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frictionnant doucement le tragus, en faisant exercer des mouvements de déglutition. Au bout de cinq minutes on incline la tête du côté opposé afin de faire écouler le liquide, puis on essuie et l'on bouche hermétiquement le conduit, au moyen d'un tampon de coton. L'application se fait d'abord trois fois par jour, puis matin et soir. Lors même que tout écoulement a cessé, il est bon de continuer la médication pendant quelque temps une fois tous les soirs.

Dans quelques cas rares de simples perforations phlogistiques, inutilement traitées par d'autres moyens, il parut utile d'alterner l'emploi de l'esprit alcoolisé avec l'usage du nitrate d'argent, du chlorure de potasse, du sulfate de zinc, etc. Il va sans dire que si l'écoulement a sa source dans une dyscrasie, on aura simultanément recours à un traitement général approprié. (Berlin. klin. Wochenschr. et Gazzetta medica italiana Lomb.)

Chimie médicale et pharmaceutique.

Étude sur une urine à sédiment violet; par M. le docteur MEHU, pharmacien en chef de l'hôpital Necker. (Suite et fin. Voir notre cahier d'octobre, p. 345.)

11. Extraction des matières colorantes. L'urine, filtrée chaque jour sur un double filtre en papier blanc, communique à ce papier une teinte violette plus ou moins prononcée. Je réunis les filtres de dix jours, je les dessèche et les traite par l'alcool concentré bouillant; le liquide prend une belle coloration violette. J'exprime fortement la masse de papier pour en extraire le liquide encore chaud, je remplace ce liquide par une nouvelle dose d'alcool que je fais bouillir comme la première fois, j'exprime de nouveau et, par un troisième traitement alcoolique, j'extrais à peu près toute la matière colorante.

Tous ces liquides alcooliques sont réunis, filtrés et évaporés presque à siccité à une basse température. Le résidu de l'évaporation est lavé à l'eau distillée aussi complètement que possible pour enlever les sels solubles et les matières extractives qu'il contient en abondance. Ces eaux de lavage sont jetées sur un filtre de papier Berzelius qui retient les matières colorantes entraînées et les matières insolubles qui s'y trouvent mélangées. Quand ce lavage est complet, le filtre et le résidu sont traités, à plusieurs reprises, par l'alcool concentré bouillant, qui dissout non-seulement la matière colorante rouge, ce qui est facile, mais aussi la matière bleue, beaucoup plus difficile à dissoudre. La solution violette qui en résulte, soumise à une évaporation lente dans une capsule recouverte d'une feuille de papier, dépose d'abord des matières grasses. Quand ce premier dépôt est formé, le liquide, décanté dans une

autre capsule et abandonné de nouveau à l'évaporation très-lente, donne peu à peu un dépôt plus ou moins abondant de cristaux bleus. Plus l'évaporation est lente, plus les cristaux bleus sont très-nets et volumineux. La matière rouge reste en dissolution dans les eaux-mères avec une très faible proportion de matière bleue; si elle se dépose en partie, il est aisé de l'enlever à la matière bleue par des lavages à l'alcool faible (à 50 degrés environ), qui ne dissout pas sensiblement la matière bleue.

Quand on opère sur l'éther ou le chloroforme coloré par agitation avec l'urine brute, il faut d'abord évaporer la solution à siccité, laver le résidu à l'eau distillée, le dissoudre dans l'alcool très-concentré bouillant, enfin continuer comme précédemment.

12. Pour obtenir plus facilement la matière rouge exempte de matière bleue, je préfère opérer sur l'urine filtrée deux fois, neutralisée par l'acide acétique ou l'acide chlorhydrique, puis agitée avec du chloroforme. Ce liquide se sépare alors fort bien de l'urine, il se charge de la matière colorante rouge mieux que l'éther, et d'ailleurs le chloroforme n'est pas, comme l'éther, absorbé en grande proportion par l'urine. Le chloroforme coloré, isolé de l'urine au moyen d'un entonnoir, est évaporé à siccité, le résidu est lavé à l'eau distillée, puis à l'eau ammoniacale, desséché, enfin dissous dans l'alcool à 60 degrés : ce liquide possède alors une belle couleur rouge sans mélange de violet.

13. Dans l'extraction des principes colorants, telle que je viens de la décrire sans entrer dans des détails de manipulation que chaque opérateur imaginera trèsaisément, je n'ai fait usage que de réactifs

neutres, eau, alcool, éther, chloroforme. J'aurais également pu faire usage d'alcool méthylique, de sulfure de carbone, d'essence de térébenthine, de benzine, mais généralement avec beaucoup plus d'inconvénients que d'avantages Cette pratique, nouvelle pour le cas qui nous occupe, donne les matières qui existent réellement dans l'urine et non les produits de leur transformation, comme il arrive toujours quand on fait usage de réactifs chimiques énergiques. En même temps, elle rend simple et rapide la constatation de ces principes colorants, dans le cas où il n'existe aucun indice extérieur qui éveille l'attention sur leur existence. Les résultats sont bien autrement nets que ceux que l'on obtenait en faisant agir des acides minéraux très-concentrés, comme on l'avait fait jusqu'à présent.

14. Propriétés physiques et chimiques des matières colorantes. Ces deux substances sont insolubles dans l'eau distillée, elles sont inégalement solubles dans l'alcool méthylique, l'éther, le chloroforme, la benzine, le sulfure de carbone, l'essence de térébenthine.

L'acide chlorhydrique ne modifie couleur de leurs dissolutions.

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Le noir animal décolore complètement leurs solutions alcooliques.

De même que les solutions de rouge et de bleu d'aniline dans l'alcool et les diverses solutions bleues de l'indigo sont complètement décolorées par le sulfhydrate d’ammoniaque, le chlore et les hypochlorites alcalins, la solution alcoolique de l'une ou l'autre de ces matières colorées de l'urine est complètement décolorée par chacun de ces réactifs.

La solution de ces matières (bleue ou rouge), décolorée par le sulfhydrate d'ammoniaque, reprend assez rapidement à l'air sa coloration primitive.

15. Cette décoloration par le sulfhydrate d'ammoniaque rend compte d'un phénomène déjà signalé (8) et que voici : Souvent l'urine m'était remise sensiblement incolore, et, filtrée, elle laissait sur le filtre plus ou moins de matière colorante violacée. Au fur et à mesure de la filtration, le liquide très-putride, chargé d'ammoniaque et de quelques traces de sulfhydrate d'ammoniaque, subissant le contact de l'air, y prenait rapidement une teinte rouge assez prononcée pour rendre très-distincte, à la simple vue, l'urine filtrée depuis une heure de celle qui filtrait encore au moment de l'observation. La comparaison était faite sur

des colonnes liquides de même épaisseur et dans les mêmes conditions. L'action réductrice du sulfhydrate d'ammoniaque suffit à elle seule à expliquer ce phénomène, qui pourrait également être produit par un élément réducteur indéterminé provenant de la décomposition putride de l'urine.

16. Matière rouge. La matière rouge se dissout facilement dans l'alcool, l'éther, le chloroforme. Quand elle est pure, ses dissolutions ont l'aspect d'une solution concentrée du plus beau carmin dans l'ammoniaque.

Elle ne cristallise pas; j'ai cru l'avoir obtenue cristallisée, mais j'ai dédoublé ce produit en une matière cristallisée incolore encore indéterminée et en une matière rouge incristallisable dans tous les dissol vants que j'ai expérimentés.

Pure, cette matière ne paraît pas sensiblement soluble dans l'eau, mais l'eau ammoniacale la dissout un peu, ce qui explique sa dissolution dans l'urine putride. Aussi, quand l'urine brute a été filtrée deux ou trois fois, puis neutralisée par un acide, en la filtrant de nouveau, le filtre se colore en rose et en rouge; cette expérience montre bien l'influence dissolvante de l'alcali sur la matière rouge et la moindre solubilité de celle-ci dans une liqueur neutre ou acide.

L'eau faiblement ammoniacale, dissolvant à peine la matière rouge, j'ai pu en faire usage pour dépouiller celle-ci d'une matière résineuse jaunâtre qui l'accompagne assez souvent. Comme la matière rouge est soluble dans l'alcool à 50 ou 40 degrés, il est aisé de la séparer au moyen de ce dissolvant des matière grasses qui sont à peine solubles dans l'alcool faible..

L'acide sulfurique dissout la matière rouge, sans se colorer sensiblement; en étendant la dissolution avec de l'eau distillée, la substance colorée se dépose apparemment inaltérée.

17. Matière bleue. La matière bleue n'a jamais été obtenue que dans une trèspetite proportion, souvent même son existence dans l'urine pouvait être révoquée en doute. Elle est moins soluble dans l'alcool que la matière rouge; elle se dissout assez difficilement aussi dans le chloroforme et l'éther, colorant ces liquides en violet plutôt qu'en bleu, sans doute parce que jamais je n'ai réussi à avoir de la matière bleue absolument débarrassée de toute trace de matière rouge, ce que montre bien l'examen microscopique.

Sa solution alcoolique, mêlée ou non à celle de la matière rouge, abandonnée à une évaporation extrêmement lente, donne des cristaux prismatiques.

Ces cristaux sont bleus, presque noirs s'ils sont épais. Il se montrent sous la forme de prismes droits très-allongés, dont les extrémités sont assez fréquemment taillées en biseaux; leurs arêtes sont elles-mêmes quelquefois remplacées par de petites facettes. Tantôt ils sont isolés, tantôt groupés en masses irrégulières autour desquelles de longues aiguilles prismatiques apparaissent disposées comme les rayons des oursins, ou sous la forme très-fréquente d'étoiles d'un volume assez considérable.

La matière bleue se dissout dans l'acide sulfurique concentré, surtout à l'aide d'une douce chaleur, comme cela a lieu avec l'indigo. Cette solution est bleue; elle est décolorée par le chlore et par les vapeurs nitreuses. Etendue d'eau, elle dépose la plus grande quantité de ses éléments colorés, absolument comme le fait la solution sulfurique d'indigo dans les mêmes conditions.

La solution de la matière bleue dans l'alcool ordinaire ou dans l'alcool méthylique, obtenue à l'aide de la chaleur, est rapidement décolorée par quelques bulles de chlore ou de vapeurs nitreuses.

La matière bleue et la matière rouge se séparent très-difficilement l'une de l'autre ; j'ai montré précédemment (11) que le meilleur moyen de les séparer consiste à rendre très-lente l'évaporation de leur solution commune dans l'alcool; la matière bleuc se dépose alors cristallisée et suffisamment adhérente aux parois du vase, pour que l'on puisse enlever la matière rouge par des lavages au chloroforme ou à l'alcool très-affaibli. La matière rouge semble aider à la dissolution de la matière bleue, car celle ci isolée est moins soluble dans leurs dissolvants communs; voilà pourquoi il est si difficile d'extraire, à l'état de cristaux, la matière bleue de la solution violette produite par leur mélange.

J'ai examiné comparativement les cristaux d'indigotine (1) provenant de la sublimation de l'indigo du commerce avec les cristaux bleus de l'urine, et je n'ai observé aucune différence fondamentale entre eux. J'ai également comparé ces cristaux bleus

(1) L'indigo qui a servi à cette sublimation avait été préalablement lavé à l'eau chargée d'acide chlorhydrique, à l'ammoniaque, à l'alcool bouillant, enfin à l'eau distillée.

de l'urine avec de l'indigotine d'abord sublimée, puis dissoute dans l'alcool concentré bouillant, enfin déposée à l'état de cristaux microscopiques pendant le refroidissement; là, encore, je n'ai pas réussi à constater des différences sérieuses.

Cet examen, répété un assez grand nombre de fois, me fait croire à l'identité des cristaux bleus de l'urine avec l'indigotine. L'étude des propriétés chimiques et surtout l'action dissolvante de l'acide sulfurique et l'action décolorante du chlore, me font considérer ces deux matières comme identiques. Les doutes émis jusqu'à présent sur les différences de forme dans les cristaux ne me paraissent pas fondés. Néanmoins, je ne puis m'empêcher de reconnaître que ces cristaux bleus m'ont paru plus solubles dans l'alcool froid que l'indigotine obtenue par sublimation; cela tient sans doute à l'état physique des cristaux,

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18. Considérations générales. La matière bleue que l'on rencontre dans l'urine peut être constituée par du bleu de Prusse, d'après les observations de E. Julia (1) et de Cantin (2). Aucune de ces observations ne me paraît assez précise pour que la question puisse être considérée comme résolue.

Braconnot (5) a décrit une matière bleue retirée de l'urine d'un malade qui avait eu des vomissements bleus. Il a donné à cette matière colorante de l'urine le nom de cyanourine. Il s'est assuré que cette matière bleue ne contenait pas d'acide urique, et qu'elle jouait, vis-à-vis d'acides énergiques, le rôle de base faible. La lecture de ce mémoire m'a fait regretter beaucoup que l'auteur n'eût pas essayé sur ce produit bleu l'action de l'acide azotique nitreux (réaction Gmelin), qui eût probablement démontré qu'il s'agissait là de la matière colorante de la bile.

Les produits précédents n'ont aucun rapport avec les matières colorées précé demment décrites. Voici le résumé des travaux les plus récents et les plus accrédités sur ce sujet.

19 Des études faites dans ces dernières années, tant en Allemagne qu'en Angleterre, il résulte que la matière bleue

(1) E. Julia, Archives générales de médecine, 1823. t. II, p. 104.

(2) Cantin, Journal de chimie médicale, 1833 t. IX, p. 104.

(3) Braconnot, Annales de chimie et de physique, 1825, t. XXIX, p. 252.

cristallisée et la matière rouge amorphe, extraites de l'urine qui fait l'objet de ce travail, sont des produits du dédoublement d'une substance incolore, sirupeuse, soluble dans l'eau, l'alcool et l'éther que M. Edw. Schunek (1) a nommée indican, et Heller uroxanthine.

Au contact des acides minéraux, cet indican se dédouble en plusieurs autres produits parmi lesquels figurent en première ligne la matière bleue (indigotine de Schunck, uroglaucine de Heller) et la matière rouge (indigo rouge ou indirubine de Schunck et urrhodine de Heller).

En même temps que ces deux matières colorantes, il se produit un suere particulier (indiglucine) non fermentescible, réduisant énergiquement l'oxyde de cuivre, enfin quelques acides volatils (A. acétique, formique), et d'autres produits d'une mince importance jusqu'à présent.

M. Schunck a essayé d'appliquer aux deux matières colorantes de l'urine l'étude qu'il a faite (2) de la matière indigogène (indican) des plantes qui fournissent l'indigo, et c'est de cette étude qu'il a conclu la complète identité de la matière bleue de l'urine avec l'indigotine. Mais jusqu'à présent, la petite quantité de matières colorées de l'urine qu'il a été possible de se procurer, a toujours fait obstacle à la complète vérification de tous les termes de sa théorie sur l'urine elle-même. La formule de l'indican est d'après M. Schunck C52H33AzО3, le composé plombique contient CH1Az0.

20. L'urine sur laquelle j'opérais se trouvant dès sa sortie de la vessie dans un état de putréfaction très-avancé, il était difficile de supposer que l'indican s'y fût conservé intact.

Néanmoins je me mis résolument à la recherche de ce principe générateur des matières colorées bleue et rouge. Dans ce but, chaque jour, pendant douze jours, j'ai précipité l'urine filtrée par un excès de sous acétate de plomb liquide, j'ai recucilli ce précipité et l'ai mis à dessécher à part. Le liquide filtré, encore chargé de sel de plomb, fut additionné d'ammoniaque li quide, qui fournit un deuxième précipité qui fut aussi mis à part. En tout, j'avais opéré sur 20 à 25 litres d'urine, conformément aux recommandations de M. Edward Schunck.

(1) Edw. Schunck, On the Occurence of Indigo in Urine (London, Edinburgh and Dublin Philosophical Magazine, fourth séries, 1857, t. XIV, p. 288).

(2) Même recueil, t. X, p. 75.

Le premier précipité plombique, traité par une grande quantité d'alcool bouillant, à cause de l'immense volume du précipité, donna une solution rouge très-légèrement violacée qui fut filtrée. Dans cette liqueur limpide, je fis passer un courant d'hydrogène sulfuré qui la décolora complètement. Le sulfure de plomb recueilli sur un filtre, j'obtins une liqueur incolore qui ne reprit qu'une très-faible teinte rosée à l'air. L'évaporation du liquide ne fournit qu'une mince proportion de matière colorante rouge, même après une exposition protongée à l'air, et à peine capable de colorer d'une teinte égale plus d'un centième du volume du liquide primitif. La matière colorante rouge que j'ai obtenue dans ces conditions n'avait pas subi une température supérieure à 60 degrés, et, malgré cela, elle était déjà une modification profonde de la matière rouge précédemment en solution (16). D'ailleurs, il est évident qu'elle avait été presque totalement détruite.

Les produits secondaires de ce traitement, ceux qui accompagnaient la mince quantité de matière rouge amorphe dont il vient d'être parlé, ne contenaient ni indican, ni substance analogue. Traités par l'éther alcoolisé, j'ai réussi à en séparer quelques cristaux d'acide hippurique bien reconnaissables au microscope.

Quant au deuxième précipité plombique, celui fourni par l'ammoniaque et qui devait donner l'indican, il fut divisé dans l'alcool et décomposé par l'hydrogène sulfuré. Le sulfure de plomb séparé par filtration, j'ai évaporé le liquide, j'ai traité le résidu par l'éther et lui ai fait subir toutes les manipulations recommandées; malgré cela, le produit de l'évaporation n'avait nullement les qualités de l'indican et tous mes efforts pour mettre en évidence l'existence de ce corps avec les qualités qui lui sont attribuées par les auteurs sont demeurés stériles.

Dépouillé de toute trace d'hydrogène sulfuré, le liquide réduisait la liqueur de Fehling; la proportion de substance réductrice ne dépassait assurément pas quelques centigrammes. Mais il faut se rappeler que, d'après les recherches de Bence Jones (1), le mode opératoire qui conduit à l'isolement de l'indican, donne également la glycose quand elle existe en très-petite proportion dans l'urine des individus en bonne santé. J'ai

(1) Annales de chimie et de physique, 1862, t. LXV, p. 125.

entrepris quelques expériences pour éclairer ce point encore obscur de la question. En résumé, mes expériences n'ont pas révélé la présence de l'indican, il faut donc admettre, en supposant complètement vraie la théorie de M. Schunck, que l'indican était déjà complètement dédoublé par la putréfaction du liquide. Mais M. Schunck ne croit pas à la nécessité de l'action de l'oxygène de l'air pour la production des matières colorées, ni à celle de la putréfaction, contrairement aux idées de M. Has sall.

Le produit ou plutôt le mélange des produits obtenus à la place de l'indican, traité par les acides, fournissait bien une solution très-faiblement rougeâtre, mais pas la moindre trace de bleu. Cette matière rougeâtre devait son existence à des matières résinoïdes; elle ne pouvait être confondue d'ailleurs avec la belle matière colorante rouge obtenue directement avec les réactifs neutres (16).

21. Il est un autre point sur lequel je vais appeler l'attention. Pour reconnaître les urines chargées d'indican, les auteurs allemands et anglais recommandent de faire bouillir l'urine brute avec un dixième de son volume d'acide chlorhydrique fumant, ou d'opérer à froid en ajoutant à l'urine deux ou trois fois son volume d'acide chlorhydrique. Dans l'un et l'autre cas, il se produit une coloration violette qui est l'indice de l'existence de l'indican. Cette matière violette est un mélange d'indigotine et d'indirubine. L'acide azotique pent remplacer l'acide chlorhydrique, mais avec moins d'avantage.

Il ne faut pas oublier que l'application de ce procédé à l'urine, qui fait l'objet de cette étude, comme à toute autre urine albumineuse, se complique de la réaction de l'acide chlorhydrique sur l'albumine, de laquelle résulte la précipitation d'une matière bleue violacée, d'une richesse de ton variable avec la quantité d'acide employée, la durée de la réaction et la température. Cette matière bleuâtre se distingue de la substance violette extraite directement (9) par l'éther, par sa très faible solubilité dans les divers dissolvants neutres.

J'ai constaté que la coloration violacée produite par l'acide chlorhydrique devenait nulle ou presque nulle quand l'urine était manifestement chargée de matière violette et avait été filtrée, tandis qu'elle était sensible sur l'urine très-putréfiée, capable de donner de la matière violette à

l'air. L'acide chlorhydrique peut être considéré comme empêchant l'action réductrice du sulfhydrate d'ammoniaque, en le décomposant.

22. D'autre part, certaines urines contiennent une matière qui les colore en rouge foncé teinté de jaune; elles sont ordinairement aussi albumineuses, alcalines; additionnées d'acide chlorhydrique, elles deviennent violettes. Et pourtant ces urines ne doivent pas cette réaction-là à l'indican; en effet, leur matière colorante jaune-rougeâtre isolée, dissoute dans les liquides appropriés, donne au contact de l'acide chlorhydrique une belle coloration violette, alors qu'il n'y a ni indican, ni albumine. Ces urines, désignées sous le nom d'urines hémaphéiques, ne donnent pas d'indigotine ni aucune matière colorante bleue comparable à celle que j'ai décrite; elles apparaissent ordinairement dans des maladies du foie encore mal caractérisées (1).

23. De ce qui précède, je conclus que la coloration violacée produite par l'action de l'acide chlorhydrique sur l'urine, ne suffit pas à elle seule à affirmer la présence de l'indican.

La décoloration des deux matières (rouge et bleue) que j'ai décrites (16 et 17), par le sulfhydrate d'ammoniaque, est peu favorable à l'idée du dédoublement d'une matière incolore (indican) en matières colorées (indigotine, indirubine de M. Schunck) et autres produits accessoires. En effet, l'urine putréfiée à l'abri de l'air, dans la vessie par exemple, donne du sulfhydrate d'ammoniaque; il se produit peut-être en même temps d'autres agents réducteurs qui réagissent sur les matières colorées, les décolorent en leur enlevant de l'oxygène, absolument comme ils opèrent dans la cuve à indigo blanc des teinturiers. Il n'y a pas besoin d'invoquer ici un ferment spécial.

Je me propose d'éclairer les nombreux desiderata de cette question, tant de fois agitée déjà des urines bleues par des expériences qui établiront plus nettement le rôle de l'indigo sur chacun des éléments de l'urine.

24. D'après M. Schunck, la matière indigogène (the indigo producing body) se

(1) A consulter Arthur Hill Hassall, On the Frequent Occurence of Indigo in Human Urine, and on its Chimical, Physiological and Pathological Relations (Philosophical Transactions, 1854, p. 297).

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