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tout prix la peine à laquelle Dieu l'a soumis, et ne lui faire connaître cette douloureuse épreuve que lorsque sa guérison sera complète.

Une nouvelle agréable, une surprise, un bonheur inattendu pourraient également avoir de désastreux effets. Attendez sa guérison pour les lui annoncer. Règle générale, il faut éviter à ces pauvres malades, même pendant leur convalescence, toutes les émotions de quelque nature qu'elles puissent être.

RÉSUMÉ.

I. J'entends par fièvre typhoïde une pyrexie aiguë, continue, se développant soit spontanément, soit par contagion, ayant pour caractère anatomique essentiel une altération toute spéciale des follicules de l'intestin grêle et des ganglions du mésentére, et dont les symptômes les plus ordinaires sont la stupeur, la faiblesse musculaire et intellectuelle, le délire et l'éruption à la surface cutanée de sudamina, de taches rosées lenticulaires ou de pétéchies.

II. La maladie a une physionomie à elle, un cachet spécial qui fait qu'une fois déclarée, elle ne peut être confondue avec d'autres affections que par des médecins inhabiles et inexpérimentés.

III. Les lésions anatomiques sont multiples. Tout le tube digestif est plus ou moins malade. Les lésions les plus remarquables existent dans les plaques de Peyer et les follicules de Brunner.

IV. Les organes contenus dans les trois grandes cavités splanchniques sont plus ou moins altérés.

V. Le sang a également subi une altération bien manifeste.

VI. La fièvre typhoïde est l'apanage de la jeunesse et de l'âge adulte. La première enfance et la vieillesse n'en sont cependant point exemptes.

VII. Les sujets robustes y sont plus prédisposés que les sujets faibles. VIII. Elle se montre en toute saison, mais plus particulièrement en automne. IX. Une mauvaise alimentation, des émotions morales, l'influence du changement d'habitude, etc., contribuent à son développement.

X. Elle est essentiellement contagieuse.

XI. La fièvre typhoïde est une véritable intoxication miasmatique.

XII. Les fièvres typhoïdes doivent être divisées en fièvres légères, fièvres de moyenne intensité, fièvres graves et fièvres très-graves.

XIII. Les principales complications de la fièvre typhoïde sont la bronchite, la pneumonie, les hémorrhagies intestinales, les perforations de l'intestin, le muguet, la diphthérite, les escharres gangréneuses, les parotides, l'éruption varioliforme de mauvaise nature, l'otite et l'otorrhée, la rétention d'urine, la méningite et l'encéphalite, le phlegmon de la fosse iliaque, les fièvres intermittentes.

XIV. La marche de la fièvre typhoïde est essentiellement aiguë.

XV. La fièvre typhoïde peut se terminer par le retour à la santé ou par la mort, ou bien être entravée dans son cours par une ou plusieurs complications. XVI. La durée de ces affections varie suivant leur degré de gravité. Ainsi

les fièvres typhoïdes légères ne durent jamais moins de douze à quinze jours; les fièvres de moyenne intensité ne durent jamais moins de quinze à vingt et un jours; les fièvres graves ne durent jamais moins de trente-cinq à quarante jours; et enfin, les fièvres très-graves ne durent jamais moins de quarante à cinquante jours.

XVII. Les récidives, sans être très-fréquentes, ne sont pas aussi rares que les auteurs l'ont cru.

XVIII. Au début d'une fièvre typhoïde on éprouve presque toujours de sérieuses difficultés pour savoir à quelle affection on va avoir affaire. Sera-ce un embarras gastrique, une courbature, une fièvre éruptive, une fièvre simple continue, ou bien enfin une fièvre typhoïde?

Si l'on est appelé pour la première fois dans une période un peu plus avancée de la maladie, on pourra éprouver quelque embarras à la différencier d'une méningite, d'une encéphalite, d'une méningite cérébro-spinale, d'une entérite ou d'un état typhoïde.

XIX. Le pronostic est toujours grave et varie à l'infini suivant la prédominance de tels ou de tels symptômes, suivant l'apparition de telles ou telles complications, suivant enfin la médication mise en usage.

XX. Une foule de médications ont été vantées pour triompher de la fièvre typhoïde.

XXI. Les émissions sanguines doivent être presque constamment proscrites. XXII. Les évacuants rendent d'éminents services appliqués surtout d'après la méthode de M. de Larroque.

XXIII. Les préparations mercurielles (calomel et sulfure noir de mercure) ne sont pas des préparations exemptes de danger : elles exposent les malades aux hémorrhagies intestinales.

XXIV. Le sulfate de quinine a été considéré comme très-utile dans les fièvres rémittentes; mais son efficacité est très-contestable dans les fièvres graves continues.

XXV. Les toniques ne conviennent, sauf de très-rares exceptions, que dans la dernière période de la maladie, alors qu'il s'agit de relever les forces épuisées et de hâter la convalescence.

XXVI. L'expectation ne doit être mise en usage que chez des sujets trèslégèrement atteints ou chez des personnes indociles, refusant obstinément de prendre les médicaments qu'on leur conseille.

XXVII. Le tartre stibié à haute dose jouirait, suivant quelques praticiens, d'une grande efficacité dans certains cas désespérés.

XXVIII. Le traitement par la glace aurait, d'après M. Wanner, la propriete de faire avorter la fièvre typhoïde en vingt-quatre ou trente-six heures. XXIX. L'eau de goudron en boisson et en lavements m'a rendu quelques services.

XXX. L'hydrothérapie ne serait pas non plus sans influence sur la fièvre typhoïde. Au dire de certains hydrothérapistes même, elle en abrégerait la

durée. Dans les dernières périodes de la fièvre typhoïde, alors que l'ataxie est très-prononcée, les affusions froides ont quelquefois fait merveille.

XXXI. J'essaie en ce moment le chlorate de potasse, mais je n'ai pas assez de faits pour statuer sur son compte.

XXXII. Quelle que soit la médication employée, je soutiens qu'il est de toute impossibilité de juguler et même d'abréger notablement la durée de la fièvre typhoïde. Si quelques auteurs ont eu cette prétention et ont soutenu cette thèse, c'est qu'ils ont commis des erreurs de diagnostic, erreurs qui sont tellement faciles au début de la maladie, que les praticiens les plus éminents, les plus recommandables sont souvent impuissants à trancher la difficulté et à établir le diagnostic d'une manière rigoureuse.

XXXIII. Les complications de la fièvre typhoïde étant très-nombreuses, elles exigent une médication excessivement variée.

XXXIV. Contre la bronchite et la pneumonie, le kermès et l'extrait hydroalcoolique de digitale sont des agents puissants.

XXXV. Les hémorrhagies intestinales doivent être énergiquement combattues à l'aide des acides et des astringents.

XXXVI. La perforation intestinale est ordinairement au-dessus des ressources de l'art; cependant l'opium à haute dose ayant quelquefois réussi, ne doit pas être négligé.

XXXVII. Dans la diphthérite, cautérisations répétées avec l'azotate d'argent soit en crayon, soit en solution, suivant les cas; et à l'intérieur, administration du calomel et de l'alun alternativement, ou du chlorate de potasse ou du bicarbonate de soude.

XXXVIII. Pour prévenir les escharres gangréneuses, un foulard de soie appliqué sous le siége du malade m'a rendu de grands services; je le recommande. Mais une fois les escharres produites, pansements méthodiques, soins altentifs, etc.

XXXIX. Dans les parotides, à moins de manifestation de très-graves et de très-sérieux accidents, il faut laisser agir la nature.

XL. Le cathétérisme est le moyen par excellence pour combattre la rétention d'urine.

XLI. La méningite sera traitée par le calomel à doses réfractées et par des vésicatoires appliqués sur toute l'étendue du cuir chevelu.

XLII. Dans les fièvres intermittentes soit simples, soit pernicieuses, le sulfate de quinine est le remède héroïque.

XLIII. Le régime alimentaire est un point capital dans le traitement de la fièvre typhoïde. Je nourris mes malades avec du bouillon ou du thé de bœuf, presque dès le début, quand les phénomènes d'excitation sont tombés. Une complication grave survenant pourrait être de nature à faire suspendre l'alimentation. Une fois la convalescence établié, malgré l'élévation du pouls, je continue à donner des aliments, et l'accélération de la circulation diminue à mesure que les forces se réparent.

XLIV. Les soins hygiéniques sont d'une extrême importance. Soins de propreté, changement de linge de lit et de corps, ventilation des chambres, aération des objets de literie : séjour à la campagne, promenades en voiture ou à pied; éviter les émotions morales vives de quelque nature qu'elles soient.

La tâche que je m'étais imposée est remplie. C'est au jury de Bruxelles à prononcer sur sa valeur et son mérite; et quelle que soit sa décision, je m'incline d'avance et l'accepte.

OBSERVATIONS DE FIÈVRES TYPHOÏDES COMPLIQUÉES DE SYMPTÔMES APPARTENANT A UNE LÉSION DE LA MOELLE ÉPINIÈRE; par M. le docteur BOURGOGNE père (de Condé, Nord), membre correspondant de la Société.

Ileureux ceux à qui la nature a dévoilé la cause des phénomènes qui, à chaque instant, viennent frapper nos sens, et cela, à l'aide d'une pensée qui soudain jaillit de leur puissant cerveau! Heureux aussi ceux qui, selon le conseil de Lucrèce, après avoir analysé les effets de ces mêmes phénomènes, remontant aux causes, nous en montrent enfin le mécanisme!

La médecine, quoiqu'on ne puisse contester les progrès qu'elle n'a cessé de faire jusqu'ici, aurait grand besoin pourtant de voir surgir une de ces intelligences d'élite qui viendrait élucider bien des questions qui laissent encore dans de cruelles perplexités les médecins et l'humanité : le croup, la fièvre puerpérale, la fièvre typhoïde, pour ne parler que de ces trois fléaux, attendent et défient toujours les plus habiles investigateurs. Espérons pourtant qu'un jour ces terribles maladies trouveront leur vainqueur. En attendant, recueillons le plus qu'il nous est possible les matériaux qui peuvent à la longue amener la lumière.

Dans le récit que je vais faire ici, on ne trouvera rien qui a trait à la médication des malades qui font l'objet des observations; j'en ai dit la raison plus loin; mon intention, en rapportant ces observations, a été de signaler un fait trèscurieux qui s'est présenté pendant le cours de la fièvre typhoïde chez quelques sujets, je veux parler de la paralysie qui est venue les atteindre. Peut-être, ce que je rapporterai, touchant la manière dont le mal s'est déclaré, est-il de nature à éclairer l'étiologie des fièvres typhoïdes, et par suite à engager les médecins à employer, surtout à leur début, et avec plus de confiance, un traitement qui, je le sais, n'est pas nouveau, mais qui aurait besoin alors d'être formulé avec plus de précision.

Les marais qui couvraient jadis le nord de la France étaient cause d'épidé mies incessantes et meurtrières, formulées par des fièvres typhoïdes, intermit lentes et rémittentes, ces dernières offrant trop fréquemment le caractère pernicieux. »

La petite ville de Condé, située à l'extrême frontière de cette partie de notre pays, était, sous le rapport sanitaire, dans les conditions les plus défavorables; une vaste enceinte paludéenne circonscrivait ses murailles, et, au dire d'un

très-respectable médecin qui nous a laissé quelques lignes sur ce sujet, un quart des militaires qui y faisaient le service était habituellement à l'hôpital.

Aujourd'hui, grâce aux moyens de dessèchement employés depuis plusieurs années, ces infects marécages sont devenus ou de belles prairies, ou d'excellentes terres dont le laboureur tire les meilleurs produits. Cependant, sous l'influence de certaines circonstances, l'état sanitaire de Condé et des communes qui l'avoisinent reprend parfois une partie de son ancienne physionomie : ou bien les eaux qui, l'hiver, couvrent les prairies, se retirent trop lentement, et, devenues croupissantes, dégagent des vapeurs délétères lorsque le soleil du printemps vient frapper leur surface; ou bien le même danger a lieu, et d'une manière plus redoutable encore, lorsque des canaux creusés dans le sol des anciens marais obligent de remuer d'énormes quantités de terres, et mettent ainsi en contact avec l'atmosphère des tourbes, des matières végétales et animales dont la décomposition, n'étant qu'incomplète, s'achève en empoisonnant pour plusieurs années l'air au milieu duquel vivent les populations voisines.

C'est à cette dernière cause que fut due l'apparition d'une affection dont nous allons signaler seulement les principaux traits; car il ne nous a pas été possible de rendre cette observation aussi complète qu'elle le mérite.

La maladie dont il est ici question a éclaté d'une manière presque instantanée à Fresnes, arrondissement de Valenciennes, à un kilomètre environ de Condé, dans la verrerie de M. B...

Cet établissement, situé au bord de l'Escaut, n'est séparé à l'est que par un intervalle de deux cents mètres à peu près d'un canal qu'on y creusait pour remplacer le cours tortueux de cette première rivière. Cette usine présente la forme d'un carré long, lequel est fermé au nord, à l'ouest et en partie à l'est, par plusieurs corps de bâtiments, servant les uns à loger les ouvriers, les autres à la confection du verre; mais, d'un autre côté, ouvert largement dans la direction du sud-est, direction répondant justement à l'endroit où le remuement des terres pour le creusement du nouveau canal a été plus considérable.

Cette verrerie était loin de présenter alors des conditions hygiéniques satisfaisantes. La grande cour, en partie limitée par les bâtiments dont nous avons fait mention, offrait pour sol une boue, mélange d'argile, de matières végétales putréfiées, délayées dans l'urine d'un grand nombre d'individus, par les eaux grasses des ménages, et à chaque instant pétrie par le passage des chevaux et des voitures. La plupart des ouvriers verriers logeaient dans l'établissement; ils habitaient, avec leurs femmes et leurs enfants, des chambres dont les unes étaient situées au rez-de-chaussée, et les autres immédiatement au-dessus. Ces demeures, n'ayant qu'une ouverture à l'est, sont en général petites, eu égard au nombre des individus qui les habitent. Tenues très-souvent avec beaucoup de malpropreté, elles renferment les provisions de bouche, les démises sales et fétides des ouvriers et de leurs familles.

Nous ne nous appesantirons pas sur la manière de vivre des personnes dont il est ici question; elle différait peu de celle des habitants de la campagne, et n'a

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