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Annal.

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les Provinces, aux perfonnes opprimées & indéfendues mais il ne fut pas long-temps fans fe repentir de la liberté, qu'il avoit donnée à fon frere Grippon, dont l'efprit remuant & inquiet l'engagea dans de nouvelles guerres.

Grippon frere Ce jeune homme, dont après tout, de Pepin fere- les pretentions eftoient fondées fur fugie en Saxe Eginard. in les dernieres volontez de fon pere Charles - Martel, ne s'ennuyoit gueres moins du Palais de Pepin, que de fa prifon de Neufchaftel. La retraite de Carloman luy fit naiftre l'envie de fe faire Duc d'Auftrafie; il commença à faire fes intrigues dans cette vûe, & il entra fi bien dans l'efprit de plufieurs Seigneurs de la Nation, qu'il les mit dans fes interefts. Il gagna quantité de jeunes gens de la Cour & de la Nobleffe, & fit demander aux Saxons une retraite dans leur païs: puis ayant tout d'un coup difparu, lorfqu'on y penfoit le moins, il s'y refugia, & fut fuivi d'un grand nombre de ces jeunes Cavaliers qui s'étoient dévouez à lui, & qui lui menerent des Soldats. On apprit peu de temps après, qu'il eftoit à la tefte d'une Armée, & qu'il faifoit des courfes dans la Turinge.

Pepin eut bien - toft paffé le Rhin; il entra dans la Turinge, pour la défendre avec une Armée de François, tandis que les Efclavons Vinides, qui avoient autrefois fait tant de peine à Dagobert I. & que Pepin avoit engagez à le fervir dans cette guerre, entrerent dans le païs des Saxons avec une Armée de cent mille hommes, & fe joignirent à lui, Les Saxons appellez Nordsquaves, qui ne s'eftoient pas attendu à eftre attaquez de ce côté-là, mirent les armes bas, demanderent quartier, & promirent de fe faire Chreftiens, fi on leur pardonnoit. Pepin leur accorda la vie; mais il fit rafer tous leurs Forts, & fit vi

vre fon Armée à difcretion pendant quarante jours dans leur païs, où plufieurs en effet embrafferent la Religion Chreftienne. Theodoric Duc des Saxons fut pris une troifiéme fois dans fa Fortereffe d'Hochfigbourg, & apparemment il lui en coûta la vie, car il n'en eft plus fait mention de- Metenfes, puis.

Annales

Grippon ne laiffa pas de faire bon- Eginard. in ne contenance avec fon Armée, fe re- Annal trancha fur le bord d'une riviere qu'Eginard appelle Miffaca, en un lieu nommé Schaningen. Pepin vint à lui pour le combattre ; mais fur le point qu'on eftoit d'en venir aux mains, on fit des propofitions de paix, & les deux Armées s'éloignerent l'une de l'autre, fans en venir à la bataille. Ce pour-parler & cette cfpece de tréve n'eut point d'effet. Grippon ne l'avoit propofée, que pour fe tirer du danger où il eftoit, & des mains des Sa-. xons, dont il commençoit à fe défier. Il lui venoit tous les jours des Troupes de France, envoyées par le parti qu'il y avoit. Ce fut apparemment ce qui empêcha Pepin de pouffer plus loin fes victoires en Germanie, & ce qui l'obligea de repaffer le Rhin, de peur que ce parti ne fe fortifiaft pendant fon abfence.

Mais Grippon ne manqua pas de profiter de cette retraite, & d'une conjoncture favorable qui fe prefenta de faire une conquefte importante, qu'il regardoit comme un établiffement, ou du moins comme un moyen plus facile, de fe foûtenir contre la puiffance de Pepin.

Durant cette Campagne, Odilon Il fe fait Duc de Baviere mourut, ne laiffant proclamer Dus qu'un fils fort jeune nommé Tail- de Baviere. lon, qu'il avoit eu de Hiltrude, cette foeur de Pepin, qui après la mort de Charles-Martel, s'eftoit évadée & refugiée en Baviere, où elle avoit épou fe le Duc malgré fes deux freres. Au

temps de fa fuite elle eftoit dans les interefts de Grippon, & Grippon dans les fiens; mais ces interefts devinrent contraires. Grippon avec fes François & un fecours du Duc des Allemans, marcha en Baviere, s'y fit joindre par un Seigneur François nommé Suger, qui lui amenoit un nouveau Corps de Troupes de France, furprit la Ducheffe & fon fils, les prit, & fe fit proclamer Duc de Baviere. Ce qui lui facilita cette conquefte, c'eft qu'il eftoit fils d'une Bavaroife, fçavoir de Sonnechilde nié

ce du dernier Duc.

Si Pepin avoit pû efperer autant de foumiffion de fon frere, que du jeune Duc Taffillon fon neveu, peuteftre l'auroit - il laiffé en poffeffion de ce qu'il avoit pris, en lui pardonnant la maniere dont il s'en eftoit faifi: mais la connoiffance qu'il avoit de fon ambition, & des Ligues qu'il avoit faites avec les Saxons & les Allemans, lui fit comprendre qu'il n'en demeureroit jamais là, & que la Baviere fous un tel Duc, feroit comme la Place d'Armes de toutes les Nations Germaniques ennemies ou mécontentes de la France, pour l'attaquer en toute occafion. Il fe refolut donc de l'en chaffer. Grippon s'y attendoit bien, & fe prepara à fe défendre, mais il tenta en même temps une autre voye plus douce & plus feûre, pour fe maintenir dans fon nouvel État.

Il envoya en Italie un de fes Confidens à Optat Abbé du Mont Caffin, & à Carloman qui demeuroit dans ce Monaftere, & les engagea à prier le Pape de fe faire mediateur entre lui & Pepin. Le Pape le voulut bien. Concil. Gall. Il eft vrai - femblable qu'il en écrivit immediatement à Pepin; mais nous n'avons que la Lettre qu'il écrivit aux Evêques de France fur ce fujet, pour les exhorter à employer tout leur crc

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dit & toute leur autorité, pour ménager la paix. Optat & Carloman y exhorterent auffi Pepin; mais ils ne pûrent rien gagner fur lui.

Il eft pris par Pepin qui

donne un

Pendant l'hiver de l'année fept cens quarante - fept & le commencement de fept cens quarante-huit, il prit des appanage. mefures pour n'avoir rien à craindre au dedans du Royaume ; & le prin- An 747 748

temps ne fut pas pluftoft arrivé, qu'a- An 748. Anvec une promptitude extrême il fe nl Ratifpon. rendit en Baviere, y pouffa fi vive- Tom. 4. ment Grippon, qu'il le prit avec la nalect. plus grande partie des mécontens qui avoient fuivi fon parti. Après avoir rétabli le jeune Duc Taflillon qu'il laiffa fous la conduite de fa mere, il rentra en France, où il amena Grippon, & au lieu de le faire punir, comme il le pouvoit, il le traita avec beaucoup de bonté, le conjurant de ne plus mettre fa patience à l'épreuve, de ne plus s'abandonner aux confeils violens de perfonnes qui ne cherchoient qu'à mettre la divifion dans leur famille & dans l'Etat, & non feulement il le mit en liberté ; mais encore il lui donna la Ville du Mans pour y demeurer, & une espece d'appanage de douze Comtez dans le Royaume de Neuftric, fur lefquels il le pré- Egipard, in pofa avec le titre de Duc.

Cette condition eftoit au moins tolerable pour un homme, à qui fes revoltes & fes malheurs devoient en faire attendre une toute differente: mais il demeuroit Sujet de Pepin, & c'eftoit à quoi il ne pouvoit fe refoudre. Le chagrin le détermina encore une fois à quitter la France dès la mesme année, & à fe jetter entre les bras du Duc d'Aquitaine, qu'il alla trouver en Gascogne. Il en fut reçû avec joye, comme un homme qui pourroit lui eftre utile avec le temps contre la France.Pepin ne s'embarraffa pas fort de cette retraite. Tout eftoit foumis au-dedans & au-dehors du RoyauY y iij

Annales Metenfes.

Anual,

me,& fes victoires l'avoient rendu redoutable à tous fes ennemis. La douceur de fon Gouvernement lui avoit attaché le cœur des Peuples, & les Grands l'aimoient, & le craignoient. Enfin il crut être en état de faire ce que ni fon pere,tout puiffant & tout redouté qu'il eftoit, ni aucun de fes anceftres, excepté fon oncle Grimoald, qui n'y réüllit pas, n'avoient ofé tenter, quelque paffion qu'ils en euffent: ce

fut de prendre le titre de Roy, & de monter fur le Trône à la place de l'idole qui l'occupoit. Il en vint à bout par fon adreffe & par fa politique,avec beaucoup plus de facilité,que la grandeur de l'entreprise ne devoit lui faire efperer. C'est ce que je raconterai dans l'Hiftoire de la feconde Race de nos Rois, à laquelle Pepin, en s'emparant de la Couronne, donna com

mencement.

SOMMAIRE DU REGNE

DE

PEPI N.

monte fur le Trône & donne commencement à la feconde Ra

Pepin donne commencement à

ce. Mefures qu'il prend pour cela. Il met dans fon parti Boniface Evêque de Mayence. Il fait approuver fon deffein par le Pape. Il eft proclamé Roy, & Childeric conduit dans un Monaftere. Défaite de Grippon. Aftolphe fe rend maistre de Ravenne. Il fait bloquer Rome. Le Pape feretire en France. Mort de Carloman. Pepin eft facré Roi une feconde fois par le Pape. Il marche vers les Alpes contre les Lombards. Combat du Pas de Suze. Paix entre Pepin & Aftolphe. Aftolphe la rompt & affiege Rome. I epin af ege Pavie. Il met le Pape en poffefion de Ravenne. Commencement de la domination temporelle des Papes. Mort du Roy des Lombards. Didier lui fuccede. Taffillon Duc de Baviere fait hommage à Pepin pour fon Duché. Mort du Pape. Pepin dompte les Saxons. Il oblige Didier de faire juftice au Pape. Il enleve plufieurs places au Duc d'Aquitaine. Revolte du Duc de Baviere. Pepin défait à plate-coûture le Duc d'Aquitaine. I confent à une Affemblée d'Evêques fur la contrarieté des Images. Il réunit la Principauté d'Aquitaine à la Couronne de France. Co ftantin fe fait Pape par violence. Il est arrefté &mis en prifon. Etienne est élu à fa place. Mort de Pepin. Caractere de ce Prince..

Donation de Facarcat de Ravennes &c.au St Siege par Charlemagne

HISTOIRE

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Pepin monte

Jer de Trône,

& donne

commence

conde Race.

poffede par ce droit. La haine,l'envie, la jaloufie,les interefts particuliers s'uniffent d'ordinaire, & agiffent de concert avec la justice, contre quiconque penferoit à s'en emparer. Le crime qui en vient à bout malgré tous ces obftacles, eft regardé toûjours avec horreur; mais par la bizarrerie des mefmes hommes qui le détestent d'abord, fi ce crime eft heureux, & qu'il fe foûtienne, il eft adoré, & fouvent regardé, comme le prodige de la politique, de la prudence, du courage, & comme le chef-d'œuvre de l'efprit humain.

C'est une pareille entreprise qui réüffit à Pepin, & à quoi la flaterie donna les plus belles couleurs penment à la fe- dant la vie de ce Prince, & fous le Regne de fes defcendans. L'injuftice en fut effacée par mille belles qualitez qui reluifoient dans fa perfonne; & enfin l'éloignement des temps, en lui oftant le nom odieux d'ufurpateur, ne nous permet plus de le regarder, que comme un des plus grands Rois, qui ait jamais porté la Couronne de Fran

ce.

Ce fut lui qui executa le deffein d'élever fa Famille fur le Trône: mais, comme on l'a pû remarquer dans la fuite de cette Hiftoire, ce ne fut pas lui qui le forma le premier. Grimoald fils de Pepin premier du nom, entreprit de faire couronner fon fils Roy de la France Auftrafienne. Il lui en coûta, auffi-bien qu'à ce fils, la liberté & la vie. Pepin II. petit-fils du premier par fa mere, & neveu de Grimoald, s'empara du Royaume d'Auftrafie; mais il n'ofa toucher à la Couronne, ni prendre le nom de Roy, fe contentant de celui de Duc ou de Prince des François. Charles-Martel fils de Pepin II. malgré l'eftime & le credit qu'il s'eftoit acquis parmi les François par fes grandes victoires, ne put

fe conferver le rang de fon pere,

il fut obligé de faire un Roy d'Auftrafie, & de reprendre au moins le nom de Sujet. Vers les dernieres années de fa vie, le Roy Thieri, dit communément Thieri de Chelles, eftant mort, il ne lui donna point de fucceffeur, & gouverna toute la Monarchie Françoife, non plus à l'ombre d'une vaine autorité Royale, mais comme un Souverain & comme le Maiftre, à la Couronne près. Ses enfans après fa mort partagerent l'Empire François comme leur patrimoi ne. Carloman eut l'Auftrafie, avec la qualité de Prince des François, & fans y

reconnoiftre de Roy. Pepin III. du Nom, qui eft celui dont je parle maintenant, eut la Bourgogne & la Neuftrie; mais il fut encore obligé à y rétablir la Royauté, & il mit fur le Trône Childeric II. Eufuite eftant devenu Duc d'Auftrafie par la retrai te de fon frere Carloman, il commença à penfer efficacement aux moyens de fe faire donner par les François, un nom dont ils accordoient depuis long-temps à fa famille & à fa perfonne tous les avantages réels & toutes les prérogatives, & à faire mettre fur fa tefte une Couronne, dont il portoit feul tout le poids, & foûtenoit fi dignement la fplendeur. Il confidera attentivement les difficultez qu'il avoit à vaincre, & il ne les crut pas infurmontables, comptant beaucoup fur fon adreffe & fur fon courage. Voici comme il s'y prit.

La réputation qu'il s'eftoit faite dans la guerre, le grand ordre qu'il avoit mis dans l'Etat, la douceur de fon Gouvernement, fes manieres agreables & engageantes lui avoient attiré l'admiration, le refpect, l'amour, l'attachement de la Nation, & de la plufpart des Grands. Le zele qu'il avoit fait paroiftre pour l'eftabliffement & la propagation de la Foy, & pour faire rentrer les Eglifes & les

Monafteres

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