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800.

de Bretagne vinrent le faluer, & lui faire des prefens. La maladie & la mort de la Reine Lutgarde fa cinquiéme femme,l'y retinrent quelques jours. Il revint par Orleans & par Paris à Aix-la-Chapelle, & au mois d'Aouft il tint l'Affemblée generale des Etats à Mayence. Il y declara la refolution qu'il avoit prise de faire le voyage deRome,& peu de jours après il fe mit en marche.

L'Hiftoire nous le fait voir tout d'un coup avec fon Armée à RavenEginard in nc, fans nous marquer la route qu'il Annal, ad an. tint pour aller en Italie. Après avoir demeuré quelques jours en cette Ville-là, il marcha en cottoyant la mer jufqu'à Ancone: de-là il détacha fon fils Pepin Roy d'Italie avec la plus grande partie de l'Armée, pour entrer dans le Duché de Benevent, où tout fe foûmit fans refiftance, foit que le Duc Grimoald fe fuft retiré fur les Terres des Grecs, foit qu'il euft eu lui-mefme recours à la clemence du Roy.

An.800.

Eginard,

Charlemagne après avoit fait ce détachement, s'avança avec le refte de fon Armée vers Rome. Le Pape vint au-devant de lui jufqu'à Noviento, autrefois Ville Epifcopale dans la Sabine, ils y mangerent enfemble, & après le repas & quelque entretien fur diverfes affaires, le Pape retourna à Rome, où le Roy arriva le lendemain vingt-quatriéme de Novembre. Le Pape l'attendoit hors la Ville avec plufieurs Evêques & tout fon Clergé fur les degrez de la Bafilique de S. Pierre, Charlemagne defcendit là de cheval, & monta dans la Bafilique avec les acclamations de tout le Peuple, le Clergé chantant les louanges de Dieu en action de grace de fon heureufe arri

vée.

Il paffa fept jours à fe faire inftruire de l'état de Rome & de la fituation des affaires d'Italie, & à examiner les

informations qu'on avoit faites fur l'attentat commis contre la perfonne du Pape. Au bout de ce temps-là il fit affembler dans l'Eglife de S. Pierre les Evêques, les Abbez, les principaux de la Nobleffe tant Françoife que Romaine. Le Pape & le Roy s'eftant affis à cofté l'un de l'autre, ils firent auffi affeoir les Prelats & les Abbez & tous les Seigneurs, le refte du Clergé étant debout derriere.

Le Roy parla, & dit que le principal fujet pour lequel il eftoit venu en Italie, eftoit celui pourquoi il avoit affemblé devant l'Autel de S. Pierre ce qu'il y avoit de plus illuftre à Rome dans l'Etat Ecclefiaftique & dans l'Etat Seculier; que l'attentat commis contre la perfonne du Vicaire de JesusChrift l'avoit rempli d'horreur ; que les auteurs de cet affaffinat n'avoient pu fe défendre qu'en chargeant le Pape des plus horribles crimes; que le Pape pour l'honneur de l'Eglife, la réputation de la Chaire de S. Pierre, & l'édification de tous les Chrétiens, vouloit bien qu'on fift un examen juridique de tout ce qu'on lui reprochoit, & que s'il y avoit quelqu'un dans l'Affemblée qui vouluft fe porter pour accufateur,& prouver quelqu'une des charges, on l'écoûteroit.

Anagafins.

Il ne fe trouva perfonne qui ofaft, ou qui vouluft l'entreprendre, & tous les Archevêques, Evêques & Abbez Eginard. dirent tout d'une voix, qu'il ne leur Analtatus. appartenoit pas de juger le Pape.

Cette conduite refpectueufe envers le Pape nous a empêché de fçavoir le détail des chofes dont fes ennemis l'avoient accufé. Il prit la parole, & dit qu'il fe juftifieroit au pluftoft de la maniere dont fes prédeceffeurs l'avoient fait en pareilles occafions, fur cela l'Aflemblée fe leva & fe fépara.

Le lendemain non-feulement les E- Le Pape fe vêques, les Abbez, les Seigneurs, le infifie des Clergé, mais encore une grande fou-on fo l'acerfore,

Crimes L'ont

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Baronius ad an.800.

termes.

"

Tout le monde fçait, mes très» chers freres, que plufieurs méchans » hommes fe font declarez mes enne» mis, & ont entrepris de noircir ma », réputation,en me chargeant des plus horribles crimes. C'eft pour s'inf ,, truire de la verité ou de la fauffeté » de ces accufations que le très-cle»ment & très-fereniffime Roy Char» les cft venu en cette Ville avec fes » Evêques & les Seigneurs de fon Etat. C'eft pourquoi moi Leon, Pon»tife de la fainte Eglife Romaine, fans » avoir efté jugé ni contraint par per,, fonne, mais de mon plein gré je declare en vostre prefence devant "Dieu, qui connoift ma confcience, », devant fes Anges, devant S. Pierre » le Prince des Apoftres, que je n'ai "point commis ni fait commettre les ,, crimes dont on m'accufe. J'en prens „ à témoin Dieu qui nous doit juger, » & qui nous voit ici affemblez; & ce », que je fais ici, je le fais fans y eftre » obligé par aucune Loy, & declarant que je ne prétens point que ma " conduite en cette occafion paffe en ,, coûtume dans la fainte Eglife, ni ,, impofer par mon exemple à mes fucceffeurs ou à mes freres les Evêques ,, une obligation d'en faire jamais au,, tant. Je n'en use ainfi que pour vous ofter tous les injuftes foupçons que ,, vous pourriez avoir conçus fauffe,, ment de moi.

"

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Cette proteftation fut fuivie des acclamations du Peuple, & auffi-toft après tout le Clergé entonna les Lita

nies en action de graces du rétablisfement de la paix & de la tranquilité renduë à l'Eglife & à la Ville de Rome.

Campule & Pascal auteurs de l'affaffinat du Pape, furent traitez plus Eginard, in doucement qu'ils ne meritoient. Le Anual, Pape pria Charlemagne de leur accorder la vie. Il le fit, d'autant plus volontiers, qu'ils eftoient neveux du Pape Hadrien, qu'il avoit tendrement aimé, & il fe contenta de les envoyer en exil avec leurs compli

ces.

Mais ce qui fe paffa à Rome un mois après que cette affaire eut efté vuidée, fut bien d'un autre éclat, par le grand intereft que devoient y prendre l'Empire d'Orient & la France, les deux plus grands Etats du monde Chrétien. Ce fut l'élevation de Charlemagne à l'Empire, appellée_communément la Tranflation de l'Empire à la Famille de Charlemagne, expreffion qui n'eft pas tout-à-fait jufte; puifqu'en donnant à Charlemagne la qualité d'Empereur, on ne prétendit pas l'ofter, & on ne l'ofta pas en effet aux Princes qui monterent depuis fur le Trône de Conftantinople: ce ne fut qu'une communication de cette dignité telle qu'elle s'eftoit faite autrefois fi fouvent, lorfque le monde fe partageoit entre deux Empereurs, dont l'un eftoit Empereur d'Orient, & l'autre Empereur d'Occident, & Charlemagne en effet ne prétendit jamais à d'autre titre qu'à celui d'Empereur d'Occident. Voici comme la chofe fe fit felon nos anciens Hiftoriens, qui n'en font qu'u ne Relation fort courte & fort fimple.

Charlemagne eftant allé le jour de Elevation de Noël à la Balilique de S. Pierre, pour charlemagne y affifter à la Meffe, comme il eftoit à à Empire genoux devant l'Autel, le Pape s'ap-Eginard, ad procha de lui, & lui mit unc Couron an. Sos.

a Occident.

ne fur la tefte.Auffi-toft tout lePeuple commença à crier, Vive Charles Augufte, couronné de la main de Dieu,vie & vitoire au grand & pacifique Empereur des Romains. Pendant ces acclamations, ce Prince s'eftant affis dans une espece de Trône qu'on lui avoit préparé, le Pape vint lui rendre les refpects, & lui Faire les reverences que les Souverains Pontifes avoient coûtume de faire aux Empereurs, quand ils les faluoient à Rome en cette qualité. Et il lui declara en le faluant, que deformais au lieu du titre de Patrice des Romains qu'il avoit porté jufqu'alors, on lui donneroit celui d'Empereur & d'Augufte. Il lui prefenta l'habit Imperial dont il fe reveftit, & avec lequel il retourna de l'Eglife à fon Palais avec l'applaudiffement de tout le Peuple Theophanes de Rome. Eginard Secretaire de

in Chronic.

Charlemagne, nous dit une circonftance de cette affaire, qui me paroîtroit difficile à croire, fans le témoignage d'un Ecrivain de cette autorité. Il fuppofe que ce Prince ne fçavoit rien du tout du deffein du Pape touchant fon couronnement, & il ajoûte que quand il fe vit faluédu nom d'Empereur & d'Augufte, il en fut fi chagrin, qu'il protefta que s'il avoit prévû la chofe, il ne feroit pas venu à l'Eglife, nonobftant la celebrité d'un jour auffi faint que celui de Noël.

:

Si cette proteftation fuft fincere, elle fut l'effet & la marque d'une grande modeftie mais Charlemagne aimoit beaucoup la gloire, & eftoit fort politique ; & fi ces titres lui furent d'onncz malgré lui, il parut dans la fuite les retenir fort volontiers. Il eut trèspeu d'égard au reffentiment qu'en firent paroiftre les Empereurs Grecs, qui s'en plaignirent fouvent, comme d'une ufurpation infoûtenable,& qu'il appaifa en quelque façon par les Amballades frequentes qu'il leur envoya fur ce fujet, avec des Lettres pleines

d'honnektetez, mais où il prenoit & où il leur donnoit toûjours la qualité de frere, traitant avec eux d'égal à égal. Les reflexions que j'ai faites à l'occafion du Concile de Francfort, & des fuites de ce Concile fur certaines circonftances de la conduite de Charlemagne, peuvent encore contribuer à augmenter le doute qui vient affez naturellement fur la fincerité de cette moderation.

Quoiqu'il en foit, les conjonctu res furent fort heureufes pour autorifer & pour juftifier cette élection. La principale eftoit, qu'il n'y avoit plus d'Empereur dans l'Empire, & que le Gouvernement en eftoit entre les mains d'une femme, qui l'avoit tyranniquement ufurpé, chofes inouies jufqu'alors. Cette feule raifon fuffifoit aux Romains & à l'Occident, pour rentrer dans le droit qu'ils avoient eu autrefois, auffi-bien que l'Orient, de fe choifir un Empereur. Charlemagne en avoit toute la puiffance & en Italie, & dans les Gaules, & au-delà du Rhin. Le feul titre lui en fut donné avec la Couronne. C'est ainfi que la chofe fe paffa, & ce fut en cela que confifta la fameufe Tranflation de l'Empire aux Rois François. Ils en conferverent la poffeffion cent ans, & c'eft par eux que cet honneur & cet avantage dont l'Occident joüit encore aujourd'hui, lui fut renduë trois cens cinquante ans après la dépofition de Romule furnommé Auguftule, le dernier Empereur d'Occident. Ce grand efpace avoit esté rempli par les regnes des Erules, des Oftrogots, des Lombards, des François en Italie jufqu'à cette année, que Charlemagne reçut cet augufte titre d'Empereur d'Occident, qu'il foûtint avec tant de gloire.

Ce fut un peu avant le Couronnement de Charlemagne, en qualité d'Empereur, que fut fait une Mofaï

Ibid.

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Anattalus.

Xginard.

Depuis l'élevation de Charlemagne à l'Empire, on battit des Monnoyes* à Rome en fon nom & au nom de fes fucceffeurs ; leur nom eftoit d'un côté, & de l'autre le nom du Pape ou la figure de S. Pierre.

Ces Monnoyes prouvent l'autorité des Empereurs François dans Rome, auffi-bien que la Puiffance temporelle des Papes. L'une & l'autre eft auffi prouvé par la Mofaïque, où le titre de Dominus Noster eft donné au Pape & à Charlemagne. Les Auteurs d'au-de

là des Monts & ceux d'en-deçà ne conviennent pas fur la fubordination & fur le temperament de ces deux puiffances. L'Hiftoire n'admet point de ces fortes de Differtations. Elle fe contente de raconter les faits, & les Lecteurs pourront regler leur jugement fur cette matiere par ceux que j'ay rapportez dans l'Hiftoire de ce Regne, & par d'autres que je rapporterai dans celle des Regnes fui

vans.

CHARLEMAGNE

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HARLEMAGNE paffa tout l'hiver à Rome; il y lignala fa magnificence & fa pieté par les riches prefens qu'il fit à l'Eglife de S. Pierre & aux autres Eglifes, de Vafes, de Couronnes, de Calices d'or, & de plufieurs autres chofes femblables à l'ufage des Autels. Il fit des Reglemens, & donna des ordres pour le bon gouvernement de la Ville de Rome & de l'Italie, pour la fûreté du Pape, & pour lui faire rendre le refpe&t & l'obéïffance qui lui eftoient dûs, fit vuider quantité d'affaires particulieres, tant Séculieres qu'Ecclefiaftiques, & commença dès-lors à marquer dans les Actes publics l'année de fon Empire & de fon Confulat, felon l'ancien ufage des Empereurs. Il envoya des Troupes dans le Duché de Benevent, pour chastier encore quelque refte de mutins. Enfuite il partit de Rome avec fon fils Leges Lon Pepin le vingt-cinquiéme d'Avril, & vint à Pavic, où il fit quelques additions aux Loix des Lombards, cette Nation continuant toûjours d'eftre gouvernée par fes Loix particulieres. Ce fut là qu'il apprit que des Am

An. 801.

gobard.

Il reçoit des Ambaffa

EMPEREUR.

de Perfe.

baffadeurs du Roy de Perfe eftoient deurs du Ry arrivez au Port de Pife; il envoya au devant d'eux quelques perfonnes de fa Cour, leur donna audience dans fon Camp entre Verceil & Yvrée. Ils lui apprirent la mort de deux de fes Ambaffadeurs qu'il avoit envoyez en Perfe trois ou quatre ans auparavant, & lui dirent qu'ils ramenoient avec eux le troifiéme, qui eftoit un Juif nommé Ifaac, avec divers prefens dont leur Maiftre l'avoit chargé, afin de les lui prefenter de fa part. Entre autres raretez il y avoit un Elephant, que le Roy de Perfe le prioit de recevoir comme une chofe qu'il fçavoit bien eftre très-rare dans l'Occident; cet Ambaffadeur dont le Vaiffeau avoit efté écarté par la tempefte, n'arriva qu'au mois d'Octobre à PortoVeneré, d'où l'on transporta l'Elephant en France avec beaucoup de précautions; c'cftoit apparemment la premiere fois qu'on y en avoit vû depuis que les François regnoient dans les Gaules.

Les Ambaffadeurs de Perfe eftoient venus par l'Afrique; un des plus puiffans Emirs nommé Abraham, qui

* Ces Monnoyes font rapportées par M. le Blanc dans fa Dissertation fur quelques Monnoyes de Charlemague, &c.

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