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V.LS

HISTOIRE

DE

FRANCE

THIERI III

N peut dire que depuis le Regne de Clovis II. & de Sigebert fon frere, ou du moins depuis leur mort, ce n'eft point l'Hiftoire des Rois de France qu'on écrit, mais celle des Maires du Palais, & des Ducs

d'Auftrafie, puifque tout y roule fur ces Maires & fur ces Ducs. Charles devenu Maiftre de toute la France, s'appliqua principalement à deux chofes, fuivant la politique du Duc Pepin fon pere; la premiere, à remettre fous l'Empire de France les Nations Germaniques qui en avoient fecoüé le joug; & la feconde, à faire prescher

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la Religion Chrétienne à ces mêmes Peuples & aux autres Peuples foumis à cet Empire, qui ne l'avoient pas encore embraffée. Par la premiere, il occupoit la vivacité des François; & les victoires qu'il remportoit continuellement, fui attiroient de plus en plus leur eftime & leur admiration; moyens feurs pour les contenir, & pour leur ofter la penfée de rien innover dans le Gouvernement: Par l'autre, outre la gloire qui lui en revenoit, & le falut des ames qu'on peut préfumer qu'il avoit aufli en vûë, il prétendoit rendre ces mêmes Nations plus dociles, & s'attirer l'af fection des gens de bien, des Evêques, des Abbez, des Moines & de tous les gens d'Eglife, dont le nombre & le credit eftoient dès-lors fort grands en France; ce qui n'empefcha pas qu'ayant dans la fuite touché à leurs droits, & à leurs biens en faveur des gens de guerre, quelques-uns ne l'ayent traité d'excommunié après fa mort, & mefme de damné, felon certaines vifions, que l'on a regardé depuis avec raifon comme apocriphes. Il attaqua donc les Saxons, leur imeditions de pofa de nouveau le Tribut, & reconquit tout le païs jufqu'à la riviere du Vezer. Quelques années après il châtia les Allemans qui eftoient encore alors, & qui furent long-temps un Peuple particulier de la Germanie. Il les remit fous l'obéïffance de la France, & porta fes armes jufqu'au-delà du Danube, d'où fon Armée revint chargée de butin. Il fit les années fuivantes diverses expeditions dans ces mêmes quartiers-là, & toûjours avec le même fuccès. En un mot toutes ces Nations Germaniques furent pour lui de frequentes occafions de triomphe toûjours preftes à fe revolter, & toujours battuës.

Annales Metenfes, ad an.

719.729.

Diverses ex

Charles.

An. 725.

Gregoire II. eftoit alors affis fur la Chaire de S. Pierre. Ce Pape vers l'an

Tom. I.

née fept cens vingt-trois envoya l'Evêque Boniface prefcher l'Evangile aux Turingiens & aux autres Peuples idolâtres de la Germanie. C'eftoit de concert avec le Duc Charles: nous avons une des Lettres qu'il lui écrivit fur ce fujet, dont l'infcription eft: A Charles Duc & Maire du Palais de France, Ad Carolum Ducem majorem Concil. Galle Domus Regia Francorum. Il lui donne la ad ann. 713qualité de Patrice dans une autre Lettre à l'Evêque Boniface. Charles, felon la priere que lui en avoit fait le Pape, prit cet Evêque fous fa prote&tion, & feconda avec plaifir & trèsefficacement fes bonnes intentions. Cela fe voit par une Lettre circulaire qu'il écrivit en faveur de ce Millionnaire à tous les Evêques, Ducs, Comtes, Lieutenans, Officiers du Roy, par tout l'Empire de France, pour ordonner qu'on lui laiffaft toute liberté de prefcher la Religion Chrétienne, qu'on le protegeaft, & qu'on l'aidaft en tous fes befoins. Dans le même temps Saint Villebrod à la faveur de la même protection, inftruifit la Nation des Frifons, & S. Hubert Evêque de Maëftric, après avoir converti ce qui reftoit encore de Payens dans le païs des Ardennes, du Brabant, & de la Toxandrie (c'est ainfi qu'on appelloit un Canton de la Gaule Belgi que, nommé aujourd'hui la Campine entre Liege & Bolduc) fit ruiner toutes les idoles, & abattre tout ce qui eftoit refté en ces quartiers-là, de Temples & d'autres marques de la fuperftition payenne. C'eft ainfi que le Duc Charles eftendoit en mêmetemps les bornes de l'Etat & le Chriftianifme; lors que vers l'an fept cens trente-un Eude Duc d'Aquitaine s'avifa de rompre la paix, qu'il avoit faite douze ou treize ans auparavant avec la France.

An. 731.

Duc d'Aqui

Charles fut bien-toft à lui, & après. Il défait Ende l'avoir défait en deux batailles au-delà-taine,

de la Loire, il fit le dégaft dans tout le païs, enrichit fon Armée du butin qu'elle y fit, & contraignit le Duc d'avoir recours à fa clemence. Mais pendant qu'il affectoit ces apparences de foumiffion, il trama pour fe venger, une confpiration contre la France, qui penfa la perdre, & l'envelopper lui-même dans la ruine de ce Royaume.

Če fut avec les Sarrafins, barbares fortis d'Afrique qu'Eude traita.Ceux qui n'ont pas lû l'ancienne Hiftoire d'Espagne feront furpris de voir roiftre tout à coup cette Nation dans le Poitou & fur les bords de la riviere de Loire. C'eft pourquoi je vais dire en peu de mots, à quelle occafion ils pafferent en Europe, & comme ils fe trouverent du temps de Charles, en eftat de venir porter la guerre jufques dans le cœur de l'Empire François.

Depuis Dagobert I. dont la puiffance obligea les Vifigots à reconnoistre pour Roy, celui dont il appuyoit le parti, ainfi que je l'ay raconté dans 'Hiftoire du Regne de ce Prince, nos Rois ne fe meflerent plus gueres des affaires d'Efpagne. Les Maires du Palais fongeoient beaucoup plus à affermir leur propre autorité dans le Royaume, qu'à augmenter ou à entrenir celle de leurs Princes dans les Cours étrangeres. Je trouve feulement que fous Childeric, le Languedoc s'eftant revolté contre Vamba alors Roy d'Espagne, les François Tulet. 1.7. appuyerent cette revolte, & qu'après la déroute du parti rebelle, ce Prince traita avec beaucoup d'humanité plufieurs François & Saxons de qualité qui y furent pris, & les renvoya fans rançon, & même avec des prefens dans leur païs, ne voulant pas rompre la paix avec la France, quelque fujet qu'il eut de s'en plaindre en cette occafion.

Vers l'an 676.

Roderic.

Cap. II.

Concil.

Si nous en croyons l'Hiftorien Ef pagnol, Rodez & Albi eftoient alors fous la domination de ce Prince, fans que l'on fcache comment elles avoient efté détachées de la Couronne de France. Il y eut encore Tolet. 17 quelques differens & quelques hoftilitez, & même quelques combats entre Egica Roy des Vifigots & les François, fous le Regne de Thieri I I. de ce nom Roy de Neuftrie & de Bourgogne, mais fans d'autres fuites.

Le Roy Vitiza & Roderic ou Rodrigue fucceffeurs d'Egica ne paroiffent pas avoir rompu avec les François. Ce Roderic fut le der Roderic. I. 3. nier Roy de la Nation, & donna lieu cap. 16. par fon incontinence, à la revolution qui fe fit peu de temps après fon élevation fur le Trône d'Efpagne : voici ce que les plus anciens Ecrivains Efpagnols & les Arabes nous en ap

prennent.

rendent les

Roderic avoit à fa Cour un homme Les Sarrazing de qualité nommé Julien fon parent passent en Es& fon Capitaine des Gardes, homme page, en d'efprit & qui fçavoit la guerre. Il maitres. l'envoya Ambaffadeur en Afrique chez les Sarrazins, qui depuis, plu

fieurs années s'en eftoient rendu maî-
tres. Durant l'absence de Julien, Ko-
drigue devenu amoureux de la fille,
les autres difent de la femme de ce
Comte, lui fit violence. Le Comte de
retour de fon Ambaffade, ayant fçû
ce qui s'eftoit paflé, diffimula fon
chagrin, rendit compte de fa negocia
tion au Roy, & fe retira pendant
l'hiver à Septa, aujourd'hui Ceüta
Ville en Afrique, qui appartenoit
aux Gots, & dont il eftoit Gouver-
neur. Il fit auffi enforte, que fa fille
qui eftoit à la Cour vinft le rejoin-
dre, fans que le Roy euft aucun foup-
çon de fa fidelité. Valid eftoit alors,
Prince des Sarrazins, & tenoit fa Cour
à Damas en Syrie. Il gouvernoit l'A- !

frique par un de fes Emirs, c'est ainfi qu'ils appelloient leurs Gouverneurs, celui-ci fe nommoit Muça. Le Comte Julien fit demander une entrevûë à cet Emir, dans laquelle lui marquant le defir qu'il avoit de fatisfaire fa vengeance, il lui offrit, s'il vouloit l'affeurer d'un puiffant fecours, de lui livrer toute l'Espagne. Muça ne manqua pas de communiquer cette propofition à Valid, qui répondit que l'affaire lui paroiffoit aufli dangereufe qu'avantageufe à la Nation, & luipermit feulement de hazarder quatre ou cinq cens hommes au plus fur la parole du Comte. L'Emir donna donc cent chevaux & quatre cens hommes de pied à Julien avec un Of ficier nommé Taric, pour les commander. Ils pafferent fur quatre Vaiffeaux, & vinrent faire defcente à l'Ifle d'Algefire qui eft à la hauteur de Ceuta & d'Algaçar. Plufieurs de fes parens & quelques autres mécontens vinrent l'y joindre. Il pilla l'Ifle & quelques endroits du Continent les plus proches, & s'en retourna en Afrique trouver l'Emir, qui n'ayant plus de fujet de fe défier de lui après une telle démarche, lui donna douze mille hommes, qu'il fit defcendre, à Gibraltar. Il fut fecondé par les autres Conjurez, qui commencerent à ravager le païs, & s'emparerent de quelques Places dans l'Andaloufie. Le Roy Rodrigue envoya contre eux une Armée, qui fut taillée en pieces, & le General qui la commandoit, y fut tué.

Ces fuccès engagerent les Sarrazins à augmenter leurs forces, & Rodrigue à marcher contre eux à la tefte de toutes les fiennes. Son Armée eftoit de cent mille hommes. Ils fe rencontrerent fur la riviere de Guadalette entre Tarife & Seville. Il y eut divers combats pendant huit jours, où les Sarrazins furent mal-menez,& per

dirent près de feize mille hommes: mais le Comte Julien avec les Vifigots rebelles qui l'avoient joint, foûtint bravement dans fon Camp tous les affaut de la grande Armée de Rodrigue, attendant toûjours une action generale, pour faire plus feurement réüffir les intelligences qu'il avoit dans l'Armée du Roy. Ce Prince avoit avec lui les deux fils de fon predeceffeur, dont il euft dû prudemment fe défier. Il leur avoit toutefois confié le commandement des deux aifles de l'Armée. On prétend que tous deux pendant la nuit qui preceda la bataille, convinrent avec le General des Sarrazins, de laiffer engager le Roy bien avant dans le combat, & puis de lâcher le pied avec leurs Troupes, ce qui fe fit en effet. Le Roy perit dans la meflée, fans que l'on pût jamais reconnoiftre fon corps après fa mort.

Vitiza predeceffeur de Rodrigue, ayant eu durant fon Regne, fujet d'apprehender les révoltes des Gouverneurs, avoit fait demanteler prefque toutes les Villes d'Espagne; de forte qu'après la bataille perdue, les Sarrazins fe répandirent de tous côtez. Il fe donna neanmoins encore plufieurs combats. Quelques Villes qui fe trouverent en état de défense, refifterent; mais enfin après quatorze mois, les Sarrazins furent maiftres de prefque toute l'Espagne. Ainfi finit le Regne des Vifigots au-delà des Pyrenées plus de trois cens ans après qu'il y eut commencé; & il finit par une deftruction prefque generale de toute la Nation: fuite funefte & monument éternel du crime du Roy qui en fut l'occafion, & de la vengeance d'un feul particulier, qui en fut la caufe.

Comme les Gots poffedoient encore quelques Domaines dans les Gaules, les Sarrazins poufferent auffi leurs

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Roderic. 1. Conqueftes jufqu'au-delà des Pyrenées, & les Villes des Gaules qui dépendoient alors de l'Espagne, reçûrent les vainqueurs fans refiftance. Selon un des plus anciens,& des plus judicieux Hiftoriens d'Espagne,la revolution arriva enl'an fept cens cinquante-deux de l'Ere Efpagnole, qui répond à l'an fept cens quatorze de Nôtre Seigneur, c'est-dire, à l'année que Pepin pere de Charles mourut : mais apparemment lesSarrazins n'entrerent dans les Gaules que l'année d'après.

As font dé

Cap. 11.

Eude Duc d'Aquitaine, dont l'Efaits par Ex- tat bornoit l'Efpagne, fe voyoit fur de auprès de le point d'eftre accablé par cette forToulouse. midable puiffance. Il fe menagea le mieux qu'il put pendant huit ou neuf années avec ces dangereux voifins; mais enfin on vint l'attaquer, & après plufieurs petits combats, l'Emir Zama vint mettre le Siege devant Touloufe. Eude à qui l'on voit par là que cette Ville appartenoit,alla au fecours,lorfque l'Emir la preffoit vivement: il le contraignit d'en venir à la bataille, le défit avec grand carnage, le tua luimefme, & le Siege fut levé. Les Sarrazins après cette déroute qui fut trèsgrande, en attendant les ordres du Calife Iefid leur Prince, choifirent pour leur Commandant Abderame, Capitaine d'une grande reputation, qui fit la paix.

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Eude pour la maintenir, maria fa fille avec le Gouverneur de Cerdagne nommé Mugnoz, homme puiffant & très-accredité parmi les Sarrazins. Sûr de cet appui qui l'empêchoit de rien craindre du cofté des Sarrazins, il eut la hardieffe.de rompre avec la France, & le malheur que j'ai dit, de fe faire battre deux fois coup fur coup au-delà de la Loire. Ce fut alors qu'il appella à fon fecours ces Barbares, qui n'attendoient qu'une pareille occafion, pour se répandre dans la France, comme ils avoient fait dans l'Efpagne:

mais les mesures du Duc d'Aquitaine Roderic. Hift. furent rompues, & l'expedition des Arab, c. 13. Barbares en France differée par la revolte & la mort de Mugnoz. Ce Gouverneur de Cerdagne qui eftoit natif de Mauritanie, indigné des mauvais traitemens que les Sarrazins faifoient en Afrique à ceux de fon païs, refolut de s'en venger, & fe revolta contre l'Emir Abderame. Il fe fit un gros parti dans l'étendue de fon Gouvernement, ne comptant pas moins fur l'alliance qu'il avoit faite avec le Duc d'Aquitaine, pour fe foûtenir contre les Sarrazins, que le Duc avoit comp té fur la fienne, pour agir contre les François : mais Abderame l'ayant invefti avec une extrême promptitude dans une de fes Places, & lui ayant coupé les eaux, le reduifit à l'extrêmité. Il trouva cependant moyen de s'évader; mais ayant efté poursuivi dans les Montagnes, & ne pouvant plus éviter d'eftre pris, il fe précipita du haut d'un Rocher, & fe tua. Sa femme fille du Duc d'Aquitaine fut prife & envoyée à Damas au Serail du Calife, où l'on porta auffi la tefte de fon mari.

me.

d'Aqui

Abderame paffa les Pyrenées, non L'Armée d plus pour fecourir le Duc d'Aquitaine eft tailne contre les François ; mais pour le lée en pieces punir de l'intelligence qu'il avoit eue par Abdera avec Mugnoz, & pour envahir toutes fidorus les Gaules. Cependant une partie de fes Troupes courut la Bourgogne & la Provence, & fe faifit d'Arles, où les François reçûrent un grand échec. Il traverfa toute la nouvelle Gascogne en la ravageant, prit Bordeaux, paffa la Garonne & la Dordogne, & trouva Eude campé au-delà de cette riviere. Ce Duc accepta la bataille que le Sarrazin lui prefenta: mais l'inégalité des forces fit que la victoire ne balança pas long-temps, l'Armée du Duc d'Aquitaine fut taillée en pieces, & peu de fes Soldats échaperent à la fu

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