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de manière à ne plus permettre la sortie du sang; de là, l'arrêt des hémorrhagies.

On voit que, dans l'état actuel de la science, deux théories sont en présence.

Ni l'une ni l'autre ne nous paraissent entièrement fondées.

Tout en admirant les progrès journaliers de la chimie, qui tendent à faire reposer la thérapeutique sur des bases solides, puisque cette science donne, pour les médicaments, des connaissances très-nettes et très-précises sur leur composition;

Quelque porté que nous soyons à tenir compte, dans l'économie, des réactions chimiques qui peuvent s'opérer entre les fluides animaux et les agents qui sont mis en contact avec eux, il nous est impossible d'assimiler l'appareil digestif et les vaisseaux à des appareils de laboratoire. Or, la théorie de l'auteur de ce mémoire, qui n'est que la reproduction de celle de M. Burin-Dubuisson, ne fait jouer aucun rôle aux organes; elle est toute chimique. Nous pensons qu'elle doit être rejetée, parce qu'elle est trop exclusive.

Nous en disons autant de l'opinion opposée, celle qui n'attribue aux préparations ferrugineuses qu'une action purement dynamique sur l'appareil digestif et sur les vaisseaux.

Frappé comme nous le sommes de la rapidité d'action du perchlorure de fer sur l'économie, et de ses merveilleux effets dans l'arrêt immédiat du cours des hémorrhagies, ainsi que de la rapidité avec laquelle il relève les forces du malade;

Prenant en considération les expériences de M. Bruch et d'autres, qui démontrent le passage du fer dans le sang, nous croyons que les préparations ferrugineuses agissent de deux manières, et par leur transport dans le sang, qu'elles tendent à reconstituer, et par leur action directe et stimulante sur les organes, auxquels elles impriment plus d'énergie.

M. Gibert : Il n'y a qu'une chose à dire au sujet de l'efficacité attribuée, dans le rapport, au perchlorure de fer, c'est que le purpura simplex guérit tout seul.

M. DEVERGIE: Le purpura simplex gué rit tout seul, cela est vrai; mais il guérit en quinze ou vingt jours, tandis que, sous l'influence du perchlorure de fer, il est modifié de la manière la plus remarquable dès les premiers jours et guérit très-rapidement. Quant au pourpre hémorrhagique, la commission n'a pas eu l'occasion d'en observer des cas.

Sur la demande de M. Trousseau, la discussion de ce rapport est renvoyée à la séance suivante.

Séance du 29 mai.

OBLITERATION DU COL DE L'UTERUS CHEZ LA FEMME ENCEINTE. M. DEPAUL termine la lecture du mémoire dont il a lu la première partie dans la séance précédente, sous le titre : De l'obliteration complète du col de l'utérus chez la femme enceinte, et de l'opération qu'elle réclame.

Les auteurs qui se sont occupés de cet état pathologique ne nient pas d'une manière absolue la possibilité de sa production; mais, sans rejeter toutes les observations, ils sont disposés à réduire à un fort petit nombre celles qui leur paraissent concluantes; ils attribuent surtout à des déviations du col l'impossibilité dans laquelle on s'est trouvé d'arriver jusqu'à l'orifice. Le hasard a fourni à M. Depaul l'occasion d'observer dans sa pratique trois cas dans lesquels une soudure complète s'était produite pendant la gestation. Il a pensé qu'il ne serait pas sans intérêt de les faire connaître, de les comparer à ceux qui existent déjà dans les annales de la science et d'y puiser, au point de vue de l'étiologie, du diagnostic et de la thérapeutique, quelques considérations qu'il espère ne devoir pas être sans utilité pour les médecins qui se trouveront en présence de cas semblables. Tel est l'objet de ce mémoire.

Voici le résumé des deux premiers faits que M. Depaul a observés.

Le premier fait est relatif à une femme dont le bassin, notablement rétréci, avait exigé pour un premier accouchement l'opération de la céphalotripsie. Elle était en travail depuis deux jours, lorsque M. Depaul fut appelé. Outre le vice de conformation du bassin, il constata par le toucher et par le spéculum que le col utérin était dépourvu de toute ouverture indiquant qu'il fût perméable. Ce ne fut encore que deux jours plus tard, qu'après avoir pris l'avis de M. Paul Dubois, il se décida à pratiquer une incision au centre de la portion de la matrice proéminant à la partie supérieure du vagin. L'operation réussit et justifia le diagnostic; mais, vu l'étroitesse du bassin, il fallut, cette fois aussi, recourir à la céphalotripsie pour terminer l'accouchement.

Dans le deuxième fait, il s'agit d'une femme multipare, qui était enceinte d'environ sept mois lorsqu'elle entra, au mois de septembre 1855, dans le service de M. Trousseau à l'Hôtel-Dieu, pour des vomissements opiniâtres et presque continuels auxquels elle était en proie depuis longtemps. Toute espèce de médication

ayant échoué, M. Trousseau réunit en consultation ses collègues de l'Hôtel-Dieu, pour agiter la question de l'avortement provoqué. Sur l'avis de M. Depaul, qui assistait à la consultation, cette opération fut ajournée. Cependant les vomissements persistaient.

Le 11 octobre, la malade ayant eu une attaque d'éclampsie, M. Depaul fut appelé pour pratiquer l'accouchement prématuré artificiel. Mais pendant qu'il procédait à l'aide du toucher, il reconnut à l'aide du toucher, ce qu'il confirma ensuite par l'examen avec le spéculum, que l'orifice interne du col utérin était complétement oblitéré par une cloison tranversale, épaisse et résistante. Quelques-uns des assistants constatèrent aussi cette lésion. M. Depaul pratiqua alors le débridement, et, lorsque le col fut suffisamment dilaté, il se hata de terminer l'accouchement à l'aide du forceps. Mais les attaques d'éclampsie ayant continué, la malade succomba deux jours après.

M. Depaul, après avoir rapporté dans la deuxième partie de son Mémoire un troisième fait semblable aux deux précédents, examine les questions d'étiologie, de diagnostic et de traitement soulevées par ces trois faits. Nous reviendrons sur cette partie importante de la communication de M. Depaul.

M. VELPEAU demande la parole sur la lecture de M. Depaul; mais, en raison de la discussion déjà pendante sur le rapport de M. Devergie, il renverra ce qu'il a à dire après la clôture de cette discussion.

DISCUSSION SUR L'ACTION DU PERCHLORURE DE FER DANS LE purpura. - M. TROUSSEAU. Il y a deux choses dans le rapport de M. Devergie: 4o une appréciation de l'action du perchlorure de fer dans le traitement des hémorrhagies et en particulier du purpura; 2o une discussion de thérapeutique générale, dans laquelle, chemin faisant, M. le rapporteur dirige contre mes opinions des attaques dont je le remercie, mais auxquelles je dois répondre. Selon M. Devergie lui-même, il y a deux formes de purpura. Dans l'une, la poussée hémorrhagique ne s'accompagne pas de fièvre et n'est pas suivie de récidive. Celle-là guerit assez bien par les acides, par les astringents, par le quinquina; mais elle guérirait mieux encore, si l'on en croit M. Devergie, par le perchlorure de fer. Sous cette forme, elle guérit trop aisément et par trop de moyens différents pour qu'on puisse établir, sur sa disparition par le perchlorure, la preuve de l'efficacité de ce médicament.

L'autre forme est caractérisée par l'apparition de plusieurs éruptions successives, après chacune desquelles la fièvre tombe d'elle-même. Ce purpura à poussées fébriles est déjà plus grave que le premier. M. Devergie en a rencontré deux cas, qu'il a traités par le perchlorure de fer sans aucun succès. Or ce purpura est moins grave encore que celui dont a parlé M. Pize, et contre lequel il a employé si heureusement le perchlorure. Il y a là une difficulté bien capable de faire craindre des mécomptes pour l'avenir. Ce qu'il y a de plus singulier, c'est qu'avec la dose trèsminime de 1 gr. 20 cent. de perchlorure de fer, M. Pize ait obtenu la sédation du pouls. Cette action sédative de la circulation n'a été admise, je le crains, qu'en vertu d'une interprétation vicieuse des faits, et il me semble qu'on a pris pour l'effet du médicament la sédation du pouls, qui s'observe normalement après chaque poussée fébrile dans cette forme du purpura.

A propos des théories imaginées sur l'action du perchlorure de fer, M. Devergie a divisé, au point de vue de leurs idées sur les actions médicamenteuses, les médecins en deux camps. Dans l'un il a placé les chimistes, dans l'autre les vitalistes. Mais, à mon avis, s'il y a quelques substances, le fer par exemple, les alcalins, les acides, pour l'action desquelles la chimic puisse risquer une théorie plus ou moins justifiée, pour l'immense majorité des autres médicaments il ne lui est pas même possible d'essayer une explication. En sorte qu'à vrai dire ce n'est pas un camp que les chimistes forment en médecine, puisqu'ils ont à peine pu dresser une tente sur ce domaine. Ce n'est certainement pas à l'aide du perchlorure de fer qu'ils entreront dans la place. Entendez-les plutôt nous parler, pour rendre compte de son action hémostatique générale, de l'épaississement du sang qu'il détermine dans les capillaires, dites s'il est possible d'inventer pareille énormité. Voilà le perchlorure ingéré dans l'estomac pour arrêter une hémorrhagie de l'utérus. Il passera, sans y laisser de trace, dans les capillaires de l'estomac d'abord, puis il prendra les mêmes précautions pour les capillaires du foie, pour les capillaires du poumon, pour les capillaires de tous les organes; mais, quand il arrivera à l'utérus qui l'attend, il fera là seulement tout ce qu'il est capable de faire.

L'explication de l'action du perchlorure de fer pris comme réparateur du sang n'est pas plus heureuse. L'acide, dit-on, se combine avec la soude du sang et le per

oxyde avec l'albumine, de façon à constituer la matière des globules.

Les vitalistes ne vont pas aussi loin dans leurs éclaircissements. Ils se contentent de supposer (ils supposent, ce qui est moins avantageux que d'affirmer) que le fer met en jeu l'action des tissus vivants, de manière à modifier les fonctions de sécrétion et de nutrition; d'où la cessation des flux, d'où la reconstitution du sang.

La chlorose semblait être jusqu'à présent le triomphe de l'explication chimique des actions médicamenteuses. Les chlorotiques n'avaient pas assez de fer dans le sang; on leur en donnait et elles guérissaient. Mais voici que les analyses les plus récentes de M. Réveil montrent qu'il y a chez les chlorotiques, toute proportion gardée, plus de fer dans les globules sanguins que chez les autres femmes. Les chlorotiques n'ont donc pas besoin qu'on leur donne du fer; elles ont besoin seulement que le fer qui est dans leur sang y soit mieux réparti. Il va donc falloir renoncer à l'explication si claire des chimistes pour recourir aux explications vagues et nébuleuses des vitalistes.

M. Trousseau suspend iei son discours qu'il continuera dans la prochaine séance.

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Messieurs, je regrette de prendre la parole encore une fois. Mais il n'a pas dépendu de moi de terminer mardi dernier, l'heure trop avancée ne me l'a pas permis.

A la fin de la dernière séanee, quelquesuns de mes collègues les plus éminents de la section de chimie m'ont reproché de me battre contre des moulins, et d'avoir presque inventé des chimiàtres. Mais j'avais pris la précaution de dire que ce n'était nullement d'eux que j'entendais parler, et que je ne les considérais point du tout comme des chimiâtres. Ce n'était pas, croyez-le, une simple précaution oratoire; si j'avais eu à les combattre, je l'aurais fait du moins mal que j'aurais pu, bien que la seule chose que je sache celle-là je la sais bien - c'est que j'ignore absolument la chimie.

et

Dans la dernière séance, il a été dit que MM. Réveil et Favre avaient trouvé que la quotité de fer chez les chlorotiques était la même que chez les personnes bien portantes. Je suis incapable de juger la valeur

de cet argument; on ne saurait m'en rendre responsable, mais je veux bien l'abandonner et ne plus m'en servir. Je ferai comme s'il n'était pas; il m'est inutile.

On a confondu et on confond encore tous les genres d'anémic. Cette confusion est déplorable. Il y a une différence immense entre la chlorose et l'anémie, comme entre la variole, par exemple, et l'ecthyma. N'est pas chlorotique qui veut, messieurs.

Dans la chlorose confirmée, il y a, comme l'ont démontré M. Burcq, M. Beau, etc., constamment de l'asthénie musculaire, de l'anesthésie, de l'analgésie, des perturbations morales profondes, etc., des spasmes, des troubles de tout le système nerveux, ce souverain mobile de l'organisme. Qu'une jeune fille, importunée par ses règles, prenne un bain de pieds, elle deviendra chlorotique au bout de quelques jours, non pour avoir perdu du sang, mais pour en avoir gardé. La chlorose disparait plus tard par une perte de sang, la perte cataméniale. La chlorose accompagne quelquefois la femme jusqu'au dernier terme de sa vie.

L'anémie, au contraire, constituée en quelques minutes par l'ouverture d'un gros vaisseau, se guérit plus ou moins rapidement, toujours plus rapidement que la chlorosc, et, une fois guérie, ne laisse aucune trace. Je n'énumérerai pas devant vous toutes les causes qui peuvent la provoquer. Tout le monde sait que la syphilis, l'inanition, l'intoxication palustre, la maladie de Bright, la leucocythémie, etc., s'accompagnent d'anémie. L'alimentation seule la fait disparaître rapidement.

Après des saignées copieuses, l'anémie se produit, mais il n'est pas nécessaire d'avoir recours à un traitement pour guérir l'anémie, l'hygiène suffit.

Mais il est une objection qu'on ne manque pas de formuler. C'est que l'anémie ne guérit pas dans les cas de syphilis, de leucocythémie, etc., alors qu'il y a derrière elle une cause persistante qui s'oppose à la guérison. Eh bien, c'est que, dans les cas de cachexic, le malade a perdu des aptitudes à la reconstitution du sang, et non pas seulement du sang, ce qui est fort différent. Cette perte d'aptitudes se guérit par le mercure dans la syphilis, par le quinquina dans la cachexie palustre, parce que ces médicaments sont des spécifiques contre la cause qui a déterminé l'anémie. N'en serait-il pas de même, messieurs, pour la chlorose, dont le fer serait le spécifique, à la manière du quin

quina, du mercure, pour l'anémie, dans les cas que je viens de dire?·

Faut-il accepter le passage du fer dans le sang? Mais l'albumine injectée dans les veines est rejetée par les urines, l'économie veut faire elle-même l'albumine dont elle a besoin.

Il en est de même du sucre ; il en est de même de l'eau, de l'iode, etc.

Toutes ces substances passent dans le sang, le traversent, mais ne s'y fixent pas. Il en est probablement de même aussi du fer.

M. Guillot pèse le fer ingéré et celui qui est rejeté par les fèces ; la quantité est égale. Toutefois, il est possible qu'il y ait là des erreurs de quelques milligrammes.

Mais prenons les substances dont parlent le plus volontiers nos adversaires, et dont l'action est le moins controversée.

On a dit que je me battais contre des moulins. Mais alors, messieurs, il y a deux grands moulins dans le monde : ce sont Liebig et Dumas. Voilà deux illustres chimiatres. Ils ont fait jouer tous deux un role immense à la chimie dans la thérapeutique. Or, la chimie doit éclairer et non diriger la médecine.

Je me bats contre des moulins! Mais il faut voir aux examens de la Faculté avec quelle avidité les élèves saisissent les explications de l'ordre chimique ou physique.

M. Garrod vient de publier à Londres un livre sur la goutte, où l'on ne considère cette maladie que comme une diathèse urique. Tout dépend, selon l'auteur, d'un excès d'urate de soude dans le sang. Son dépôt dans les jointures est la cause et non l'effet des accès. D'où la médication chimique que vous connaissez ; d'où les drogues sans nombre: colchique, sirop de Boubée, pilules de Lartigue, remèdes de Laville, de Perthaud, etc., qui ont tué autant de goutteux que les eaux de Carlsbad et de Vichy.

Il en est de même de la gravelle urique. L'illustre Thénard, ayant rendu quelques calculs vers la fin de sa vie, se mit à essayer ses urines, et toutes les fois qu'elles ne donnaient pas la réaction voulue, il prenait une certaine quantité de sel alcalin. Au bout de peu de temps de ce régime, sa santé était sensiblement altérée, et il s'aperçut qu'il valait mieux encore rendre de temps en temps quelques calculs et ne pas s'exposer à ce qu'on pourrait appeler la diathèse alcaline.

Il est d'ailleurs une chose remarquable,

c'est

que les eaux les plus vantées contre la diathèse urique: Vals, Vichy, Carlsbad, Pongues, Contrexéville, sont précisément

efficaces en raison inverse de leur alcalinité.

Comment se fait-il qu'après trois semaines de séjour à Vals, à Pougues, à Carlsbad ou à Vichy, les malades soient pendant un an sans rendre de calculs? Evidemment, l'alcali n'est plus dans le sang. Mais l'économie a été remise dans les conditions normales, voilà tout.

Au surplus, rien n'est plus commun que des guérisons obtenues par des eaux qui sont minérales autrement, ou qui ne le sont pas du tout, telles, par exemple, que Plombières et Bagnères-de-Bigorre, qui ne sont guère plus minéralisées que l'eau de la rivière.

Pour la dyspepsie, les incertitudes sont tout aussi grandes. Un homme, très-gênant pour tout le monde, parce que ses expériences renversent les théories les mieux faites et les plus séduisantes, M. Cl. Bernard, a montré ceci : Quand, à un chien ayant une fistule stomacale, on fait prendre un sel alcalin, ce sel est neutralisé à l'instant par le sue gastrique, et, à l'instant anssi, il se fait un écoulement plus abondant, comme une hypersécrétion de suc gastrique. De telle façon que le meilleur moyen pour remplir l'estomac de suc acide, serait peut-être de donner un sel alcalin. Mais la question est d'être utile, en médecine le comment nous échappe ; il est secondaire.

Revenons au rapport.

Une femme est prise d'hémorrhagie, on lui fait des affusions froides. Qu'arrive-t-il? Juste le contraire du sens commun. Le sang s'arrête, alors que les capillaires s'affaissent, que la peau se décolore et que le sang, refoulé à l'intérieur, devrait augmenter l'hémorrhagic.

Un verre d'eau glacée portée dans l'estomac d'une femme qui à ses règles, produit le même effet Et cependant, nous voulons que les médicaments pris par la bouche, agissent toujours différemment de ce qui se passe pour la peau. Pourquoi le sang s'arrête-t-il dans ces deux cas ? Nous n'en savons rien.

Savons-nous davantage d'où vient l'incontestable puissance de l'hydrothérapie; et pourquoi les armatures de métal appliquées sur les muscles de l'avant-bras, décuplent la force de préhension; et cela dans l'espace d'une demi-minute? Nous ne le savons pas et nous ignorons bien d'autres choses. Ainsi, tous les vomitifs sont des irritants de la muqueuse. Mais pourquoi l'irritation de la muqueuse faitelle entrer en convulsion les muscles respirateurs ? On n'en sait rien. Que fait la

chimie, que fait la physique pour expliquer cela? Les mouvements du vaisseau, de l'escarpolette font aussi vomir. Comment le chatouillement des pieds fait-il mourir? C'est absolument inexplicable. Toutes les explications physiques et chimiques ne sont pas soutenables, et nous sommes forcés toujours de convenir que nous ne savons pas.

On me dit Vous démolissez toujours, vous n'édifiez jamais. Mais il m'est impossible d'expliquer ce que vous voulez que j'explique. Êtes-vous organicien ou vitaliste? me demande-t-on. Je n'en sais trop

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Dans l'ordre matériel, pour rester dans ce que nous connaissons, toute force suppose un substratum matériel. Il n'existe pas de force à l'état abstrait. La lumière ne se peut concevoir sans corps lumineux, l'électricité sans corps électrisé, la pesanteur sans corps pesant, etc., bien qu'on puisse soumettre au calcul ces différentes forces, considérées indépendamment de leur substratum. Ces forces peuvent être associées par l'intelligence humaine en vue d'un but à atteindre ; l'homme, avec la matière brute, peut créer des fonctions téléologiques, c'est-à-dire convergeant vers une action déterminée. Ainsi, une montre, une locomotive, sont de vrais organes, et ils remplissent de véritables fonctions. Avec la matière organisée, c'est plus diflicile pour nous, mais il paraît que c'est très-facile pour l'intelligence suprême, par ce que nous voyons tous les jours et de toutes parts.

L'intelligence humaine qui a présidé à l'association de la matière pour créer l'organe, ne préside pas à la fonction; la montre, une fois montée, marche seule ; la machine, une fois allumée, traîne les convois, indépendamment de la volonté de l'horloger ou du mécanicien.

Il en est de même pour les organismes qu'a créés l'intelligence suprême, leur fonctionnement est fatal. L'animal, la

plante, une fois mis dans leur milieu, s'y développent, s'y nourrissent, etc., en vertu de l'adaptation de leur organisation à ce milieu, et sans qu'il soit nécessaire de faire intervenir une volonté, un principe, une force extrinsèque à eux et dont ils n'ont plus nul besoin.

Si j'admets le principe vital pour l'homme, il faut, de toute nécessité, que je l'admette aussi pour un chou.

Je reste donc, messieurs, au point de vuc de l'homme une fois organisé et fonctionnant seul, par le seul fait de l'association de ses organes. Je suis ici matérialiste, organicien, si vous voulez, mais dans un autre sens, il est vrai, que quelques-uns qui prennent ce dernier nom. Mais, messieurs, il est un système nerveux qui constitue l'animalité. Lien harmonique et mystérieux de tous les systèmes, dont nous ne savons rien ou presque rien.

Ce système nerveux, mis en jeu par des causes physiologiques, pathologiques ou intellectuelles, introduit dans l'économie des perturbations imprévues et incalculables.

De ce que ces derniers phénomènes sont plus mystérieux, plus étranges, il ne s'ensuit pas qu'ils s'accomplissent en dehors des propriétés de la matière organisée et vivante; ce sont des phénomènes plus complexes, et rien de plus.

Eh bien, messieurs, si vous considérez que la plupart des agents de la matière médicale exercent une action sur le système nerveux, vous accepterez l'immense difficulté de l'interprétation. Vous ne vous haterez pas d'expliquer par des réactions purement chimiques, ou par l'intervention d'une force vitale indépendante des tissus vivants, ce qui se passe dans l'organisme.

Vous deviendrez plus humbles dans vos explications, et vous aurez le courage de confesser votre ignorance.

Est-ce donc si difficile? Ne pouvons-nous pas nous résigner, au lieu de vouloir fixer toujours des dogmes à la façon des conciles, nous résigner, dis-je, à constater des faits? N'est-ce pas, en définitive, là qu'il faut toujours revenir?

On commence par l'empirisme; le rationalisme vient ensuite. L'analogie nous sert; la systématisation se fait en dernier lieu.

Le premier qui a eu l'idée d'introduire un collyre au nitrate d'argent dans l'œil a fait quelque chose de bien absurde. Il en est sorti cependant toute la théorie des substitutions, c'est-à-dire le système le plus large et le plus fécond en thérapeutique. Je pourrais multiplier les exemples à l'ap

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