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septembre, elle avait moissonné près de 200 victimes dans la ville; il y en était mort près de 100 autres dans le cours de ce mois.... « Pour moi, dit-il, je n'en › fis saigner aucun..... Les vomitifs, les éméto-cathartiques, administrés de › bonne heure, et répétés dans le cours de la maladie, en ont toujours rendu » la marche plus régulière, plus bénigne.... Les habitants de Louviers se sou» viennent que le séquestre dans l'hôpital de Se-Barbe, répondit parfaitement › à nos vues et à nos vœux ; il y mourut au plus un douzième des malades, pas › même un quinzième, si l'on veut en excepter ceux qui y furent apportés mo› ribonds et sans ressource. »

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Dans le tome II, Lepecq de la Clôture donne la relation d'une fièvre putride miliaire vermineuse, qui sévit dans la paroisse de Combon en 1765, d'après les observations fournies par M. Hardy, envoyé contre elle, par ordre du contrôleur général. Le nombre des morts était si prodigieux, que les paroissiens interdirent eux-mêmes le son des cloches; enfin, il n'en était pas échappé un seul à la mort avant l'arrivée de M. Hardy; et ce, pendant 8 à 9 mois de désastre. Voici le traitement mis en usage par M. Hardy: 1o Je leur administrais l'émé>tique dès le premier instant, et le répétais autant de fois qu'il en était besoin. 2o Je fus obligé de recourir à des médicaments, capables de résister à la > dissolution, de prévenir la putréfaction et soutenir le ton des solides.... Cette > indication fut remplie par le secours des acides, tant végétaux que minéraux... » 3° Lorsque j'avais fait vomir suffisamment et à plusieurs reprises, j'employais › les tamarins, la crème de tartre, la rhubarbe ou la casse, pour purger mes » malades avant l'éruption. Bientôt la fièvre perdait de son intensité. Dans le > cours de ce traitement, qui mit fin à cette cruelle épidémie après trois mois > et une semaine de soins journaliers et d'exactitude, il n'en mourut que cinq. Grant s'exprime de la sorte (1): « Quoiqu'il faille tirer du sang, on doit néanmoins, dans les fièvres putrides et bilieuses, ne regarder ce moyen que comme un palliatif employé pour obtenir quelque répit, jusqu'à ce qu'on ait ramené le pouls à son état... Quant à la seconde indication, on sait que la cause irritante est un épaississement morbifique jaune, qui ne peut être chassé que par les vomitifs et les purgatifs. Il cite quatre observations où l'emploi des évacuants fut couronné d'un plein succès.

Plenciz observa à Prague, pendant l'hiver de 1780, une fièvre putride pétéchiale, dans laquelle il se trouva merveilleusement de l'administration des évacuants. Il rapporte un cas de cette maladie, tant pour qu'on juge la maladie elle-même, que pour faire connaître les détails de son traitement (2). « Fre› quentia magna similium pituitosorum morborum tunc temporis universam › penè tenuit urbem, qui morbi plerisque putridi audiebant, cortice autem et acidis mineralibus pejorabantur insigniter, evacuantibus autem egregiè levabantur. Exempla horum morborum copiosissima tunc habui in orpha

(1) Recherches sur les fièvres. Paris, 1775, t. II, p. 165 à 496.

(2) Acta et observata medica. Pragæ 1782, p. 28.

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notropio nostro, ubi nempè 45 infantes, et ipse illorum pædagogus hac febre › laborabant. Paucissimis venam secui, omnibus emeticum, nonnullis etiam > ternum exhibui, interpolato decocto taraxaci cum sale ammoniaco, rarissimè vesicante ob soporem aut rheuma aliquod indigni, amarisque stomachis, › medellam clausi, eo eventu, ut ex his 46 agris nullus desideraretur. » Reil s'est constitué l'historien d'une fièvre nerveuse épidémique qui régna à Halle et dans les environs en 1787. Il remarqua que les saignées même les mieux indiquées étaient pernicieuses, et que l'émétique répété réussissait admirablement (1): Sub ortum frequentissimè febris speciem præ se ferebat, si in » sana plethoricaque subjecta conjecta, validiorem sanguinis ebullitionem ⚫ accendebat. Tunc facilis et ægro et medico parùm caute persuasio, venam inci⚫ dendi necessitatem premere præcipuè si vertigo, capitis dolores, deliria, etc... >> affectarum partium phlogosim mentiebantur. Sed infelix erat hujus cona› minis eventus; subita enim virium fuga, quæ sanguinem detractum seque» batur, mox febrem malignam revelabat. A venæ sectione vel novæ mentis » alienationes surgebant, vel quæ jam erant increscebant... Emetica egregiæ » utilitatis erant, et repetitis vicibus quovis morbi tempore porrigebantur, imperante hanc viam naturâ, quæ omni febris stadio signa turgidarum sordium, earumque vomitus spontaneos producebat. Ab emesi levamen et » ingens pituitæ et bilis rejectio. >

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Carolus Strak observa une épidémie de fièvre pétéchiale qui régna à Mayence et dans les environs en 1760 (2). Il hésita d'abord entre l'opinion de De Haën qui regardait les pétéchies comme l'effet d'un traitement échauffant, et celle des médecins qui les considéraient comme une crise qu'il fallait au contraire provoquer au moyen des diaphorétiques; mais l'observation lui apprit bientôt que ces deux opinions étaient dangereuses, et lui fit admettre que les pétéchies étaient l'indice de la présence de matières putrides dans l'intestin : « Quamvis au» tem post adhibita talia quidem auxilia ægri evenissent, nihilominùs alii periere » quorum morbo sive refrigerantibus, sive acidis auxiliis, sive camphora, sive diaphoreticis remediis, occursum erat. Ob quam causam etiam istam curandi › rationem jure ut incertam repudiavi. Tutiorem itaquè cogitans curandi me» thodum, petechias cum vibicibus, lividis que maculis atque lenticularibus » illis punctis, quæ cutim non excedunt, comparavi, et qualia olim in infantum » cute videram, subractâque sæpè alvo submovebam, eo quod eæ aut à ver> mibus sive vivis sive mortuis, aut ab aliâ quâpiam putridâ re, quæ in imo » ventre residebat, provenerant... Posse quoque ipsas petechias simili de causâ oriri, foreque ad cædem dispareant, si movendo alvum putrida ista collu» vies subtrahatur. Strak suivit dès lors l'indication que le raisonnement lui avait fournie, il purgeait ses malades d'une manière presque continue, et ne saignait que rarement lorsqu'il y avait des douleurs locales très-vives, ou que

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(1) Memorabilia clinica. Halle, 1790, t. I, p. 1 à 24.

(2) Observationes de morbo cum petechiis. Ticini, 1792, p. 22.

les pétéchies étaient diffuses. Sur 105 fièvreux ainsi traités, sept seulement succombèrent, et parmi ces sept, il s'en trouva six chez lesquels on avait eu recours à la saignée.

Pringle, en parlant du traitement de la fièvre des camps, s'exprime ainsi (1): Dans la seconde période de la fièvre, lorsque le pouls est plein, je fais ordi› nairement tirer un peu de sang, si on ne l'a pas fait plus tôt. Lorsque les symptômes sont violents, ils semblent indiquer une évacuation abondante; › cependant, les grandes saignées deviennent communément funestes, parce > qu'elles abattent le pouls et qu'elles affectent la tête...

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.... Grand nombre de malades ont été guéris sans saignée, et parmi ceux à qui > on a tiré beaucoup de sang, très-peu se sont rétablis. Quand nos troupes re› vinrent, dans l'automne de 1757, de l'expédition à la rade de Basque, on › amena à l'hôpital de Portsmouth plusieurs soldats attaqués d'une maladie › composée d'une fièvre d'automne et d'une fièvre d'hôpital. La fièvre ordinaire › à cette saison prit bientôt une forme maligne dans les endroits du vaisseau, trop chargé de monde, où on les mit. Tous ceux qui n'étaient pas fort abat'tus, je les faisais saigner et ensuite purger; après cela, procédant de la ma› nière dont j'ai parlé dans le traitement des fièvres d'automne, je leur donnais › deux fois par jour un grain de tartre émétique, qui non-seulement faisait aller › par haut et par bas, mais encore amenait une sueur. Tous ceux qu'on traita › de cette manière se rétablirent. »

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Tissot (2) pense que la cause de la fièvre bilieuse de Lausanne était une matière saburrale putride qui surchargeait le système digestif. Il employait contre elle d'abord l'émétique, puis les laxatifs plus ou moins répétés suivant les cas. Ces moyens formaient la base de son traitement. Bien des gens, dit-il, s'éton› neront et peut-être nous blâmeront de la constance opiniâtre avec laquelle › nous avons fait usage du remède, souvent sans changer de formule, dans > tout le cours de la maladie ; mais fallait-il donc imiter ceux qui, ne s'occupant jamais de la cause, n'apercevant que les symptômes et marchant par conséquent d'erreur en erreur, écrivent à chaque visite un grand nombre de › prescriptions souvent contradictoires entre elles avec celles des jours précé> dents? Tissot fait remarquer qu'il n'a jamais proféré le mot de saignée, quoi› que l'existence assez fréquente de la chaleur, de la sécheresse de la peau, de › la douleur de tête, d'un délire violent et d'une fièvre aiguë, parussent indi› quer cette évacuation...

... Je sais que parmi les gens du peuple, plusieurs individus sont morts " peu après des saignées coup sur coup répétées.

Stoll dit à propos de l'usage des vomitifs dans les fièvres malignes (5): « La › méthode qui réussit si bien à l'illustre Wagner, médecin de la ville de Lu

(1) Des maladies des armées. Paris, 1795.

(2) Histoire de la fièvre bilieuse de Lausanne. Paris, an vin.

(5) Médecine pratique, t. I, p. 179. Paris, an Ix.

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> beck et disciple d'Heister, mérite d'être particulièrement recommandée. Ce › médecin considérant comme maladies gastriques ou mésentériques, les fièvres > exanthematiques, pétéchiales, pourprées et autres semblables, prescrivait >> une mixture composée de trois ou quatre onces d'eau de chardon bénit, et > d'un demi-gros d'ipécacuanha trituré avec un sel neutre quelconque. Le ma» lade en prenait une cuillerée ordinaire toutes les demi-heures ou toutes les › heures jusqu'à ce que l'ipécacuanha eût produit son effet accoutumé...

> ... Mais si le mal s'aggravait dans les douze heures, si le pouls et la respi> ration ne s'étaient point améliorés, il répétait la même potion et autant de » fois qu'il était nécessaire, jusqu'à ce que la rémission des symptômes annon» çât que la maladie prenait une meilleure tournure. >

Hildenbrand expose dans son ouvrage (1) les résultats de sa longue pratique dans les armées. Il regarde la saignée comme nuisible dans la plupart des cas, souvent indifférente ou inutile; mais il reconnaît qu'elle peut être nécessaire dans certains cas d'affections locales... « C'est une sorte d'empirisme rationnel qui présente les vomitifs comme moyens de traitement au commencement du typhus... Il recommande ensuite les sels neutres, le tamarin pendant le premier septénaire... Il blâme les purgatifs violents et les toniques.

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Dans la période nerveuse, il recommande les vésicatoires, l'infusion d'angélique, etc. «< Ayant eu à soigner un nombre prodigieux de malades dans une › épidémie qui régna en Gallicie en 1806, et dernièrement encore à Vienne > dans les hôpitaux militaires français.... j'ai été très-heureux avec ce traite» ment, puisque je n'ai pas perdu dix malades. »

Rasori (2) dit qu'il traita d'abord la fièvre pétéchiale d'après les idées de Brown, par les échauffants, le vin, le quina, etc. Mais le mal augmentant visiblement sous l'influence de ces moyens, il mit en usage, les boissons acidules, les sels neutres, le tamarin, mais surtout le tartre stibié et le kermès qu'il donnait avec profusion pour contre-stimuler. Le succès de cette méthode fut si heureux qu'il ne perdit pas un seul de ses malades, et cependant, ajoute-t-il, j'en ai traité beaucoup, parmi lesquels il y en eut qui furent en grand danger. Il confirma la bonté de cette méthode pendant douze ans dans les hôpitaux civils et militaires, dans beaucoup d'épidémies et dans les fièvres des prisons.

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Le professeur Villa, directeur de l'hôpital de Lodi, employa ce traitement en 1812, dans une épidémie de fièvre pétéchiale. « Voici le résultat numérique › de l'issue de ces fièvres dans cet hôpital: il y avait 21 hommes et 14 femmes, › en tout 55; il est mort seulement 2 hommes et point de femmes, ce qui › donne une mortalité de cinq ou six pour 100. »

Hamilton eut occasion d'employer les purgatifs dans une épidémie de typhus qui se déclara à Leith près d'Edimbourg en 1781; il remarqua (5) qu'ils ne

(1) Du typhus contagieux, Paris 1811, p. 194 à 200.

(2) Fièvre petechiale de Gènes. Paris 1822.

(5) Avantages des purgatifs. Paris, 1825, p. 55 à 59.

guérissaient que par les évacuations alvines qu'ils provoquaient... Ils dirigent, en effet, de haut en bas les matières contenues; ils déplacent et entraînent complétement les fèces, qui dans ce cas deviennent irritantes... La nécessité d'expulser cette masse nuisible est donc évidente. Les purgatifs étant donnés de bonne heure, rendent les premiers symptômes moins graves, en préviennent de plus redoutables, et terminent ainsi très-promptement la maladie.

Je pourrais multiplier à l'infini les citations et exposer encore longuement les noms et les travaux des auteurs anciens qui, comme ceux que je viens de passer en revue et d'analyser, ont employé la méthode évacuante dans le traitement des fièvres continues; mais à quoi bon, j'ai hâte d'arriver aux travaux des modernes, et de voir si les brillants résultats annoncés par les anciens se trouvent en parfait accord avec les succès qu'ont obtenus les médecins de nos jours.

En 1851, M. de Larroque, nommé médecin de l'hôpital Necker, commença une série d'expériences cliniques sur la fièvre typhoïde, qui portaient en elles le germe d'une salutaire révolution dans le traitement de cette maladie. On était alors à une époque de transition. L'étoile de Broussais pâlissait, et bien que sa doctrine eût encore de nombreux partisans, les médecins éclairés sentaient bien qu'elle conduisait à une pratique compromettante et souvent désastreuse. S'inspirant des travaux des anciens, et cherchant à mettre à profit leurs enseignements, M. de Larroque pensa que ce qu'il y avait de mieux à faire au milieu du monceau de ruines qui se faisait de toutes parts, c'était de sauver ce que les écoles les plus brillantes du dernier siècle avaient recueilli des traditions médicales, en soumettant de nouveau les anciens faits au creuset de l'expérience clinique, rendue aujourd'hui si sévère, grâce aux méthodes modernes d'investigation. M. de Larroque prit donc pour sujet particulier de son étude, la fièvre typhoïde, ce proto-type de la gastro-entérite de Broussais. Il examina avec une attention toute particulière les sujets qui en étaient atteints dans son service, et se convainquit, dit-il, « que chacun d'eux avait ressenti d'abord en totalité ou en partie les symptômes que Pinel attribuait à l'embarras gastrique, et que Tissot donnait comme indicateurs du premier degré de l'épidémie de Lausanne. Il vit en second lieu que les malades au bout d'un certain nombre de jours, et quelquefois après une ou deux semaines, avaient fini par avoir une fièvre que les mêmes auteurs aussi bien que Stoll ont qualifiée de bilieuse, et que d'autres observateurs ont appelée saburrale. Il observa enfin, que lorsque rien n'avait été fait pour combattre cet état morbide, ou bien quand on avait employé des remèdes qui ne convenaient pas, et qui souvent lui étaient contraires, il revêtait tout en conservant plus ou moins son caractère primitif, les formes d'une fièvre angéioténique, adynamique et ataxique.

J'ai déjà dit que je n'admettais pas la théorie de M. de Larroque, mais je n'en suis pas moins partisan de la méthode de traitement dont il s'est fait le restaurateur, et je la regarde comme bien supérieure à toutes celles qui ont été préconisées, et dont je parlerai dans un instant.

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