Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

Le Roy d'A

quitaine fon fils prend Le rida & Baralone.

ci Pii.

s'eftoit rendu maiftre d'une grande partie des païs Maritimes vis-à-vis de l'Italie, voulut à l'exemple, ou par l'ordre du Roy de Perfe, dont il eftoit ou Tributaire ou allié, joindre un Ambaffadeur à ceux de ce Prince, pour aller de fa part faire auffi des prefens à Charlemagne. Ces Ambaffadeurs fuivirent l'Empereur en France, & y demeurerent plufieurs mois. Charlemagne ne fut pas pluftoft hors d'Italie, que la Ville de Rieti dans le voisinage des terres des Grecs, fe revolta. Pepin y alla avec des Troupes, & la prit avec tous les Forts d'alentour qui la couvroient : le Gouverneur fut mis aux fers, & on la réduifit en cendres pour contenir les autres par cet exemple.

Les Armes des François ne furent pas moins heureufes pendant ce même efté au-dela des Pyrenées. Zata cet Emir, qui eftoit venu quatre ans auparavant faire hommage à Charlemagne pour la Ville & le Territoire de Barcelone, n'eftoit pas demeuré longdemeuré longtemps fidele. Lui, le Gouverneur d'Huefca, & quelques autres qui s'eftoient rendus maiftres de leurs Places, ne penfoient qu'à fe les conferver, & n'avoient recours à la protection des François, & ne leur faifoient hommage que de peur qu'ils ne les en dépouillaffent.

Le Roy d'Aquitaine en 799. eftoit entré en Efpagne avec une Armée, dans le deffein d'affieger Lerida fur les Sarrazins. Il avoit pris fa route par Vita Ludovi Barcelone : l'Emir avoit efté au devant de lui, pour lui rendre fes refpects, comme un Vaffal à fon Prince; mais Louis ayant témoigné qu'il vouloit entrer dans Barcelone, il s'excufa de le recevoir, & fur les inftances qu'on lui en fit, il le refufa abfolument, & y rentra lui-même auffi-toft pour la défendre, fi on entreprenoit de la forcer. Louis ne fe crut pas en

eftat de le faire, ainfi il paffa auprès avec fon Armée fans y entrer, & alla faire le Siege de Lerida qu'il prit. Il en rafa les murailles, abandonna à ses Soldats toutes les petites Places des environs, s'en retourna par le païs que nous appellons aujourd'hui la Navarre, fit à l'entour d'Huefca le même ravage qu'il avoit fait auprès de Lerida, fit couper & brûler les bleds qui eftoient encore fur la terre,& il en ufa ainfi, parce qu'Afan n'avoit pas voulu non plus lui remettre fa Place.Mais pour ce qui eft de Barcelone, n'ayant pas affez de forces pour l'affieger dans les formes, il en forma le blocus, qu'il continua durant deux ans, c'està-dire, jufqu'à l'année 801. où nous fommes. Ce blocus fatiguoit extrê mement la Ville, & avoit réduit les Habitans & la Garnifon à de grandes extrêmitez. Un homme de la Cour, auquel l'Emir de Barcelone avoit de la confiance, & qu'il regardoit comme fon ami, lui confeilla de venir trouver le Roy d'Aquitaine à Narbonne, lui faifant efperer de faire fa paix. L'Emir le crut, & partit déguifé fans avoir pris de fauf-conduit: mais foit qu'il eust esté trahi par fon ami prétendu, foit ami prétendu, foit que le Roy cuft Vita Ludovieu avis d'ailleurs qu'il eftoit à Narbonne, il fut arrefté & conduit à l'Empereur à Aix-la-Chapelle. Il parut en fa prefence avec le Gouverneur Eginard, de Rieti, tous deux coupables d'infidelité, & l'un & l'autre furent cnvoyez en exil.

[ocr errors]

ci Pii.

Le Roy d'Aquitaine ne douta pas que l'Emir n'eftant plus à la tefte de fa Garnifon, très-affoiblie par les maladies & par la difette, Barcelone ne fe rendift bien-toft, & il marcha de ce cofté-là avec de nouvelles Troupes, dont il envoya une partie commandée par Rofting Comte de Girone, joindre celles qui eftoient déja Vita Ludoviau fiege. On le pouffa avec plus de cip..

vigueur que jamais, & en peu de jours la famine fut telle, que les habitans eftoient obligez à manger le cuir & les autres chofes les moins capables de raffafier la faim, & les plus propres à avancer la mort; il y en avoit qui aimant mieux mourir promptement que de fouffrir ces miferes & les douleurs d'une mort languiffante, fe tuoient eux-mêmes en fe précipitant du haut des murailles. La Garnifon avoit mis à la place de Zata un de fes parens nommé Hamar, homme de cœur & d'autorité, qui foûtenoit le courage des Soldats par l'attente d'un prompt fecours que le Roy de Cordoue leur avoit fait efperer.

Ce Prince avoit rétabli la paix dans fes Etats par la victoite qu'il avoit remportée fur fes deux oncles, qui prétendoient à une partie de fon Royaume. Il avoit fait dire aux affiegez qu'il eftoit en marche pour les fecourir, & ce fecours avoit obligé le Roy d'Aquitaine à partager en trois l'Armée qu'il avoit menée au-delà des Pyrenées, pour couvrir celle qui faifoit le fiege. Il en pofta une partie au voifinage de Barcelone, pour s'oppofer au fecours, & il demeura avec le refte dans le Rouffillon, pour eftre à portée ou de fortifier les Troupes du fiege, ou le Camp qui le couvroit. Il fçut que le Calife s'eftoit avancé jufqu'à Sarragoffe avec fon Armée, toûjours à deffein de faire lever le fiege de Barcelone. Mais ce Roy Sarrazin ayant appris la difpofition des Armées Françoifes, & qu'il lui falloit gagner une bataille avant que d'arriver aux lignes des affiegeans, quitta l'entreprise, & tournant tout d'un coup vers les Afturies, y fit de grands ravages fur les Terres du Roy Alfonfe, d'où il fut repouffé avec beaucoup de perte.

L'avis de la retraite du Calife ayant efté porté à l'Armée des Fran

çois deftinée pour s'opposer au fccours, elle quitta fon Camp, & alla joindre les Troupes qui afliegeoient la Place: On fit fçavoir aux affliegez qu'il n'y avoit plus pour eux aucune reffource. Ils ne laifferent pas de s'obftinerà fe défendre toûjours; l'hiver eftoit proche, & ils efperoient que la rigueur de la faifon feroit lever le ficge, ou le feroit changer au moins en blocus: mais le Roy d'Aquitaine avoit refolu d'emporter la Place à quelque prix que ce fuft. On bastit par fon ordre autour de la Ville un grand nombre de Cafernes, & c'est ce qui fit concevoir aux affiegez qu'on eftoit refolu de continuer le fiege pendant l'hiver.

On fçut dans le Camp par des transfuges, que cette resolution avoit fait perdre cœur aux Habitans. On en donna avis au Roy, & on lui confeilla de fe rendre avec le refte de fes Troupes devant la Place. Il y vint, & on recommença les attaques avec plus de vigueur que jamais; de forte qu'après fix femaines depuis fon arrivée, la Garnifon demanda à capituler: le Commandant par la Capítulation fut livré au Roy à difcretion, & tous les Soldats eurent la liberté de fe retirer où ils voudroient.

La Garnifon fortit dans un estat

pitoyable, c'eftoient des fquelletes tout décharnez.LeRoy fit entrer quelques Troupes dans la Ville; mais il ne voulut point y entrer lui-même, qu'il n'euft ordonné la maniere dont il rendroit graces à Dieu pour une conquefte fi importante. Le lendemain il rangea fon Armée en bataille devant la Ville, & tout ce qu'il avoit de Preftres & de Clercs dans fon Camp fut mis à la tefte. On défila dans cet ordre vers la Ville en chantant des Hymnes & des Pfeaumes, & on marcha ainfi en Proceffion jufqu'à l'Eglife de Sainte-Croix, où le Roy

Feftes & réfoulancesà la lemagne.

Cour de Char

rendit à Dieu les actions de graces
que meritoient de fi heureux fuccès.

pire d'Occident, eftoient alors à la Cour richement veftus, chacun à la maniere de fa Nation, & l'Empereur prenoit plaifir dans tous les repas de faire voir cette belle varieté aux Ambaffadeurs.

La refiftance des affiegez & le fecours que le Calife preparoit, avoit donné de grandes inquietudes à l'Empereur, & il avoit ordonné à fon fils aîné le Prince Charles, d'affembler Ce Prince leur donna un autre diau pluftoft ce qu'il pourroit de Trou- vertiffement qui leur fut moins agréa pes pour aller fe joindre au Roy d'Able, parce qu'il eftoit dangereux, & quitaine. Charles eftoit à Lion avec fon Armée, preft à fe mettre en marche, lorfqu'il reçut nouvelle de la part de fon frere, que la Ville s'eftoit rendue. Le Roy d'Aquitaine donna

le Gouvernement de Barcelone au
Comte Bera, & lui laiffa une groffe
Garnifon, compofée des Troupes du
Languedoc, & après avoir mis ordre
à tout, il vint trouver l'Empereur à
Aix-la-Chapelle, qui l'y reçut avec
une joye extrême.

Depuis l'arrivée des Ambaffadeurs de Perfe à Aix-la-Chapelle, ce n'étoit que feftes & que fpectacles de toutes façons à la Cour, l'Empereur voulant qu'ils remportaffent en leur Monachus païs une grande idée de la magnifiRebus Caro- cence & de la politeffe Françoife. Les

Sangall. de

là M.

jours de Dimanches les Proceffions paffoient fous les feneftres du Palais, tout le Clergé y affiftoit, & les Evêques, les Preftres, les Diacres y étoient revêtus des plus beaux & des plus riches ornemens : les autres jours on faifoit dans la Place la revue des Troupes, qu'on avoit eu foin d'habiller magnifiquement; de forte que les Ambailadeurs difoient que juf qu'alors ils n'avoient vû que des hommes de terre; mais que ceux qu'ils voyoient dans ces occafions leur paroilloient des hommes d'or*. Les tables pendant tout ce temps furent toûjours fervies avec profufion; ce qu'il y avoit de plus illuftres Seigneurs dans toutes les parties de l'Em

qu'il penfa lui eftre funefte à lui-même. Il les mena à la chaffe des Bufles ou Bœufs fauvages, dont les Forests de Germanie eftoient pleines, & où il y en avoit d'une prodigieufe grandeur. Les premiers qui furent lancez, en paffant auprès des Ambaffadeurs, les épouventerent fi fort, qu'ils commencerent à fuir. L'Empereur pour les raffurer, piqua fon cheval qui eftoit fort vite, vers un de ces furieux animaux, ayant tiré fon fabre, lui en déchargea un grand coup fur la tefte le Bufle rendu furieux par ce coup, fe tourna vers lui, & vint tefte baiffée pour crever fon cheval. L'Empereur ne put l'éviter fi promptement, qu'il ne lui emportait une partie de fa botte, en lui effleurant la jambe, & le peril auroit efté plus grand, fans qu'un Seigneur nommé Ifambard, alors difgracié, mais qui fe trouva en cet endroit-là par hazard, ayant fur le champ lancé fon javelot contre la befte,lui donna droit dans le cœur, & l'abattit fur la pla

[blocks in formation]

Prius terreos tantum homines vidimus, nunc autem aureos,
Tome I.

Ooo

venir cette Princeffe, lui montre la tefte & les cornes de cet effroyable Bufle, & en même temps le coup qu'il en avoit reçu à la jambe: elle en fut effrayée, & s'écria en pleurant & en le blamant de s'expofer à de fi grands perils. Hé bien, lui dit-il, que merite celui qui m'a tiré d'un tel danger? Ce qu'il merite, repartit-elle, il merite tout ce que vous pouvez lui donner; elle demanda qui c'eftoit, on lui dit que c'eftoit Ifambard, auffitoft elle fe jetta aux pieds de l'Empereur, le priant de le remettre dans fes bonnes graces ; & ce Prince prit plaifir à lui accorder ce qu'il eftoit afTez porté à faire de lui-même. Tous fes biens qui avoient efté confifquez lui furent rendus. L'Empereur le combla de nouveaux bienfaits, & la Princeffe elle-même lui fit fur le champ des prefens.

Les Ambaffadeurs Perfans dans leur route depuis l'Italie jufqu'à Aixla-Chapelle, n'ayant pas toûjours efté à la fuite de l'Empereur, n'avoient pas efté par-tout également bien refus, & en quelques endroits même avoient efté méprifez. Ils avoient toûjours cet affront fur le cœur, & cherchoient l'occafion favorable d'en faire leurs plaintes. Un jour que ce Prince leur parloit avec beaucoup de familiarité, & les preffoit de lui dire franchement ce qu'ils penfoient de fa puiffance, & s'ils avoient affez remarqué l'attachement que fes Sujets avoient pour fa perfonne.

Seigneur, lui dit un d'eux, voftre puiffance eft affurément très-grande : mais l'autorité que vous avez fur vos Sujets eft moindre, que la renommée ne la fait dans les païs éloignez de la France. L'Empereur choqué de cette réponse, mais faifant femblant de ne Feftre pas, lui demanda en riant quelle raifon il avoit de penfer & de par ler de la forte.

Seigneur, continua-t-il, les conqueftes que vous avez faites en Italie & en Pannonie, vous ont rendu infiniment redoutable aux Grecs : la Macedoine & l'Achaïe tremblent, & croyent que vous eftes fur le point de les aller fubjuguer. Les Habitans des Iles de la Mer Mediterranée, où nous avons pris terre pour ravitailler nos Vaiffeaux, ne parlent de vous qu'avec admiration, & ayant fçu que nous allions en Ambaffade à voftre Cour, ç'a efté par tout un empreffement à nous honorer, & à nous fournir avec abondance toutes les chofes dont nous avions befoin. De forte que nous avons cru que ceux qui commandent dans ces Ifles avoient tous efté élevez à votre Cour, & comblez de vos bienfaits. Mais fi-toft que nous avons eu pris terre en France nous avons vû en bien des endroits une conduite toute contraire à notre égard. Nous avons remarqué que noftre caractere & l'honneur que nous avons d'estre députez vers vous, touchoient peu beaucoup de vos premiers Officiers. Nous avons efté furpris enfuite de les voir fi refpectueux en voftre presence, fi empreffez à vous faire leur Cour & à vous fervir; mais nous avons conclu de-là qu'il y avoit dans leur conduite beaucoup d'affectation, & dans leur cœur très-peu de veritable zele, & de fincere attachement pour vostre Perfonne. Alors il marqua à l'Empereur certains faits particuliers & certaines occafions où l'on en avoit mal ufé à leur égard, & lui nomma des Comtes, des Abbez, des Evêques qui eftoient actuellement à la Cour defquels ils avoient le plus de fujet de fe plaindre.

L'Empereur dit aux Ambassadeurs, qu'ils lui faifoient plaifir de lui parler ainfi avec franchife, & qu'ils feroient contens de lui. En effet, s'eftant affeuré de la verité de ces plaintes, il dif

[merged small][ocr errors]

gracia ceux dont on fe plaignoit le plus, caffa ces Gouverneurs, & condamna quelques-uns de ces Evêques à une très-groffe amende.

Cette plainte obligea l'Empereur à donner des ordres très-forts pour la reception de ces Ambaffadeurs dans toutes les Villes où ils pafferoient à leur retour. En les congediant il leur fit quantité de beaux prefens pour le Roy de Perfe: il leur donna entre autres de fort beaux chevaux, des mulets d'Espagne, des étoffes de toutes couleurs faites en Frife,qui eftoit alors F'endroit de l'Europe où l'on les travailloit le mieux, & des chiens d'une grandeur extraordinaire, dreffez pour la chaffe des bêtes les plus feroces.Il les fit accompagner par fes Ambaffadeurs, qu'il envoya au Roy de Perfe, qui charmé de ce qu'on lui rapporta des grandes qualitez de ce Prince, dit aux Envoyez François, qu'il cedoit à leur Maiftre toute fon autorité dans la Terre-Sainte; que fi elle n'eftoit pas fiéloignée de la France,il le prieroit d'en venir prendre poffeffion lui-mefme; mais que deformais il ne vouloit plus la gouverner que comme Viceroy au nom de l'Empereur des François. Telle eftoit par toute la Terre la réputation de Charlemagne, le plus renommé, ou pour mieux dire le feul renommé des Princes Chrétiens, & le feul qui meritaft alors de l'eftre.

Charlemagne devenu Empereur d'Occident, penfa à conquerir le refte de l'Italie, laquelle avoit toûjours efté dans le partage de ceux qui avoient autrefois porté cet augufte Titre. Il ne manquoit pas d'ailleurs de fujets de declarer la guerre à Irene, parce que Grimoald Duc de Benevent recommençoit à toute occafion fes revoltes, & ne s'y foûtenoit que par le fecours des Grecs. Le Roy d'Italie prit cette année fur lui quelques Places, & entre autres Nocera; mais le Duc la reprit

[blocks in formation]

L'Imperatrice Irene en eut avis, & penfa ferieufement à conjurer cette: tempefte;elle eftoit d'autant plus dangercufe pour elle, qu'une guerre de cette importance demandoit un Empereur, & qu'on difoit affez haut à Conftantinople, que d'oppofer une femme à Charlemagne, c'eftoit rendre l'Empire ridicule.

Cette femme qui n'avoit pu fouffrir fon fils pour Collegue,eftoit bien éloignée de fouhaiter d'avoir Charlemagne pour mari: mais dans des conjonEtures auffi délicates que celles où elle fe trouvoit, c'eftoit beaucoup que d'éloigner le péril, & de pouvoir fonder fur le temps & fur les délais quelque efperance de reffource. Le parti donc qu'elle prit, fut de propofer à Charlemagne de l'époufer.

Elle envoya en France pour ce fujet Leon fon Capitaine des Gardes,qui An. 81. en fit la propofition.

qu'Irene lai

Charles la trouva très-avantageufe; 11 accepiel. c'eftoit fans combattre, unir dans fa propofition perfonne les deux Empires, & s'affeu- fait de l'épon rer, du confentement de tout le mon- fer, de, une dignité que tout l'Orient lui. conteftoit. Il renvoya l'Ambaffadeur avec une réponfe conforme aux intentions de l'Imperatrice, & fit partir avec lui pour Conftantinople Jeffé Evêque d'Amiens, & un Comte nommé Helingaude. Ils avoient ordre de ménager cette affaire, de tâcher de Qoo ij:

« VorigeDoorgaan »