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contemporain. C'eft pour cela qu'on y voit des cendres & des charbons. Quant à la molette d'efperon, il faut fçavoir que quand quelque malheureux eftoit condamné a eftre traîné à la queue d'un cheval indompté, de quoi l'on voit d'autres exemples en ce temps-l'à, on ajouftoit des efperons aux flancs du cheval, afin que dans le mouvement ils le piquaffent, & le rendiffent plus furieux. Apparemment dans cette agitation la molette d'un des éperons fe detacha, tomba dans les habits de Brunehaut ou s'enfonça dans fa chair. De forte que le corps ayant efté jetté au feu, cette molette fut ramaffée parmi la cendre, les charbons & les os, & mife avec tout cela dans le Tombeau.

Je fçai que l'ufage des coffres de plomb pour renfermer les corps,n'eft pas fi ancien que le fiecle de Brunehaut:mais je fuis perfuadé que le Cardinal Rollin qui orna ce Monument en 1462. eut, comme il eftoit fort naturel, la curiofité de voir ce qui eftoit dedans, & que ce fut lui qui fit renfermer dans ce cercueil de plomb ce qu'il avoit trouvé dans le Tombeau.

Je ne crois pas non plus que le quatrain de l'Epitaphe ait efté composé

au temps de l'inhumation de cette Princeffe. Ce n'eftoit point alors l'ufage de faire les Epitaphes en François on les faifoit en Latin. De plus ce François eft vifiblement trop moderne. Enfin il y eft dit que Brunehaut fut jadis Royne de France, or co mot fadis monftre que les Vers ont efté faits fort long-temps après le Tombeau; & il eft fort vrai-femblable que l'Epitaphe fut composée par le Cardinal Rollin, ou par fes ordres; car le langage eft tout-à-fait de fon temps. Je crois donc que l'on peut regarder fans trop de credulité,ce Tombeau comme le veritable Tombeau de la Reine Brunehaut. Une courte Differtation fur un fait de cette nature doit eftre permise dans l'Hiftoire.

Ce fut fur la fin de l'année 613. qu'arriva cette extermination de la Famille & de la Branche de Sigebe: t premier du Nom Roy d'Auftrafic; par là Clotaire II. fut mis en poffeffion de tout l'Empire François, la trentiéme année de fon Regne, à compter depuis la mort de fon pere Chilperic, & à la trentiéme ou trente-uniéme de fon âge; car il n'avoit que quatre mois quand il perdit fon pere.

An. 613.

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Lotaire réünit tous les Royaumes François. Il difpofe des principales Charges de l'Etat. Il affemble un Concile à Paris. Sédition en Bourgogne. Clotaire affemble un Parlement à Bonneüil. Il partage Son Royaume avec Dagobert fon fils ainé. Differend entre les deux Rois. Revolte des Gafions & des Saxons. Dagobert eft battu par les Saxons. Clotaire les défait entierement. Mort de Clotaire. Son carac

tere.

HISTOIRE

V.LS

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Clotaire remit tous les Royaumes François fous fa domination.

HISTOIRE

DE

FRANCE

CLOTAIRE II

LOTAIRE fut le troifiéme Roy depuis l'établiffement de la Monarchie dans les Gaules,qui fe vit le Monarque univerfel de tout l'Empire François, & le fecond de mefme nom à qui ce bonheur arriva, & qui par une deftinée attachée à ce nom, après avoir eu pour partage le Royaume de Soiffons, le moins con

Tome I.

fiderable des Royaumes François, y réünit tous les autres, comme avoit fait Clotaire I. fon ayeul.

Le commencement du Regne de ce Prince fur tous les François & fur toutes les autres Nations foûmises à cet Empire,peut eftre confideré comme le commencement de la tranquillité de la France, qui depuis la fondation de la Monarchie n'avoit prefque jamais efté fans guerre, ou civile ou étrangere.

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Du temps de Clovis, plufieurs petits Rois, dont les Etats fe trouvoient enclavez dans fon Domaine,le Royaume de Bourgogne & celui de Thuringe qui fubfiftoient encore, celui des Oftrogots d'Italie, & celui des Vifigots d'Espagne, que l'union de leurs Rois rendoit très-puiffans, furent toûjours pour lui où des objets d'ambition ou des fujets d'inquietude.

Sous fes quatre fils les conqueftes de Bourgogne & de Thuringe, les guerres d'Italie, celles d'Espagne, & enfin les jaloufies mutuelles de ces Princes tinrent toûjours les François en mouvement. Clotaire I. fut peu de temps feul Maistre de tout l'Empire François, & eut prefque toûjours durant cet intervalle de fàcheufes guerres à foûtenir. Que de funeftes & de fanglans fpectacles nous ont fourni jufqu'à prefent, l'ambition, la jaloufie, la haine, la cruauté de fes fucceffeurs! La derniere scene que nous venons de voir en a efté une des plus horribles.

Mais enfin Clotaire II. refté feul fur le Trône de la Race de Clovis fi nombreuse & fi féconde en Souverains, y cftablit une paix durable, eftant redouté de fes voifins trop foibles pour ofer la troubler, & affez exempts d'ambition pour vouloir bien la maintenir avec eux. D'ailleurs il fe fit aimer de ses Sujets, qu'il s'appliqua à gouverner avec douceur & avec équité, fans manquer neanmoins de mettre de temps en temps en ufage la feverité pour reprimer l'audace des Grands Seigneurs, dont la licence, pour ne pas dire la ferocité,avoit donné fouvent occafion à beaucoup de defordres & à de grands troubles fous les Regnes précedens,

Charges de

Dès qu'il eut efté reconnu Roy par 11 difpofe des les Bourguignons & les Auftrafiens, il principales fit Garnier Maire du Palais du Royau- l'E me de Bourgogne, Radon Maire du Palais d'Auftrafie, & Gondelande Maire du Palais de Neuftrie *. Garnier avoit déja cet Emploi fous le feu Roy Thieri, & ce ne fut qu'à condition qu'on l'y confirmeroit pour le refte de fa vie, qu'il fe declara en faveur de Clotaire.

Ce Prince fit Duc de la Bourgogne Transjurane, qui eftoit un des plus confiderables Gouvernemens de France, un Seigneur nommé Herpon ou Herpin à la place de Theudelane qui y commandoit auparavant. Si dans Fredegra. Fredegaire le nom de Theudelane fi- cap 43 gnifie en cet endroit, la mefme perfonne qu'il a fignifié quelques lignes auparavant, nous y trouvons une chofe particuliere, & jufqu'alors inoüie parmi les François; fçavoir, une femme Gouvernante de Provence, & que nos Hiftoriens Modernes ont prise pour un Duc. Car cette Theudelanet eftoit la Princeffe dont j'ai déja parlé deux fois, fœur du feu Roy Thieri Roy de Bourgogne,qui avoit tant de credit fur fon efprit, & dont Brunchaut fe fervit pour perfuader à ce Prince de renvoyer la Princeffe Ermanberge en Espagne. Il eft au moins certain qu'elle fe trouva dans la Bourgogne Transjurane, lorfque l'Armée trahit les enfans de Brunehaut, & les livra à Clotaire; que Brunchaut fe refugia chez elle, & que ces deux Princeffes furent amenées enfemble de ce Païs-là à Clotaire après la trahison de l'Armée. Au refte, Brunehaut ayant gouverné très-long-temps en qualité de Regente, eftant encore toute puif

*C'eit vers ce temps-là que l'on commence à voir dans nos Hiftoires le nom de Neuftrie, pour défigner le pais d'entre la Meufe & la Loite: mais dans la fuite elle eut des bornes tantoft plus étendues, & tantoft plus étroites.

+ Theudelane eftoit un nom de femme. Cela eft confirmé par une Charte rapportée par Dom Mabillon, De Re Diplomatica, pag. 464. qui commençe ainsi : Placuis atque convenit inter viro illujiri Landegifilo, qui ad vicens illuftræ matrona Theudiluna, gc,

11 affemble un Concile à Pa

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Call.

fante dans le Royaume de Bourgogne, & Theudelane tendrement aimée de fon frere, il n'eft pas trop furprenant qu'on euft paffé par deffus la coûtume en fa faveur.

Clotaire ayant ainfi difpofé des principales Charges de fon Etat, s'ap Tom.I.Conc. pliqua à le regler dans toutes fes parties. Il affembla dans cette vûë un Concile à Paris, qui fut le cinquiéme tenu en cette Ville-là, & le quatriéme depuis l'eftablissement de la Monarchie dans les Gaules: ce fut le plus nombreux qui euft encore efté tenu en France.Soixante-dix-neuf Evêques y affifterent avec plufieurs Seigneurs & Vaffaux du Prince, de ceux qu'on An. 614 appelloit Fideles: de forte que c'eftoit une de ces Affemblées qui furent depuis fi frequentes fous les Rois fuivans, & où fous Charlemagne & fous fes fucceffeurs fe faifoient des Ordonnances pour tout le Royaume, appellées Capitulaires. Entre plufieurs Decrets importans, on en fit un pour regler une chofe que le Pape S. Gregoi re le Grand avoit tant de fois recommandée dans fes Lettres à la Reine Brunehaut, & aux Rois Theodebert In Decre o & Thieri. Ce fut touchant l'élection Reg. Clot.

ou 615.

Canonique des Evêques, qui fouvent auparavant fe faifoient à prix d'argent, fans avoir nul égard aux mœurs & à la condition de celui qu'on élevoit à cette dignité; c'eftoit quelquefois un Laïque qui l'achetoit, & que F'on facroit fans avoir fait encore aucune fonction des Ordres inferieurs.

On ordonna donc par un Canon, felon la pratique de l'Églife, & felon l'ancienne difcipline, que deformais incontinent après la mort d'un Evêque, le Metropolitain aflembleroit ceux de fa Province, & que le Clergé & le Peuple de la Ville avec le Concile Provincial, procederoient à l'élection d'un nouveau Pafteur, fans que ni l'argent ni la vûë de quelque inte

reft temporel y euffent aucune part, & que fi la chofe fe faifoit par autorité ou autrement que par le choix du Metropolitain & le confentement du Peuple & du Clergé, l'ordination feroit cenfée nulle fuivant les anciens Canons.

Le Roy confirma les Statuts du Concile par un Edit donné à Paris le 18. d'Octobre, mais avec quelques modifications: car au Canon qui re- Tom.I.Conca garde l'élection de l'Evêque par le Gall. Clergé & par le Peuple, & l'Ordination par le Metropolitain, il ajoûte qu'avant que de l'ordonner il faut un ordre du Prince.

Au troifiéme Canon qui défend aux Clercs, quelque rang qu'ils tiennent, de fe prévaloir contre leur Evêque de l'autorité des Grands, & mefme du Prince, le Roy infera dans fon Edit, que fi un Clerc a recours au Roy pour quelque caufe que ce foit, & que le Roy le renvoye à l'Evêque avec une lettre de fa part, l'Evêque le recevra en grace & lui pardonnera.

Par ce mefme Edit il abolit tous les nouveaux impofts, & declare que fa volonté eft à cet égard, qu'on s'en tienne à ce qui eftoit en ufage fous les Rois Gontran, Chilperic & Sigebert; que ceux qu'on eftablit Juges dans les Provinces, foient de la Province mefme où ils doivent exercer cet Emploi, afin que s'ils font quelque injuftice, les biens qu'ils auront dans le lieu même de leur Jurifdiction, puiffent fervir à dédommager ceux à qui ils auroient fait quelque tort. Il ajoûta encore une claufe en faveur de ceux qu'ils appelloient Leudes & Fideles,lef quels, ce me femble, eftoient des Vaffaux nobles, qui s'attachoient à la perfonne du Prince par un ferment par→ ticulier : cette claufe portoit que ceux d'entre eux qui auroient perdu de leurs biens en fervant avec fidelité le Roy leur Maiftre pendant l'interre→

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