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Les Acta diurna, s'il fallait les comparer aux journaux modernes, ressembleraient plutôt à la Gazette de France sous Louis XIV, ou à quelqu'une de ces feuilles par lesquelles on fait aujourd'hui l'essai de la presse quotidienne dans quelques États de l'Orient. Il serait tout à fait faux d'ailleurs de chercher à rattacher, par une filiation paradoxale, les journaux modernes aux Acta diurna, comme le fleuve puissant au petit ruisseau d'où il tire sa source. L'érudition la plus ingénieuse ne parviendra pas à réunir dans une même chaîne ces anneaux si différents, et à combler la solution de continuité qui sépare deux faits nés sans doute des mêmes besoins, mais qui se sont produits dans des temps si éloignés l'un de l'autre et dans des circonstances si diverses sous tant de rapports. L'art de Guttemberg est le vrai et le seul père du journal moderne, qui n'existe et ne se comprend que par lui et avec lui.

CHAPITRE III.

Le Mercure anglais de 1588.

Pendant longtemps, et par suite d'une fraude littétéraire aujourd'hui démontrée, on a fait remonter au règne d'Élisabeth, et à l'année 1588, les premiers journaux modernes. On conserve en effet au Musée Britannique, sous le numéro 4106, le cinquantième numéro du Mercure anglais, daté du 23 juillet 1588; et, d'après Chalmers, le ministre Burleigh se servit habilement de cette nouvelle machine de guerre dans le but d'exciter les esprits contre l'Espagne et d'exalter le patriotisme anglais. Par malheur, et sans parler des indices matériels qui ne laissent aucun doute, on trouve dans cette feuille des faits postérieurs à sa date, et qui démontrent péremptoirement que ce prétendu aïeul des journaux n'est qu'un mensonge de plus à ajouter à la longue liste des supercheries littéraires'.

1. Voy. sur ce point Knight Hunt, the fourth Estate; Contributions toward an history of newspapers and of the liberty of the press. London, 1852.

CHAPITRE IV.

Les gazettes vénitiennes.

L'English Mercury écarté comme apocryphe, les Italiens réclament pour Venise, avec une grande apparence de raison, l'honneur, si c'en est un, de la priorité de date. Ils fondent cette prétention sur le mot même de Gazette. La Gazetta, mot vénitien en effet, était une petite pièce de monnaie, moyennant laquelle, dès la fin du xve siècle suivant la tradition, on achetait les feuilles volantes où le gouvernement consignait les nouvelles relatives à la politique, à la guerre ou au commerce, qu'il jugeait à propos de livrer à la curiosité des citoyens de là le nom de gazette. Rien de plus vraisemblable que cette étymologie. Venise, alors la plus riche et la plus commerçante ville du monde, était le point où arrivaient d'abord les nouvelles du Levant, si importantes en ce temps sous le triple rapport des transactions commerciales, des événements militaires et des intérêts religieux. Ce fut sans doute par suite de ces circonstances, que par un de ces contrastes singuliers dont l'histoire offre plus d'un

exemple, le journal moderne, ce raisonneur bruyant et bavard, cet instrument de discussion et de publicité, naquit, et bégaya ses premiers mots dans un pays et sous un gouvernement qui avait fait du silence le dogme fondamental de sa politique. Il est regrettable que l'on n'ait conservé aucune de ces premières gazettes vénitiennes. Il eût été curieux de connaître exactement de quel point est parti le journal pour arriver à ce que nous le voyons aujourd'hui ; de quels faibles commencements il s'est élevé à une si grande puissance il eût été piquant de voir le gouvernement absolu et mystérieux de Venise, et le défiant et soupçonneux conseil des Dix, encourager les premiers essais de ces petites feuilles destinées à se transformer un jour, et à devenir les plus formidables machines de guerre qui aient jamais été inventées contre l'autorité des gouvernements.

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CHAPITRE V.

Une gazette française en 1609.

Les gazettes se multiplièrent rapidement, et des républiques italiennes l'usage en passa bientôt en France. Sous le règne de Henri IV, et dès 1609, si je m'en rapporte à M. Viollet Leduc', une gazette lançait dans le public ses prospectus, dont les promesses pompeuses étaient, selon toute apparence, beaucoup au-dessus de la réalité. Suivant une coutume qui fut adoptée par plusieurs gazetiers, cette gazette était rédigée en vers, si l'on peut donner le nom de vers à ces rapsodies rimées :

La Gazette en ces vers
Contente les cervelles;
Car de tout l'univers
Elle reçoit nouvelles.

La Gazette a mille courriers
Qui logent partout sans fourriers.
Il faut que chacun lui réponde,
Selon sa course vagabonde,
De çà et là, diversement,

1. Dans le catalogue de sa Bibliothèque poétique, p. 349.

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