Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub
[ocr errors]

Il envoye des Ambaifa. dears aux

malazunte n'eftoit pas morte quand l'Ambaffadeur arriva en Italie, & que ce fut lui qui engagea Theodat à la faire mourir: qu'il le fit à l'inftigation de l'Imperatrice Theodora, qui connoiffant les belles qualitez d'Amalazunte, fut jaloufe de ce que Juftinien avoit tant de paffion de la voir à Conftantinople,& apprehenda qu'elle n'occupaft dans l'efprit & peut-être dans le cœur de ce Prince, la place qu'ellemême y avoit tenue jufqu'alors.

Quoiqu'il en foit l'occafion eftoit trop belle, & Juftinien tout fier de la conquefte que fon armée fous la conduite de Belifaire venoit de faire de l'Afrique fur les Vandales, fe trouvoit heureux d'avoir pour prétexte de porter fes armes en Italie, la vengeance de la mort injufte d'une Princeffe innocente,à qui il avoit promis fa protection, & il s'y prépara avec toute la diligence poffible.

C'eft-là où en eftoient les chofes au commencement du regne de Theodebert, & l'année d'après la conquefte du Royaume de Bourgogne. Il faut maintenant que je raconte la part que ce Roy & fes oncles prirent dans cette querelle, & les avantages qu'ils en retirerent.

L'Empereur Juftinien fut un Prince dont la politique contribua autant Reis François, aux grands fuccez de fes armes que le courage & la conduite de fes GeneFaux. Il eftoit neveu par fa mere de l'Empereur Juftin, qui l'affocia à l'Empire fur la fin de fa vie. Il avoit efté employé dans les armées fous le regne de fon prédeccffeur, & lorfque ce Prince l'affocia, il eftoit actuellement Chef de la Milice Prétorienne: mais il paroift avoir efté moins diftin

par les vertus militaires, que par Part de regner. Il l'étudia avec plus d'application que jamais quand il fut fur le thrône,& fans plus faire la guerre que par fes Lieutenans, il gouver, Tome I.

na de fon cabinet fes grands Etats. Ce fut avec tant de fuccez,que peu d'Empereurs Chrétiens l'ont en cela furpaffé ou même égalé: il reconquit l'Italie & l'Afrique que fes Prédeceffeurs avoient perduës, défendit heureufement fes frontieres contre les inondations des Barbares; & l'on peut dire qu'il fit autant d'honneur à l'Empire en le gouvernant, que les Peuples en avoient fait à fa maifon,qui eftoit trèsobfcure, en y élevant fon oncle, & lui après fon oncle. Comme fon deffein eftoit de recouvrer l'Italic, il penfa à donner de l'occupation aux Oftrogots du cofté de l'Occident, tandis qu'il les attaqueroit d'un autre costé avec toutes fes forces. La diverfion la plus capable d'obliger les Oftrogots à partager leur attention & leurs Troupes, eftoit de leur mettre les François fur les bras. Il envoya des Ambaffadeurs aux trois Rois François pour leur faire part de la refolution qu'il avoit prife de faire la guerre aux Gots d'Italie, & des motifs qui l'y obligcoient, & pour les inviter à fe joindre à lui. Les Ambafladeurs leur reprefenterent que les Gots avoient esté de tout temps les ennemis ou couverts ou declarez des François ; & qu'outre l'intereft commun que l'Empereur & la France avoient à les détruire,il eftoit queftion d'abolir dans l'Italie l'herefie Arienne que ces Barbares y avoient répandue de tous coftez, & qui y eftoit depuis tant d'années la Religion dominante. Ils accompagnerent la lettre de l'Empereur de fort beaux prefens qu'ils firent à ces Princes, & d'une groffe fomme d'argent pour les frais de la guerre, leur en promettant beaucoup plus encore dès que l'Empereur les fçauroit en action.

[merged small][ocr errors][merged small]

Les prefens, l'argent & les promeffes furent acceptées, & la ligue aufli in toft conciuë. Gregoire de Tours parle d'un Ambaffadeur de France nom

M

[blocks in formation]

mer.

Cependant Juftinien avoit fait marcher une armée par l'Illyrie fous la conduite du General Mundus, pour entrer dans la Dalmatie, & commeneer la campagne par le fiege de Salone, tandis que les François attaqueroient la Provence, ou entreroient par les Alpes en Italie; & Belifaire qui avoit le commandement general des armées, eftoit deja en mer avec une flote, où il y avoit fept mille hommes de débarquement, qui felon le bruit qu'on faifoit courir, n'eftoient deftinez que pour renforcer les Garnifons d'Afrique. Mais il avoit ordre de débarquer en Sicile, qui jufqu'alors avoit efté durant la guerre des Vandales comme un entrepos des flotes de l'Empereur, où elles s'arreftoient & prenoient des rafraîchiffemens. Ce General devoit y reconnoiftre la difpofition des habitans, s'informer de ce que les Gots y avoient de forces, & fuppofé qu'il crût l'entreprise facile, tâcher de s'en emparer; finon de continuer fa route vers l'Afrique. La Sicile eftoit fi mal gardée, & les habitans fi mécontens des Oftrogots, que Belifaire ne trouva prefque de réfiftance qu'à Palerme qu'il força de fe rendre, & en très-peu de temps il fut maiftre de toute l'ifle.

Le General Mundus de fon cofté batit les Oftrogots en Dalmatie & prit Salone. Mais fon fils ayant efté tué dans un combat,& lui enfuite dans un autre, où les ennemis neanmoins furent défaits,ni les Ostrogots,ni les Romains n'oferent plus tenir la campagne. Les premiers fe retirerent dans

leurs Places fortes; les feconds ne fe fiant pas aux habitans de Salone, abandonnerent la Ville; & n'ayant plus de General ni prefque d'Officiers,fe retirerent en defordre fur les Terres de l'Empire.

L'avis de la perte de la Sicile & de Salone eftant venu à Theodat le confterna tellement, qu'il declara à l'Ambaffadeur de Juftinien, qui eftoit demeuré jufqu'alors auprès de lui,qu'il eftoit preft de ceder l'Italie & tout fon Royaume, pourvû qu'on lui permist de vivre en homme privé; & qu'on lui fift des conditions avantageufes. L'Ambaffadeur eftant allé à Conftantinople porter de fi bonnes nouvelles, fut renvoyé auffi-toft pour conclure entierement cette affaire, avec ordre à Belifaire d'entrer inceffamment en Italie, & d'en prendre poffeffion au nom de l'Empereur.

Mais la nouvelle de la mort de Mundus & du defordre de l'armée de l'Empereur en Dalmatie fit changer de refolution à Theodat,qui au retour des Ambaffadeurs fe moqua d'eux & leur fit infulte.

Cependant les Rois de France de leur cofté affemblerent leur armée, comme ils en eftoient convenus avec l'Empereur, & envoyerent declarer la guerre à Theodat pour avoir fait mourir auffi injuftement que cruellement la Princeffe Amalazunte leur coufine germaine. (Car elle eftoit fille de la Sœur de Clovis que Theodoric avoit épousée quelque temps après s'eftre établi en Italie. ) Cette dénonciation étonna fort Theodat & fon Confeil déja trop embarraffez de la guerre qu'il falloit foûtenir contre l'Empereur.Il fut refolu de renforcer inceffamment les Garnifons de Provence. Theodat y envoya ce qu'il avoit de meilleures troupes ; & confia à Marcias bon Capitaine,la defenfe de toute cette frontiere. Comme on vit

[blocks in formation]
[merged small][ocr errors][merged small][merged small]
[blocks in formation]

Devenu méprifable & en mêmetemps fufpect à ceux de fa Nation, par quelques foupçons qu'ils eurent qu'il traitoit avec l'Empereur, il fut declaré dans une affemblée des plus confiderables d'entre les Gots, incapable de défendre l'état dans la perilleufe conjoncture où il fe trouvoit; & auffi-toft ils éleverent à fa place Vitigez homme d'une naiffance obfcure, mais grand Capitaine. Il commença par fe défaire de Theodat, qui fut pris comme il s'enfuïoit, & tué fur le champ la troifiéme année de fon regne. C'eftoit un Prince qui ne meritoit pas d'eftre Roy, & qui ne l'euft jamais efté fait par Amalazunte s'il euft merité de l'eftre.

Vitigez marcha à Rome où il fit arrefter & mettre en licu de feureté Theudegefifcle fils de Theodat. Il y tint un grand Confeil de guerre, où il fit comprendre aux Oftrogots qui le preffoient de marcher contre Belifaire, qu'il n'eftoit pas encore temps de le faire; qu'on devoit fe donner la patience de réunir toutes les forces de la Nation; que les meilleures Troupes eftoient occupées à garder la Provence contre les François ; qu'il falloit avant toutes chofes faire la paix avec cette Nation; & que quand tout feroit en fûreté de ce cofté-là, il ne feroit pas long-temps fans leur faire voir l'en

nemi

Il partit peu de temps après de Rome ayant tâché de faire comprendre au Pape Sylvere, au Senat & aux principaux du peuple qu'il avoit affemblez, l'intereft qu'ils avoient tous à demeurer fous la domination des Oftrogots, & à ne pas retomber fous la puiffance de l'Empereur d'Orient. Il y laiffa une Garnifon de quatre mille hommes, & prit avec lui plufieurs Senateurs pour fervir d'oftages & de gages de la fidelité des autres. Il vint à Ravenne, où il époufa la Princeffe Matazunte fille d'Amalazunte,pour se faire honneur de cette alliance, & regarder par lesOftrogots,comme adopté dans la famille du grand Theodoric fi chere à toute la Nation. Il s'y fit joindre par toutes les troupes qui étoient difperfées en divers endroits, excepté par celles qui eftoient fous le commandement de Marcias en Provence, pour veiller fur les deffeins & les démarches des Princes François.

La propofition que Theodat avoit faite à ces Princes, avoit déja un peu rallenti l'ardeur que l'argent & les autres prefens de l'Empereur leur avoient infpirée contre les Oftrogots,

Il épouse la ante.

Princeffe Mas

Ep Theo

deberti ad

Jitinian.

62.

& les tenoit en balance.Le Comte André, eftant venu fur ces entrefaites trouver Theodebert de la part de apud du l'Empereur, le mit dans l'embarras. Cheine, P, Entre autres nouveaux témoignages d'amitié qu'il lui apporta de la part de ce Prince, il lui apprit qu'il en avoit efté adopté. Cette adoption, comme j'ai déja dit, eftoit une pure marque d'amitié & d'eftime, qui ne donnoit aucun droit à la fucceffion de l'Empereur qui adoptoit. L'Envoyé eftoit chargé de lui demander trois mille hommes pour les faire marcher inceffamment en Italie, afin d'y joindre Bregantinus un des Generaux de l'armée de l'Empereur. Theodebert récrivit à Juftinien; & parmi les titres qu'il lui donnoit au commencement Mij

[ocr errors]

Il cede la

Reis François.

de fa réponse, il ajoûtoit celui de Pere en reconnoiffance de fon adoption : mais pour les trois mille hommes, il lui difoit que deux raifons l'avoient empêché de les faire partir. La premiere, que le Comte André n'eftoit arrivé que le vingtiéme Septembre, & par conféquent trop tard pour faire paffer les Alpes à ces troupes. Il ne marquoit point la feconde raifon; il difoit feulement que le Comte la lui diroit de bouche. Il promettoit en general de donner toûjours des marques de l'attachement qu'il avoit pour l'Empire; pourvû que l'Empereur de fon cofté eut l'égard qu'il devoit avoir aux interefts de fes Alliez. Cela vouloit dire fans doute, qu'il falloit que l'Empereur confentit que les François euffent quelque part aux conqueftes que l'on feroit en Italie; comme nous le verrons dans la fuite, ce fut toûjours le but de Theodebert de pouvoir y mettre le pied. Ainfi tous les fervices que les François rendirent alors à l'Empereur contre les Oftrogots, fe réduífit à attirer & à occuper de ce cofté-là une partie de leurs troupes, fans faire aucune entreprife confiderable.

car,

Vitigez cependant averti des negoProvence aux ciations de l'Empereur avec les François, fut d'avis de pourfuivre le deffein de Theodat; & fit confentir les Oftrogots, quelque repugnance qu'ils y euffent, à leur ceder la Provence, & toutes les autres Villes qu'ils poffedoient dans les Gaules, vû l'impoffibilité qu'il y avoit à fouftenir en meme temps les deux guerres ; & il les affura que quand il auroit une fois chaffé les Grecs d'Italie, il trouveroit bien moyen de reprendre ce que la neceffité l'obligeoit d'abandonner.

Cette réfolution eftant prife on députa vers les trois Princes François,

[blocks in formation]

* Bouteroue,Recherches curieufes des Monnoyes de France: Le Blanc Traité Hiftorique des Monnoyes de France. La vie de S.Cyptien Evêque de Toulon.

Vigilius Papa epit. ad A

xanium.

[ocr errors]

Il cede anfi

Theodet er Les Alpes Rbetiquess

Theodebert fit encore une nouvelle acquifition en cette rencontre. Il s'avifa de faire valoir un droit qu'il prétendoit avoir fur une partie des Alpes Rhetiques, aujourd'hui les montagnes des Grifons, ou du moins fur les peuples qui les habitoient. Ce droit eftoit que Clovis fon ayeul, après la bataille de Tolbiac s'eftoit rendu maiftre de tout le païs des Allemans, qui demeuroient entre le Rhin, le Mein & le Danube; une partie de cette Nation s'eftoit refugiée dans ces montagnes, où Theodoric Roy des Gots les reçut, & obtint de Clovis qu'il les laifferoit en repos. Ils y eftoient demeurez jufques Agathias 1. à ce temps-là. Theodebert prétendit qu'eftant Souverain du refte de la Nation, ceux-ci devoient auffi le reconnoiftre pour leur Roy. Les Oftrogots qui vouloient la paix avec luià quelque prix que ce fuft, lui pafferent encore cet article, & lui abandonnerent ce païs t. Ainfi la politique, qui a toûjours beaucoup plus en vûe l'utile que l'honnefte, fe fait une loy de tirer tous les avantages poffibles de la difgrace des malheu

Progres de

Italie,

reux.

Pendant que Vitigez fe préparoit Belfaire en ainfi à la guerre, Belifaire la faifoit actuellement avec beaucoup de fuccez. Un peu avant la mort de Theodat il avoit pris Naples, où la garnifon avoit efté paffée au fil de l'épée, & la ville de Cumes, qui eftoient les deux uniques places fortifiées

pour la défenfe de la Campagne
d'Italie. Enfuite par le moyen des
intelligences qu'il avoit dans Rome
avec le Pape Sylvere, & quelques
autres des principaux habitans, il y
fut
fut reçu fans coup ferir; la garnison
que Vitigez y avoit mife après fon
élection, ne fe trouvant pas affez
nombreuse pour refifter en même-
temps à une armée, & contenir le
peuple déterminé à recevoir les trou-
pes de l'Empereur; de forte qu'elle
capitula pour fe retirer en fureté.

Ainfi Rome, foixante ans après
qu'Odoacre Roy des Erules s'en fut
rendu maistre, revint fous la domi-
nation de l'Empereur d'Orient le
neuviéme de Decembre de l'année
536. qui fut la dixiéme du regne de
Juftinien *.Le Samnium, la Calabre,
la Pouille, & prefque tous les bords
de la Mer s'eftoient rendus à l'appro-
che de l'armée Imperiale: Belifaire Procop.l.1.de
avoit auffi envoyé quelques détache- bello Goth.
mens dans la Tofcane; mais fa princi-
pale application eftoit à mettre Ro-
me en eftat de fouftenir un fiege, pré-
voyant bien que Vitigez feroit de ce
cofté-là fes premiers efforts dès qu'il

auroit raffemblé toutes fes forces.

C.14.

Ce fut en effet le partique prit ce itige mer nouveau Roy des Oftrogots,qui après Rome, & le le fiege devant avoir fait de nouvelles levées,tiré une leve, partie des garnifons des Villes les moins expofécs, reçu celles des quartiers d'Italie les plus éloignez qu'il ne pouvoit pas garder, rappellé celles de Provence, fe trouva à la tefte

↑ Je fçai bien que le Traducteur d'Agathias, M.de Valois & d'autres Modernes ont entendu cet Hiftorien
en ce fens, que les Gots avoient obligé les Allemans à quitter les Alpes & à retourner dans leur ancien païs,
pour y vivre avec leurs autres compatriotes foumis à la domination de Theodebert. Mais il me femble qu'en
lifant attentivement le Texte Grec de ces Auteurs, il paroift plus vraisemblable que les Gots cederent à Theo-
debert le païs même, c'est-à-dire, les Alpes Rhetiques. Et en effet Procope 1.2. de bello Got. appelle Milan le
boulevard de l'Empire contre les François. Or & les François n'avoient pas efté maitres des Alpes Rhetiques,
ils auroient cfté fort éloignez de cette Ville.

* Dans Procope l.z. de Bel.Got. cap.14. il y a, que Rome ne fut remife fous l'obéïflance de l'Empereur que
l'onzième année de fon regne dinary res. Je croi qu'il faut lire dénazo, au lieu d'édézazov; car Juiti-
ενδέκατον
nien ne fut Empereur & aflocié par fon oncle Jukin, que l'an 527. au mois d'Avril fous le Confulat de Ma-
vortius; & de là à 536. au mois de Decembre il n'y a gueres que neuf ans & demi. C'est donc la dixième an
née de Juftinien & non pas l'onzi éme.

« VorigeDoorgaan »