puissent devoir quelque chose à leurs sujets. >>

CHAPITRE XII.

Les journaux français à l'étranger.

Il y avait cependant à la même époque quelques journaux français écrits d'un style tout différent, où les questions religieuses, littéraires et même politiques, étaient traitées avec une grande liberté, et quelquefois avec un véritable talent; mais qui, en raison de l'esprit de secte et des passions qui les ont inspirés, ne doivent être lus qu'avec une extrême défiance. Je veux parler des journaux français publiés en Hollande.

Parmi ces journaux, je rencontre d'abord l'Esprit des Cours de l'Europe, revue politique mensuelle publiée à la Haye par Gueudeville, bénédictin défroqué qui s'était échappé de son couvent, et avait été se marier à Rotterdam. L'Esprit des Cours de l'Europe ayant été supprimé sur la demande du comte d'Avaux, alors ambassadeur de France en Hollande, Gueudeville en reprit la rédaction quelques mois après sous le titre de Nouvelles des Cours de l'Europe; et, comme il réunissait un tour d'esprit naturellement satirique à une

grande facilité, il continua d'amuser la malignité du public pendant près de onze années (1699-1710).

Par l'érudition, par l'esprit, ainsi que par la tournure originale de son style, Bayle était fort supérieur à Gueudeville; et ses Nouvelles de la République des lettres (1684-1687) sont une de ces rares publications périodiques que l'on peut lire encore aujourd'hui avec plaisir. Bayle était d'ailleurs beaucoup plus réservé que Gueudeville pour tout ce qui regardait la politique. Il n'y touchait qu'incidemment et lorsque le sujet l'y amenait, se conformant ainsi, avec une prudence peu commune chez un réfugié, au titre qu'il avait donné à son recueil, et se servant avec beaucoup de bon sens de la modération un peu sceptique de son caractère, pour se renfermer dans les limites qu'il s'était lui-même assignées. Lorsque Bayle fut forcé par sa santé d'interrompre la publication de sa revue, elle fut reprise par Basnage de Beauval sous le titre d'Histoire des ouvrages des savants, et continuée sans interruption pendant vingt-deux ans (1687-1709). Un autre critique distingué, Leclerc, déploya une laborieuse érudition dans trois recueils du même genre Bibliothèque universelle et historique (1686-1693); la Bibliothèque choisie (1703-1713); -la Bibliothèque ancienne et moderne (1714-1727). Mais on lui reproche d'avoir mis à profit la liberté hollandaise pour discuter avec une très-grande hardiesse toutes les questions religieuses.

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La Hollande avait en outre ses gazetiers politiques, qui faisaient à Louis XIV une guerre moins noble, mais non moins vive que Ruyter et Guillaume d'Orange, et qui, très-inférieurs en talent aux écrivains que j'ai nommés tout à l'heure, compensaient, comme c'est l'ordinaire, cette infériorité par la violence de leurs diatribes et l'impudence de leurs mensonges.

<< Les ennemis de la France, dit dans ses Oisivetés l'illustre maréchal de Vauban, ont publié et publient tous les jours une infinité de libelles diffamatoires contre elle, et contre la sacrée personne du roi et celle de ses ministres. La France foisonne en bonnes plumes; il n'y a qu'à en choisir une certaine quantité des plus vives, et de les employer. Le roi le peut faire aisément sans qu'il lui `en coûte rien, et, pour récompenser ceux qui réussiront, leur donner des bénéfices de deux, trois, quatre, cinq à six mille livres de rente, et ériger ces écrivains en anti-lardonniers et antigazetiers1. »

La tactique du maréchal fut en effet adoptée par le gouvernement de Louis XIV; mais il ne se contenta pas d'opposer ainsi plume à plume : il osa violer plus d'une fois le territoire étranger, et il tira vengeance par une étroite et longue captivité de plusieurs écrivains entraînés en France par force ou par ruse. L'un de ces gazetiers, ainsi enlevé par les agents du gouvernement français, fut retenu en prison pendant onze années.

1. Oisivetés du maréchal de Vauban, manuscrit cité par Monteil dans son Histoire des Français, t. VIII, p. 479.

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