Images de page
PDF
ePub

palpébrale et oculaire : ce point excepté, les autres symptômes signalés par eux s'écartent essentiellement, tant par leur nature que par leur gravité. Bien plus, alors que des auteurs jouissant de la plus juste célébrité, tels que le docteur Graefe, de Berlin, signalent l'existence de la diphtherite oculaire, comme entité spéciale et presque endémique, parmi les nombreux malades qui passent journellement sous leurs yeux, d'autres praticiens, non moins dignes de confiance, et à leur tête l'illustre ophthalmologue de Glascow, le docteur W. Mackenzie, nient l'existence même de cette maladie, qui, selon ce dernier, ne devrait être considérée que comme un symptôme d'ophthalmitis.

Le désaccord, on le voit, ne saurait être plus radical. C'est à de nouvelles et nombreuses observations, soigneusement recueillies, à apporter le jour au milieu de ces ténèbres. Nous publions, dans ce seul but, le fait suivant, qui nous paraît digne de la plus sérieuse attention en ce que les symptômes de diphthérite, primitivement observés aux paupières, n'ont pas tardé à se manifester dans la bouche et l'arrière-bouche, preuve évidente de leur nature spécifique.

Le nommé B..., âgé de 30 ans, de Court-Saint-Étienne, préposé de douanes à Bruxelles, se présente à la consultation de l'Institut ophthalmique du Brabant le 18 mai, atteint de l'affection que nous allons décrire. Il déclare qu'il a commencé à avoir mal aux yeux le 12, mais que son mal s'est borné jusqu'au 15, à une légère rougeur et à la sensation de gravier entre les paupières; qu'à cette date, après une nuit de garde, une abondante suppuration s'est établie, accompagnée d'une rougeur très-vive des globes, d'un gonflement considérable des paupières, et d'une douleur cuisante dans les deux organes; que ces symptômes n'ont fait que s'accroître depuis cet instant, mais qu'il n'a rien fait pour les combattre que des lotions d'eau fraîche, et qu'il a eu bien soin de ne pas réclamer les secours de l'art, l'œil étant une chose si délicate! raisonnement connu et très-répandu dans nos contrées.

A la visite du 18, où le malade s'est enfin décidé à se présenter, sollicité par la douleur et par une altération sensible de la vision qui commence, dit-il, à se manifester, nous le trouvons dans l'état suivant : les quatre paupières sont fortement gonflées, rouges et comme érysipélateuses; elles laissent échapper d'entre elles quelques gouttes d'une mucosité purulente jaunâtre, épaisse, qui se concrète assez vite quand on ne l'enlève pas. Elles n'offrent ni rigidité, ni dureté anormales; la pression n'y détermine qu'une douleur légère, très-supportable; elles sont néanmoins très-épaissies, gorgées de sucs, mais se laissent abaisser et retourner avec facilité et sans qu'il en résulte de souffrances. La face interne des quatre paupières est vivement congestionnée, surtout dans les culsde-sac; de nombreux vaisseaux sinueux, rouges et engorgés la recouvrent; de petites ecchymoses d'un rouge-jaunâtre se font remarquer dans les intervalles de ces derniers; un filet muco-purulent assez épais occupe le fond des sillons oculo-palpébraux.

Tout le long du bord antérieur de la face conjonctivale des quatre paupières et parallèlement à ce bord on observe une sorte de ruban, d'un gris jaunâtre,

comme lardacé, d'une ligne de largeur environ, adhérant intimement à la muqueuse. Il est constitué par une fausse membrane d'aspect gris jaunâtre et fibrineux, lisse, unie, dépourvue de toute trace de vaisseaux, molle, infiltrée de liquide muqueux et très-difficile à détacher de la conjonctive, dont on ne peut la séparer qu'au prix d'une douleur très-vive et d'un écoulement abondant de sang; la surface sous-jacente est alors rouge et inégale. Ce produit anormal ne saurait mieux se comparer qu'aux formations plastiques du croup et de l'angine couenneuse. La conjonctive bulbaire offre les mêmes caractères; indépendamment de l'injection que nous venons de décrire, on y remarque, à chaque œil, entre la cornée et l'angle externe, une large plaque d'exsudation semblable à celle qui occupe les paupières, adhérant comme elle aux tissus sous-jacents, et offrant tout le même aspect. A côté de cela, la cornée est dans le plus parfait état; quand l'œil est débarrassé des mucosités qui l'encombrent, la vue est nette et parfaitement normale. C'est donc à tort que le malade se plaint de l'altération de la vision. Une vive sensation de chaleur et le sentiment de corps étrangers, situés entre les paupières, le tourmentent beaucoup et le privent de repos et de sommeil.-Prescriptions: Fomentations continuelles avec la décoction ci-après: borax 2 gros; extrait de jusquiame 1 gros; décoction de racines de guimauve 6 onces.-A l'intérieur, chlorate de potasse 1 gros, à prendre dans les vingt-quatre heures dans 6 onces d'eau.

Le 19, le malade se dit beaucoup mieux. Est-ce pour se dispenser d'entrer à l'Institut où nous l'avons vivement sollicité de se faire admettre? Les douleurs ont, dit-il, entièrement disparu. Cependant l'exsudat et la vascularisation ne sont guère modifiés; on constate, même aux paupières supérieures, que la fausse membrane ne se borne plus au ruban décrit, toujours bien dessiné, mais qu'une couche nouvelle, moins épaisse, les recouvre sur toute leur surface. Un des médecins présents à la visite fait la remarque que la voix du malade est rauque et voilée; celui-ci affirme cependant qu'il ne souffre pas de la gorge; pour toute sûreté on examine l'arrière-bouche, que l'on trouve œdématiée, mais sans produits anormaux. Prescriptions Continuation des fomentations émollientes et du chlorate de potasse; 3 sangsues à chaque tempe; calaplasmes au cou.

Le 20, le mieux continue, toujours au dire du malade, qui se trouve d'ailleurs aujourd'hui confirmé par l'examen des parties, au moins en ce qui concerne les yeux. L'injection conjonctivale a considérablement diminué; les fausses membranes ont notablement perdu de leur épaisseur; elles semblent s'être fondues, dissoutes, et ne subsistent plus qu'à l'état d'une gaze légère, qui ne tardera pas à disparaître tout à fait. Le malade est notablement soulagé et se dit guéri; il n'a eu jusqu'ici aucun symptôme fébrile.-Cependant la diphtherite a envahi, sans qu'il s'en plaigne, les lèvres et l'intérieur de la bouche; de larges plaques d'exsudation tapissent la face interne des lèvres, les gencives, le voile du palais; la voix est rauque, la déglutition pénible; ces plaques sont vastes, jaunâtres, couenneuses, adhèrent intimement aux parties sous-jacentes, avec

-

lesquelles elles semblent faire corps; l'haleine est fétide, la soif vive, la peau chaude; le sujet continue à se tenir levé, il ne veut garder ni le lit ni la diète, et ne fait aucun cas de nos recommandations. Prescriptions Continuation des fomentations émollientes et du chlorate de potasse; cautérisation des plaques d'exsudation de la bouche avec parties égales d'acide chlorhydrique et de miel rosat; dix sangsues sous la mâchoire inférieure; cataplasmes; pėdilaves sinapisés.

-

Le 21, je trouve encore le malade levé; il n'a pas fait son application de sangsues et ne s'est pas tenu à la diète. Néanmoins l'ophthalmie est dans les meilleures conditions; la fausse membrane a complétement disparu; la surface qu'elle a quittée est rouge, injectée, chagrinée, sécrétant une mucosité purulente très-peu abondante; la vascularisation bulbaire a disparu ; les choses se présentent en un mot comme dans une ophthalmie purulente en voie de résolution, et tout fait espérer une guérison prochaine et complète. Pour la bouche et la gorge c'est autre chose : quelques plaques d'exsudation se font remarquer sur la luette très-gonflée et sur les amygdales, également fort développées; celles qui occupent la bouche et qui ont été cautérisées la veille sont remplacées par des eschares en voie d'élimination. La voix est toujours rauque et dure, la déglutition laborieuse, le pouls à 90, la fièvre brûlante. - Prescriptions Tout comme hier. J'insiste vivement pour que les sangsues soient appliquées immédiatement; je les fais chercher et promets de revenir dans la journée. A ma visite du soir, j'apprends que l'imprudent n'a rien voulu faire et qu'il est retourné à son village.

Le 5 juin, le sujet se représente chez moi; il est complétement guéri. Le médecin qui l'a traité depuis que je l'ai perdu de vue me fait savoir qu'il a continué la médication que j'avais instituée; qu'une inflammation assez vive des yeux, provoquée vraisemblablement par le voyage, a nécessité l'application de quelques sangsues aux tempes et l'usage de pédiluves sinapisés, et que l'angine diphtheritique s'est guérie insensiblement pendant qu'il faisait usage du gargarisme suivant: alun 1/2 once; eau de fleurs de sureau 6 onces, sirop de roses 1/2 once. Sous l'influence de cette médication, les plaques, qui avaient d'ailleurs été vigoureusement cautérisées, se modifièrent et finirent par disparaitre. La guérison ne s'est pas démentie.

--

II. REVUE ANALYTIQUE ET CRITIQUE.

Médecine et Chirurgie.

Du CHLOROFORMe dans les fièvres INTER- tive du chloroforme, administré à l'intéMITTENTES. ——— M. le docteur Maestre de San rieur, contre les fièvres intermittentes. Juan, professeur à la Faculté de médecine Après avoir longuement analysé les dide Grenade, a expérimenté l'action cura- verses théories émises sur la nature de la

fièvre intermittente, l'auteur juge cette affection comme étant l'effet d'un poison introduit par l'absorption pulmonaire, poison qui porte primitivement son influence pathogénique sur le système nerveux. Persuadé de la nature nerveuse de la fièvre intermittente, M. Macstre a été encouragé par cette vue théorique à répéter, contre les succès périodiques, l'emploi, déjà essayé par d'autres médecins, du chloroforme. Il le donne par la voie gastrique comme étant moins dangereuse, et permettant cependant l'absorption du remède en quantité suffisante.

L'auteur prescrit 2 grammes de chloroforme dans une potion ; quantité à prendre en 6 fois dans les 24 heures; il l'augmente jusqu'à 4 grammes. Les accès s'affaiblissent, puis se suppriment:et, quand ils ont manqué trois fois, on commence à diminuer la dose du médicament, lequel est continué sans interruption pendant une vingtaine de jours. Dix-neuf observations cliniques viennent prouver l'efficacité de cette méthode de traitement, que l'auteur recommande particulièrement pour les sujets à système nerveux excitable, et pour ceux qui supportent mal les préparations de quina. D'ailleurs, l'emploi du quina peut parfaitement, selon lui, se concilier, dans les cas rebelles, avec l'administration du chloroforme.

De toutes les médications que j'ai em ployées en vue de leur action locale sur l'estomac, celle que, d'après mes expériences, je mets au premier rang, est le nitrate d'argent, et les observations que j'ai à présenter maintenant s'appliquent à ce remède. On l'administre souvent en pilules; si elles sont faites avec de la mie de pain, le chlorure de sodium du pain convertit le nitrate en chlorure d'argent insoInble et comparativement inerte; si elles sont faites avec la gomme ou l'amidon, la pilule, atteignant l'estomac, occasionne promptement la sécrétion du suc gastrique dont le chlorure de sodium et l'acide muriatique rendent le nitrate inerte. Il ne peut ainsi avoir qu'une très-faible action locale sous forme de pilules. J'ai donc depuis déjà un assez grand nombre d'années donné le nitrate d'argent cristallisé dissous dans de l'eau distillée, dans la proportion d'un demi-grain à quatre grains par demionce. (Si le grain anglais correspond aux 5 centigrammes de notre posologie, cette dose doit paraitre énorme et évidemment dangereuse.) La dose doit être prise au lit et lorsque l'estomac est vide, et être répétée pendant deux, trois ou quatre nuits, selon la gravité de la maladie. L'estomac doit être absolument vide; le patient sera couché sur le dos, et il se roulera aussitôt après avoir pris le médicament. Agissant

(La Espana medica et Gazette médicale ainsi, la solution se trouve librement en de Lyon, No 14.)

NOTICE SUR UN NOUVEAU MODE DE TRAITEMENT DANS LA DYSPEPSIE GRAVE ET DANS L'IN

FLAMMATION CHRONIQUE DE L'ESTOMAC; par M. ALEX. FLEMING, médecin de l'hôpital royal de Birmingham. — Je me suis, depuis longtemps, convaincu de la grande importance d'agir directement sur la muqueuse gastrique dans le traitement médical des affections de l'estomac. Ce traitement local a, en effet, à peu près la même importance ici que lorsqu'il s'agit des affections des autres surfaces muqueuses, telles que celles de l'œil, du pharynx, du vagin et de l'urèthre. L'application des règles hygiéniques et le choix des aliments, sont, par des raisons évidentes, d'une grande valeur dans les affections de l'estomac et peuvent, dans des cas légers, amener la guérison sans le secours de la médecine; mais je suis persuadé que, dans les formes tenaces et plus graves de gastrite chronique, le traitement médical local de la membrane muqueuse malade a été négligé à tort et qu'il pourrait contribuer puissamment à amener la guérison.

contact immédiat avec la membrane muqueuse, et son action locale devient évidente au moment même et aussi subséquemment. Dans un grand nombre de cas, cette manière de faire usage du médicament suffit pour effectuer une cure.

Ce mode d'emploi du médicament n'est cependant pas toujours suffisant pour amener la cure de certaines formes de dyspepsies des plus graves et de gastrites chroniques. J'ai, dans ces cas, fait depuis quatre ans des efforts pour agir plus généralement et plus efficacement sur la surface muqueuse en injectant la solution dans l'estomac, et les résultats que j'ai ainsi obtenus m'ont pleinement satisfait. (Medical Times et l'Union médicale, No66.)

REMARQUES SUR L'emploi des aCIDES ET DES ALCALINS DANS LES DIVERSES FORMES DE DYSPEPSIE, par M. le docteur E. WELLS.M. Wells fait remarquer qu'il y a des sujets dyspeptiques chez lesquels l'administration de certaines préparations alcalines est rendue impossible par les accidents dont elle est suivie invariablement, et que la même difficulté s'op

pose à l'emploi des acides chez d'autres sujets, qui sont le plus souvent goutteux. En cherchant à déterminer les indications dans les cas de ce genre, M. Wells croit avoir obtenu des résultats assez précis qui peuvent se résumer ainsi : les alcalins sont surtout indiqués lorsque la douleur siége à l'extrémité cardiaque de l'estomac; la douleur qui occupe l'extrémité pylorique el qui indique un dérangement du foie cède au contraire plus volontiers aux acides. Ceux-ci rendent encore plus de services que les alcalins lorsque la dyspepsie s'accompagne d'éruptions cutanées. Parmi les préparations alcalines, la magnésie convient surtout dans les cas qui s'accompagnent de constipation, et le carbonate de potasse dans les conditions opposées. Les alcalins sont préférables aux acides lorsque l'on a affaire à des cas de dyspepsie accompagnés d'irritation intestinale. Dans quelques cas, assez rares d'ailleurs, on peut se guider, pour le choix du médicament, sur l'état des urines. L'excès d'acide urique indique l'emploi des alcalins, celui des phosphates réclame plutôt l'usage des acides; ceux-ci sont également indiqués dans les cas d'oxalurie. (British Medical Journal et Gaz. hebd. de méd. et de chirurg., No 28.)

On

SULFURE D'ANTIMOINE DANS LE TRAITEMENT DE DIFFÉRENTES MALADIES DU COEUR. sait que le sulfure d'antimoine naturel, porphyrisé et lavé, tel enfin qu'il se trouve dans toutes les officines, contient une quantité indéterminée d'arsenic. Est-ce à l'arsenic qu'il contient, et dont on connait l'action modificatrice sur le système nerveux, qu'il faut attribuer les bons effets du sulfure d'antimoine? Est-ce à l'antimoine doué d'une propriété sédative et antiphlogistique également bien connue, ou à l'action combinée de ces deux agents? C'est là ce qu'on ne pourrait déterminer que par des expériences comparatives nombreuses faites dans des circonstances analogues. Quoi qu'il en soit, l'expérience a démontré que le sulfure d'antimoine porphyrisé et lavé peut rendre de très-grands services dans quelques maladies du cœur. En voici un exemple remarquable, qui a d'autant plus de valeur à nos yeux, qu'il a à la fois pour sujet et pour observateur la même personne, M. le docteur Fauconnet, de Lyon, qui raconte en ces termes sa propre observation :

Je souffrais du cœur, dit notre confrère, depuis l'âge de dix-huit ans; cette affec

tion m'était survenue à la suite d'un vio

lent effort, et elle fut ensuite accrue et entretenue par les causes morales si vives à cet âge... Pendant quinze ans, j'ai usé et abusé, sans aucun résultat, dessaignées, des sangsues, bains, digitale, eau pour boisson, alimentation modérée, etc. Ayant, vers l'âge de vingt-quatre ans, été atteint d'une fièvre paludéenne, je fis, pour m'en débarrasser, tout ce qu'il était possible, mais je vis bientôt se joindre à la fièvre des douleurs gastralgiques qui me rendirent l'existence fort pénible. Plus de vingtcinq ans après, malgré mon éloignement du lieu de contamination, j'avais toujours des douleurs d'estomac, des accès de fièvre, et la maladie de cœur n'était pas modifiée. C'est à l'âge de cinquante ans, et contre ces interminables accès de fièvre que je résolus d'employer le sulfure d'antimoine, et je ne tardai pas à en apprécier les heureux effets. Je constatai d'abord, dès le second jour, que ce que je redoutais le plus pendant l'emploi de cette médication, l'aggravation des douleurs gastralgiques, n'avait point lieu; ces douleurs se trouvaient, au contraire, amoindries. Cette douleur si constante et si importune avait diminué. La fièvre ne tarda pas à se modérer, puis cessa pour ne plus reparaitre. Enfin les douleurs du cœur, les palpitations curent, après quelques jours, un commencement de décroissance, mais elles furent plus longtemps à s'éteindre. C'est en persistant pendant deux mois dans l'emploi de cette médication que j'ai pu retrouver une santé satisfaisante, après en avoir été privé pendant trente ans.

M. Fauconnet rapporte ensuite l'histoire d'un cas de névrose du cœur, d'un cas d'endocardite rhumatismale et d'hydro-péricardite, d'un cas de névrose rhumatismale du cœur avec concrétions sanguines de formation récente, tous trois guéris par le sulfure d'antimoine.

(Gaz, méd. de Lyon et Bulletin général de thérapeutique, 30 mai 1860.)

[blocks in formation]
« PrécédentContinuer »