Gefta Reg.

Il laiffa auprès de Thieri un homFranc. c. 45. me dont il eftoit feûr, nommé Nortbert, à qui il donna toute autorité: il emporta avec lui en Auftrafie prefque tout l'argent qu'il avoit trouvé dans le trefor Royal, & donna ordre à toutes les Troupes de Bourgogne & de Neuftrie, de fe trouver au temps & au lieu qu'il leur marqua, dans le Royaume d'Auftrafie. La premiere expedition qu'il leur propofa, & qu'ils agréerent fort, fut d'aller foumettre Radbode Duc des Frifons, dont le pere Adalgife s'eftoit rendu independant de la France il y avoit déja plufieurs années. On marcha contre ce Duc, qui eftant venu au devant des François, fut mis en fuite après avoir perdu une grande partie de fon Armée il demanda quartier, fe foumit tout de nouveau au Tribut, & donna des ôtages pour feûreté de fa parole.

Annales Metentes ad an. $29.

Pepin affemble un Concile.

tenfes.

Ibid.

C'est tout ce qui fe fit en cette campagne, après laquelle Pepin ayant difAnnales Me tribué les Troupes en quartier d'hyver, il fit affembler un Concile pour regler les affaires de l'Eglife. Il s'y fit quantité de beaux Reglemens;fur tout le foulagement des pauvres, pour pour la protection des pupilles, des veuves & des orphelins.

Il rétablit la coûtume de

Etats du Royaume tous Jes ans.

Il rétablit une ancienne coûtume, convoquer les que les derniers Maires du Palais avoient prefque abolic, & qui fit grand plaifir aux principaux de la Nation. Cette coûtume eftoit de convoquer les Etats du Royaume tous les ans au premier jour de Mars. Les Evêques y eurent alors leur place aufli-bien que la Nobleffc.Car je doute fort qu'avant çe temps-là ils euffent ce Privilege, au moins de la maniere & dans l'étendue qu'ils l'eurent depuis. Il paroift

certain qu'ils ne l'avoient point fuivant le premier plan du Gouvernement de la Monarchie dans les Gaules, les Evêques n'eftant point alors François, mais tous Gaulois, ou d'autre Nation que de la Françoise.Ce fut une nouvelle adreffe de Pepin, pour s'attacher le Corps Ecclefiaftique, qui avoit beaucoup de credit fur les peuples.C'eft dans ces fortes d'Affemblées fous Charlemagne, & fous fes fucceffeurs, que furent faits tous ces Decrets connus fous le nom de Capitulaires, dont cet Empereur, Louis le Débonnaire fon fils, & Charles le Chauve fon petit-fils, firent faire des collections que nous avons, & qui font la plus belle & la plus entiere partie de noftre ancien Droit François. Ceux qui fe firent dans l'Affemblée dont je parle, regardoient principalement la paix des Eglifes, la protection que les Gouverneurs des Provinces devoient leur donner, auffi-bien qu'aux veuves & aux pupilles, le rapt ou l'enlevement des filles & des femmes, & le châtiment des incendiaires.Sur ce que Ibid, Pepin reprefenta, que les Ducs ou Gouverneurs des Provinces n'eftoient pas quelquefois affez diligens à envoyer les Troupes, que leurs Gouvernemens devoient fournir en temps de guerre, & que cela faifoit manquer des occafions avantageufes, il fut ordonné au nom du Roy, que les Ducs, fi-toft qu'ils auroient reçû l'ordre du Duc Pepin, tiendroient leurs Troupes toutes preftes à fe mettre en marche, & que fur le fecond ordre qui feroit apporté de fa part pour les faire partir, ils les conduiroient fans aucun retardement, au rendez-vous de l'armée.

Il ne manquoit pas de faire paroître Thieri dans toutes ces Affemblées fur un thrône, comme s'il y cût préfidé, & que tout fe fût reglé par fes ordres. Mais dès que l'Affemblée ef

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ques d'eftime: il leur en envoyoir auffi, faifoit avec eux des traitez, des alliances, & entretenoit tout le commerce, qu'un Prince fouverain a coûtume d'entretenir avec les autres Şouverains.

La mort du Roy Thieri, qui arriva trois ans après la grande victoire de Pepin, ne changea rien dans les affaires de France, & n'eut pas plus de fuite que celle d'un particulier. Il en fut prefque toûjours de mefme de celle de fes Succeffeurs, tandis que la Famille de Clovis fubfifta. Le Duc

Vide Sacn

fit Pepin lum 111 Be proclamer Roy à fa place l'aîné des fils ned. part. 2. de ce Prince encore tout jeune: il s'ap- pag. 685. pelloit Clovis : & ce jeune Prince eftant mort au bout de cinq ans, Childebert fon cadet prit fa place.

Annales Me tenfes ad an

711.

Ibid.

jamais à l'établiffement de fa propre famille.

Il avoit alors deux fils, l'un nommé Drogon qui eftoit l'aîné, & l'autre appellé Grimoald. Il fit l'aîné Duc de Bourgogne, & le cadet Maire du Palais de Childebert III. Mais il eut la douleur de les voir mourir tous deux avant lui. L'aîné mourut le premier: Grimoald fon frere lui fucceda dans fa Principauté de Bourgogne, pour me fervir du terme dont ufe l'Auteur des Annales de Metz, & qui fait affez entendre que ce Duché par rapport aux deux fils de Pepin, n'eftoit pas un fimple Gouvernement,comme les autres Duchez de ce temps-là. Childebert mourut auffi après feize ou dixfept années de Regne. Il fut enterré à Choifi fur la Riviere d'Aifne, & Dagobert II. du nom fon fils monta fur le thrône, pour y faire le mefme perfonnage que fes prédeceffeurs. Quelque autorité que Pepin fe fuft ad an. 714. acquile dans tout l'Etat & fur l'efprit des François,des ufurpations auffi hardies, que celles qu'on lui voyoit faire fur la famille Royale, déplaifoient beaucoup à plufieurs Grands du Royaume. On le vit bien dans une: dangereufe maladie,qui le mit en danger de mort à Jupil une de fes maisons de campagne auprès de Liege vis-à-vis d'Herital. Car dans l'efperance que ceux qui ne l'aimoient pas eûrent qu'il en mourroit, ils refolurent enfemble de faire périr fon fils Grimoald Duc de Bourgogne; afin que la mort du fils arrivant en mefme-temps que celle du pere, l'ufurpation finit, & que le Gouvernement revint à fon ancienne forme. Un nommé Rangaire fut chargé de fe défaire de Grimoald, & il le tua à Liege comme il prioit Dieu dans l'Eglife de S. Lambert. Mais Pepin eftant revenu de cette maladie, & ayant fait arrefter ceux qui eftoient de la confpiration, il les fit tous mou

rir, & fit Theodald fon petit-fils encore enfant, Maire du Palais de Dagobert: autre entreprise extraordinaire de cet homme hardi, qui faifoit en France tout ce qu'il vouloit. Car il faifoit ainfi hereditaire dans fa maison en la perfonne d'un enfant, une Charge qui n'eftoit remplie autrefois que par l'élection des Seigneurs, & par la confirmation du Prince, & dont les fonctions eftoient de gouverner le Palais, & à laquelle avoit efté attaché dans la fuite,le Gouvernement de l'Etat, pendant la minorité des Rois pupiles. De plus il faifoit Maire du Palais de Neuftrie, un Auftrafien contre la coûtume, felon laquelle les Maires du Palais de Neuftrie devoient cftre Neuftriens, ceux d'Auftrafie Auftrafiens, & ceux de Bourgogne Bourguignons.

Quo nihil

dacius.

Merenfis Ec

Idem l. 6.

Mais enfin fa vie ne fut pas affez Sa mort fon caractere. longue pour mettre la derniere main Annales Meà tous fes grands projets. Il retomba tenfes, ad an. quelques mois après dans la mesme 714 maladie, & mourut à Jupil le feizié- unquam pome de Decembre de l'année fept cens tuit efle auquatorze, après vingt-fept ans & fix vvarnefrid. mois de gouvernement: homme d'u- de Epifc. ne ambition extrême, mais également clef. heureufe & compaffée, qui alla auffi vir mire auloin qu'elle pût aller, mais qui ne dacia. l'emporta jamais;entreprenant & ofant Hift. Beda. tout, mais toûjours à coup fûr: utile à l'Empire François,où il rétablit l'ordre, la juftice & la tranquillité, mais aux dépens du Prince, dont il aneantit tous les droits: toûjours les armes à la main, & l'efprit occupé de projets de guerre, mais trouvant du loifir pour entrer dans le plus grand détail de la police de l'Etat, & mefme des progrès de la Religion, qu'il fit prêcher aux Frifons & à quelques autres peuples des frontieres, demeurez jufqu'alors dans les tenebres du Paganifme,& qui fe convertirent par fes foins. Ce fut cette étendue d'efprit, cette

hardieffe