Priorem gen un Concile de Tours du temps de Charles le Chauve l'an 849. marquerent dans une lettre qu'ils écrivirent à Nomenoy Duc des Bretons, à qui le Concile donne le nom de Prieur de la Nation Bretonne, & qui avoit reçû tis Britanni- dans fes Eftats un Seigneur revolté contre ce Prince. Vous n'ignorezpas, lui difent-ils, que dès les premiers commencemens de la domination Françoife, certains Territoires dont les François s'eftoient faifis, leur demeurerent, & qu'ils laifferent le reste aux Bretons, qui les en prierent. Ilofte le titre de Roy an Prince des Bretons. C. Enfin, Gregoire de Tours dit expreffément que depuis Clovis les Bretons furent fous la domination des L.4.c.4. François, & il ajoûte un article du Traité dont je viens de parler, qui fut que les Bretons dès-lors n'eurent plus de Rois, & que leurs Princes fe contenterent de porter le titre de Comte. En effet, dans la fuite jufqu'à un certain temps, on ne leur donne plus dans l'Hiftoire d'autre qualité que celle-là ou celle de Duc.A cela près ils demeurerent maiftres chez eux dans toute l'étendue de ce qui leur avoit cfté laiffé par Clovis. Ils n'eurent d'ailleurs pour les gouverner que des Princes du Païs, qui fe dépoffedoient même fouvent les uns les autres fans que les Rois François fe mêlaffent toûjours de leurs differends: & il me paroift qu'ils eftoient à peu près à l'égard de nos Rois comme les Bavarois, qui reconnoiffant les Rois de France pour leurs Souverains, eftoient neanmoins toûjours gouvernez par des Ducs de leur Nation, & vivoient felon leurs Loix particu lieres. Cette condition impofée aux Bretons par Clovis, de ne plus donner le titre de Roy à leurs Princes, eftoit une fuite de la refolution qu'il avoit prise de ne le plus laiffer prendre à aucun de ceux qui eftoient foumis à Tome I. De ce degré d'ambition qui contribue à faire les Conquerans & les Gregor.Tur. Heros, il y a peu de diftance à celui 2.c.42.86 qui en fait d'injuftes ufurpateurs. feq. C'eft l'idée que le plus ancien de nos Hiftoriens nous donne de Clovis en cet endroit de fon Histoire. Il écrivoit fous le regne & dans les Eftats des petits-fils de ce Prince ; & nous avons aujourd'hui moins de raifon de le flater que ces Historiens n'en avoient alors. Etats J'ai dit que lorsqu'il fe faifit des Gaules, il avoit plufieurs de fes pa- petits Rois Il fe défait de plufieurs rens avec lui, qui portoient le nom fe rend mailde Roy ; & que ces Princes pour re de leurs fe dédommager des petits Etats qu'ils poffedoient au-delà du Rhin, s'en eftoient fait en deça à peu près de même étendue. Ces petits Royaumes eftoient tous enclavez dans celui de Clovis : & quoiqu'ils lui fuffent beaucoup inferieurs en puiffance, ils ne laiffoient pas de lui donner de l'inquietude. Elle alla, dit Gregoire de Tours, jufqu'à lui faire apprehender qu'ils ne le détrônaffent. Peut-eftre craignoit-il plus pour enfans que pour lui-même. Mais ce feul mot de noftre Hiftorien ne nous laiffe nul lieu de douter, que la défaite de l'armée de Clovis devant Arles, & les autres avantages que Theodoric avoit remportez fur lui, n'euffent donné occafion à ces Princes de remuer, & de fe liguer d'une maniere à lui faire tout craindre. Quoi qu'il en foit, il fe défit de tous ces petits Rois les uns après les autres par des G fes L. 2. C.42. Cap. 40. voyes bien violentes. noiftre pour leur Roy. Il fçût fi bies leur perfuader qu'il n'avoit eû nulla part à la mort ni du pere ni du fils, qu'ils le reçûrent avec joye; & l'ayant élevé fur un Bouclier, ceremonio ordinaire chez les François dans la couronnement de leurs Rois, ils lui rendirent leurs hommages, & se foumirent à fa Domination. Clovis par la mort de Sigebert & de Clodoric eftoit venu à bout de ce qu'il y avoit de plus difficile dans l'execution de l'entreprise qu'il meditoit. Il marcha incontinent avec des Troupes vers Cararic (l'Hiftoire ne nous dit point l'endroit des Gaules où il regnoit ) le furprit, fe lo fit amener avec un fils qu'il avoit, & faute d'autre prétexte de le dé poüiller de fon bien, lui dit qu'il devoit fe fouvenir que vingt-cinq ans auparavant il avoit voulu le trahir à la bataille de Soiffons. Il leur accorda cependant la vie, à condition qu'ils fe feroient couper les cheveux; c'eftoit une marque qu'un Prince François renonçoit au Thrône, &. Cette intelligence de Clovis avec dont nous verrons bien des exemClodoric fuivie fi promptement de ples dans la fuite de cette Hiftoire. la mort de Sigebert, & la maniere Cararic fuft auffi-toft ordonné Prê confufe dont il femble que l'Hifto- tre & fon fils Diacre. Mais comme rien affecte de la raconter, ont fait quelque temps après le pere s'entrecroire à plufieurs que cet affaffinat tenoit avec fon fils de leur commun avoit efté concerté entre Clodoric & malheur, & gemiffoit les larmes aux Clovis. La chofe me paroift au moins yeux de l'abaiffement où il fe voyoit ; douteufe: mais ce qui eft certain, c'est ce jeune Prince pour le confoler que pour s'emparer du païs de ce lui répondit en ces termes.,, Ces Prince parricide, Clovis le fit affaffi-,, cheveux que l'on m'a coupez ne ner lui-même par des gens qu'il en» font que des feuilles & des branque voya vers lui fous un autre prétexte. ,,ches d'un arbre verd, qui repoufEn effet, tandis que cela s'executoit ,, feront avec le temps; & il ne tienil s'eftoit avancé fur l'Escaut à portéc dra pas à moi que celui qui nous d'entrer dans le païs de Cologne. Il », a mis en cet eftat, ne periffe s'y prefenta dès qu'il eut efté averti bien-toft". Ces paroles prononcées de la mort de Clodoric: & fit comavec trop d'imprudence furent enprendre aux François du païs l'avan- tendues de quelque efpion de Clotage qu'ils auroient de fe réunir au vis, & lui furent rapportées. Elles refte de la Nation, & de le recon- couterent la vie à ces deux malheu reux Princes, à qui on envoya fur le champ couper la tefte. Cette conduite de Clovis fit comprendre à Ranacaire Roy de Cambray ce qu'il devoit en attendre luimême. Ce Prince eftoit toûjours demeuré Payen. Il s'eftoit rendu in fupportable & odieux à fes Sujets par fes infames débauches, & par l'attachement qu'il avoit pour un favori nommé Faron auffi méchant & auffi débauché que lui. Il leva donc des Troupes pour fa fûreté en refolution de fe défendre, fi on venoit l'attaquer. Mais Clovis n'eut pas beaucoup de peine à trouver des traiftres parmi les Sujets de ce Prince, qui s'engagerent à le lui livrer. Comme Ranacaire eftoit dans fon camp où il ap. 42. avoit donné rendez-vous à fes Trou pes qui lui venoient de divers endroits, il fut averti qu'un grand Corps paroiffoit, & avançoit vers le camp. Il détacha quelques Officiers avec des Soldats pour l'aller reconnoiftre ces Officiers eftoient du nombre de ceux qui le trahiffoient; on lui rapporta que c'eftoient de fes propres Troupes qui venoient le joindre. Mais c'eftoit Clovis en perfonne qui l'inveftit lorfqu'il y pen foit le moins. Comme il voulut s'enfuir, il fut arresté par fes Soldats mêmes qui le menerent à Clovis, & le lui prefenterent lié & garotté avec un de fes freres nommé Richiaire... Clovis après leur avoir reproché leur lâcheté & leur mauvaise conduite, qui faifoit deshonneur à la Famille Royale, les tua de fa propre main. Il fit en même temps prefent aux traitres de bracelets & de baudriers de faux or, qu'ils reçûrent comme quelque chofé de fort précieux, & comme des affûrances de la faveur d'un. Prince qu'ils avoient. futilement fervi. Mais s'eftant ap perçûs de la tromperic, comme ils " lui en firent leurs plaintes:,, Allez, Ibide » leur répondit-il, vous eftes des in,, fames, qui meriteriez d'expirer au milieu des plus horribles tourmens, » pour avoir ainfi trahi voftre Maif„tre, retirez-vous. Réponse qui auroit fait plus d'honneur à Clovis, s'il n'avoit autant participé à leur crime, qu'il en avoit profité. Rénomer autre frere de ces malheureux Princes, & Roy du Maine, y fut affaffiné en même temps par des gens que Clovis avoit fubornez; fans parler de quelques autres de même rang, qui eftoient tous fes parens, Ibid. & qu'il facrifia pareillement à fes foupçons & aux interests de fa famille, laquelle par ce moyen n'eut plus de concurrens. Quand il feroit vrai, comme quelques-uns l'ont penfé fort vraifemblablement, que tous ces Princes, nonobftant leur titre de Roy, avoient quelque dépendance de Clovis com-me du Roy General, s'il eft permis de parler ainfi, & comme du Souverain de toute la Nation Françoise; il auroit fallu que leur fellonie euft efté bien averée pour les pouvoir trai ter de la forte. Mais en fuppofant même cela, on ne peut nier que ces executions n'ayent eu dans la maniere dont elles fe firent quelque chofe de bien. barbare & de bien cruel. Ce fut apparemment pour effacer ces affreufes idées, & pour fatisfaire à la juftice de Dieu, qu'il employa vers ce temps-là fes foins & fes finances à quantité de bonnes œuvres fort. utiles à la Religion; qu'il commença, ou acheva de baftir des Eglifes, & entr'autres faint Hilaire de Poitiers; de fonder des Monafteres, & fur tout qu'il fongea à faire aflemblen un Concile de la plupart des Evê-ques ques de fon Royaume pour l'établif fement de quantité de points impor- Il fait baftir des Eglifes & fonde des Mo nafteres. A&ta fandi Fridolini. tans à la Difcipline Ecclefiaftique, Il affemile Il choifit pour cela la Ville d'Oran Concile à leans comme la plus commode; parce qu'elle eftoit fituée prefque au Orleans. An. Sil Can. 1.2.3. AV TRES-GLORIEUX ROY CLOVIS, Lettre des Omme c'eft voftre zele pour Evêques du milieu des autres Eglifes. Ce fut »Ca Religion Catholique & pour concile a " " la Concil. Gal noftre fainte Foy, qui vous a inf- Roy piré de faire affembler ce Concile, Sirmond. afin que nous y déliberaffions avec Tom. 1. des intentions dignes de noftre caractere fur plufieurs chofes neceffaires au bien & au falut de nos Eglifes; nous vous envoyons les », réponses que nous avons crû de», voir faire fur tous les points que ,, vous nous avez proposez; afin que ,, fi vous les jugez dignes de voftre ,, approbation, vous la leur donniez; ,, & que les décifions de tant de faints Evêques foient rendues plus efficaces par l'autorité & par les ordres d'un fi grand Roy & fi puiffant » Seigneur. l'année cinq cens onze au mois de Les Evêques obtinrent de Clovis, Samort, tout ce qu'ils fouhaitoient là-deffus; & la Religion par les mesures qu'il prenoit, alloit eftre plus floriffante que jamais dans fon Royaume : mais la Providence de Dieu, ou peut-être fa Juftice l'enleva quelques mois après le Concile d'Orleans dans la vigueur de fon âge, l'an de NoftreSeigneur 511. au mois de Novembre en fa quarante-cinquième année, qui An. 51. eftoit la trentiéme de fon regne. Il mourut à Paris, & fut enterré dans l'Eglife des Apoftres S. Pierre & S. Paul: c'eft celle, comme je l'ai déja dit, qui porte aujourd'hui le nom de Sainte Geneviéve. Il fut un des Princes de fon ficcle qui fe fignala le plus par fa valeur & par fes conqueftes, grand Capitaine, heureux dans l'execution des projets qu'il formoit, reglé dans fes mœurs, aų moins l'Hiftoire ne lui reproche Son portrait t-elle aucun defordre depuis fa converfion à la Religion Chrétienne, appliqué au reglement de fon Eftat, tant pour ce qui regardoit la police que pour ce qui concernoit la Religion. Prudent, politique, fçachant habilement profiter de toutes les conjonctures propres à augmenter fa puiffance: mais d'une ambition qui ne se prescrivoit point de bornes, &qui paffoit par-deffus toutes les regles. Le defir de fe rendre feul & abfolu Monarque de toutes les Gaules fut fa paffion dominante: s'il avoit fçû la moderer, fa reputation en auroit efté plus nette, la fin de fa vie plus innocente; & l'on n'auroit point blâmé dans Clovis Chrétien des cruautez fi oppofées à la douceur & à l'humanité, qu'on avoit d'abord admirées dans Clovis encore Payen. |