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mier métacarpien; rougeur violacée à la partie interne du petit doigt et de l'annulaire.

Même traitement et même régime.

Le 24, le malade se rend chez moi. Santé générale excellente, gaieté, espoir certain d'une guérison assez prochaine. L'escarre est circonscrite par un cercle inflammatoire assez douloureux. Les tubercules sont moins volumineux; encore quelques phlyctènes contenant une sérosité transparente. La petite plaque gangrénée, siégeant au-dessus de l'éminence thénar, est circonscrite par un cercle inflammatoire. Tuméfaction diminuée.

Traitement. Cessation de la potion; même régime.

Le 28, appelé auprès du sieur Gérardin, que je croyais en voie de guérison, je le trouve atteint d'un tétanos qui devient mortel, malgré un traitement énergique. Ce tétanos est survenu à la suite d'une longue promenade, faite dans la soirée du 26, au bord d'une rivière.

Ainsi ce malade, au moment de recueillir les fruits de l'opération douloureuse qu'il avait courageusement supportée (son état général ne m'avait point permis la chloroformisation pour l'application des cautères actuels), a succombé à une affection accidentelle, au tétanos traumatique, résultat de l'impression du froid humide sur la plaie produite par la chute de l'escarre faite avec les cautères actuels.

Nous aurons à revenir sur toutes ces observations, lorsque nous aurons rapporté la suivante.

DEUXIÈME PARTIE.

De la pustule maligne, non mortelle, même quand elle n'est pas traitée

rationnellement.

14o OBS.François Bruno, âgé de 46 ans, homme robuste, d'une bonne santé habituelle, menant une vie régulière, principal ouvrier de la tannerie du sieur Evon, de la maladie duquel nous avons parlé (voir la 2a observation), me présente, le 20 septembre 1858, à la partie externe et inférieure de l'avant-bras gauche, une pustule maligne, nettement caractérisée, par un centre noirâtre, dur, déprimé, circonscrit par un cercle, non interrompu, de phlyctènes inégalement élevées et contenant un liquide brun. Ce bouton cause une douleur légère, mais brûlante et un peu tensive. Les chairs, qui l'environnent, ne sont ni engorgées, ni érysipélateuses. Le pouls est calme.

Le sieur Bruno, nullement inquiet, quoique cependant, il attribue son affection à la piqûre d'une mouche repue d'un corps en putréfaction (probablement une peau de veau, exhalant une odeur repoussante), se borne, depuis l'apparition de son mal, à laver fréquemment, avec de l'eau de rivière, son bouton et à panser celui-ci avec une feuille de tussilage, à laquelle, il est vrai, il attribue une grande vertu.

Ayant toute liberté de surveiller la marche de cette maladie et Bruno, averti du danger qu'il court, m'ayant promis de se soumettre au traitement que je lui

conseillerais, dans le cas où de la gravité s'annoncerait, je ne change rien aux moyens employés.

Voici ce que j'ai observé :

La gangrène, après avoir acquis la surface d'une pièce de deux francs, sans produire de troubles généraux, est restée stationnaire. Au bout de trois jours de cet état, autour d'elle s'est montré un cercle inflammatoire; puis, concentriquement à celui-ci, un sillon, produit par le retrait et la fonte de la gangrène.

Peu après la plaque sphacélée s'est détachée, et la plaie, résultat de sa chute, s'est promptement cicatrisée.

Le seul pansement, pendant tout le cours de cette maladie, hormis un seul jour où de l'eau chlorurée fut employée, a consisté dans l'application d'une feuille de tussilage.

Arrêtons-nous, quelques instants, sur ces six observations de pustule ma

ligne.

Dans les cinq premières et spécialement dans les 12e et 13, l'on peut suivre les progrès dangereux du mal et, deux fois (Observations 9o et 10o), même le voir arriver jusqu'à la mort.

Ainsi, ces cinq observations sont autant d'exemples de la pustule maligne dangereuse et même mortelle.

Deux fois (Observations 9e et 10°), aucun traitement n'a été employé, parce que la maladie avait fait de tels progrès, que tout moyen thérapeutique était évidemment inutile.

Une fois (Observation 11), après des incisions, un caustique potentiel (nitrate acide de mercure) a été employé.

Deux autres fois (Observations 12e et 13), adoptant en cela l'avis de Celse (De medicina, lib. V, caput XXVIII), nous avons cautérisé le mal, avec le fer rouge. Nil meliùs est, dit cet auteur, quàm protinùs adurere. Neque id grave est; nam non sentit, quoniam ea caro mortua est. Finisque adurendi est, dum ex omni parte sensus doloris est.

Suivant ce précepte, nous avons cautérisé chaque fois, jusqu'à ce que le patient ait accusé de la douleur. En effet, de la sorte, on est persuadé de détruire la source du poison, toutes les chairs infectées, et, par conséquent, d'arrêter la propagation du mal et l'empoisonnement général.

Bien que plusieurs praticiens (ainsi MM. Bourgeois, d'Étampes, Babault, Poulain, Harreaux, Vaucoret, Girouard), conseillent la cautérisation : les deux premiers, avec un crayon de potasse caustique; les autres, avec du deutochlorure de mercure; bien que nous ayons nous-même employé, avec succès, cette cautérisation potentielle, comme le prouve notre 11° observation, nous donnons, cependant, la préférence au fer rouge comme caustique; et repoussons le nitrate d'argent, conseillé par M. Thore fils, comme étant, le plus ordinairement impuissant, de même que le simple pansement de la tumeur soit avec un onguent (égyptiac employé par Régnier), soit avec de l'eau tiède (voir Pouteau,

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1. c., p. 321), malgré une préalable incision circulaire, assez profonde pour limiter le mal.

Le fer rouge est le caustique le plus simple, le plus facile et le plus prompt; parce qu'il pénètre plus sûrement que les autres dans toute l'étendue, dans toute la profondeur de la tumeur qu'il faut détruire. Il est le plus sûr dans le commencement, dit Pouteau (OEuvres posthumes, t. II, p. 522), puisqu'il est la plus grande ressource lorsqu'on a laissé propager le mal. Cependant, lorsque le chirurgien a affaire à un individu intimidé, qui refuse obstinément le fer rouge (Observation 2o), il est obligé de recourir au cautère potentiel (1). En pareil cas, le bouton gangréneux doit, préalablement, être incisé, au moins crucialement, dans toute son étendue et son épaisseur, et être débarrassé, autant que possible, de sa plaque gangrénée, afin de permettre au caustique d'agir jusqu'aux parties saines.

Tant que la pustule maligne est simple ou que l'affection n'est encore que locale (Observations 11o et 12o), le traitement local, je veux dire la cautérisation, suffit.

Si la pustule maligne, non traitée à temps ou convenablement, par la cautérisation, et même malgré le traitement, ne borne plus ses effets, dans un cercle qui puisse être attaqué, avec succès, par le caustique, ou fait déjà sentir ses funestes conséquences sur les parties voisines et même sur toute l'économie, alors la cautérisation, quoique nécessaire pour détruire le foyer principal, ne suffit plus, employée seule; il faut, comme dans l'empoisonnement par le charbon malin, conseiller les toniques. Les préparations de quinquina, l'acétate d'ammoniaque, le café, le vin, sont les moyens les plus efficaces pour combattre l'hyposthénie. Tout en les employant, il ne faut pas négliger certains antiseptiques tels que le camphre et les chlorures. Notre 15 observation présente un résumé de ce traitement général, adjoint au traitement local.

«

Dans une séance de l'Académie de médecine de Paris (celle du 29 septembre 1857), M. Piorry a parlé d'une pustule maligne qui se développe comme les autres ; c'est, dit ce professeur, la matière putride de l'intestin en contact avec les tissus, qui détermine un véritable œdème charbonneux, auquel les malades succombent au bout de trois à quatre jours.

A nos yeux, cet accident n'est point une pustule maligne, car il n'est point le résultat de l'inoculation du virus charbonneux, tel que nous le connaissons, ni même un charbon malin local, externe. Cette gangrène, purement locale, n'est qu'un résultat de la pression d'une longue durée, entre le lit et le sacrum, des tissus déjà profondément altérés dans leur vitalité par la maladie générale. Ce que je dis est tellement vrai, que cette gangrène, locale, se montre dans les mêmes circonstances et sous l'influence des mêmes causes, sur les parties charnues qui recouvrent les grands trochanters et les tubérosités ischiatiques. En

(1) MM. Lopez, Poulain, Vaucoret, Salmon, Maunoury et Raimbert donnent la préférence au deutochlorure de mercure, et M. Bourgeois à la potasse caustique.

pareil cas, le malade succombe à l'épuisement, mais non à un empoisonnement général, suite de l'inoculation, soit interne, soit externe, du virus charbonneux, dont nous avons parlé dans la première partie de ce travail.

Entre le véritable charbon malin et la pustule maligne principalement, d'une part; de l'autre, la gangrène typhoïde, si bien décrite par différents auteurs (voir Chomel, Clinique médicale, t. I, p. 498 et la page 450 du t. VIII de la Bibliothèque du médecin praticien, etc.), il y a une grande différence sous les points de vue de l'étiologie, du pronostic et du traitement. En effet, celle-ci, je veux dire la gangrène typhoïde, ne se montre que sur certains points déterminés, ceux qui supportent le corps ou qui endurent le contact prolongé des urines et des matières fécales, comme d'ailleurs M. Piorry, lui-même, en a publié un bel exemple, en 1844, à la page 474 de la Gazette des hôpitaux. La 14 observation offre, à nos yeux, du moins, un grand intérêt : aussi doitelle nous arrêter quelques instants.

Tout d'abord nous avons à résoudre cette question: le bouton gangréneux de Bruno était-il vraiment une pustule maligne?

Si l'on considère les symptômes qu'a présentés ce bouton point ressemblant à une piqûre de puce, démangeaison; puis centre dur, limité, gangréné et déprimé, par suite de l'élévation d'un cercle de phlyctènes noirâtres; extension de la plaque gangrénée, et, tout à coup, cercle inflammatoire limitant l'affection; si, disons-nous, l'on considère cet ensemble de symptômes, le diagnostic de la pustule maligne est facile.

De plus, si l'on réfléchit au point de départ de ce bouton qui est le même que celui du charbon malin externe du sieur Evon (voir notre 2e observation), l'on est forcé d'admettre que l'affection de Bruno était réellement une pustule maligne.

En effet, le charbon du sieur Evon (charbon que l'on ne saurait confondre avec l'affection appelée, par M. Bourgeois, œdème gangréneux des paupières et caractérisée par l'absence de l'escarre centrale); en effet, disons-nous, le charbon du sieur Evon s'est montré le même jour qu'est apparue la pustule maligne de Bruno; et l'on se rappelle que ces deux individus, au moment de leur accident, étaient attachés à la même mégisserie, et ont attribué leur mal à la présence d'une peau de veau, corrompue, reçue ce jour.

Ainsi, cette 14 observation donne donc la preuve incontestable que le charbon malin externe et la pustule maligne ont ou peuvent avoir la même cause. C'est là un point d'étiologie, très-important, entrevu par Fournier, admis par M. Nélaton, sur lequel des preuves irrécusables ont manqué jusqu'à ce jour.

Mais pourquoi, sous l'influence d'une même cause; dans un cas, le charbon; dans l'autre, la pustule maligne? Quelle différence existe-t-il entre le charbon malin, local, externe, et la pustule maligne?

On comprend l'importance de ces questions, sous les points de vue de l'étiologie, du pronostic et du traitement.

Suivant nous, jusqu'à ce jour, ce problème ne paraît pas généralement résolu,

parce que les auteurs, en comparant les symptômes différentiels du charbon malin et de la pustule maligne, n'ont jamais eu en vue que le charbon général interne et non le charbon externe dont nos deux premières observations offrent chacune un bel et rare exemple.

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D'après notre expérience, MM. Bérard et Denonvilliers, seuls, nous semblent être dans la bonne voie, lorsqu'ils disent : « La pustule maligne est tou> jours le résultat de l'action, locale et primitivement peu étendue, du virus › charbonneux, sur la peau et la peau seule. Le charbon peut quelquefois se développer de la même façon; mais dans le plus grand nombre de cas, il › survient spontanément, ou par suite de l'inoculation du virus septique dans › les voies respiratoires ou digestives. » (Compendium de chirurgie pratique, t. 1, p. 281).

Pour nous donc le charbon malin, local externe (Voir nos deux premières observations) et la pustule maligne reconnaissent pour cause l'inoculation du même virus charbonneux, par une piqûre ou blessure. Ces deux maladies sont donc deux résultats d'une même cause. Seulement la différence qu'elles présentent, tient, très-certainement, à la quantité et à la qualité (qu'on me pardonne cette dernière expression) du virus septique; à la manière dont l'inoculation de celui-ci a été faite, et à l'idiosyncrasie du malade. En un mot, pour nous, ainsi le veulent les faits que nous avons observés, la pustule maligne n'est qu'un charbon malin, local, externe, moins grave que le charbon, par suite des circonstances que nous avons indiquées.

Revenons à notre 14e observation.

Celle-ci nous présente un exemple de pustule maligne, non grave, guérissant par les seuls efforts de la nature; car nul praticien ne se figurera que le sieur Bruno a raison d'attribuer la terminaison heureuse de sa pustule maligne aux feuilles dutussilage (Tussilago farfara). C'est ici le cas de se rappeler cette sentence du père de la médecine : « Invenit natura sibi ipsi vias non excogita» tione..... et cum nil dedicerit fucit quæ expediunt (lib. VI, Epidem., sect. 5, no 2).

D

En interrogeant les registres de la science l'on trouve de nombreuses pustules malignes guéries par les seuls efforts de la nature (Natura morborum medicatrix, Hippocrate; l. c., N° 1).

En effet, c'est dans cette catégorie qu'il faut ranger les pustules malignes, traitées heureusement par un emplâtre de cerfeuil et de bière (Pouteau; l. c., p. 520); par un mélange d'huile de tabac et de sulfure de mercure (Heister); par une infusion d'absinthe saoulée de sel ammoniac (Vitet, Essai sur l'art rétérinaire); par des applications émollientes (Monteggia, l. c., t. I, § 414); par des sangsues (Lisfranc, Journal de médecine et de chirurgie pratiques, t. II, p. 175; Bertrand, même journal, t. III, p. 585; Schacken, même journal, t. VI, page 67); par de l'encens (Aran, d'après Crifessi et Roméi, Revue de thérapeutique médic.-chirurg., 2e année, page 8); par des feuilles fraîches noyer (Pomayrol, Annales cliniques de Montpellier, avril 1855; Raphaël

de

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