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fant, qu'ils avoient refolu de fe donner à Dieu, & d'embraffer l'Etat MoAnaftafius. naftique. Conftantin ravi d'eftre délivré d'un de fes plus grands ennemis, confentit très-volontiers à leur départ, après le ferment qu'ils lui firent,qu'ils n'avoient point d'autre deffein, que de fe faire Moines. Mais au lieu d'aller au Monaftere, où ils avoient eu permiffion de fe retirer, ils marcherent droit à Spolete, où ils conjurerent le Duc Theodofe de leur donner moyen de gagner feurement & promptement le Pô, pour aller trouver le Roy des Lombards, & lui communiquer des affaires importantes pour le bien de l'Eglife de Rome.

Il est arrefté mis en

prison.

Le Duc leur accorda ce qu'ils demandoient,& les fit accompagner jufqu'à Pavic, où ils s'ouvrirent à Didier fur le deffein qu'ils avoient de délivrer Rome du Tyran qui s'en eftoit emparé, & de faire élire canoniquement un Pape. Ce Prince, qui avoit contribué à l'invafion de Conftantin, dans l'efperance de l'avoir à fa devotion; mais qui avoit fçu, que depuis fon exaltation, il avoit écrit au Roy de France, pour fe mettre fous fa protection, à l'exemple de fes Prédeceffeurs, ne fut pas trop faché de voir qu'on penfoit à le détrôner. Il leur répondit,qu'ils fiffent ce qui leur plairoit, qu'il ne s'oppoferoit point à leur deffein, & qu'il ne prenoit nul intereft à la confervation de Conftantin.

Ils n'en fouhaitoient pas davantage. Ils retournerent à Rome avec plufieurs Lombards, prirent avec eux en paffant dans le Duché de Spolete & à Rieti de nouveaux conjurez, donnerent avis de leur approche à ceux qu'ils avoient déja dans Rome, & y arriverent le foir du vingt-huitiéme jour d'Aouft. Ils demeurerent dehors jufqu'au lendemain, qu'ils fe partagerent, pour se rendre maîtres de di

verfes Portes de la Ville. Serge, un des deux Chefs de la conjuration,s'approcha de la Porte de S. Pancrace, dont quelques-uns de fes parens & des conjurez avoient la garde. Au fignal qu'il fit on la lui ouvrit, & il s'en empara. Le Duc Toton, frere du prétendu Pape, qui étoit fort alerte, ayant eu quelque foupçon de ce qui fe palloit, accourut à cette porte avec un autre de fes freres nommé Paflif, & quelques-uns de fes amis, ou qu'il croyoit tels. Si-toft qu'il y parut, il fut attaqué par un Lombard nommé Racipert, contre lequel il fe défendit fi bien, qu'il le tua. La mort du Lombard étonna les autres conjurez: mais deux de ceux qui étoient venus avec Toton, comme pour l'efcorter, & qui étoient de la confpiration, le percerent par derriere de deux coups de lance, & le firent tomber mort fur la place; on fe faifit de l'autre fiere de Conftantin, & enfin de Conftantin mefme, qui fut mis en prifon, où il paya bien cher la courte gloire d'une année de Papauté.

élu à la place.

Anaftafius,

Sur le champ quelques Romains, Etienne f ayant à leur tete un Prétre nommé Vaudepert, coururent au Monaftere de S. Vite, y prirent le Moine Philippe, qu'ils proclamerent Pape, & le conduifirent au Palais de Latran.Chriftophle & Serge, les deux Chefs de la confpiration, furent fort furpris de cette nouvelle élection, & protesterent que ni cux, ni les Soldats qu'ils avoient amenez, ne fortiroient point de Rome, que Philippe ne fuft rentré dans fon Monaftere, pour laiffer la li berté entiere de faire une élection dans les formes. Ils étoient les plus forts, & Philippe fut obligé de ceder. Le lendemain Chriftophle & Serge firent une Aflemblée du Clergé, des principaux Citoyens Romains, & des plus confiderables Officiers de la Milice, & auili-tôt on proceda à l'élec

Anaftafius.

Mort de

Pepin.

tion libre d'un Pape. L'élection tomba fur un Prêtre de l'Eglife de fainte Cecile nommé Eftienne, homme fçavant, & d'une vertu reconnuë; tous les partis fe réunirent, & confentirent à ce choix. Il étoit le quatrième de ce nom, plufieurs neanmoins l'appellent Eftienne III. parce qu'ils ne comptent pas Eftienne II. qui ne fut Pape que quatre jours.

Le Prêtre Vaudepert, en faifant Pape le Moine Philippe, avoit agi felon les ordres du Roy des Lombards; il étoit Lombard lui-mefme, & devoit, avec le fecours de Theodofe Duc de Spolete, livrer Rome à ce Prince. Son deffein fut découvert, on l'arrêta, & on lui creva les yeux, de quoi il

mourut.

Le Pape Eftienne au contraire, fuivant fes veritables interêts, & l'exemple de fes prédeceffeurs, ne fut pas pluftoft élû, qu'il écrivit à Pepin, & fui députa Serge ce Treforier de l'Eglife Romaine, à qui il étoit redevable de fon Pontificat. Il avoit ordre, non-feulement de demander au Roy la protection qu'il avoit toûjours accordée aux Papes, mais encore de le prier d'envoyer à Rome les plus habiles des Evêques de France dans la fcience des Canons, afin d'y tenir un Concile, où l'on condamnât l'attentat impic de l'Antipape Conftantin, & où l'on reglât, pour la fuite, les conditions effentiellement requifes à l'élection canonique des Papes; la puiffance temporelle, qu'on avoit ajoûtée à la fpirituelle, ne devant rien changer à cet égard. Mais en arrivant en France ils apprirent la mort de Pepin.

Ce Prince ayant glorieufement terminé la guerre d'Aquitaine, qui dura près de neuf ans, revint à Xaintes, où il fut pris de la fiévre, & après y avoir efté quelques jours malade, il fe fit tranfporter à Tours au Tombeau de

Vita Caroli Magni.

An. 768.

S. Martin, & de-là à S. Denis, où il Eginard. in mourut d'une hydropifie, âgé de 54. ans, le vingt-troifiéme jour de Septembre de l'an 768. la dix-feptiéme année de fon Regne, & la vingtiéme de fon gouvernement. Il fut enterré à S. Denis, où l'on lit fur fon Tombeau, pour toute Epitaphe, Pepin pere de Charlemagne. Celui qui fit cette infcription vers le temps de S. Louis, auroit pû ajoûter, fils de CharlesMartel, digne fils de l'un, & digne pere de l'autre, fidele imitateur de fon pere, & grand exemple pour fon fils. Un marbre, qu'on dit eftre à Ravenne, contenoit un plus long Eloge. On y voit encore ces mots: Pipinus pius primus amplificandæ Ecclefia viam aperuit & Exarchatum Ravenna cum ampliffimis... pliffimis....... c'est-à-dire, Pepin eft celui qui a donné les premiers accroiffemens à la puiffance de l'Eglife, en lui donnant l'Exarcat de Ravenne, & d'autres Domaines très-étendus. Le refte eft effacé. L'Abbé Suger dit,qu'il voulut eftre enterré à la porte de l'Eglife, dans la fituation que les penitens avoient couftume d'y avoir dans le temps de leur penitence, le vifage contre terre; & qu'il l'ordonna ainíi, pour expier en quelque façon les entreprifes que Charles-Martel fon pere avoit faites contre les privileg es des Eglifes.

Le courage, la prudence, le bon- Caractere de heur, toutes les grandes qualitez de ce Prince. l'efprit & du cœur, n'avoient concouru dans aucun des prédeceffeurs de Pepin fur le Trône de France, comme dans fa perfonne, pour en faire un Prince accompli. Le talent de fe faire eftimer, refpecter, aimer & craindre, qui fuppofe toutes les vertus civiles & militaires, fut dans lui au fouverain degré. Il ne lui marqua, que de naître Prince de la Maifon Royale ; il y fuppléa par fon adreffe & par fon am

bition..

Caroline.

De toutes les voyes qui peuvent conduire au Trône un homme que la naiffance n'y a pas élevé, il choifit les moins odieufes. Il fit fi bien par fa conduite, que le peuple fe perfuada enfin, qu'il n'y étoit monté que par l'ordre de Dieu, & par une difpofition particuliere de fa providence pour le bien de l'Eglife Catholique, du Chriftianifme & de l'Etat. Ses victoires & fes conquêtes fur les Sarrazins, fes expeditions entreprises pour la défense de l'Eglife, les foins qu'il apportoit à étendre la Foy parmi les Nations de la Germanie, confirmerent les peuples dans cette idée. Les liaifons étroites, qu'il entretint toûjours avec les Papes; la protection continuelle qu'il leur donna, & dont il fe fit un point d'honneur, & un In Codice point de politique; les Lettres que ces Papes écrivoient aux Evêques, aux Seigneurs François, aux Affemblées de la Nation, & à lui-mefme, qui faifoient toûjours mention des deffeins de Dieu fur fa perfonne, pour l'honneur de l'Eglife, & pour l'affermiffement de la vraye Foy ; tout cela le rendit fi refpectable à fes Sujets, & leur fit tellement oublier qu'il avoit ufurpé le Trône, qu'il n'eft pas fait mention, dans tout fon regne, de la moindre faction contre fon autorité. Cette autorité fut toûjours abfoluë, & d'autant plus, qu'il affecta de la faire paroître moins indépendante, par les Affemblées frequentes de la Nation, aufquels il communiquoit tous fes grands deffeins, & les plus importantes affaires de l'Etat; chofe dangereufe s'il n'y euft pas efté feur de fon pouvoir; mais il n'y fut jamais contredit, & fa volonté y étoit toûjours la regle des fuffrages. L'opinion qu'on avoit conçûë de fa prudence produifit cet effet: on en avoit une fi haute idée, qu'elle avoit paffé comme en proverbe; & quand on vouloit louer quel

qu'un par cet endroit: Il eft, difoiton, prudent comme Pepin. La grande part que les Seigneurs François eurent alors dans le Gouvernement de l'Etat,fut ou l'effet de fa politique,pour se les tenir plus attachez, ou peut-être une condition fous laquelle il fut élevé fur le Trône; car c'étoit-là la maniere de l'ancien Gouvernement de tous les peuples de la Germanie. Clovis l'avoit changée, après avoir fait périr tous ces petits Rois François, dont il eft parlé dans l'Hiftoire de fon Regne. Il avoit rendu fon Empire entierement Monarchique, & le Gouvernement de fes premiers fucceffeurs paroift avoir efté tel au moins jufqu'au Regne de Clotaire II. fous lequel on voit, qu'il fe faifoit de plus frequentes Affemblées des Grands de l'Etat, mais elles le furent beaucoup plus fous Pepin, fous Charlemagne, & fous tous les Rois de la feconde Race.

La petite & groffe taille de Pepin, qui lui fit donner les furnoms de Bref & de Gros, ne diminuoit rien du refpect que fon grand merite lui attiroit. Il avoit dans cette courte groffeur un certain air & une certaine fierté, qu'il faifoit, quand il vouloit, fuppléer à la majefté du port; & il avoit de plus tant de force, qu'il n'y avoit point de bras dans tout fon Eftat comparable au fien, ce qui n'eftoit pas en ce temps-là une des moindres qualitez requifes pour faire un Heros. Le Moine de S.Gal rappor- Lib. 2. cap. te un exemple de cette force extraor- 23. dinaire de Pepin, dans l'Hiftoire de Charlemagne. Il dit, que Pepin ayant appris que quelques-uns des plus confiderables de fon Armée, avoient raillé en fecret de fa figure, les invita au divertiffement du combat d'un taurcau avec un lyon à Ferrieres; que le lyon ayant faili le taureau par le cou, l'avoit terraffe, & qu'acharné fur lui il commençoit à l'étrangler;

qu'alors le Roy dit à toute fa Cour: Qui de vous autres aura affez de courage, pour aller faire lâcher prise à ce lyon, ou pour le tuer. Chacun fe tut, & perfonne ne fe voulut charger d'une fi dangereufe commiffion : alors le Roy tirant fon fabre; ce fera donc moi, dit-il, & en même temps il def cend dans l'arene, va droit au lyon, & lui coupe la tefte du premier coup; puis revenant froidement prendre fa place, il dit en paffant devant ceux à qui il vouloit fe faire entendre: David eftoit petit, & terraffa Goliat; Alexandre estoit petit, mais il avoit plus de force & de cœur que plufieurs de fes Capitaines plus grands & mieux faits que lui. Ceux qui fe fentoient coupables l'entendirent fort bien, & fe tínrent pour bien avertis d'eftre une autre fois plus difcrets.

L'Hiftoire lui reproche peu de défauts. On y voit feulement qu'il eut quelques enfans naturels ; qu'il fut Epift. 45. in tenté de repudier la Reine Bertrade, Ca- pour mettre à fa place une autre perFone Chro fonne qu'il aimoit.Mais le Pape Etiennic.Belyenfe. ne III. lui ayant fait là-deffus des re

PIPINVS REX. Revers AQVITANIORÝM,

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SOMMAIRE

P

DU REGNE

DE

CHARLEMAGNE.

Epin partage fes Etats entre Charlemagne & Carloman fes fils. Charlemagne met en fuite Hunalde Duc d'Aquitaine. Il repudie fa femme pour épouser la fille du Roy des Lombards. Mort de Carloman. Charlemagne fe met en poffeffion de fon Royaume.Etat de la Saxe du tems de Charlemagne. Il declare la guerre aux Saxons. Il prend Eresbourg,& détruit le Temple d'Irminful. Il pardonne aux Saxons. Affaires d'Italie. Il repudie fa feconde femme, & époufe Hildegarde. Didier fait des courfes dans l'Exarcat de Ravenne. Charlemagne fait marcher fes Troupes vers l'Italie. Il fait faire des remontrances à Didier qui font fans effet.Les Lombards prennent la fuite par une terreur panique. Charlemagne affiege Didier dans Pavie. Il va paffer la fête de Pâques à Rome. Il confirme la donation faite au Pape de l'Exarcat de Ravenne. Fin duregne des Princes Lombards en Italie. Revolte des Saxons. Charle magne accepte leurs foumiffions. Il di pe la conjuration des Lombards en faveur d'Adalgife fils de Didier. Il entre en Saxe avec une Armée. Il paffe en Espagne, &y pouffe fes conqueft es jufqu'à la riviere d'Ebre. Les Gafcons battent fon arriere-garde dans la vallée de Roncevaux. Il crée des Comtes dans l'Aquitaine. Les Saxons fe foûlevent de nouveau. Ils font défaits entierement. Charlemagne leur pardonne & leur laiffe des Ecclefiaftiques pour les inftruire dans la Religion Chrétienne. Il fait un nouveau voyage en Italie. Il fait proclamer Pepin Roy de Lombardie, & Louis Roy d'Aquitaine. Irene Imperatrice lui envoye une Ambassade. Le Duc de Baviere vint lui prêter ferment defidelité. Deux de fes generaux font battus. Il fait couper la tefte à quatre mille cinq cens de ces rebelles. Revolte generale des Saxons. Charlemagne les défait en trois batailles. Il gagne Vitikinde & Alboin qui fe font Chrétiens. Il fait un nouveau voyage au-delà des Alpes. Le Duc Tallon vient fe jetter à fes pieds: le Roy fe laiffe fléchir. Le Duc de Baviere continuë fes pratiques. Il est dépouillé de fes Etats & enfermé dans un Monaftere. Les Gene

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