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VLS

HISTOIRE

DE

FRANCE

CLOTAIRE III. CHILDERIC.

LOTAIRE III. regna felon les uns quatre ans, felon d'autres fept. Il y en a qui prolongent fon Regne jufqu'à dix ans, & quelques-uns jufqu'à quinze & à feize.* Ce Grimoald Regne ne fournit rien de memorable, vent fe rend finon un feul évenement marqué dans l'Hiftoire des Lombards, auquel Royaume des la France prit quelque part. Aribert Roy de cette Nation eftant mort,

Duc de Bene

maifire du

Lombards.

Paul Lon.

laiffa deux enfans Pertarite & Go-
debert. Celui-ci pour fortifier fon
parti contre celui de fon frere
implora le fecours de Grimoald
Duc de Benevent, qui à l'exem-
ple de l'autre Grimoald d'Austra-
fie dont je viens de parler, fe defit gob. 1. 4. C
de ce legitime heritier en faifant fem- 3
blant de le venir fecourir, s'empara
de fon Etat, & obligca Pertarite à
s'enfuir chez le Roy des Abares. Non
content de fe voir le Maiftre de tout
le Royaume des Lombards, il écri-

* Voyez les Melanges curieux du P. Labbe p. 416.& le P. Mabillon de Re Diplomet. touchant cette
Epoque, & Tom. 3. Analca.

Vers l'An

663.

vit au Roy des Abares, que s'il vouloit entretenir la paix avec lui, il falloit qu'il fit fortir Pertarite de fes Etats.

Le Roy des Abares eut pour lui cette condefcendance, & le jeune Prince ne fçachant où fe refugier, prit la refolution de venir fe livrer à la difcretion de fon ennemi, qui l'avoit chaffé de fon Trône. Grimoald le reçut bien, & lui promit avec ferment, que puifqu'il s'eftoit fié à lui, il ne lui feroit aucun mal.

Il lui fit preparer un Palais dans Pavie, & lui afligna des revenus confiderables pour fon entretien.

Pertarite ne fut pas pluftoft logé dans fon Palais, que la curiofité y attira beaucoup de peuple ; & mefme plufieurs des plus confiderables Habitans vinrent lui rendre leurs civilitez, & fembloient lui faire leur Cour. Sur cela on remplit de foupfons l'efprit du Tyran, qui refolut par l'avis de fon Confeil de fe defaire de Pertarite. L'affaire ne fut pas differée plus loin qu'au lendemain ; & afin qu'on le trouvaft au lit pour l'y affaffiner, Grimoald lui envoya ce foir-là grande compagnie, & dequoi faire un grand feftin, & fur tout des vins très-delicats, & on donna ordre à ceux qui eftoient du repas, de tâcher de l'enyvrer. Un des Maiftres d'Hoftel qui le fervoit en ce feftin, & qui avoit efté au feu Roy fon pere, faifant femblant de lui parler en riant, lui dit à l'oreille: Prince, prenez garde à vous, on doit vous affaffiner demain. Il reçut cet avis avec beaucoup de prefence d'efprit, & fans changer de vifage: au contraire, faifant bonne contenance, il repondit à toutes les fantez du Roy qu'on lui portoit à chaque moment; mais ce n'eftoit qu'avec de l'eau qu'on lui fervoit dans une Coupe d'argent couverte, felon la mode de la Nation. Il

joua le perfonnage jufqu'au bout, & contrefit enfin l'homme yvre.

Tout le monde s'eftant retiré, il penfa aux moyens de fe fauver. Il avoit avec lui deux perfonnes qui ne l'avoient jamais abandonné, & qui ayant fuivi fa mauvaife fortune jufques chez les Abares, eftoient revenus avec lui en Italie. L'un eftoit un Seigneur nommé Hunulfe, & l'autre un Valet-de-chambre. Il s'ouvrit à eux deux fur le danger où il eftoit. La difficulté avant toutes chofes, étoit de s'évader de la maifon, qui fe trouva inveftie de Soldats envoyez par Grimoald pour en occuper les avenues, & enfuite de fortir de la Ville, dont les portes eftoient fermées & bien gardées.

Ibid.

On convint que le Valet-de-Chambre demeureroit dans la chambre, L. 5. 6. 2. tandis que fon Maiftre, s'il pouvoit, fe fauveroit, & voici ce qu'ils imaginerent. Hunulfe fit prendre à Pertarite des habits tous dechirez, & tels que les pouvoit porter un des plus bas Officiers du Palais, & enfuite faifant femblant d'eftre en colere contre lui, il commence à le pourfuivre jufques dans la rue, en lui difant mille injures, lui donnant des coups de bâton, le jettant par terre; fur quoi quelques Soldats s'eftant approchez, & demandant à Hunulfe ce qui le mettoit fi fort en colere: Je fors, leur dit-il, de la chambre de cet yvrogne de Pertarite, qui ronfle là-haut noyé dans fon vin, après m'avoir dit cent fotifes & fait cent infultes: & ce maraut que voilà, veut que je pafle la nuit ici, & refufe de m'ouvrir la porte: alors recommençant à frapper plus fort qu'auparavant, Pertarite s'enfuit, fans que les Soldats fongeaffent à l'arrefter. De-là ils allerent chez quelques amis affidez, & par leur moyen on defcendit Pertarite avec une cor

Il défait les François auprès d'Aft.

Cap. 5.

de dans le Foffé. Quelques-uns fe joignirent à lui pour l'accompagner: ils prirent des chevaux qui eftoient au pafturage dans la Prairie, arriverent à Aft dès la même nuit, fuivirent la route de Turin, & gagnerent enfin la France. Grimoald ainfi trompé eut la generofité de pardonner à Hunulfe & au Valet-de-chambrc, en faisant l'éloge de leur fidelité, leur offrit de les recevoir à fon fervice, & fur la priere qu'ils lui firent de leur permettre d'aller joindre leur Maiftre, il le leur accorda.

Pertarite eftant arrivé en France y expofa aux Princes qui y regnoient & à ceux qui y gouvernoient, fa mauvaife fortune, l'injuftice & la cruauté de l'ufurpateur, qui après lui avoir enlevé la Couronne, en vouloit encocore à fa vie, & les conjura de ne pas l'abandonner dans fon malheur.Il parla & negocia fi cfficacement, que peu de temps après une Armée eut ordre de s'affembler en Provence, & de porter la guerre chez les Lombards au-delà des Alpes. L'Hiftoire ne dit point fi cette Armée eftoit compofée des Troupes des trois Royaumes François, ni qui estoient les Comman

dans.

à

L'Armée entra en Italie,& Grimoald vint à fa rencontre avec la fienne. Il fe campa tout proche des François quelque diftance d'Aft,ayant dans fon Camp une abondance extrême de toutes fortes de vivres, & fur tout quantité de vin.Après quelques jours,contrefaifant une terreur panique, il décampa à la hafte & en defordre, abandonnant le Camp & tout ce qui cftoit dedans. Les François donnerent dans le piege, entrerent dans le Camp, le pillerent, & les Soldats bûrent du vin qu'ils y trouverent, avec tant d'excès, que la plupart s'enyvrerent.Grimoald qui l'avoit bien prévu,ayant efté averti par fes Efpions de l'eftat des chofes,

vint pendant la nuit donner fur les François, qui n'eftoient gueres en cftat de fe battre, & en fit un fi grand carnage, que très-peu fe fauverent.

Paul Lou

Après cette défaite on ne fongea plus à rétablir Pertarite. Grimoald 80b. c. 32. quelques années après fit un nouveau Traité avec le Roy de France. Si l'Hiftorien Lombard ne s'eft pas trompé, ce Roy eftoit Dagobert II. Roy d'Auftrafie, dont je parlerai bien-tôt. Pertarite fut obligé de paffer en Angleterre, ne fe croyant pas en fûreté en France, & enfin après neuf ou dix ans de difgrace,Grimoald eftant mort, les Lombards le firent remonter fur le Trône de fon pere.

Vers l'au 673.

La Reine Batilde mere de Clotaire III. gouverna le Royaume avec Ebroin Maire du Palais pendant une grande partie du Regne de ce Prince. Cette Reine eftoit Saxone née dans la Grande Bretagne: elle en avoit esté enlevée eftant encore enfant, & venduë comme efclave en France au Maire du Palais Erchinoald prédeceffeur d'Ebroin. Sa beauté dont Clovis II. Ibid. fut charmé, l'éleva fur le Trône, & fa vertu & fa prudence l'y firent refpećter mefme après la mort du Roy fon mari. Ce fut par fon adreffe que l'ufurpateur d'Auftrafic fut détrôné, & elle fçût fi bien menager l'efprit des Seigneurs Auftrafiens, qu'elle les engagca à donner la Couronne à fon fecond fils Childeric. Après quelques années de Gouvernement, dont elle partageoit l'autorité avec le Maire du Palais, elle voulut fe retirer au Monaftere de Chelles, dont elle augmenta le terrain & les bâtimens: mais les Seigneurs François s'oppoferent à fa retraite, jufqu'à ce que quelques-uns d'entre eux commencerent à apprehender la feverité, avec laquelle ils virent qu'elle fe difpofoit à les châtier de leurs violences. Ils confentirent alors à l'execution de fon pieux def

Vita San&ti Leodegarii, cap. 2

Mort.de Clotaire. Thieri

eft proclamé
Roi de Neuf-

trie de
Bourgogne..
Ibid.

Cap. 3..

fein, qu'elle accomplit. Elle vécut dans le Monaftere avec une pieté & une humilité exemplaire, & y mourut quelques années après en reputation de fainteté.

La fermeté de cette Princeffe, tandis qu'elle gouverna, fut un frein au genie violent d'Ebroin Maire du Palais. C'eftoit un de ces hommes nez ambitieux & infolens, qui s'attirent l'autorité autant par leur hardieffe que par leur efprit, qui la pouffent auffi loin qu'elle peut aller, & qui en ufent fans nul menagement.Celle d'Ebroin augmenta beaucoup par la retraite de la Reine, & il s'en fervit en tyran On n'avoit accès auprès de lui qu'à prix d'argent. Il vendoit également la justice & l'injuftice. Le Peuple eftoit accablé, la Nobleffe maltraitée, les moindres fautes coûtoient la vie aux plus qualifiez. Il ôta aux Seigneurs de Bourgogne la liberté de venir à la Cour, & nul d'eux n'ofoit y paroiftre fans un ordre ou une permiffion expreffe de fa part.

Sur ces entrefaites arriva la mort du Roy Clotaire qui ne laiffa aucuns enfans mâles.La Couronne regardoit naturellement ou Childeric Roy d'Auftrafie l'aîné des deux freres du feu Roy, ou le Prince Thieri le cadet,qui n'avoit eu aucune part à la fucceffion de Clovis H. fon pere. Les Peuples de Neuftrie & de Bourgogne eftant bien aifes d'avoir leur Roy particulier auffi-bien que les Auftrafiens, avoient plus d'inclination pour Thieri. C'eftoit-là auffi le deffein du Maire du Palais, qui le fit en effet proclamer Roy; mais fans affembler la Nobleffe pour cette proclamation, contre la coûtume. Il fit it plus; car plufieurs Seigneurs s'eftant depuis joints enfemble pour venir rendre leurs refpects au nouveau Roy, il leur envoya ordre de fe féparer, & de retourner chez-eux. * Aujourd'hui petite ville de la Franche-Comté..

Jufqu'alors les Maires s'eftoient attiré & confervé l'autorité abfoluë cn gagnant l'affection des Grands, en les menageant beaucoup, en leur faifant des graces; & ceux-ci baifoient volontiers la main d'où elles leur venoient immediatement, fans s'embarrasser fort du refte; mais il leur parut indigne d'eftre gourmandez & maltraitez par celui, qui n'avoit pas le droit de les gouverner, & qui avoit l'infolence de les tyrannifer. Ils fe liguerent, & le dernier refus qu'on leur fit de les admettre à la prefence du Roy, les ayant infiniment offenfez, ils leverent le mafque, & crierent aux armes de toutes parts. Le Royaume de Bourgogne & celui de Neuftrie fe fouleverent en mefme-temps comme de concert. Quiconque refufoit de fe declarer contre le Miniftre, eftoit obligé de s'enfuir ou en danger d'eftre brûlé dans fa maifon. La fédition fut fi univerfelle, qu'Ebroin fe voyant aban donné tout d'un coup de tout le monde, n'eut point d'autre reffource, que de fe refugier dans une Eglife. Tous fes trefors qui eftoient grands, furent pillez.Tout ce que pûrent faire quelques Evêques qui fe trouverent alors à la Cour, & entre autres S. Leger Evêque d'Autun, fut d'empêcher qu'on n'arrachât de l'Autel ce malheureux, pour en faire la victime publique. Et il n'évita la mort,qu'à condition qu'on lui couperoit les cheveux, pour eftre confiné dans un Monaftere. On choifit celui de Luxeüil * en Bourgogne, où il fut renfermé.

La haine du Miniftre rejaillit fur le Prince. Thieri fut arrefté, on lui donna des Gardes, tandis qu'on proclamoit Roy de Neuftrie & de Bourgogne Childeric fon frere, qui l'eftoit déja d'Auftrafie. Childeric ne refufa pas un fi beau prefent, & vint auffitoft prendre poffeffion de fes nou

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Cap:4:

veaux Etats. Quelques-uns des Seigneurs les plus empreffez à faire leur Cour au nouveau Roy, firent couper les cheveux à Thieri, qui lui fut prefenté en cet eftat. Il lui fit pitié. Childeric pour le confoler, lui dit qu'il pouvoit lui demander ce qu'il fouhaiteroit, pour pouvoiradoucir fon malheur. Je ne vous demande rien, lui répondit-il; mais j'attens de Dieu la vengeance de l'injuftice qu'on me me fait. Childeric ordonna qu'on lui préparaft un logement au Monaftere de 3. Denis, & le pria d'y demeurer jufqu'à tant que fes cheveux fuffent re

venus.

Avant que l'Affemblée des Seigneurs François fe feparaft, ils prefenterent une Requefte au Roy, qui contenoit les quatre articles fuivans. 1. Qu'il caffaft plufieurs Ordonnances qui avoient efté faites depuis quelques années dans les trois Royaumes, contraires à leurs Loix & à leurs Coûtumes. 2. Que les Comtes & les Juges fuiviffent dans leurs jugemens, les anciennes Loix & les anciennes Coûtumes de chacun des troisRoyaumes. 3. Que les Gouverneurs d'une Province ne paffaffent point au Gouvernement d'une autre, c'eft-à-dire, autant que je le puis conjecturer, que les Gouvernemens du Royaume. d'Auftrafie ne fuffent point donnez à d'autres qu'à des Auftrafiens, ceux de Neuftrie à d'autres qu'aux Neuftriens, & ceux de Bourgogne à d'autres qu'à des Bourguignons. 4. Que le Roy ne mift pas entre les mains d'un feul toute l'autorité & tout le gouvernement de l'Etat, comme il avoit efté entre les mains d'Ebroin, afin que les Seigneurs n'euffent pas le chagrin de fe voir fous les pieds d'un de leurs égaux, & que chacun eut part aux honneurs, où fa naiflance lui donnoit droit d'afpirer.

Cet article n'alloit pas à la fuppref

Tome I..

fion de la Charge de Maire du Palais : car ils choifirent pour cet Employ le Duc Vulfoalde dans le Royaume d'Auftrafie, mais feulement à la moderation de fon pouvoir; & c'eftoit-là la plus belle occafion que le Prince puft avoir, de fe retirer lui-même de fervitude, s'il euft efté capable de le faire.

Maire du Pa

tun.

Ibid.

Cap.4

Le Roy reçût favorablement leur Childeric Requefte, & leur promit de les fatis- choifit pour faire fur tous ces points. Il y eut lieu lais Leger d'efperer qu'il tiendroit fa promeffe, Evêque d'A forfqu'on lui vit choifir pour fon principal Miniftre, & felon quelques-uns, pour Maire du Palais de Neuftrie & de Bourgogne, Leger Evêque d'Autun, homme de qualité allié à la Famille Royale, d'une capacité, d'une vertu, & d'un merite univerfellement reconnus: mais ces belles espe rances d'un heureux gouvernement ne durerent pas long-temps. Le Roy admit à fa confidence certains efprits brouillons, emportez, gens prefque fans Religion, qui lui firent bien-toft perdre toute la confiance qu'il avoit en fon fage Miniftre. Ils empoisonnoient & auprès du Roy & auprès du Peuple, tout ce Peuple, tout ce que faifoit le faint Prelat. On le rendoit refponfable de tout le mal, & on le faifoit auteur de tous les ordres du Prince, pour peu qu'ils fuffent defagreables aux Peuples ou aux Grands.

L'Evêque neanmoins fans s'embarraffer & fans trop menager fes adverfaires, fuivoit les regles de fon devoir & de fa confcience, prenoit la liberté de donner au Roy certains avis quelquefois peu agreables, mais qu'il: croyoit utiles à l'Eftat ou au Roy mê-me. Il lui reprefenta particulierement: deux chofes ; la premiere, que par complaifance pour fes favoris, il ne gardoit pas la promeffe qu'il avoit

faite à fon Couronnement, de ne. point violer certaines Loix eftablies>

Q.q

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