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Annales Metenfes ad an. 7140

hardieffe à tout entreprendre, cette application, ce bonheur continuel dans fes entreprifes, cette habileté à menager & à occuper fans ceffe les efprits d'un peuple auffi inquiet, que cefui qu'il gouvernoit, qui lui acquirent l'autorité abfolue, avec laquelle il regna tant d'années dans tout l'Empire François. Autorité dont l'impreffion, fi l'on peut s'exprimer ainfi,dura mefme après la mort, & fauva fa maison dans les conjonctures, où la divifion qui s'y mit, devoit naturellement la faire entierement décheoir de ce point de puiffance, jufqu'où il l'avoit éle

vée.

Peu de mois avant fa mort, ainfi que je l'ai dit, il avoit fait fon petit fils Theodald Maire du Palais de Dagobert. Comme alors il faifoit tout, & fuppléoit à tout lui-mefme,on fouffroit par complaifance que Theodald portaft ce Titre, quelque peu proportionné qu'il fuft à fon âge. Mais il cftoit fort furprenant que Pepin eftant mort, les François le confervaffent à cet enfant, & qu'ils trouvaffent bon, que fon ayeule fift les fonctions qui y eftoient attachées. Cela fe fit ncanmoins, & l'on fouffrit que le Roy Dagobert retiré dans une maifon de plaifance comme fes prédeceffeurs, fuft fous la tutelle d'un enfant & d'une femme qui n'eftoit ni fa mere, ni Reine, ni Regente du Royaume.

Cette femme s'appelloit Plectrude, qui pour réunir dans la perfonne de fon petit-fils toute la puillance de fon mari, commença par faire arrefter Charles, dit depuís Charles-Martel. Il eftoit fils de Pepin, mais d'une autre femme nommée Alpaïde, qu'il avoit épousée après avoir repudié Plectrude: quelques-uns ne donnent point à Alpaïde d'autre qualité, que celle de Maîtreffe de Pepin. Quoiqu'il en foit elle eftoit morte ou difgraciée la derniere année de la vie

Tome I.

de Pepin. Les avantages qu'il fit à Theodald, & le rang que tint depuis Plectrude, montrent bien qu'elle avoit efté rappellée, & qu'elle eftoit bien dans l'efprit de fon mari, lorfqu'il mourut. Ainfi Charles eftant prifonnier, Theodald non feulement eftoit Maire du Palais de Dagobert, c'cft-à-dire, Maire du Palais de Neuftrie & de Bourgogne, mais encore Duc fouverain d'Auftrafie, comme Pepin l'avoit efté.

Après tout, cette difpofition de Gouvernement en France eftoit trop bizarre, & trop peu naturelle, pour pouvoir durer. Plectrude, toute habile qu'elle eftoit, ne pût y accoûtumer tous les efprits. Plufieurs Seigneurs commencerent à s'émanciper: elle voulut les reprimer, & il en coûta la vie à quelques-uns. Ces executions irriterent les autres, qui fe revolterent ouvertement. La guerre civile commença. Plectrude fut obligée de faire venir une Armée d'Auftrafic pour fe foûtenir dans la Neuftrie. Les Neuftriens, l'attaquerent dans la Foreft de Cuife, c'eft ainfi qu'on appelloit dès-lors une partie de la Foreft de Compiegne, & les Auftrafiens furent defaits.

Ibide

Theodald pût à peine échaper par la fuite avec peu de fes gens, fans nulle efperance de pouvoir rentrer dans fa Charge de Maire du Palais, & mourut peu de temps après. Elle fut auffi-toft remplie par l'élection que les Neuftriens firent d'un Seigneur nommé Rainfroy, qui commença par porter la guerre dans l'Auftrafie: Il Adan, 716 fit le ravage jufqu'à la Meufe, & engagea le Duc de Frife à fe revolter de nouveau contre les Australiens. Les Saxons en firent autant à fa perfuafion, & vinrent faire des courfes jufques dans la Province des Hattuariens, qui eftoit en partie le Duché de Gueldre d'aujourd'hui. S£

Charles fon

fis eft reconnu

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Lbids

Pendant ces troubles Charles trouDuc d'Auftra- va moyen de fe fauver de fa prifon. Il n'eut pas pluftoft paru en Auftrafie, que les peuples le reçûrent comme un Ange envoyé du Ciel à leur fecours, & avec autant de joye, dit noftre ancien Hiftorien, que fi c'euft efté Pepin lui-même qui fuft reffufcité, pour venir prendre leur défense contre leurs ennemis. En effet Charles lui reffembloit beaucoup, & par fes plus beaux endroits. Il fut reconnu Duc d'Auftrafic en l'année 716. & la deuxiéme depuis la mort du Duc Pepin fon pere.

An.715

ou 716. Mort

Dagobers.

de

Charles trouvant les affaires d'Auftrafie en fi mauvais eftat, s'appliqua à y mettre l'ordre. La mort du Roy

Dagobert, qui arriva vers ce temps-
là après cinq ans de regne, lui en don-
na le temps, en fufpendant les efforts
du Maire Rainfroy, qui eftoit en Annales Me
eftat de l'opprimer. Il fallut faire un cenfes ad an.
nouveau Roy. On l'alla chercher dans 716.
un Monaftere où il eftoit en habit de
Clerc. Il s'appelloit Daniel, & eftoit
fils de Childeric. Il avoit échappé à la
fureur des affaffins de fon pere, ainsi
que je l'ai dit en rapportant la mort
funefte de ce malheureux Prince. Il
fut preferé au fils de Dagobert nom.
mé Thieri, qui n'eftoit encore qu'au
berceau, & qui fut par cette raifon,
ou fous ce pretexte, exclus de la fuc-
ceffion de fon pere en faveur de la
branche de Childeric 4.

a Le P. Labbe dans les Mélanges Curieux, cap. 5. §. 2. rapporte une Charte de ce Daniel, nommé depuis
Chilperic II. où ce Prince appelle Clotaire fon oncle, Batilde fa grand mere, & Childeric fon pere.

SOMMAIRE

DU REGNE

DE CHIL PERIC

CH

II

Hilperic eft élevé fur le Trône. Il entre dans l'Auftrafie avec une
nombreuse Armée. Il eft battu une feconde fois près de Cambrai.
Charles fait Clotaire Roy d'Auftrafie. Il met en déroute Chilperic &
Ende Duc d'Aquitaine. Mort de Clotaire & de Chilperic.

V.LS

323

Chilperieref élevé fur le

Throne.
Annal. Me-
enfes ad an.
716.

HISTOIRE

DE

FRANCE

CHIL PERIC II

Es Seigneurs François, en élevant Daniel fur leThrônc, le nommerent Chilperic: ils obligerent le Maire du Palais Rainfroy à lui donner communication des affaires, & à le mettre à leur tefte dans les Armées: Et c'est à tort que ce Prince eft mis par nos Hiftoriens dans la lifte des Rois appellez communément les Rois Faineans; car il fe comporta toûjours en Prince brave & actif, jufqu'à

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ce que fon malheur & la violence de fon ennemi lui euffent ofté la liberté d'agir.

Rainfroy cependant entretenoit toûjours le Duc de Frife dans fon parti, & ce Duc y trouvoit auffi fort fon avantage, dans le deffein où il eftoit & qu'il avoit tenté d'executer plufieurs fois, de fecoüer entierement le joug des François d'Auftrafie. La Fri-fe avoit alors fes bornes beaucoup plus.avancées en deça, qu'elles ne le

font aujourd'hui ; elle eft maintenant terminée par le Golfe du Zuiderzée, qui la fepare de la Hollande. Nous 1.4.cap.9 apprenons par Eghinard contemporain de Charlemagne, qu'elle s'étendoit le long de la mer jufqu'à l'embouchure de l'Escaut; & par la Vie de faint Eloy encore plus ancienne nous fçavons que les Frifons eftoient frontieres des Antuerpiens, c'est-à-dire, du païs d'Anvers ; leurs Ducs poffederent au moins quelque temps la Ville d'Utrecht, & une partie de l'Ifle de Betau. Ces païs avancez s'appelloient la Frife Citerieure, d'où Pepin pere de Charles avoit chaffé cc Duc de Frife Radbode dont je parle, lequel penfoit à les reprendre pendant ces guerres civiles des François.

An 716

Franc.c.

tenfes.

Ce fut donc de concert avec le Maire du Palais Rainfroy, que ce Duc Gefta Reg. refolut d'attaquer Charles de ce cofté-là, tandis que les troupes du Roy Amales Me- l'attaqueroient du cofté de la Foreft Chronic.Fon- d'Ardenne. Le Duc de Frife comtanell. mença, & s'avança par le Rhin jufqu'affez près de Cologne. Charles alla au devant de lui & lui livra bataille. Charles fut battu felon quelques-uns, felon d'autres il y eut bien du fang répandu des deux coftez, & la nuit ayant terminé le combat, en laiffant la victoire incertaine, chacun se retira, pour reparer fa perte par de nouvelles levées de Troupes.

Dans la fituation des affaires de Charles, tout défavantage eftoit trèsdangereux pour lui. Chilperic avec le Maire du Palais Rainfroy, alloit entrer en Auftrafie ; & d'ailleurs PleArude faifoit encore un parti contre Charles, & eftoit Maiftreffe de Cologne, où eftoient tous les trefors du feu Duc Pepin, qui en avoit fait durant fon Gouvernement, la Capitale de l'Etat au lieu de Mcts. Il falloit en même temps parer les coups de ces

deux ennemis, & il ne pouvoit guere fe laiffer entamer par l'un, fans devenir la proye de l'autre.

entre dans

l'Auftrafe

Avec une nom.

continuat.

Tandis qu'il fortifioit fon Armée de tout ce qu'il pouvoit ramaffer de Soldats dans le païs, qui tenoit pour breafe Armies lui au-delà du Rhin, Chilperic entra Fredegar, dans l'Auftrafie par la Foreft d'Ar- cap. 106. denne avec une nombreufe Armée, où il trouva le Duc de Frife qui l'attendoit au-delà. Tous deux unis enfemble ne trouvant point d'ennemis en eftat de leur refifter, ravagerent tout le païs depuis la Foreft jufqu'au Rhin, & s'avancerent jufqu'à Cologne. Ils n'oferent attaquer cette place, que Ple&rude refufa de leur remettre entre les mains, bien réfoluë de la deffendre ; mais ils s'accommoderent avec elle, & moyennant une grofle fomme d'argent qu'elle leur donna, ils retirerent leurs Armées des environs, & quitterent même l'Auftrafie, où le dégaft qu'ils avoient fait, ne leur permettoit pas

de fubfifter aisément.

Charles durant tous ces ravages, qu'il ne pouvoit empêcher, revint endeça du Rhin, & rentra dans l'Auftrafie avec une armée, mais qui eftoit beaucoup inferieure en nombre à celle de fes ennemis, & il lui fallut fuppléer par l'adreffe à cette inegalité de forces.

Il partagea les fiennes en quantité de petits corps, pour harceler les ennemis pendant leur retour dans un païs fort coupé de bois, & lui-même fe jetta avec cinq cens hommes feulement dans la Foreft d'Ardenne, pour attendre quelque occafion favorable d'agir, & de fe dédommager par quelque avantage.

Annal Me

716.

Il y avoit affez près de l'Abbaye de Stavelo, qui fubfifte encore aujour- tenfes a d'hui entre Limbourg & la Roche en Ardenne, une Maifon Royale appeliée Amblef fur une petite riviere

Ibid.

du même nom, jufqu'où Chilperic s'eftoit avancé en repaffant la Foreft. Charles ayant prévû ce campement, s'approchá de là à la faveur des bois, & s'y mit en embuscade. Quand les ennemis furent campez, il monta fur la colline, fur laquelle le Palais d'Amblef eftoit bafti, & confidera de là à loifir toute la difpofition de leur Camp, qui eftoit au pied. Il fut furpris de trouver l'Armée encore fi nombreuse mais bien aife de voir la negligence & le defordre avec lequel elle campoit, le Roy, les Officiers & les Soldats eftoient prefque tous retirez dans leurs tentes,où ils dînoient ou fe repofoient à caufe de la grande chaleur qu'il faifoit, fans faire de garde, & fans envoyer de partis à la Campagne, dans la pensée où ils étoient, que l'ennemi eftoit bien loin.

:

વે

Comme il fongeoit aux moyens de profiter d'une fi favorable conjoncture, un Soldat de fa troupe vint s'offrir à lui de paffer au travers du Camp ennemi, & d'y répandre par tout l'allarme,en femant le bruit dans tous les quartiers, que toute l'Armée ennemie venoit par divers endroits de la Forcft fondre fur le Camp. Charles foit qu'il trouvaft la rufe un peu groffiere, foit qu'il fe défiaft de la réfolution & de l'adreffe du Soldat, eut peine à accepter cette offre : mais après quelques reflexions il lui dit de faire ce qu'il propofoit, & il fit en même temps avancer fes cinq cens hommes le plus près du Camp qu'il put, afin de donner en même temps par plufieurs endroits, s'il voyoit de la difpofition à réüffir.

Le Soldat ou contrefaifant le déferteur ou autrement, traverfe le Camp ennemi, & répand de tous coftez la nouvelle de l'approche de l'Armée de Charles. Quand il fut bien loin au bout du Camp,il met l'épée à la main, & fondant fur quelques-uns qu'il

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left batt par Charlese

53.

Gefta Regi

Charles qui de la hauteur d'Amblef avoit efté témoin oculaire des mouvemens, que ce ftratagême avoit produits parmi eux, dont plufieurs fuyoient déja,fit tout à coup fonner la charge, & entrer fes Soldats par divers endroits dans le Camp avec de grands cris.Il n'en fallut pas davantage pour renverser l'efprit des ennemis déja troublez, & changer leur crainte en confternation & en terreur.Une poignée de gens avec cette prévention, leur parut une Armée toute entiere. Chacun fonge à fuïr de tous coftez, tous abandonnent le Camp; & le Roy, le Maire du Palais, Generaux, Officiers, Soldats, ne cefferent Franc cap de courir à toutes jambes, jufqu'à ce qu'ils fuffent fortis de la Forest d'Ardenne. Quelques-uns fe refugierent dans l'Eglife d'Amblef, ou Charles ne voulut pas qu'on leur fit aucun mal, & les laiffa même aller en liberté rejoindre leur Armée. Un de ceux qui s'eftoient jettez dans l'Eglife fe trouvant avoir eu le pied coupé d'un coup de fabre, & fe plaignant de ce qu'on avoit violé le droit d'afile à fon égard, Charles fit venir le Soldat que le bleffé accufoit, & comme il l'en réprimandoit, le Soldat répondit qu'il ne l'avoit point bleffé dans l'E life; que c'eftoit la faute de cet homme de n'avoir pas fui affez vite; qu'il lui avoit à la verité coupé le pied d'un coup de fabre au moment qu'il fe jet

Annal. Mc enfer

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