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lefquels le peuple ne pouvoit s'empefcher d'en murmurer, & il ne finit que par le crime horrible que la jaloufie Et commettre à Deuterie. Elle avoit une fille de fon legitime mari qu'elle avoit toûjours tenue à la Cour auprès d'elle. Cette fille eftant devenue grande & affez belle pour effacer fa mere, elle devint få rivale; au moins Deuterie la regarda-t-elle ainfi. Sa jaloufie alla jufqu'à la faire perir. Elle gagna le Cocher qui menoit quelque fois fa fille à la promenade; & comme un jour il la conduifoit dans une J'ai déja dit Bafterne fur le pont de Verdun, il la fit verfer dans la Meufe, où elle fe noya. Le murmure des peuples qui augmentoit, & l'horreur de ce crime, acheverent de détacher Theodebert de cette infame; il ne la vit

Cap.16.

que c'eftoit une espece de Chariot,

Godemar eft

partagé entre

Les oncles.

plus, & redonna enfin à Wifigarde la
place qui lui eftoit due fur fon Tri-
ne & dans fon cœur.

guerre de Bourgogne avoit efté achevée, & la conquefte de ce Royaume faite dès la premiere année par Clotaire & Childebert, & partagée entre eux deux, fans que Theodebert y euft eu aucune part. Car outre que cet Auteur eftoit du païs, & proche de ce temps-là, nous avons une medaille de Theodebert frapée à Châlons fur Saone qui du Roys

Un des moyens dont Theodebert prison s'eftoit fervi pour fe reconcilier avec Royaume de Bourgogne fes oncles avoit efté de leur prometTheodebert & tre de fe joindre à eux pour la conquefte entiere du Royaume de Bourgogne; ce que le Roy fon pere n'avoit jamais voulu leur accorder. Il fe mit auffi-toft en devoir d'executer fa promeffe. Cette guerre avoit efté interrompue, ou du moins pouffée fort lentement l'année d'auparavant, dautant que Childebert eftoit toûjours en défiance de Thierri, & que Thierri avoit engagé Clotaire à envoyer une partie de fes Troupes contre les Oftrogots. Godemar s'eftoit fervi à fon ordinaire de cette conjoncture pour remettre fur pied une armée, & fe trouvoit encore en eftat de tenir tefte aux deux Rois. Mais la jonction de Theodebert rendit la partic trop inégale; il fut attaqué par trop d'endroits & accablé; & enfin

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eftoit du Royaume de Bourgogne,
preuve invincible qu'il en avoit eu
fa

* Au Cabinet

de bello

part. De plus Fortunat Auteur contemporain, dans la Vie de Saint Germain Evêque de Paris, écrit que ce Saint n'eftant encore qu'Abbé, alla trouver Theodebert à Châlons fur Saone pour quelques Métairies qui dépendoient de l'Eglife d'Autun. Or Procop. l. 1. Châlons fur Saone & Autun eftoient Goth. c, 12, du Royaume de Bourgogne. Enfin Theodebert quelques années après envoya dix mille Bourguignons en Italie au fecours de Vitigez Roy des Oftrogots contre Belizaire; ce qu'il n'euft pas pu faire, s'il n'euft cfté maiftre d'une partie de la Bourgogne.

L'Hiftorien Duplex dit que Golemar pafla en Afrique chez les Vandales, mais je ne íçai d'où il a tiré̟ cette particularité,

AR. 534.

Ce fut donc en ce temps-là que le Royaume de Bourgogne fut uni à l'Empire de France près de cent ans après qu'il eut cfté fondé dans les Gaules par la Nation Bourguignonne. Cette conqueste ajoûtoit au Domaine des Rois François non-feulement prefque tout ce qui porte aujourd'hui le nom de Comté & de Duché de Bourgogne, en y comprenant le Nivernois & quelques autres Villes de ce cofté-là ; mais encore elle l'augmentoit de la Savoye & de ce que nous appellons le Dauphiné, de la partie de la Provence qui eft entre le Rhône & la Durance, des bords du Rhin depuis Bafle jufqu'au delà de Conftance & de prefque tout ce qui eft entre le Rhône & le Rhin jufqu'aux Alpes.

La Romaine.

Les Vifigots. fuccomba fous l'effort des armes des Ce fut la quatriéme Puiffance qui La Bourgo- François, & dont la deftruction les

La Turinge.

gne.

Eflat des affaires d'ltaTie

rient,

d'O

elle avoit bien de la peine à maintenir fon autorité fur un peuple auffi indocile & encore auffi barbare qu'eftoient les Oftrogots. Elle fut avertie d'une confpiration formée contre fa propre perfonne & conduite par trois Seigneurs des plus confiderables de la Nation. Elle la diffipa en les envoyant tous trois aux extrémitez du Royaume, fous pretexte que leur prefence y eftoit neceffaire pour défendre les frontieres contre les entreprises des ennemis de l'Eftat. Mais comme elle Procop.l.1.de vit que malgré leur éloignement ils bello Goth entretenoicnt toûjours commerce enfemble, & ne ceffoient point de cabaler contre elle à la Cour par le moyen de leurs amis & de leurs parens; elle refolut de les prévenir: mais elle voulut auparavant fe ménager une reffource en cas qu'elle ne réüffift pas dans un deffein où elle hazardoit tout. Elle écrivit à Juftinien, & lui fit demander fi elle pour

rendit plus redoutables que jamais non-feulement à leurs voilins, mais encore à l'Empire même, dont les maiftres furent dans la fuite obligez de les ménager plus qu'ils n'avoient jamais fait, & de tâcher toûjours de les mettre ou de les maintenir dans leurs interefts.

Mais pour mieux entendre les & grands & frequens rapports que tes François commencerent à avoir peu de temps après cette expedition avec l'Empire & avec les Gots d'Italie appellez Oftrogots, il faut toucher en peu de mots la fituation où fe trouverent les affaires d'Italie & d'Orient dans le temps que Theodebert fucceda au Roy Thierri fon pere, qui mourut, comme j'ai dit, lorfqu'il fe difpofoit à conquerir la Provence & ce que les Oftrogots poffedoient dans les Gaules jufqu'aux Alpes. Quelque habile que fuft la Princeffe Amalazunte mere d'Athalaric

Amalarunte

traile

Empereur Завілісте

avec

& Regente du Royaume d'Italie,

C. 2.

roit trouver chez lui un azile contre la perfecution de fes Sujets ; & fi la fille du grand Theodoric pouvoit s'affeurer de la protection de l'Empereur de Conftantinople. Juftinien fut ravi de cette propofition qui luż donnoit une fi belle ouverture pour l'execution de fes deffeins fur l'Italie. Non-feulement il écrivit à Amalazunte qu'elle feroit reçue à Conftantinople avec tout l'honneur dû à fon rang & à fa naiffance; mais même il l'exhorta à fe mettre au pluftoft en feureté. Elle lui avoit fait demander que pour n'eftre point obligée de faire un fi long voyage tout d'une traite, il trouvaft bon qu'elle s'arreftaft à Epidamne port du Golphe Adriatique à l'extrémité de la Macedoine, appellé autrement Dyrrachium, & depuis Durazzo: Juftinien donna ordre qu'on lui préparaft là un Palais, & lui fit dire qu'elle y demeureroit autant qu'elle le ju

Ride

geroit à propos, pour paffer de là à Conftantinople à fa commodité.

Sur cela elle fit équiper un gros Vaifleau, où elle mit une prodigieufe quantité d'or & d'argent, & tout ce qu'elle avoit de plus précieux.

Elle en donna la conduite à un Capitaine homme de confiance, & lui ordonna d'aller à Epidamne, de ne rien mettre à terre, & d'attendre la fes ordres.

S'eftant donc affeuré cette retraite au cas qu'elle fuft obligée de fortir d'Italie, ce qu'elle ne vouloit faire qu'à la derniere extrémité; elle appella quelques hommes refolus qui lui avoient efté de tout temps attachez & fideles ; leur fit l'ouverture du deffein qu'elle avoit de fe défaire de ces trois Chefs de mutins dont l'efprit brouillon alloit tout perdre; leur dit qu'elle avoit jetté les yeux fur eux comme fur des perfonnes autant zelées pour fon fervice que pour le bien de l'Eftat ; & qu'elle mettoit toute fon efperance & le falut de la patrie dans leur adreffe & dans leur refolution. Ils accepterent la commiffion toute dangereufe qu'el le eftoit, & executerent en effet leurs ordres avec toute la diligence & tout le fuccez que la Princeffe pouvoit fouhaiter. Si-toft qu'elle en eut eu des avis certains elle fit revenir fon vaiffeau, rentra dans Ravenne, & gouverna d'une maniere plus abfoluë que jamais.

Mais elle eut peu de temps après de bien plus grands fujets d'inquietude. Elle avoit voulu élever à la maniere Romaine le jeune Roy Athalaric fon fils, en lui donnant des Précepteurs habiles; mais les Gots l'avoient obligée de les congedier fous prétexte que l'étude & les livres amoliroient le cœur du Prince: ce défaut d'éducation, l'oifiveté & la liberté où l'on le laiffa vivre, fi

rent que n'ayant encore que quator ze ou quinze ans, il fe trouva tout corrompu de débauches, entierement gasté à force de boire, & il eftoit déja tombé dans une efpece de phtifie qui paroiffoit mortelle.

Amalazunte ne pouvoit plus pref- Elle traite de que compter ni fur la vie de fon fils, nouveau ave Jnftiniena ni fur fon affection; parce que les compagnons des defordres de ce jeune Prince faifoient tous leurs efforts pour la lui rendre odieufe; elle fçavoit d'ailleurs qu'elle eftoit plus redoutée qu'aimée des Grands de la Nation; parce qu'elle les tenoit dans le devoir : elle prévoyoit l'estat fàcheux où elle fe trouveroit en cas que le Roy vinft à mourir; qu'il lui fau droit alors defcendre du Thrône, & fe voir en butte à fes ennemis. Toutes ces confiderations la firent refoudre à traiter de nouveau avec Juftinien.

Сарозо

Cependant ce Prince inquiet des délais d'Amalazunte qu'il attendoit toujours à Conftantinople, & qui ne fçavoit pas encore qu'elle cuft fait Ibid. revenir fon vaiffeau d'Epidamne, avoit fait partir pour l'Italie Alexandre Senateur de Conftantinople avec deux autres, fous prétexte d'aller faire des plaintes de quelques infractions faites au Traité de paix des deux Nations; mais en effet pour s'inftruire de l'eftat des chofes & de la difpofition d'efprit où eftoit cette Princeffe. Dans une audience fecrete qu'elle donna à Alexandre, elle convint de nouveau avec lui de fe retirer à Conftantinople, & de livrer l'Italie à l'Empereur. Cependant cet Am- Ibid baffadeur de concert avec elle fit fes plaintes dans le Confeil touchant le Fort de Lilybée en Sicile, fouftenant qu'il appartenoit à l'Empereur, & qu'il eftoit injuftement retenu par les Oftrogots. Il ajouta plufieurs autres chofes dont l'Empereur témoignois

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eftre fort mécontent. Amalazunte répondit avec fermeté en prefence du Confeil, & y lut la Lettre qu'elle écrivoit à l'Empereur fur ce fujet, dont le contenu eftoit; que les chofes defquelles il fe plaignoit eftoient fi peu importantes, qu'on voyoit bien qu'il cherchoit à faire querelle à un jeune Prince encore pupile; que pour le Fort de Lilybée on ne le rendroit pas; qu'il appartenoit à Athalaric, & que quand il ne lui appartiendroit pas, les bons offices qu'il avoit rendus à l'Empereur pendant la guerre des Vandales meritoient qu'on le lui cedaft.

Mort d'A

thalaric.

Pendant que le Senateur Alexandre negocioit avec Amalazunte, fes deux Collegues Hypatius & Demetrius s'eftoient abouchez fecretement avec le Prince Theodat: il eftoit fils d'une fœur du feu Roy Theodoric & Seigneur de prefque toute la Tofcane où il faifoit de grandes vexations. Ce Prince pour fe vanger d'Amalazunte qu'il haifloit, parce qu'elle fe fervoit de temps en temps de fon autorité pour reprimer fes violences, s'offrit de vendre cette Province à l'Empereur, à condition d'eftre reçu dans le Senat de Conftantinople avec la liberté d'y vivre le refte de fes jours: ainfi tout confpiroit à faire réüffir les deffeins de Juftinien.

Il apprit avec bien de la joye de fi heureufes nouvelles, & fit partir un fameux Avocat ou Orateur de Conftantinople nommé Pierre homme d'un talent rare pour la negociation, avec ordre de ratifier en fecret le Traité fait avec Amalazunte, & en même temps celui qui avoit efté auffi conclu avec Theodat, couvrant encore fon voyage du pretexte de redemander le Fort de Lilybée,

Mais la mort d'Athalaric arrivée fur ces entrefaites fit changer de face aux affaires, Amalazunte à qui cette

mort plus prompte qu'on n'avoit cru, n'avoit pas donné le temps d'amener les chofes au point où elle les vouloit conduire, fut obligée de prendre de nouvelles mefures: & voici celles qu'elle prit.

An.534

Comme elle ne pouvoit fe refou- Amala unte dre à quitter le gouvernement d'un fre Thodar fait reconnoiEftat qu'elle n'auroit pu que diffici- Roy d'Italie. lement retenir, elle fe déterminat faire un Roy, à condition qu'il lui en laifferoit l'autorité & la puiffance. Elle jetta pour cela les yeux fur Theodat, dont la meilleure qualité eftoit de fçavoir bien le Latin & la Philofophie de Platon; mais qui ne fçavoit ce que c'eftoit que la guerre & le gouvernement, & qu'elle connoiffoit pour un homme fort lâche qui n'aimoit que l'oifiveté & l'argent.

L'ayant fait venir, elle lui dit que la mort du Roy fon fils ne l'avoit point furprife, que les Medecins depuis long-temps l'avoient affurée qu'il ne pouvoit pas aller loin; que depuis ce temps-là ayant eu deffein de conferver la couronne dans la famille du grand Theodoric, dont lui feul reftoit après la mort du Roy, fa feule crainte avoit toujours efté qu'il ne s'en rendift indigne en s'attirant le mépris ou la haine des Oftrogots; que c'eftoit dans cette vûe qu'elle avoit quelquefois employé la feverité à fon égard pour adoucir l'efprit de ceux qui fe plaignoient de fui, & pour lui faire prendre une meilleure conduite; qu'elle y avoit réüffi, & que la moderation dont il ufoit depuis quelque temps l'avoit rendu moins defagreable à la Nation; qu'elle avoit affez d'autorité &de pouvoir pour fe l'affocier, & le faire renoistre Roy des Oftrogots; qu'elle avoit déja ménagé toutes chofes pour cet effet; mais qu'elle exigeoit de lui une condition, fçavoir que com

Cap. 44

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4

4.534.

me il n'avoit pas encore affez d'habileté dans le gouvernement, ni d'experience dans les affaires, il lui en laiffat le maniement fans le communiquer à des Miniftres, & elle lui demanda fon ferment fur cet article. Il le fit auffisoft en lui donnant toutes les marques poffibles de reconnoiffance pour un bienfait auffi grand que celui-là, dont il lui eftoit uniquement redevable.

Cette Princeffe eftoit trop habile pour compter beaucoup là-deffus ; mais c'eftoit tout ce qu'elle pouvoit faire de meilleur dans l'embarras où

la mort trop prompte du Roy l'avoit jettée. Elle efperoit au moins par-là gagner du temps, & fe donner le loifir, au cas qu'on ne lui tînt pas parole, d'executer le traité qu'elle avoit fait avec l'Empereur pour fa propre fût

reté.

Ce Prince la Mais Theodat ne lui laiffa pas ce fais arrefter. loifir. Se reffouvenant de la maniere haute dont elle l'avoit traité lorfqu'il eftoit particulier, & eftant animé par les parens de ces trois Seigneurs qu'elle avoit fait mourir peu d'années auparavant; il commença par condamner à la mort fous divers prétextes quelques-uns de ceux qui eftoient le plus à elle ; & enfin il la fit arrefter elle-même, & la relegua dans un Châ teau de Tofcane fitué au milieu du lac Bolfene. Mais apprehendant de s'attirer par-là l'indignation de Juftinien, dont il fçavoit bien qu'Amalazunte eftoit fort confiderée, il lui envoya une Ambaffade de deux Senateurs Romains Liberius & Opilion aufquels il joignit encore quelques perfonnes confiderables,leur donnant ordre d'af fûrer l'Empereur qu'il en ufoit bien avec cette Princeffe; & il la contraignit d'écrire elle-même à l'Empereur qu'elle eftoit contente, & n'avoit aucun fujet de fe plaindre.

Ibid

Pierre l'Envoyé de Juftinien avoit appris en chemin la mort d'Athalaric

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Theodat ne fut pas fervi par fes Enfuite ille Ambaffadeurs à Conftantinople felon fait mourir, fon intention. Tous,cxcepté Opilion, dirent à l'Empereur les chofes comme elles eftoient; & lui reprefenterent qu'Amalazunte n'avoit rien fait qui meritaft le traitement dont ufoit à fon égard celui qu'elle avoit élevé fur le Throne. Surquoi Juftinien envoya ordre à fon Ambaffadeur de continuer fon voyage avec une lettre pour Amalazunte, par laquelle il l'affeûroit de fa protection;& l'Ambaffadeur devoit dire à Theodat & declarer aux Oftrogots le contenu de cette lettre avec les intentions de fon Maiftre fur la liberté de la Princeffe. Mais Amalazunte n'eftoit plus en vie quand il arriva en Italie, Theodat l'ayant fait mourir à la follicitation de ceux qui l'avoient engagé à la mettre en prifon; de maniere que l'Envoyé de Juftinien n'eut plus rien autre chofe à faire qu'à informer Theodat de la colere de l'Empereur, & à le menacer d'une guerre qui l'alloit perdre. Ce lâche Prince en demeura fi épouvanté,que fon unique foin fut de tâcher de perfuader à l'Ambaffadeur qu'il n'eftoit point l'auteur de cette mort, & qu'on l'avoit forcé d'y foufcrire.

C'eft Procope dans fon Hiftoire de la guerre des Gots, qui nous apprend toutes ces chofes : mais cet Hiftorien ou mieux informé ou plus médifant. dans fop Hiftoire fecrete, dit qu'A. malazunte

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