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Ibid.

de tout temps dans le Royaume ; & la feconde,que contre les Loix du Chriftianifme, il avoit pris pour femme fa coufine germaine. Ceux qui avoient intereft à introduire ou à autorifer de femblables defordres, irriterent tellement l'efprit du Prince à cette occafion contre l'Evêque d'Autun, qu'il ne chercha plus que les moyens & quelque pretexte de le faire perir.

On en trouva un, ou plûtoft on le fuppofa; car la chofe eftoit même fans apparence. Le Roy vint à Autun avec le Prelat paffer les Fêtes de Pâques, & en même temps le Patrice ou Gouverneur de Marseille nommé Hector, homme autant diftingué par fa fageffe que par fa naiffance & par fon emploi y arriva ; il eftoit intime ami de l'Evêque Leger, & vint loger chez lui, ayant quelques graces à demander, qu'il pretendoit obtenir par fon moyen. Les ennemis de l'un & de l'autre firent entendre au Roy, qui fe le perfuada volontiers, que le voyage du Patrice Hector à Autun n'eftoit pas fans myftere, & qu'il y avoit du complot: mais avant que de defcendre plus dans le detail de l'accufation, ils firent entrer dans leur confpiration le Maire du Palais Vulfoalde, & un certain Moine nommé Marcolme de l'Abbaye de S. Symphorien, que le Roy écoûtoit comme un Prophete, & qui eftoit en effet un de ces fourbes qui font fervir leur retraite & l'aufterité de leur vie à leur vanité & à leur intereft, & on s'eftoit déja souvent fervi de lui pour infpirer des foupçons au Roy contre le faint Prelat. Ils compoferent donc tous enfemble la fable, & y donnerent toutes les apparences de verité. Le Roy fur leurs témoignages & fur leurs prétendues preuves, fut convaincu que l'Evêque & le Patrice prenoient enfemble des mefures pour broüiller 'Etat. Il fut fur le point de tuer de

fa propre main le faint Prelat, qui l'eftoit venu faluer le jour du Vendredi Saint. La défiance de Ghilderic l'empêcha d'aller le lendemain à la Cathedrale pour la nuit de Pâques, pendant laquelle les Chrétiens de ce temps-là s'occupoient à la priere:mais il la pafla dans l'Eglife de l'Abbaye de S. Symphorien où il communia, & où il tint encore confeil avec fon Moine hypocrite & quelques-uns de la cabale qui l'avoient accompagné.

Dès le matin après un grand déjeuner, d'où il fortit à demi-yvre, il alla à la Cathedrale, & en y entrant, appella tout haut d'une voix menaçan te l'Evêque par fon nom, à deffein de l'obliger de s'enfuir, & après, d'attribuer fa fuite aux reproches de fa mauvaise confcience. S'eftant approché des Fonts Baptifmaux où eftoit l'Evêque, il l'appella de nouveau: l'Evêque répondit & fe leva fans s'étonner. Le Roy furpris de fa fermeté, & frappé de la fainteté des Ceremonies que l'on faifoit alors, paffa comme s'il ne l'eut pas vû, & s'en alla à l'Evêché dans l'appartement qu'on lui avoit preparé. L'Evêque acheva l'Office, & enfuite monta à l'appartement du Roy avec une intrepidité, qui étonna fes ennemis & le Roy même. Il le pria avec fa tranquillité & fa douceur ordinaire de lui dire, pourquoi il n'eftoit pas venu à l'Eglife pour les Veilles, & le fujet de l'émotion où il paroiffoit eftre en un fi faint jour ? Le Roy tout troublé & fe poffedant à peine, lui répondit : c'eft que vous m'eftes fufpect, que je ne puis me fier à vous, ni me croire en fureté dans les lieux où vous eftes.

A cette parole l'Evêque fe retira cap. fans rien dire davantage, tant pour épargner un crime au Roy, en un jour auffi faint que celui de Pâques, que pour fauver auffi la vie au Gouverneur de Marfeille, qu'on ne vou

Neft tué a

près de Chel

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loit perdre qu'à caufe de lui; & il fortit de la Ville. Mais il fut arrefté & ramené à Autun, où l'on commença à lui faire fon procès dans une Affemblée de Seigneurs & de quelques Evêques. Le Roy un peu revenu de fa premiere fureur, parut ne plus avoir le deffein de le faire mourir. On conclut donc à le renfermer pour le refte de fes jours dans le Monaftere de Luxeüil. Les Evêques qui apprehendoient pour lui quelque chofe de pis, foufcrivirent volontiers à cet avis, & le faint Prelat fut conduit à ce Monaftere.

Il y trouva Ebroin avec l'habit & la tonfure de Moine, qui en l'embraffant lui jura une amitié éternelle, & content, difoit-il, de l'eftat où la providence de Dieu l'avoit mis, le pria de contribuer à fon bonheur, en répondant à fon amitié par une fincere bienveillance. C'eft ainfi que la difgrace réunit quelquefois ceux, que la concurrence dans la profperité avoit rendus ennemis mortels. Mais la mort violente du Prince, laquelle arriva. peu de temps après, mit bien-tost en liberté ces deux Miniftres, & reveilla l'ambition d'Ebroin.

Childeric privé des confeils d'un vec la Reine homme auffi moderé & auffi fage,que Bilichilde au- l'eftoit le faint Evêque d'Autun, n'avoit plus d'autre guide que fes paffions ou ceux qui les flattoient. Il étoit naturellement très - emporté, & un jour s'eftant mis en grande colere contre un homme de qualité nommé Bodilon, il le fit traiter comme un efclave, l'ayant fait attacher à un poteau, où il lui fit donner mille coups. Cet homme outré de ce traitement, confpira contre lui avec quelquesuns de fes amis, & peu de jours après Jui dreffa une embuscade dans la Foreft appellée Luconie par nos anciens Auteurs, & que quelques-uns croyent eftre la Foreft de Livri auprès de

de

Chelles. Le Roy y fut tué avec la Reine Bilichilde qui eftoit enceinte. Ils avoient deux fils, l'un nommé Dagobert encore tout jeune, qui fut auffi maffacré dans la même occafion, ou du moins qui ne vécut pas longtemps après: car les Tombeaux de Childeric & de Bilichilde ayant esté par hazard découverts de nos jours dans l'Eglife de faint Germain' des Prez, on trouva fur celui de cette Reine un petit coffre de pierre, où eftoit le corps d'un enfant, qui fans doute eftoit celui du Prince Dagobert. On y trouva auffi des reftes des ornemens Royaux, avec lefquels ils avoient efté enterrez, & entre autres un Diadême d'or dont la tefte du Roy eftoit ceinte.

L'autre fils de Childeric échappa, & demeura renfermé pendant plufieurs années dans un Monaftere, d'où il fortit neanmoins avec le tems, pour monter fur le Trône de fes anceftres. Childeric quand il mourut avoit environ vingt-quatre ans : c'étoit un Prince fans conduite & fans courage, incapable de gouverner & de fe laiffer gouverner par ceux dont la prudence eut pû fuppléer à fes défauts.

France...

Sur la fin de fon Regne parut tout Dagobert fils coup en France, & lors qu'on s'y desigebert re attendoit le moins, un Prince de la vient en Maifon Royale. C'eftoit le jeune Dagobert fils de Sigebert Roy d'Au ftrafie, celui que nous avons vû releguer au-delà de la Mer par fon perfide Maire du Palais Grimoald. Laiffé en Ecoffe ou en Irlande en un âge encore tendre par l'Evêque de Poitiers, qui l'y avoit conduit, il erra longtemps fans fecours, expofé à mille dangers & à toutes fortes de miferes. Il y demeura quelques années fans ofer rentrer en France, où il fçavoit bien qu'il n'y avoit aucune feureté pour fa perfonne, & peut-eftre enco

Н

Vuilfridi.

re cachoit-il aux gens du païs ce qu'il eftoit de peur que li on entendoit parler de lui en France, on n'envoyaft des affaffins pourle tuer.

Dans ce miferable eftat, il trouva un Anglois homme de qualité appellé Wilfrid, avec qui il fit connoiffance, & à qui il crut pouvoir faire conIn Vitas. fidence de fa mauvaise fortune. L'Anglois touché de compaffion le retint auprès de luy, l'amena en Angleterre, & quelque temps après le fit conduire feurement en Auftrafie. Childeric qui avoit beaucoup de confideration pour Innichilde mere de Dagobert, confentit qu'il regnast au moins en Alface & aux environs du Rhin.

Ce jeune Prince qui avoit difparu en France pendant plufieurs années, a auffi long-temps difparu dans noftre Hiftoire , par la negligence de nos Hiftoriens des derniers ficcles peu verfez pour la plufpart dans l'Antiquité. Il eft redevable de cette efpece de renaiffance* au Sçavant Henfchenius, qui à l'occafion de la Vie de Acta Sanc- S. Wilfrid, l'Ange Tutelaire de ce Forum Prince abandonné, a débrouillé ce bus Dagober- point important de noftre ancienne Hiftoire.

& lib. de tri

tis.

Vitâ San&ti Leodegarii

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La mort de Childeric fut fuivie d'une espece d'Anarchie ou d'interregne, qui dura au moins quelques femaines, pendant lefquelles ceux qui avoient efté ou arreftez ou exilez fous le Regne precedent, remplirent la France de meurtres & de brigandages. Les Gouverneurs des Provinces à qui il appartenoit d'arrefter ces violences, s'abandonnoient eux-mêmes à leurs animofitez particulieres, & fe faifoient une guerre très - cruelle les

uns aux autres, de forte que jamais la Monarchie Françoife ne fut en une pareille confufion.

Quelques jours avant la mort du Roy, deux Ducs ennemis de l'Evêque d'Autun l'avoient tiré par force du Monaftere de Luxeuil à deffein de le faire mourir: mais dans le temps qu'ils l'eurent en leur pouvoir, il Cap. t. fçut tellement les gagner par fa douceur, & leur infpira tant de refpe&t pour fa vertu, qu'ils quitterent leur mauvais deffein, & devinrent fes prote&eurs. Si-toft qu'ils eurent appris la nouvelle de la mort du Roy, ils conduifirent l'Evêque à Autun, accompagnez de tous leurs amis, & trouverent en chemin Ebroin faifant la même route. Il eftoit forti du Monaftere fur cette même nouvelle, & marchoit à la tefte d'une infinité de mécontens & de fcelerats, dans l'efperance de se remettre en poffeffion de fon ancienne dignité. Dès qu'il vit l'Evêque en eftat de redevenir fon concurrent, il oublia l'amitié qu'il lui avoit jurée, il réfolut de le faire affaffiner, & l'euft fait dès-lors fi Genese Evêque de Lion qui avoit embraffé fon parti & eftoit de fa confidence, ne l'en eust détourné. Il continua de fe contrefaire, & entra à Autun avec l'Evêque Leger.

Ils y furent reçûs avec toutes les marques de joye, dont un Peuple eft capable en ces fortes d'accafions. C'étoit principalement en confideration de l'Evêque que fe faifoient toutes ces rejoüiflances:mais la haine du dernier Gouvernement qui avoit fait oublier les anciennes violences d'Ebroin, faifoit qu'on le voyoit volontiers luimême revenir de fon exil.

M, de Valois prétend auffi à l'honneur de cette découverte,

V-LS

HISTOIRE

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DE

FRANCE

THIERI I I.

THieri reprend la qualité de Roy. Il s'accommode avec Ebroin, & le fait Maire du Palais. Dagobert eft affaffiné à la chaffe. Pepin le Gros fe rend maiftre de l'Austrafie. Il affemble une Armée. Il met en déroute celle de Thieri. Suites de cette Victoire. Pepin affemble un Concile. Il reftablit la coutume de convoquer les Eftats du Royaume tous les

ans. Mort de Thieri.

EPENDANT Thieri, dont les cheveux avoient eu le loifir de croiftre pendant fa retraite de S. Denis, reprit la qualité de Roy, & avoit déja une groffe Cour à Nogent, qui.

eft aujourd'hui S. Cloud. C'eftoit pour fortifier le parti de ce Prince, que l'Evêque d'Autun conduifoit ceux qu'il avoit raffemblez auprès de lui. Ebroin fembloit marcher vers Paris avec le même deffein ; mais cet

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homme ambitieux ne vouloit point avoir de maistre qui ne fuft fon efclave. Il prévit d'abord que l'Evêque eftant très-agreable au peuple, auquel il eftoit lui-même très-odieux, Thieri ne balanceroit pas à lui donner la premiere place dans le Confeil & dans le Gouvernement.C'eft pourquoi il forma fecretement un parti, & commença une intrigue, à laquelle on ne fe fuft jamais attendu.

Il avoit beaucoup d'amis dans le Royaume d'Auftrafie, qui agiffoient de concert avec lui. Il tourna tout d'un coup de ce cofté-là, & l'Evêque d'Autun fut fort furpris de le voir difparoiftre avec fa troupe, lorfqu'il y penfoit le moins, ayant crû qu'il venoit avec lui, rendre fes hommages au nouveau Roy.

Ebroin ne fuft pas pluftoft arrivé en Auftrafie, que par le moyen de fes émiffaires, il répandit le bruit par tout ce Royaume, que Thieri auffi-toft après avoir repris la qualité de Roy, eftoit mort: & en même temps il fit paroiftre un jeune enfant qu'il appella Clovis, publia qu'il eftoit fils du feu Roy Clotaire III. & il eut aflez de credit pour le faire proclamer Roy de France. Didier Evêque de Chalons fur Saône, & Bobon Evêque de Valence, l'un & l'autre du Royaume de Bourgogne, & depofez pour leurs crimes, appuyerent ces chimeres & cette faction; deforte qu'en moins de rien Ebroin avec fon nouveau Roy, fe trouva à la tefte d'une groffe Armée en eftat d'entrer dans le Royaume de Neuftrie, pour obliger le refte des François à reconnoiftre le Roy qu'il avoit fait.

Il s'avança jufqu'auprès de Paris, où il penfa furprendre Thieri,ravagea tous les environs, & enrichit fon Armée des dépouilles des Eglifes & des biens de tous ceux qui refufoient de fe declarer pour lui. L'Evêque Leger

eftoit retourné quelques jours auparavant à Autun. Il y fut invefti par des Troupes, que l'Evêque de Châlons conduifoit en perfonne. Le faint Prelat, pour empêcher la ruine de la Ville, fe livra malgré fon peuple entre les mains des ennemis; l'Evêque de Châlons eut la cruauté de lui faire crever les yeux, & le mit à la garde de Vaymer un des Chefs du mefme parti, dont il fut traité avec affez d'humanité.

Palais.

avec

Ebroin devenu redoutable à Thic-mode c ri,l'obligea de s'accommoder avec lui, Ebroin, ele & le contraignit de le faire fon Maire fait Maire da du Palais, au préjudice de Leudefie qui avoit déja efté pourvû de cette dignité; après quoi il abandonna fon phantôme de Roy, qu'il n'avoit fait que pour en venir là. Le premier Edit qu'il publia, portoit que pour mettre fin à toutes les diffentions, & prévenir les procès, on ne rechercheroit perfonne pour tout ce qui avoit efté commis pendant les defordres de la guerre civile: ceux de fon parti avoient fans: doute plus de befoin que tous les au

tres de cette amniftie. Mais faifant en-
fuite l'homme zelé pour la juftice &
pour le refpect dû à la dignité & à la
perfonne Royale, il commença à fai-
re la recherche de ceux, qui avoient
eu quelque part à l'affaffinat du feu
Roy Childeric, & fous ce prétexte il
fit périr plufieurs Seigneurs qui lui ef-
toient ou contraires ou fufpects. Ik
employa le mefme artifice quelques
années après contre le faint Evêque
d'Autun,qu'il tint long-temps renfer-
mé dans le Monaftere de Fefcamp,
à qui enfin il fit couper la tefte.

&&

Henfchenius

Il paroift affez vraisemblable que Dagobert, qui regnoit, comme je l'ai dit, dans une partie de l'Auftrafie,. profita de ces broüilleries, pour fe mettre en poffeffion du refte de cet gobertis, l. 2, Etat qui lui appartenoit par le droit de fa paillance.

de tribus Da

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